dimanche 27 juin 2010

VOL III _ chpt 5, chpt 6


Chapitre 5 : Premières chasses/ Hunter



Boire.
Boire est une évidence. Boire est la clé.
Celle qui ouvre toutes les portes. Tous les possibles. Tous les plaisirs.
A présent, je mesurais -et aucun être humain ne le peut réellement, seule la nature vampirique permet de le comprendre- à quel point le chant du sang agit sur nous comme un vrai sortilège et combien y résister est difficile. Contre-nature. Ou sur-naturel, plutôt, lorsqu’on a changé totalement de nature et de repères.
Après avoir bu, mon premier regard de gratitude fut pour Edward (comment avait-il su résister à l’attraction que j’avais exercée sur lui pendant des années ?) et ma première pensée admirative pour Kaly (comment parvenait-elle à surmonter le besoin ?) Besoin de s’emplir, de se fondre, de s’apaiser, de chanter soi-même le plaisir de toucher l’essence sacrée de la vie. De la prendre et la comprendre, de l’assimiler, de ne faire qu’un avec elle et ses mystères. Sa force, sa tendresse, son amour. Car, étrangement, il y a de l’amour dans ce geste… Il est l’expression de notre désir le plus intime et le plus sincère, de notre aspiration à rencontrer le divin, ou une de ses formes du moins, car c’est bien de cela qu’il s’agit, effectivement. Chacune de mes cellules surnaturelles le ressentait de manière évidente.
Boire… est une extase inconcevable.
Pour le moment, je ne pouvais imaginer plus grande félicité. Qu’est-ce qui motivait donc tellement Kaly ? Que pouvait-elle bien ressentir une fois qu’elle s’était défaite de sa soif ? De ses chaînes de sang. Car comment ne pas aimer ces liens, cette dépendance ? Pour nous, le sang peut certainement faire office de drogue si l’on ne cherche pas à se maîtriser, si l’on n’a pas ce désir ou cette volonté -au point d’être totalement obsédé par l’idée de boire, boire encore et toujours, goûter, s’abreuver, et vibrer, encore et encore… oh, je comprenais bien cela, à présent !- car ses effets sont résolument stupéfiants. Il apporte tant ! Le sang… est notre vie. Notre source. Notre but.
Et je n’osais envisager la sensation que devait procurer le sang humain…
A cette pensée, je secouai la tête, comme s’il m’était possible de la déloger par ce moyen, comme si elle avait pu tomber et se perdre durant notre course. Car nous courions à nouveau. Plus vite que jamais. Mais j’aurais pu aller encore plus vite. J’étais si légère et si forte ! L’énergie du sang que j’avais bu se mêlait à mon être, et j’allais boire encore. Nous descendions vers le Sud, comme Edward l’avait annoncé. La forêt y était plus grande, il y aurait d’autres animaux. J’allais chasser. Je boirais encore… A nouveau, j’éprouverais cette sensation indicible de ne faire qu’un avec le souffle de vie qui anime l’univers, qui insuffle sa musique en chaque chose… Sensation merveilleuse. Mais, malheureusement, éphémère.

Lorsque mes dents avaient entamé la chair de la brebis, en une seconde -si spontanément !- sans que j’aie à réfléchir à ce que je faisais, sans qu’aucune question ne vienne plus agiter ma pensée, et que j’avais senti le liquide chaud emplir ma bouche, mon corps, mon esprit même, je m’étais instantanément sentie transportée. Emerveillée, et si sereine… en accord avec moi-même. Enfin. J’avais su, alors, j’avais compris. J’avais compris la vie. J’avais pulsé à son rythme, couru avec elle, vibré, chanté avec elle. Le sang de l’animal avait baigné mon âme, l’avait bercée, l’avait lavée. J’avais bu, et tout s’était tu en moi. Tout avait disparu durant cet instant magique : toute crainte, toute douleur, tout mon passé, tout mon avenir. Je buvais, et j’étais en paix. Je ne faisais plus qu’un avec l’existence-même. Cet état de béatitude n’avait pas d’égal parmi les plus grands plaisirs qu’il m’avait été donné d’éprouver durant toute mon existence, car il était tout simplement inconcevable pour un esprit humain. Et comment ne pas souhaiter qu’il dure infiniment ?
