dimanche 12 décembre 2010

A propos des chapitres 23-24 : inspiration



source

When she gets to La Push, Bella discovers Seth watching over her children. She understands something has changed, but she can't admit it, first : Sarah and Karel seem to be simple humans now ! Edward arrives and tries to calm her down, but she gets mad after Seth because he won't let her come near her children and she understands he also imprinted on Sarah. She's about to fight with him, when she suddenly stunned by an overwhelming emotion. She thinks she's sensing Jacob's presence, as she already did in the past, even if it's now impossible. For a moment, she believes she's gone crazy but Edward looks pretty fascinated himself by something... so Bella turns back and faces a young man. It takes a moment for her to realize. She believes she's having the vision of a ghost, but Edward says he can see him too. The man explains he's sorry for he doesn't remember anything, but he's surprised he feels like he knows her. Billy is amazed to hear that, and Bella understands there are so many things she needs to be told about. For Jacob's back ! She feels very strange about him : he's not attractive to her as a human would be, and he doesn't smell like a Shapeshifter neither... Carlisle and Alice arrive. Carlisle proposes they all go back to the Cullen's, and Bella agrees because she's urging to know what all this means. She's also very moved to get with her children again. Before they leave, Jacob asks her to come back soon, because himself needs to understand why she seems so familiar to him.



made from link

L'arrivée de Bella -la "nouvelle" Bella vampire- à La Push est un moment plein de tensions. Les Quileutes réagissent instinctivement, alors qu'elle ne désire qu'une chose : retrouver ses enfants.
Mais si les Indiens se montrent surpris et sur leurs gardes, Bella elle-même n'est pas en mesure de savoir ce qui l'attend... Seth est là, qui veille sur Sarah et Karel. Il a beaucoup changé, le temps passant, il se montre méfiant, voire agressif. Et pour cause ! Bella comprend finalement que ses enfants ne sont plus des Transformateurs, mais qu'ils sont bel et bien devenus humains, et que Seth s'est imprégné de Sarah. Bella réagit donc en conséquence...
Dans la saga de S. Meyer, le choix d'avoir conduit Jacob à s'imprégner de Renesmée m'est toujours apparu comme une aberration (pour de multiples raisons physiques, morales et rationnelles que chacun peut comprendre). J'ai donc poursuivi mes "transpositions" en déplaçant ce phénomène -dont Bella avait fait "l'expérience" dans son premier rêve- sur les personnages de Seth et de Sarah, ce qui me semble une situation plutôt intéressante en soi, même si l'idée de la différence d'âge reste toujours très problématique à mon avis. Mais c'est pour cette raison aussi que l'on peut bien comprendre la réaction de Bella, et qu'elle apparaît comme naturelle et normale.
L'imprégnation est un phénomène très spécial, que j'ai plutôt envisagé comme une fatalité (d'un point de vue humain) et un instinct (une sorte de 6e sens inhérent à la nature des Transformateurs). Bella le sait, tout comme Billy lorsqu'il parle de Paul et de Rachel, et elle a conscience qu'elle ne peut pas lutter contre. Cependant, pour tout être qui n'est pas un Transformateur, l'idée qu'un jeune homme soit si puissamment attaché à une petite enfant demeure dérangeante, même si l'auteur a fait en sorte d'expliquer que "l'amour" ressenti évolue en fonction de l'autre, qu'il est un attachement "paternel", puis amical, et enfin amoureux "seulement si" l'autre le désire et éprouve des sentiments réciproques. Cependant, si l'on considère la force de cette "attraction", telle qu'elle est décrite et telle qu'elle se manifeste (de manière tellement absolue !), on a du mal à ne pas y voir de la passion ou du désir...
En tant que mère, Bella a donc toutes les raisons de vouloir éloigner un peu Seth de sa fille. De plus, elle a l'impression que Seth s'est substitué à elle et cela, malgré sa longue absence, lui est inacceptable. Elle est à présent de retour : les choses doivent rentrer dans l'ordre.
Mais, comme le jeune Quileute le lui fait remarquer, elle est à présent un vampire... Lui sera-t-il possible de poursuivre, comme si de rien n'était, sa vie d'avant ?



made from link

Dans ce chapitre, rien n'explique encore la raison des changements qui ont eu lieu. On y assiste seulement, en suivant pas à pas le ressenti des personnages. Il m'a semblé que les jeux de regards devaient y avoir de l'importance et, notamment, le regard d'Edward. C'est lui qui donne de la réalité à ce qu'éprouve Bella. A travers son regard, on comprend aussi certaines choses qui ne sont pas dites. Lorsqu'il arrive à La Push, il est, lui, très probablement au courant de ce qu'il va y trouver. Il l'a lu dans l'esprit d'Alice alors que Bella avait déjà disparu.



made from link

De plus, on constate, dans son attitude envers Jacob, des changements notables. Edward se montre spontanément très sympathique avec lui. La poignée de main entre lui et Jacob est, bien entendu, symbolique, elle est un clin d'oeil à celle qui terminait le chapitre 11 du premier tome de ma fiction, comme le rappelle Bella.
Face à l'attitude de cette dernière, Jacob explique qu'il n'a plus aucun souvenir. Et, effectivement, il semble n'avoir connaissance que de ce qu'on a bien voulu lui dire depuis son "retour". Mais il est également surpris -tout comme Billy- de l'impression qu'il a de connaître Bella, malgré tout. Il apparaît comme très désireux d'en découvrir la raison et d'en apprendre davantage sur leur relation et, par la même occasion, sur lui-même.


made from link

Bella est stupéfaite de ce qu'elle découvre. On le serait à moins ! Elle ne sait pas comment réagir. D'autant plus que Jacob a pour elle des particularités incompréhensibles. Son odeur, tout spécialement, n'a rien de commun avec tout ce dont elle a déjà pu faire l'expérience. De plus, elle éprouve une attraction étrange, et presque inquiétante, pour ce qu'il est, lorsqu'elle cherche à mieux comprendre sa nature profonde...
En effet, comment comprendre l'inexplicable ? Accepter est déjà très difficile...