Le flot s’était tari soudain, comme le cœur de ma proie avait cessé de battre, et je m’étais détachée d’elle, ébahie.
« Encore… », avais-je murmuré les lèvres toujours chaudes et humides du sang qui régalait mon être.
Pendant un instant, j’avais flotté, à demi hypnotisée, les yeux clos, avant que la voix caressante d’Edward ne me parvienne.
« Nous y allons, Bella. Tu vas te sentir mieux maintenant. »
Il avait détaché mes mains de la laine douce, s’était penché un peu et avait embrassé, très délicatement, un coin de ma bouche. Puis j’étais revenue à moi, plus vive et plus enthousiaste que jamais. Dans tous mes sens circulait une fantastique énergie. J’avais la sensation de pouvoir parcourir la terre entière. J’aurais presque pu voler.
Nous avions abandonné la dépouille de la brebis dans un creux du sol, la recouvrant de terre et de feuilles. La nature ferait son œuvre. Il me semblait que la vie de l’animal était passée en moi, qu’il circulait en moi, comme si je l’avais assimilé, et qu’il me donnait un peu de sa fébrilité et de sa fougue. De sa douceur, aussi, de son innocence. Je me sentais l’envie de courir librement dans le bois, de me réjouir des parfums, des lueurs, de la texture des plantes… la rugosité des troncs, le velours des feuilles, les courants d’air chauds ou frais, l’onctuosité de l’atmosphère humide et tiède. J’étais plus légère que jamais. Je ne désirais rien d’autre que voler dans la nuit…
Et boire. Boire encore.

A nouveau, nous courions, comme des ombres ailées, dans un monde qui s’était figé autour de nous. En quelques minutes, nous traversâmes une ville, suivant une avenue toute droite, au bout de laquelle un pont était jeté au-dessus d’une eau noire. Un panneau indiquait « Pont de Chennevières ». Malgré notre vitesse, aucun détail ne m’échappait. Mes yeux avaient acquis la capacité de focaliser sur un point, même lointain, et d’en déceler les contours avec autant de précision que si je me trouvais seulement à quelques centimètres. Et ceci en quelques dixièmes de seconde. Ma vue, mon ouïe, mon odorat… tous mes sens s’étaient affinés. Et je savais qu’un des buts de cette métamorphose était de faire de moi un prédateur, un prédateur parfaitement redoutable. J’étais faite pour traquer, trouver, capturer, et j’en ressentais, au plus profond de moi, l’envie. L’idée m’amusait et m’excitait comme un jeu.
Nous traversâmes un petit bois, qui ressemblait plutôt à un parc, puis ce furent à nouveau quelques routes, et un autre bois encore. Nous progressions. Nous touchions au but. Si Edward devait savoir exactement dans quelle direction se diriger, ce n’était pas mon cas. Cependant, je percevais la proximité de la nature, celle d’une grande forêt, sa vibration si particulière, son magnétisme humide et tendre, quelque part devant nous. Je sentais où aller. Et bientôt, nous nous enfonçâmes dans l’obscurité palpitante de grands arbres odorants.
Nous ne stoppâmes pas immédiatement notre course, mais nous ralentîmes notre cadence. A mes côtés, j’eus la sensation qu’Edward se détendait. Sa main se posa sur ma nuque. Je finis par m’immobiliser. La vie, je la sentais, partout autour de moi. Celle des animaux nocturnes. Leur odeur était forte, très perceptible. Plusieurs me parvenaient, très distinctement. Je comprenais qu’il devait s’agir d’animaux sauvages assez gros, mais je ne savais pas lesquels. D’une manière peut-être plus violente encore que la première fois –parce que j’en connaissais à présent la satisfaction-, ma soif me submergea d’un coup. Le désir de m’élancer, de prendre, de mordre et de boire se fit si intense que je me mis à trembler. Et il allait falloir que j’apprenne à contrôler cela ! Comment y parviendrais-je ?
« Ed-ward… »
Ma voix hoquetait comme si ma mâchoire avait été crispée de froid. Je déglutis.