Bella a besoin d'un certain temps pour reconnaître Jacob. Elle a du mal à l'identifier car, s'il est bien "le même", elle ressent aussi certains changements. Afin d'écrire cette scène, je me suis inspirée de ce racontait la légende quileute concernant l'histoire de Taha Aki, dans le tome 3. L'idée que l'esprit de l'ancêtre -qui avait perdu son corps terrestre mais s'était retrouvé l'hôte d'un loup- parvienne néanmoins à retrouver forme humaine à un moment très particulier m'avait vraiment interpellée. Il y avait là quelque chose d'essentiel, selon moi, qui permettait de réfléchir et d'imaginer ce que pourrait être la nature si spéciale des Transformateurs. Je continue donc à tisser des liens, dans ma fiction, avec les premiers tomes de la saga, dans l'intention de toujours garder une certaine cohérence.
De la même manière, j'ai aussi repris le fait que Paul se soit imprégné de Rachel Black, une des deux soeurs jumelles de Jacob. Merci à ceux/celles qui ont participé au sondage permettant de lui attribuer un nom de famille !

made from link 1, 2


L'arrivée de Carlisle et d'Alice vient interrompre ce moment de "retrouvailles" incroyable. Il fait comprendre à Bella qu'il a beaucoup à lui dire... Elle a, elle-même, saisi que certaines choses sont encore (ou doivent demeurer ?) secrètes. Le docteur Cullen accueille aussi Bella comme sa nouvelle "fille", car c'est ce qu'elle est désormais.
En parallèle, Bella est également très préoccupée par les réactions de ses enfants. Elle s'inquiète de savoir s'ils vont l'accepter, la reconnaître... elle, qui a été absente si longtemps. Elle craint d'être rejetée, comme une inconnue, ou comme un monstre. D'ailleurs, le regard des Quileutes lui laisse assez comprendre que tous se méfient d'elle et la considèrent comme un être potentiellement dangereux. Les moments où elle se retrouve enfin en contact direct avec Karel ou Sarah devaient être, selon moi, à la fois simples et pleins d'émotion.


made from link


Avant de quitter La Push, Jacob fait promettre à Bella de revenir vite. On sent qu'il attend d'en savoir davantage lui-même, qu'il voit en Bella un nouvel espoir face au vide de sa mémoire, de son passé, de ce qu'il est...

Ce qui soulève, bien entendu, de nouvelles et nombreuses questions. ^^




A propos de la dédicace : depuis bien longtemps maintenant, j'endurais stoïquement le fait d'être considérée (et on ne manquait pas de me le rappeler à l'occasion, lol) comme "celle qui a tué Jacob"... une rude réputation à assumer ! Voilà qui met fin, je l'espère, à ma torture... Ouf !
Les grand(e)s fans de Jacob retrouveront donc désormais le sourire et ne me tiendront pas rigueur (merci Nana ; )) d'avoir gardé si longtemps le silence au sujet de mes intentions, afin de ne pas gâcher la surprise.
D'autre part, je tiens à dire que la découverte du morceau Gravity de Sara Bareilles, que je dois à Jacobinette, est pour beaucoup dans l'émotion particulière que j'ai cherché à transmettre à travers ces chapitres. Cette chanson m'a hantée... longtemps... longtemps.
Je suis à présent délivrée.

VOL III _ chpt 23, chpt 24


A Frédérique (elle se reconnaîtra ^^)...
A tous les lecteurs passionnés, fidèles et stimulants,
ainsi qu'à l'adorable meute du blog de Jacobinette...
Affectueusement, Sombrelune.


Chapitre 23 : Echos/ Aftershocks

Il ne me fallut pas plus de quelques minutes pour l’atteindre.
Là, l’odeur des Transformateurs était partout. Elle était intense, multiple, presque agressive pour mon odorat hyper sensible de jeune vampire. Etrangement, il me sembla que je la connaissais pourtant, cette odeur plus qu’animale… ultra-animale. Cela sentait… la terre humide, acide, le sang poivré et âpre, le soufre, le sel. Un mélange lourd et étouffant.
Le village était calme, comme endormi. Pourtant, je sentais la vie, tout autour de moi. Dans chaque habitation que je dépassais, à toute allure, jusqu’à trouver celle que je cherchais, un peu à l’écart… là. Elle était là. La petite maison rouge. Blottie contre les arbres.
Sans hésiter, sans frapper, je poussai la porte.
Dans le petit salon, Billy discutait à voix basse avec le vieux Quil Ateara, enfoncé dans le vieux canapé de velours bleu. Je remarquai que ses cheveux avaient légèrement blanchi. A peine. Mais il avait l'air en bonne santé. Peut-être même davantage que dans mon souvenir. Il paraissait moins accablé que lorsque je l’avais vu pour la dernière fois. Plus… apaisé, me sembla-t-il. A mon entrée, et lorsque je me matérialisai devant eux, ils sursautèrent. Immédiatement, les traits de leurs visages sombres se plissèrent. Leurs yeux noirs se posèrent sur moi, cherchèrent un instant, me reconnurent. La bouche large de Billy Black s’ouvrit, mais il demeura silencieux quelques secondes encore. Incrédule.
« Bella ? », finit-il par demander, très doucement, comme s’il avait garde de ne pas m’effrayer.
J’eus soudain le sentiment d’être un animal sauvage, avec lequel ces deux êtres humains s’efforçaient de prendre les précautions d’usage. Me croyaient-ils… dangereuse ?
« C’est moi, Billy. C’est bien moi, répondis-je le plus calmement que je pus. Je suis revenue. Tout va bien. »
Tout en parlant, je sondais l’espace qui m’entourait. Je détectais d’autres présences, tout près, dans une des chambres. Je posai alors une question bien inutile, car j’avais déjà la réponse :
« Où sont mes enfants ? »
Mais les deux Indiens ne répondirent pas. Ils me contemplaient en silence, leurs pupilles de jais rivées à mon visage, l’air fermé, peut-être déjà sur la défensive. Puis ils échangèrent un regard. Je compris qu’il était inutile d’insister.
« Ne vous donnez pas la peine, repris-je, je connais le chemin. »
Je m’éclipsai instantanément en direction de la petite chambre du fond, qui avait été celle de Jacob.
Une énergie phénoménale tournoyait dans mon être. Dans mon dos, ma poitrine, je la sentais qui palpitait, remontait dans ma gorge, mon cou, mes oreilles. Jusqu’au sommet de mon crâne. Si j’avais été humaine, mes jambes se seraient dérobées, mon cœur aurait battu à mes tempes, mon souffle aurait brûlé mes poumons. J’aurais certainement fondu en larmes. Ces sensations habituelles, j’en avais le souvenir, très clair, mais ce n’était pas cela que je ressentais… J’étais… profondément transportée. Avec beaucoup de précautions, j’ouvris la porte, le plus silencieusement que je pus.



A l’intérieur, dans les petits lits jumeaux qu’Esmé leur avait offerts, mes enfants dormaient paisiblement. Je découvris leurs deux têtes brunes, l’une plus claire, l’autre très noire. Peau blanche et peau dorée. Ils étaient magnifiques... Que leurs cheveux avaient poussé ! Leur parfum, mêlé à celui des hommes-loups qui imprégnait le lieu depuis toujours, emplissait la pièce. Il se jeta à mon cou, coula dans mon cœur et mon esprit, au plus profond de mon âme. Je connus alors le parfum de mes enfants. Je le reconnaissais… Quelle étrange sensation ! Ils sentaient fabuleusement bon. Ils sentaient…
Près d’eux, un jeune homme se tenait immobile. Il s’était instantanément levé lorsque j’avais passé la porte, mais n’avait pas bougé depuis. Je n’avais pas pris garde à lui d’abord, tant mes regards dévoraient mes deux petits, endormis, que j'avais enfin retrouvés, et que je redécouvrais avec autant d’émerveillement qu’au premier jour. Mais je venais de lever les yeux vers lui, et je fus surprise de revoir dans ses traits un visage qui m’était familier, autrefois… il n’y avait pas si longtemps…
« Seth ! »
Je m’étais exclamée dans un souffle. Le jeune homme me dévisageait avec autant -si ce n’était davantage !- d’incrédulité que les deux Quileutes que j’avais laissés dans le salon. Tout son corps, immense et large, était tendu. Il semblait prêt à bondir. Sur sa peau, je vis courir un frisson. Une étrange vibration, que je reconnus pour être celle qui parcourt le corps des Transformateurs lorsque celui-ci se prépare à la métamorphose. Il était totalement électrisé. Alors seulement, je remarquai qu’il s’était légèrement penché vers Sarah et Karel, comme pour les protéger. Les protéger de quoi ?
« Seth, tu n’y penses pas !, chuchotai-je. Que crains-tu ? Ce sont mes enfants ! Enfin quoi, qu’y a-t-il ? »
Mais il ne se détendit pas pour autant. Ses yeux en amandes détaillaient chaque parcelle de mon visage, étudiaient mes attitudes, mes gestes. Je compris qu’il essayait de déterminer avec précision si j’étais, comme je l’affirmais, digne de confiance, ou non. Son pouls s’accéléra. Je perçus les battements de son cœur, le flux et le reflux du sang dans ses artères, bruyant, bouillonnant, tempêtant. Seth avait une vivacité remarquable. La chaleur que dégageait son corps s’intensifia, et avec elle, son odeur d’homme-loup… celle qui envahissait l’espace. Et que je distinguai alors parfaitement de celles de Karel et Sarah.
« Mais… Seth… »
Je venais de réaliser quelque chose. Quelque chose d’impensable.
« Mes enfants… ils… ils ne sentent pas comme… »
J’avais eu l’expérience, quand je m’étais retrouvée parmi les hommes-léopards d’Afrique, de l’odeur tout à fait caractéristique des enfants destinés à changer plus tard, des Transformateurs en devenir, comme le petit Libwa. C’était une évidence. Sans avoir le fumet lourd et dense de ceux qui avaient accompli leur métamorphose, leur sang n’avait pas non plus les caractéristiques de celui des êtres humains. Il ne nous attirait pas, nous, les vampires. Il était déjà autre chose. Alors que… là…
Je ressentais bien une attraction, pour ces deux petits corps endormis ! Leur sang… je le humais, il m’appelait, me parlait… Il m’avait charmée mais, éperdue d’amour comme je l’étais, je n’avais pas saisi sur le moment !
Pendant un moment, je demeurai ébahie.
« Ce n’est pas possible ! »
Je fis un pas dans leur direction. Aussitôt, Seth me barra le passage, plus solide qu’un mur de béton. J’éprouvais toute sa puissance et sa force, toute sa détermination. Mais j’étais forte aussi. Et certainement plus que lui. Quoi qu’il en soit, nous n’allions pas nous battre, cela n’avait jamais été mon intention. Je voulais simplement m’approcher pour vérifier… et comprendre ! Il fallait que je comprenne !
« Seth, pousse-toi, voyons ! »

Edward apparut à son tour dans la chambre, derrière moi. Il posa sa main sur mon épaule.
« Bella, calme-toi. »
Etre calme ? Comment pouvais-je rester calme face à une pareille incohérence ?
« Je suis parfaitement calme, Edward, articulai-je entre mes dents, mais… je veux comprendre ! »
Seth ne bronchait pas. J’allais l’envoyer par la fenêtre. Les dégâts m’importaient peu à présent.
« Ils sont humains, n’est-ce pas ? »
Mon mari avait posé la question à laquelle je n’osais pas répondre depuis plusieurs minutes. Pas tant que je n’aurais pas perdu cette affreuse impression d’être en plein délire. Et cette question n’en était pas vraiment une. Elle sonnait davantage comme une demande de confirmation, ou… un aveu.
Je dévisageai Seth. La présence d’Edward paraissait l’avoir un peu radouci. Il hocha la tête à son adresse.
« Quoi !... Mais comment… ? »
Cette fois-ci, j’avais crié.