« Je… j’ai très soif à nouveau. Je… je ne comprends pas.
_ C’est tout à fait normal, Bella. Il va te falloir un moment pour étancher ta première soif. Ton corps a besoin d’énergie pour s’adapter à ses nouvelles capacités. Après, elle se calmera d’elle-même.
_ Co-combien de te-temps ? »
J’avais encore hoqueté. Je me sentais ridicule et je m’en voulais de ne pas parvenir à surmonter le désir qui me vrillait les sens.
« Quelques jours, peut-être quelques semaines. Il va falloir te nourrir souvent pour commencer, tous les jours certainement, et puis cela ira rapidement mieux. Ne t’en fais pas. »
Edward comprenait très certainement mon impatience. Ses doigts glissèrent sur les contours de mon visage.
« Bella… il y a un temps pour tout.
_ Quoi ? »
Quelque chose avait bougé, à quelques mètres de nous, dans les fourrés. Un parfum de noix et de racines, mêlé à celui d’un sang clair et chaud chatouillait mes narines. Je tressaillis et me mordis les lèvres. Edward souriait. Je le voyais distinctement, malgré l’obscurité. La plus infime lumière ambiante me suffisait à distinguer les formes, à présent. Il n’y aurait plus jamais, pour moi, de nuit noire, sans doute. Plus jamais de totale obscurité. Comme je le regardais avec attention, le sourire d’Edward s’élargit encore. Les ombres sur son visage dansaient et ses yeux luisaient. Je ne comprenais pas son expression et il me semblait que je ne l’avais jamais vu sourire de cette façon.
« Que veux-tu dire, Edward ? »
Son pouce effleura mes lèvres.
« Je veux dire qu’avant de chercher à maîtriser ta soif, tu dois plutôt te préoccuper de l’apaiser. Tu dois… te laisser aller… faire ce que ton instinct te commande de faire. Et profiter du plaisir que cela te procure. »
Je n’étais pas certaine de comprendre. Je voulus froncer les sourcils, par réflexe, mais je me rendis compte que mon visage ne réagissait pas. Un peu plus loin, sur notre droite, une respiration légère déplaçait l’air de la nuit. Je me mis à humer l’odeur que la brise transportait jusqu’à moi.
« Qu’est-ce que… ?
_ C’est un chevreuil, expliqua Edward sans que j’aie besoin de finir ma question. Il y en a beaucoup ici. Il y a aussi un sanglier, de l’autre côté, qui fouille le sol. »
C’étaient donc ces animaux-là. A présent, j’étais sûre de parvenir à les reconnaître entre mille.
« Tu peux faire ce que tu veux, maintenant, Bella, acheva Edward en posant un doigt sur la pointe de mon nez. Je vais chasser avec toi. »
La surprise et la joie me saisirent. Une seconde, j’hésitai.
« Avec moi…
_ Viens ! »
Il avait disparu.
Je m’élançai à sa suite. Son parfum me guidait. Je le rattrapai bientôt, le devançai. Le chevreuil avait détalé, mais il n’était pas assez rapide.
Aucun animal ne l’était. Assurément.

Lorsque nous regagnâmes Paris, l’aube éclairait le ciel, à l’Est, d’une teinte vert pâle. J’étais repue, apaisée… mais également profondément bouleversée par cette première nuit de chasse en compagnie d’Edward. Je me sentais si calme et… si pleine d’énergie !
Le trajet du retour m’avait semblé ne durer que quelques minutes, j’étais perdue dans mes pensées, dans mes sensations, dans ce qu’Edward et moi avions partagé, j’avais le sentiment que nous n’étions réellement plus qu’un même être. Nous communions dans le silence de la nuit tandis que nous filions à la vitesse de l’éclair, comme nous avions communié, un peu plus tôt, dans le sang. Le sang nous avait unis. Nous avions pourchassé ensemble -nous savions exactement comment agir, l’un et l’autre, quand bondir, quand surprendre, quand saisir-, nous avions bu ensemble, savouré… Nous étions un vrai couple. Un bien étrange couple. Un couple de vampires. Et, malgré le trouble confus qu’une partie de moi-même éprouvait, je devais reconnaître que ce sentiment était aussi extrêmement exaltant.