Sarah bougea. Elle ouvrit les yeux, se redressa, et se mit à pleurer. De petits gémissements. Elle n’était pas vraiment effrayée, mais plutôt contrariée d’avoir été brusquement arrachée à la douceur du sommeil. Karel aussi était éveillé, mais il ne disait rien. Il nous regardait, tous, très attentivement et presque sérieusement, de ses immenses yeux verts et limpides. Encore un peu confus aussi, il tenait sa tête légèrement penchée et se balançait, comme s’il était encore en plein rêve, et prêt à replonger immédiatement dans l’inconscience.
Alors, à ma grande surprise, Seth recula et, se penchant vers elle avec une douceur et une délicatesse de mère, souleva Sarah et la prit dans ses bras. Elle cessa immédiatement ses pleurs, et enfouit son visage contre le cou du Quileute. Qu'elle était petite dans les bras du géant solide et fier qu’était devenu Seth ! Comme elle semblait… rassurée, d’être serrée si tendrement sur son cœur !
Apparemment, elle était habituée à lui. Et il se montrait réellement soucieux de…
Dans mon esprit, des images et des sensations -de vieux sentiments, de vieilles impressions- explosèrent, comme autant de fusées lors d’un feu d’artifice. Elles s’épanouirent, à la fois spectaculaires et choquantes. Impressionnantes. Le spectacle qui se déroulait là, devant mes yeux stupéfiés, ne m’était pas tout à fait inconnu. J’avais déjà vu cela… je l’avais même ressenti, à travers des yeux qui n’étaient pas les miens.
D’abord abasourdie, je m’emportai ensuite rapidement.
« Ne me dis pas… Seth ! Comment as-tu osé ? Tu t’es… imprégné ? Imprégné de MA fille ? Alors que ce n’est qu’un bébé ! Je vais… »
Edward me retint, de toute sa force. Je ne voulais pas réduire le jeune Clearwater en poussière, pourtant, non… J’aurais risqué de blesser l’enfant qu’il portait. Je voulais juste… juste… Qu’il retire ses sales pattes de sac à puce de ma fille ! Et si je devais les lui arracher pour cela, l’une après l’autre, eh bien, ce n’était pas un problème.
Contrairement à toute attente, rien, dans la posture de Seth, n’indiquait qu’il s’apprêtait à répliquer. Au contraire, il fit quelques pas en arrière, couvrant de sa large main la tête de Sarah, comme s’il refusait que je la lui reprenne de force. Comme s’il avait compris, et savait bien, au fond, que j’en avais le droit. Et le pouvoir.
« Je… je ne l’ai pas fait exprès, Bella, bredouilla-t-il, presque penaud à présent. Je ne l’ai pas voulu. C’est arrivé… d’un coup ! »
Je comprenais parfaitement ce qu’il essayait de me dire. Mais comment faire avaler cela à une mère ? Cela faisait beaucoup. Beaucoup d’un coup.
« Tu vas la remettre dans son lit, Seth, maintenant. Ou, mieux, tu vas me la donner… Et tu ne la verras que lorsque je t’y autoriserai et… uniquement en ma présence. »
Mes paroles eurent l’effet d’une sentence injustement prononcée. Seth grogna.
« Mais tu es un vampire, Bella, maintenant ! »
Oh ! Il avait donc remarqué ?
« Et toi, tu es un Transformateur… imprégné d’une fillette de deux ans, Seth ! Oh, c’est… Je n’en reviens pas ! C’est… ! »
Mes sentiments refusaient que je les réprime, et pourtant, je savais bien que nous avions tort… tort et raison, tous les deux. Nos deux natures avaient leurs écueils. Seth ne ferait aucun mal à Sarah, jamais. Cela, j’en étais certaine. Tout comme moi. J’étais sa mère. Néanmoins, j’étais aussi un vampire. Et Seth… Seth était lié à ma fille, plus solidement et plus irrémédiablement que je ne l’avais jamais été. Elle était tout pour lui, à présent. Son eau, son air, son soleil. Son unique raison de vivre. Il lui avait donné son existence entière. A elle seule. Et elle le sentait, déjà, malgré son jeune âge. Que je le veuille ou non, il me l’avait prise.
C’était intolérable.
Je dégageai mes épaules de l’emprise d’Edward. Il ne chercha pas à me retenir davantage, sans doute avait-il senti que, bien que bouleversée, je parvenais à rester raisonnable.
« Donne-la moi, maintenant, Seth. Je suis parfaitement capable de me contrôler, si c’est ce qui t’inquiète. Edward peut te l’assurer… Je VEUX tenir ma fille dans mes bras. »
Mes paroles sonnaient certainement comme un ordre. Pourtant, j’avais essayé d’être douce. J’attendis une réaction. Une seconde… deux… Seth s’était pétrifié. Il regardait par-dessus mon épaule. Attendait-il qu’Edward lui fît signe ? Pourquoi refusait-il de me croire ? Fallait-il toujours qu’il y ait quelqu’un pour me protéger ou protéger les autres de moi ? Quelqu’un qui parle à ma place ou agisse pour moi ? Oh, ces Transformateurs pouvaient être tellement… tellement paternalistes ! Presque misogynes, peut-être même !
L’attitude du Quileute m’irritait profondément. Je m’impatientais. Sa résistance était comme une agression pour mon affection de mère. Je me sentais dépossédée, volée, meurtrie. Il faudrait lutter alors ? Qu’à cela ne tienne… Encore un instant.
Aucune réaction ? D’accord, c’en était trop. Il l’aurait voulu.



Comme j’esquissais un premier pas dans sa direction, une émotion étrange me saisit. Quelque part, comme au-dessus de moi, j’éprouvai… une présence.
Elle me cloua sur place, me retenant, mieux et plus fermement que quiconque -Transformateur ou vampire- aurait pu le faire.
Une chaleur vive glissa sur moi. Sur mon visage. Dans ma nuque, dans mes reins.
C’était comme si un bras, un bras amical s’était tendrement glissé autour de ma taille, me réduisant à l’impuissance, sous l’effet de l’intense émotion que ce geste me procurait.

Oh… mon… Dieu… !

J’étais figée. Atterrée.
Car cette sensation… cette sensation ne m’était pas inconnue. Elle revenait… elle revenait de loin !
De si loin !
Je la reconnaissais. J’avais tellement cru ne jamais plus l’éprouver ! J’en avais entièrement abandonné l’idée. Mais pourquoi là ? Et pourquoi maintenant ? Parce que j’étais moi-même revenue, enfin, chez moi ?
A cet instant, la chaleur m’enveloppa. Entièrement. Abolissant tout à fait les dernières bribes de volonté et de force, par lesquelles je tentais encore de résister, de refouler ou de fuir ce que j’éprouvais.
Je fermai les yeux.
Que devais-je faire ? Qu’allait-il se produire ? Ma bouche s’ouvrit, et j’aspirai l’air, alors que je n’en avais nul besoin, car j’avais l’impression de me noyer pour de bon. Je me noyais en moi-même, dans mes souvenirs, mon passé, ma vie. Ma vie d’avant. Ma vie d’humaine.
Tout tourbillonnait. Tout revenait. Tout recommençait. Et tout s’éteindrait certainement encore, ensuite.
Un accablement effroyable s'était abattu sur moi.
Mais la sensation ne faiblissait pas. Au contraire. Je ressentais… une sorte d’attraction… magnétique… une lourdeur. Un poids. Un poids incroyable qui me maintenait, moi, à ma place. Dans mon axe. Encore. Alors que tout tombait dans le vide, autour de moi.
A ma grande stupeur, je m’aperçus que je tremblais légèrement. J’avais peur, j’étais terrorisée. Mais également… il y avait une sorte de soulagement, de confiance absolue, au fond de tout cela. Une envie…. violente.
Et comme je m’y attendais, comme je le redoutais et comme je l’espérais tout à la fois, je retrouvai le parfum… Le parfum singulièrement familier et intime… Le parfum de la grande forêt, puissante et sombre, du bois de cèdre, de la terre poudreuse et chaude, de l’herbe craquante… l’odeur des fruits mûrs et sucrés, et cette petite pointe d’acidité presque métallique qui fait venir instantanément l’eau à la bouche… L’odeur partie, mais jamais oubliée. L’odeur, insoutenable… la sienne.

Oh… non… c’est impossible ! Tu es là… Jake…

Je savais qu’il n’y avait aucune chance que cela soit effectivement le cas. Je savais qu’il m’avait quittée, à l’instant-même où j’étais devenue vampire. Je savais que mon esprit… que mon âme… ne pouvait plus s’ouvrir à lui, ne pouvait plus l’atteindre. Je savais. Je savais…
Et pourtant. Elle était bien là, cette émotion. Et ce parfum. Ils étaient si… réels !
Je compris que je devais avoir perdu l’esprit, comme peuvent sans doute le perdre les êtres surnaturels. Quand ils sont vaincus. Quand tout autour d’eux leur échappe, et que les choses cessent d’être rationnelles. Lorsque leur monde bascule dans le chaos.
Mes enfants ne pouvaient être humains… Je devais avoir glissé, sans m’en rendre compte, à un moment précis… J’étais dans un autre monde, qui n’était pas le monde réel. Je devais avoir inventé tout cela. Quand avais-je quitté la route au juste ?
En arrivant à Forks, avais-je découvert… une tragédie, et avais-je tout réécrit, reconstruit, recréé dans l’instant, afin que cela soit plus supportable ? Etais-je encore, là-bas, à Wellington, dans cet aéroport, à attendre avec Edward qu’arrive l’avion qui devait nous ramener chez nous ? Etais-je encore perdue… là-haut, par-delà les nuages… dans la nuit pleine et silencieuse ? Vide.
Vide de moi-même. Vide de tout.
Oh, oui, j’étais bien perdue. Totalement, cette fois.
Comme quelqu’un qui cherche, attend, et espère trouver dans le regard de ceux qu’il aime un dernier salut, j’ouvris alors les yeux, à grand-peine.
Mais rien n’avait changé. Tout était là, comme auparavant. Seth, mes enfants… Ma vision ne se brouillait pas, le décor ne faisait pas mine de vouloir s’effacer, ni la terre de s’ouvrir sous mes pieds. Cependant… il était toujours là, le parfum aliénant…. l’odeur envahissante et persistante de ma folie.
Je cherchai Edward, le trouvai. Il s’était approché. Il était tout près de moi. A côté. Son visage tourné dans ma direction.
Je levai les yeux sur lui. Comment allais-je pouvoir lui dire ? Me sauverait-il, comme il l’avait déjà fait ? Le pouvait-il ?
Mais il ne me regardait pas.
Ses traits étaient absolument impassibles. Aucune émotion ne se peignait sur son visage. Il s’était totalement fermé, et je reconnus là, justement, le signe d’un grand trouble. Et ses yeux… ! Ses yeux étincelaient. Ce n’était pas de la colère, pas de la peur ni de la peine. Ils ne cillaient pas, ne se voilaient pas, mais fixaient, intensément, ardemment, un point derrière moi.
Derrière moi.
Près de la porte restée ouverte.
Il regardait quelque chose... Comme je ne l’avais jamais vu regarder quoi que ce fût auparavant !
Quelque chose. Ou quelqu’un.

Mais quel effet sidérant cela avait sur lui !

Alors, malgré la confusion totale qui me hantait, menaçant toujours de faire chavirer mes sens et ma pensée, je me retournai.





Chapitre 24 : « La puissance de la cause est en raison de la grandeur de l’effet »/ « The power of the cause is in proportion to the size of the effect »

Dans la rotation que j’effectuai sur moi-même, geste que j’eus l’impression d’accomplir au ralenti tant je me sentais lourde et écrasée, je distinguai, dans l’obscurité du couloir, les silhouettes de Quil Ateara et de Billy. Ils s’étaient approchés, eux aussi, mais étaient demeurés en retrait et silencieux. Peut-être avaient-ils craint mon attitude, mes réactions… et qu’une lutte s’engageât. Cela aurait pu être le cas. Mais…
Appuyé contre le mur, juste derrière moi, non loin de l’encadrement de la porte, se tenait un troisième homme.
Comment ne l’avais-je pas entendu entrer ? Pourquoi ne m’en étais-je pas préoccupée ? C’était comme si… il avait toujours été là. Comme s’il était à sa place. Et, qu’inconsciemment, je l’avais su.