Pour la première fois, j’avais vu Edward prendre possession d’une vie, je l’avais vu se nourrir, j’avais compris et partagé le plaisir que cela procurait. Un étrange plaisir, si fort, apaisant, et triste à la fois ! Il faut être vampire pour ressentir cela… Pourchasser, capturer, mordre et boire sont des instants qui procurent une telle excitation et une telle satisfaction que toute autre idée, toute autre pensée ou volonté se trouve annihilée. Mais lorsque la vie s’éteint entre nos doigts, sous nos lèvres… ce moment est un véritable déchirement. Car la conscience humaine se ranime soudain, et notre soulagement se teinte immédiatement de remord. Il ne s’agissait que de vies animales, pourtant… mais elles m’avaient déjà laissé clairement percevoir la torture qu’un vampire doué d’une morale encore « humaine » devait éprouver lorsqu’il infligeait la mort à un être humain. Le poids de la faute… et la difficulté de ne pas la commettre. Je savais à présent pourquoi Edward n’aurait jamais pu se nourrir devant moi lorsque j’étais humaine. Malgré l’amour qui nous unissait, cet acte aurait été trop impudique. Cette nuit pourtant, j’avais enfin vu Edward, dans sa vraie nature, je l’avais connu, entièrement, car il ne craignait plus de se révéler à moi. Parce que j’étais sa semblable. Et que plus rien ne nous séparait. Plus rien ne nous séparerait jamais.
Boire et chasser avec mon mari -mon amant, mon ami, mon double, mon autre moi-même !- avait été l’expérience la plus libératrice qu’il m’avait jamais été donné de vivre. Pendant quelques heures, j’avais cessé de réfléchir, j’avais glissé. Mon nouvel instinct avait pris le contrôle, il m’avait guidée. Et il était phénoménalement efficace. Sans l’avoir jamais appris, ni m’être exercée, je savais exactement quoi faire : comment sauter, à quelle hauteur, à quelle distance (et avec quelle précision !)… comment capter, le moindre bruit, le moindre mouvement, la moindre odeur. Tout mon corps en éveil, tout mon être en émoi. Mes gestes étaient vifs, justes, puissants –terriblement- et si naturellement maîtrisés, pourtant ! Je savais où me diriger, sans mots, sans hésitation, où mordre… Nous avions partagé nos proies, leurs goûts, partagé la vie, avec délectation. Et c’était une union, peut-être même meilleure que celle par laquelle nous avions partagé nos propres corps. C’était parfaitement incomparable. Mais, étrangement, cette chasse avait aussi fait naître une autre envie… Après avoir calmé ma soif, le désir m’était venu. Un désir d’une puissance incroyable, qui avait incendié progressivement chaque cellule de mon corps surnaturel. J’aurais voulu me jeter sur Edward, et profiter totalement de cette forêt, de cette nature sauvage qui n’appartenait qu’à nous. J’allais le faire… pourquoi me retenir ? Un vampire ne craint réellement plus rien, il n’y a plus de limites. Je voulais Edward… Je le voulais tellement !
Mais il m’avait signifié qu’il était temps de rentrer. Alors j’étais parvenue à me civiliser à nouveau, j’avais immédiatement retrouvé le contrôle de moi-même, avec une si grande facilité que j’en avais été surprise. Sans doute parce qu’une fois ma soif étanchée, je pouvais mieux me maîtriser, je pouvais choisir de redevenir rationnelle, et Edward avait sur le champ redémarré sa course en direction de la ville. J’avais eu le sentiment de le poursuivre, d’abord, et l’idée m’avait réjouie. Attendre… je pouvais bien attendre encore un peu. J’avais tant attendu, déjà. Nous avions couru. J’étais portée par mon bien-être, par les sensations multiples qui se bousculaient en moi, tantôt espiègles, tantôt farouches, et par la certitude qu’une fois arrivés… Car à présent, plus rien ne nous empêchait…

Devant la porte de l’hôtel, alors que mon compagnon dépliait les lunettes de soleil qu’il avait gardées dans sa poche, je fus soudain frappée par l’idée qu’après tant d’abandon, mon apparence devait être effroyable. Edward s’apprêtait à entrer, mais je cherchais mon reflet dans la vitre de la porte. Mes cheveux étaient-ils en désordre ? Collés et emmêlés, pleins de brindilles, d’herbes et de feuilles ? Avais-je l’air d’une vraie furie ? Je ne voulais pas effrayer la réceptionniste. L’état de notre chambre aurait déjà suffisamment de quoi alarmer les employés de l’hôtel. Mes vêtements devaient être tâchés ou déchirés…
« Que fais-tu ?, s’inquiéta Edward.