Il était grand. Très. Au moins autant que Seth. Il était brun. Brun de peau, noir de cheveux. Il était Quileute. Il était… il était…
Mon corps surnaturel ne pouvait plus réagir, comme celui d’une humaine, aux chocs de mes émotions, même les plus violentes. Ni lui, ni mon esprit n’avaient plus la faculté de plonger dans le néant de l’inconscience, parfois salutaire. Je ne pouvais plus m’évanouir, ce n’était pas dans ma nature, mais, à cet instant, je vis réellement des étoiles. Tout mon être se contracta, assez douloureusement. Tout ce qui m’habitait, sang -si mon corps en contenait encore- fluides de toutes natures, jusqu’à mon esprit lui-même, me vint au visage, aux lèvres et aux yeux. Là, la chaleur se fit brûlante. Elle me desséchait, à l’intérieur, et je reconnus cette sensation étrange de sable dans le nez et la gorge. De désert incandescent derrière les yeux.
L’homme était beau. Trop sans doute, pour un être humain. Dans ses yeux sombres, un reflet vert dansait. Et quelque chose… quelque chose d’incompréhensible… illuminait le fond de sa pupille. Ses longs cheveux lisses étaient attachés. Il portait un t-shirt gris-vert à la couleur passée, et un pantalon de toile beige, usé. Ces vêtements… je les avais déjà vus… c’étaient ceux…
Il plissait les yeux. Il me regardait. Il cherchait quelque chose. Et, tout à coup, ses sourcils se soulevèrent et son visage se fendit en un incroyable sourire, à la fois amusé et décontenancé.
« Salut ! », lança-t-il sur un ton presque désolé.
C’est alors que je le reconnus. Ou que je crus le reconnaître…
Mais pourquoi était-il là ? Que voulait-il de moi ? Quel était ce nouveau prodige dont j’étais capable ? Et il… il était si différent, également…
Ma main se souleva d’elle-même, chercha le bras d’Edward. Mes yeux la suivirent. Ils restèrent posés là, un instant, puis, enfin, osèrent se relever vers mon mari. Il n’avait pas bougé. Il regardait toujours dans la même direction. Toujours aussi intensément.
Je ne pouvais l’atteindre en pensée. J’étais trop bouleversée. Je dus me résoudre à articuler :
« Tu… tu le vois aussi, le fantôme, Edward, n’est-ce pas ? »
Pour toute réponse, il hocha légèrement la tête.
Je ne pus m’empêcher de soupirer.
« Je ne suis donc pas folle ! Ou alors, je ne suis plus seule à l’être… »
Avec une extrême douceur, et très lentement, Edward détacha ses regards de celui qu’il avait si longtemps étudié et dévisagé, ses yeux se fermèrent, puis ses prunelles d’ambre liquide vinrent se planter dans les miennes. Leur éclat avait une vivacité inaccoutumée. Je pouvais percevoir son émotion.
« Je le vois aussi, Bella, parce qu’il… est là. Il est vraiment là, mon amour. Il est… bien réel. »
Alors qu’il insistait sur le dernier mot, afin que je comprenne bien ce qu’il signifiait, afin que j’accepte son sens, Edward saisit tendrement ma main.
Ma bouche s’ouvrit. Je voulais protester. Ma raison s’agitait, se tordait, elle allait ruer. Elle hurlait, déjà, à l’intérieur de moi, que tout ceci était… un rêve éveillé, une illusion, un délire… une démence !
« Mais… », soufflai-je.
Et ce fut tout ce dont je fus capable.
L’homme me regardait toujours. Et, toujours souriant, semblait chercher le moment opportun pour dire quelque chose. De toute évidence, il venait de décider qu’il était arrivé.
« Je crois… qu’on se connaît, nous deux, non ? »
Il s’était adressé à moi, avec une innocence, une hésitation timide, qui ajouta encore à mon ahurissement.
« Tu as l’air… très perturbée, poursuivit-il comme s’il désirait sincèrement me ménager. J’en suis désolé, vraiment. Mais… tu dois savoir que je ne me souviens réellement de rien, ni de personne, depuis… depuis que j’ai été retrouvé. Excuse-moi. Pourtant, tu vois, j’ai l’impression de te connaître, toi. Et c’est certainement la première fois que ça me fait ça… C’est… c’est bien ! »
Et il éclata de rire.

Je demeurai pétrifiée. Et muette. Dans son fauteuil, Billy se fraya un passage jusqu’à nous.
« Tu dis… tu dis que tu te souviens de Bella, Jake ? », demanda-t-il aussitôt.
L’autre hocha la tête avec une joie réelle.
« Oui, c’est vraiment très… très net. Mais… je ne suis pas sûr… j’ai l’impression qu’elle a changé. Parce que ça fait longtemps que je ne l’avais pas revue, je suppose. »
Billy lança un regard dans notre direction. Un regard particulièrement éloquent. On y lisait clairement la gêne, la suprise, l’inquiétude et l’espoir. Il y avait des choses à cacher, si je comprenais bien. Et d’autres à découvrir. Il devait craindre que notre présence, et les changements qui étaient survenus me concernant, ne bouleversent tout. S’il était possible que les choses fussent plus bouleversées encore ! Mais pour ma part, j’étais dans l’incapacité de réagir, de quelque manière que ce fût. Je ne pouvais pas accepter, je n’étais pas sûre…
Très vite, Billy reprit :
« Oui, cela fait plusieurs années, maintenant. Bella était… ta… ton amie. Vous étiez très proches. Elle est la fille de Charlie. Tu sais, je t’en ai parlé. Tu avais disparu si longtemps qu’elle t’a cru… mort, comme nous tous. Voilà pourquoi elle est si choquée. »
Billy tourna à nouveau son visage vers moi, pour s’assurer que mon manque total d’expression traduisait suffisamment mon saisissement, avant de poursuivre ses explications.
« A notre grand soulagement, la voilà elle-même de retour, et… je pense que personne n’a vraiment eu le temps de lui expliquer… n’est-ce pas, Bella ? »
Mais j’étais absorbée dans la contemplation de celui qui se tenait face à moi. Je détaillais chaque parcelle de sa personne. La forme de son visage, celle de ses mains, sa façon de se tenir, la tête un peu penchée, la ligne de ses sourcils… Etait-ce bien… était-il possible… ? Je reconnaissais chaque chose, elles étaient bien les mêmes, et pourtant, je sentais qu’il y avait aussi quelques différences. C’était comme si cet homme était un autre… un autre… Jacob (puisqu’il semblait que c’était ainsi qu’il fallait l’appeler), un nouveau Jacob, plus… lumineux encore -et j'étais bien persuadée que jamais je n’aurais pu envisager une chose pareille !-, plus intense… je ne savais pas exactement comment définir ce que je ressentais, et peut-être n’était-ce dû qu’au nouveau regard de vampire que je portais moi-même sur lui. C’était comme si je me trouvais devant l’image idéale de Jacob, celui qu’il était, au fond de lui, quand je l’avais connu, que je pressentais, ou celui qu’il aurait dû devenir s’il… s’il avait vécu.
Comme je ne répondais rien à la question de Billy, Edward hocha la tête.
« Et voici Edward, son mari, acheva l’Indien. Il est le fils du docteur Cullen. »
Aussitôt, la bouche du jeune homme s’élargit en un nouveau sourire. Et je vis distinctement une lueur vive s’allumer dans ses yeux.
« Oh, tu es le fils de Carlisle, s’exclama-t-il, mais bien sûr, c’est évident ! »
Et il tendit, en un geste très spontané et cordial, sa main à Edward.
Mes yeux observaient ces doigts tendus, ces ongles très courts, ces phalanges solides, et cette peau hâlée qui ne laissait transparaître aucune veine. Alors, je réalisai que l’odeur, particulièrement intense et agréable qui émanait de sa personne, n’avait pas du tout le même effet sur moi que celle des autres humains qui se trouvaient dans la pièce. Elle ne m’attirait pas. Pas comme peut l’être un vampire. Cependant, elle me déstabilisait, profondément, me bouleversait, m’inquiétait presque. Et elle n’était absolument pas celle d’un Transformateur non plus… Quel était ce surprenant phénomène ? D’instinct, je me concentrai davantage, afin de sonder la nature profonde de l’être qui me faisait face. Immédiatement, je sentis le sang palpiter dans son corps, j’en perçus la circulation, je captai la pulsation sourde d’un cœur -un cœur humain- qui battait, calmement. Si calmement ! Mais il n’y avait pas de… chant envoûtant. Pas de désir de m’approprier sa substance, de boire à sa source. Un grand calme plutôt, une paix délectable, s'exhalait de lui. Et puis, il y avait aussi cette chaleur étrange…
Comme je continuais de me concentrer sur cette intériorité énigmatique, je me sentis soudain happée, plus profondément, et il me sembla que j'allais glisser vers un gouffre vertigineux, à la fois fascinant et terrible. Effrayée, je réagis aussitôt, interrompant brutalement mon exploration.