_ J’essaie de voir si… je suis présentable. »
Il étouffa un rire.
« Présentable ? Tu comptes aller à un bal dans l’immédiat ?
_ Très drôle. Est-ce que je suis sale ou… terrifiante ? »
Durant quelques secondes, il me considéra avec beaucoup de sérieux. Ce qui me laissait envisager le pire. Finalement, il annonça :
« Tu es… incroyablement humaine, Bella. Et je peux t’assurer que c’est particulièrement troublant pour moi. »
Pour le coup, ma bouche s’ouvrit toute seule.
« Mets quand même tes lunettes », chuchota-t-il près de ma tempe, et ses lèvres se posèrent sur mon front.
Puis il prit ma main, et m’entraîna dans le hall. La jeune femme qui nous avait souhaité une bonne soirée avait été remplacée par un homme plus âgé dont l’eau de toilette au fort parfum de vétiver paraissait avoir envahi tout l’espace. Il portait une petite moustache et avait l’air à moitié endormi. A notre passage, il nous adressa cependant un grand sourire qui nous suivit jusqu’à l’ascenseur. Bon, je ne devais pas ressembler à une sorcière.
Les miroirs qui tapissaient la cabine confirmèrent cette impression. A mon grand étonnement, je remarquai que mes joues étaient roses, et mes cheveux sombres aussi souples que si j’avais passé la nuit sagement assise dans un fauteuil. Je comprenais à présent la remarque d’Edward. J’inspectai mes chaussures. Leurs semelles étaient légèrement poussiéreuses. Mais cela n’avait rien de normal, compte tenu des kilomètres que nous avions parcourus à travers villes et bois. Si j’avais été humaine, j’aurais eu de la terre jusqu’aux genoux. Non, correction : j’aurais été entièrement recouverte de boue et au moins un bras et une de mes jambes seraient cassés. A moins que je ne sois carrément morte d’épuisement. C’était encore le plus probable ! Alors que là… Finalement, il ne serait peut-être pas si difficile de parvenir à chasser en escarpins et robe haute couture comme aurait pu le faire Alice, avec toute cette grâce innée dont elle m’avait toujours semblé capable. Avec un peu d’entraînement…
Edward poussa la porte de notre chambre.
Sans jeter un regard à l’intérieur, je l’entraînai vers le centre de la pièce encore obscure et m’enroulai autour de lui, tandis que le battant émettait un clic discret en se refermant derrière nous.
Pour mon plus grand bonheur, il ne m’opposa aucune résistance. Au contraire. En retour, il m’embrassa fiévreusement, alors que nos vêtements tombaient, les uns après les autres, sur le sol. A partir de cet instant, nous basculâmes radicalement hors du temps et du monde. Je ne vis ni le jour se lever, ni sa lumière s’intensifier ou décliner. J’étais happée par mes sensations, nouvelles, prodigieuses, et trop violentes pour que ma raison ne me soit pas complètement confisquée des heures durant.





Chapitre 6 : Dangereuse ?/ Dangerous ?



Quand, finalement, j’émergeai des brumes de mon délire, je remarquai d’abord que la lumière qui provenait de l’extérieur et dessinait des arabesques caressantes sur les draps du lit ou sur le sol devant les fenêtres, avait rosi, signe que le soir tombait doucement.
Se pouvait-il réellement que la journée entière soit passée ?
Je me sentais parfaitement calme et détendue. Heureuse. Un bras d’Edward enlaçait ma taille, me serrant contre lui. Je posai mes doigts sur la peau lisse de sa main. Je sentis sa bouche, contre ma nuque, s’étirer en un sourire. Je souris également, et fermai les yeux. Je n’avais pas sommeil. Je ne savais même plus ce que signifiait ce mot. Mais, derrière mes paupières closes, des images se formèrent. Les souvenirs des heures passées défilaient dans mon esprit, parfois précis et très nets, parfois de simples détails sans contexte clair, un regard, une impression vive, une pensée sans mots… De quoi me rendre écarlate, si cela avait encore été possible.
« Mon bouclier s’est à nouveau levé, Edward, n’est-ce pas ? »
Effectivement, je me rendais compte à présent que j’avais partagé, durant un long moment, les pensées d’Edward, comme il avait été lui-même dans les miennes. J’avais perçu l’instant où cela s’était produit, cette sensation d’étirement élastique, depuis le sommet de mon crâne vers l’extérieur, ce sentiment de confiance absolue que j’avais éprouvé, cette envie de faire du bien et de…
« Donner…, murmura Edward contre mon cou. Je crois que cela se produit quand tu veux donner. Quand tu t’oublies et que tu laisses s’exprimer ce qu’il y a de meilleur en toi. Ta générosité, ton abnégation, ta compassion… ou quelque chose du genre. Qu’en penses-tu, Bella ? »
Il avait très certainement raison. C’était bien ce que j’avais ressenti. Je me retournai vers lui, je voulais l’embrasser encore, me serrer contre lui.

Ma main se posa sur son épaule. Mais je l’en retirai aussitôt. Il y avait quelque chose… Je poussai un cri et me redressai instantanément.
« Oh, mon Dieu ! Edward ! »
Sur son épaule, une tache bleuâtre, énorme, s’était formée. Elle ressemblait à une étoile de mer, étrangement ondulée. Et il y en avait d’autres ! Violettes, roses, brunes… Sur son bras, sa poitrine, son cou.
« Quoi ? »
Son visage… sa mâchoire, sa bouche…
« Mais… tu es… blessé, Edward ! »
Pour autant, il ne réagit pas. Il demeurait si calme... Souriant. Au bout de quelques secondes, il s’étira et se frotta les membres. Ses sourcils se soulevèrent, lui donnant une expression… amusée ?
« Tu es vraiment très forte, tu sais, et c’est normal, mais… ça valait le coup, crois-moi ! Et puis, tu n’étais pas vraiment en colère… »
Etait-il en train de faire de l’humour ? Je ne voulais pas croire ce que j’étais en train de comprendre.
« Tu veux dire… ? Que c’est moi qui t’ai fait ça ? »
En y regardant de plus près… ces marques avaient bien la forme de doigts ! Sur son bras, je pouvais compter les phalanges. Sur son cou, un pouce avait laissé son empreinte ourlée de vert.
« Quelle horreur ! »
J’étais terrifiée et effondrée. Mais Edward posa une main sur ma joue.
« Ne t’inquiète pas. Je vais bien. Tout ça aura disparu dans quelques minutes. Je n’ai pas… mal, si c’est ce qui te perturbe.
_ Mais enfin, Edward… ! Je suis un monstre. »
A ma grande stupéfaction, il éclata d’un rire sonore et déconcertant. Puis il passa sa langue sur une petite entaille rose de sa lèvre inférieure. Je la vis se refermer presque aussitôt et il se renfonça dans son oreiller.
« Ça… je l’ai déjà entendu quelque part. C’est ma réplique ! Honnêtement, des monstres comme ça… j’ai toujours rêvé d’en avoir dans mes placards.
_ Oh, Edward… Comment peux-tu… ? Tu es content, en plus ! »
J’aurais voulu me gifler, me glisser dans un trou et disparaître. Je cachai mon visage dans mes mains en soupirant de désespoir -car j’étais totalement et violemment désespérée, soudain, ma gorge était si serrée que je ne pouvais même plus déglutir, une émotion de douleur intense m’écrasait-, mais il rit de plus belle et m’attira contre lui.
Je ne savais pas si je devais le laisser faire ou protester.
« Je ne me suis rendu compte de rien…
_ Très franchement, Bella, moi non plus.
_ Mais… tu aurais dû me dire si… je te serrais trop fort, ou… »
Il soupira.