La main d’Edward venait de saisir celle qui s’était tendue.
Ce geste… ce geste-là, je ne l’avais jamais vu ! Ou… une fois, peut-être. Et, dans mon souvenir, il n’avait rien d’amical. Mon mari sourit. Une expression sympathique se peignit sur son visage. Comment Edward parvenait-il à se contrôler à ce point ? A moins que… Ne ressentait-il pas réellement cette émotion ?
« Voilà ce qui s’appelle des retrouvailles !, assura le jeune Indien avec un intérêt sincère. Votre famille était particulièrement inquiète à votre sujet. Vous… avez disparu tant de temps, vous-mêmes, sans vraiment donner de nouvelles… un moment, ils ont même envisagé le pire ! Qu’est-ce que… ? »
Mais Billy posa affectueusement sa main sur le bras du jeune homme. Son geste semblait signifier que ce genre de questions serait pour plus tard, ou même qu’il n’y avait pas lieu de les poser. Il fut aussitôt compris.
« Alors, enchaîna-t-il simplement, c’est donc vous les parents de ces deux petits monstres ? »
D’un doigt, il désignait mes deux enfants. Il plaisantait. Mais j’étais totalement hermétique à cette attitude très humaine. Du moins, à ce moment-là. Et je ne parvenais pas à faire semblant.
Edward, quant à lui, affichait le sourire le plus naturel qui soit. Ses yeux se plissèrent, et il rit doucement.
« Oui. Je suppose qu’ils doivent pas mal vous casser les oreilles ?
_ Non, répliqua l’autre, pas du tout en fait. Ils sont très sages. Et puis, ils sont bien habitués ici, maintenant. Rachel a le truc avec eux… et, je dois dire que Seth n’est pas mal non plus quand il se met à faire la nounou. Il est très doué. »
Piqué dans son orgueil, le jeune Quileute émit un petit grognement de protestation. Son honneur se révoltait, mais son cœur le fit rapidement taire.
« Ah ? Votre fille est là ? »
Edward, qui s’était retourné vers Billy, avait posé la question de manière très civile, et même avec une certaine curiosité, mais je me doutais qu’il devait déjà avoir toutes les réponses : il ne faisait cela que pour me permettre de comprendre les choses peu à peu, et ménager les craintes de tout le monde.
« Oui oui, elle est revenue s'installer ici depuis… presque un an déjà. Elle… et Paul Wusoh sont… Ils vivent ensemble. »
Ainsi, Rachel était revenue à la Push. Et elle y était demeurée. Avec Paul… Mais n’était-ce pas comme cela que les choses devaient être ? N’était-ce pas ce qui avait toujours été prévu pour eux ? Ce qui les attendait. Ou ce qu’ils avaient eux-mêmes attendu sans le savoir ? Je ne pouvais m’étonner de cette nouvelle. Ce n’en était pas vraiment une pour moi. Et pourtant, apprendre que cela s’était bel et bien réalisé, me donnait une impression… presque dérangeante, comme un vague malaise. Le ton sur lequel Billy avait exposé la situation laissait comprendre qu’il avait dû se résigner à cette union, plus qu’il ne l’avait souhaitée, sans doute.
« La maison n’est pas assez grande pour héberger toute la famille, surtout quand elle s’agrandit, renchérit à son tour le jeune homme. C’est vrai que nous sommes… un peu à l’étroit. Même ici… »
Il jeta, autour de la petite chambre, un regard circulaire qui en disait long, soupira, mais sourit encore :
« Vous… venez donc dans le salon ! Ou bien même… sortons. Je serais ravi que vous me racontiez un peu… enfin, j’ai besoin qu’on me rappelle… les souvenirs que je n’ai plus. »
Il paraissait un peu perdu. Mais si vrai, si sincère ! Cet air… je le connaissais bien. Et derrière lui, juste après… cette expression solide… comme la conviction profonde que rien n’était jamais grave au fond.
« Enfin, quand vous voudrez… », conclut-il.
Et il fit mine de vouloir quitter la pièce, nous invitant à le suivre d’un geste.