« Cesse de te faire des reproches. Nos blessures… n’ont rien à voir avec ce que peuvent être les blessures humaines, Bella. Tu réagis encore avec ce que tu connais… Mais tu verras : il n’y a pas de réelle douleur, et rien n’est grave. Il en faut beaucoup plus pour meurtrir un vampire. Tellement plus ! »
Peut-être disait-il vrai. Néanmoins, je m’en voulais profondément.
« Pourtant, tu ne m’avais pas laissé te toucher, hier, quand je me suis réveillée. Tu disais que j’allais te briser les os… et là…
_ Tu ne t’étais pas encore nourrie. Je n’étais pas sûr que ce soit très raisonnable. Après avoir bu, les nouveaux-nés se contrôlent mieux, ils sont moins dominés par leurs émotions ou leurs appétits. S’ils éprouvent le manque… ils peuvent devenir extrêmement dangereux, sans forcément le vouloir. Et même avec leurs proches. »
Edward marqua une pause.
« J’ai blessé Carlisle, quand il m’a changé, avoua-t-il tout à coup d’une voix un peu assourdie. Il… il restait toujours près de moi, afin d’anticiper ma soif et de m’éviter de croiser des humains dont le sang aurait pu m’attirer irrépressiblement. Et c’est quand il a cru pouvoir relâcher sa vigilance, après que je l’aie supplié pour la millième fois de me faire confiance, que cela s’est produit. Il a voulu me retenir. Nous nous sommes battus. Je lui ai cassé la mâchoire, broyé la clavicule… il s’en est fallu de peu que je ne lui arrache un bras. Je ne pouvais plus m’arrêter. Ma colère et mon désir de boire m’aveuglaient. Mais il a tenu bon, et, finalement, c’est ma culpabilité qui m’a arrêté. »
Il sourit, un peu tristement me sembla-t-il, avant de reprendre :
« Ma culpabilité… tu vois, elle a ses avantages. J’ai soudain réalisé ce que j’étais en train de faire, et tout s’est évanoui. Toute ma frustration, toute ma fureur. Encore aujourd’hui, je peux revoir ce moment aussi clairement que s’il venait de se produire, et je m’en veux toujours. Je sais que mon père m’a pardonné depuis longtemps. Il ne m’a même jamais reproché ce qui s’était passé. Mais moi… moi… j’ai eu beaucoup de mal à me regarder en face après ça. J’avais tellement honte ! »
Ma joue était appuyée contre la poitrine vibrante d’Edward. Quand il se tut, son corps se fit soudain parfaitement immobile et silencieux.
« C’est pour ça que tu es parti ? »
La douce vibration reprit.
« En partie. Mais je ne l’ai quitté que bien plus tard. Quand j’ai été réellement sûr de moi. Je devais… trouver des réponses aussi. Les trouver par moi-même. »
Je voulus passer précautionneusement mes doigts sur la marque qu’avait laissée ma main sur le haut de son bras. Mais elle avait déjà entièrement disparu. Pourtant, comment pourrais-je envisager de le toucher encore, si je devais à nouveau lui infliger de telles contusions ?
« Je suis vraiment désolée, Edward.
_ J’en ai autant à mon actif, souffla-t-il, et cela aurait pu être bien plus grave. Lorsque tu étais humaine, je t’ai fait du mal… Alors que j’aurais dû être capable de me contrôler, moi. »

Un instant, je me demandai si la maîtrise de mes gestes lorsque j’étais en proie à des émotions vives serait longue à venir. Cette idée m’inquiétait de plus en plus. Tant que je ne serais pas capable de le faire, je serais un danger pour tous ceux qui m’entouraient. Vampires ou humains… enfants… Impossible de rentrer à Forks jusqu’à-ce que je m’appartienne à moi-même. Que je m’appartienne totalement. Et à chaque seconde.
Je ne me sentais pas si imprévisible ou menaçante, pourtant. A vrai dire, je n’avais aucune idée de ce dont j’étais capable, car je ne m’apercevais même pas du moment où la domination que j’exerçais sur mes envies m’échappait. Je soufflai :
« J’ai vraiment