Depuis l’extérieur, un ronronnement de moteur me parvint. Puis un claquement de portière se fit entendre. Suivi d’un deuxième. Le vieux Quil Ateara se pressa vers l’entrée, et accueillit les nouveaux arrivants en deux mots qui trahissaient assez son soulagement.
« Ah, docteur !
_ Bonjour Quil, répondit la voix douce de Carlisle. Billy… Jacob… »
La chambre ne pouvant plus accueillir personne, tous se déplacèrent progressivement vers le salon de manière à permettre au docteur Cullen de s’avancer vers nous. Alice le suivait.
Il posa d’abord son regard sur son fils, puis sa main sur son épaule. Je savais qu’il lui parlait en pensée, et que ce qu’il disait à Edward devait être particulièrement tendre, car celui-ci sourit affectueusement et fit un pas en avant, serrant son père dans ses bras. Puis il s’écarta, et se tourna vers moi pour me présenter à Carlisle. Le docteur Cullen s’approcha, leva les mains, et les posa délicatement sur mes joues. Il me sembla que je le voyais pour la première fois. Que je le découvrais. Il avait l’air si doux ! Emu, également, à n’en pas douter. Ses prunelles de miel vibraient d’intelligence et de sensibilité.
« Bella… je suis bien heureux de te revoir… ma fille », souffla-t-il simplement.
Les paroles, et la voix surtout, de Carlisle, furent pour moi un réconfort immédiat. Je me détendis, retrouvai confiance, et la force de réagir enfin.
« Carlisle… mais comment… ?, commençai-je avant de m’interrompre de moi-même.
_ Nous avons tant de choses à nous dire !, sourit le docteur Cullen. Je crois que nous ferions mieux de rentrer à la maison. »
Je répondis à sa proposition par un hochement de tête. Je savais que j’avais beaucoup à apprendre, qu’il fallait qu’on m’explique. Tout. Et vite.
« Nous sommes venus… chercher les petits, intervint Edward.
_ Oui, bien sûr, acquiesça son père. Je ramène donc tout le monde. N’est-ce pas, Billy ? »
La question appelait une confirmation.
« D’accord, docteur, répondit depuis le salon la voix grave du Quileute, faites donc. »
Carlisle s’avança alors vers Seth, qui tenait toujours Sarah dans ses bras. Comme si l’ordre lui avait été donné de capituler, le garçon lui remit ma fille. La petite fit mine de protester un peu, puis se laissa emporter en silence, ses petites mains accrochées au col de la chemise bleue du médecin.
« A bientôt, Seth », articula le docteur Cullen d’une voix qui se voulait volontairement rassurante.
En effet, le jeune Quileute semblait particulièrement désemparé.
Je dus cependant lui jeter un regard plus noir que je n’en avais l’impression, en quittant la pièce à la suite de Carlisle, car ses sourcils s’étirèrent vers ses tempes et il eut une sorte de grimace angoissée qui faisait peine à voir. Elle était la traduction muette de sa totale impuissance à contrôler ce qu’il ressentait à l’égard de Sarabeth, en dépit de ce que tous pouvaient en penser.
Edward portait Karel contre lui, et j’eus soudain le sentiment qu’on m’empêchait de toucher mes enfants. Comme s’il fallait montrer aux Quileutes qu’ils étaient en sécurité, car d’autres que moi s’en occupaient…
Une grande détresse m’envahissait quand, tout à coup, Edward se pencha sur moi.
« Tu veux le prendre ? »
Et il glissa le petit garçon dans mes bras. Ses grands yeux verts, dans son petit visage à la peau diaphane, se posèrent sur mon visage. Il m’étudiait. Que pouvait-il bien penser ? Spontanément, je posai mes lèvres sur son front, lui donnant un baiser. Oh, j’aurais voulu le couvrir de baisers ! Les yeux fermés, je jouissais de ce contact qui m’avait tant manqué, que j’avais tant rêvé, espéré, craint ne jamais retrouver. Sa peau était douce et chaude. Parfumée. Une odeur tendre et sucrée, comme celle d’un abricot. Quand je me détachai enfin de lui, j’eus le sentiment que ce baiser avait duré des heures, et peut-être était-ce bien le cas car tous les regards étaient posés sur nous. Vampires comme Quileutes, tous me fixaient… Craignaient-ils que je ne sache pas résister ? Ils ne pouvaient pas savoir… ils ne pouvaient pas comprendre à quel point tout mon être était transporté…
Karel avait emprisonné une mèche de mes cheveux dans ses petits doigts. De son autre main, il toucha mon menton et ma bouche. Je lui donnai un nouveau baiser, et il eut un petit rire. Un rire joyeux et mutin.
Près de la porte, Jacob souriait en silence, son regard sombre et luisant nous englobant tous deux, avec une sorte de joie à la fois grave et enfantine.
Oui, c’était bien lui, il n’y avait pas de doute. Jacob était là. Il était revenu. A moins qu’il ne soit jamais parti ? Ce regard… il me parlait presque. J’aurai pu tenter de l’écouter, je devais sans doute le faire, je le voulais. Il me semblait que je pourrais comprendre, alors… mais pas tout de suite. Pas maintenant.

Je m’installai à l’arrière de la voiture, avec Karel, Edward et Sarah.
Comme le docteur Cullen s’apprêtait à mettre le contact, Jacob se pencha vers la portière, et me fit un petit signe. Je baissai la vitre.
« Promets-moi que tu vas vite revenir », lança-t-il aussitôt sans ambages.
Il n’était pas suppliant, ce n’était pas de l’anxiété, ni encore moins du désir, qui se lisaient sur son visage. Il ne me semblait même pas y voir de réelle affection. Mais plutôt une curiosité… une soif de découvrir… un manque.
« Tu es le seul visage… familier. Vraiment familier, vois-tu. Je voudrais que tu m’expliques… »
Il souriait. Je posai ma main sur la portière. Aussitôt, la sienne saisit mon poignet. Le contact de ses doigts sur ma peau était brûlant. Et il y avait autre chose aussi, de petites piqûres, comme de minuscules décharges électriques, qui me parurent s’élancer jusque dans mon bras et ma main. Contre toute attente, ce contact insolite me ramena tout à fait à la vie. Il me sembla que je me posais enfin. Que je m’éveillais. Alors que je n’avais jamais dormi, pourtant. Je pris conscience, pleinement, que j’étais bien , de retour chez moi, et que tout ce qui m’entourait était réel et vrai. Oh, oui, tout était vrai !
Il me sembla alors qu’il devait, lui, s’étonner peut-être, de me trouver, au contraire, si froide… Trop froide, sans doute. Mais il ne réagit pas.
« Tu me promets ? »
Le revoir ? Comment pourrais-je ne pas souhaiter le revoir ? Il m’avait tant manqué ! Tellement… que je n’avais jamais accepté, au fond de moi, l’idée que je puisse réellement ne jamais plus le revoir…
« Bien sûr, Jake, assurai-je, je reviendrai. Très vite. »
Alors ses doigts se détachèrent de mon poignet. Il eut un mouvement du menton pour signifier que c’était entendu, qu’il m’attendrait…
Un feu vert palpitait au fond de ses iris d’ébène. Je le voyais plus nettement que jamais, à la lumière de ce jour pourtant gris. J’aurais pu m’y plonger et m’y perdre. J’avais tant à y chercher, à y trouver ! J’avais tant à comprendre !
« A bientôt, Jacob. »
Je m’efforçai de sourire. J’y parvins, sans doute, car les pupilles brunes me sourirent en retour.

Alors, je remontai la vitre, et la voiture démarra.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !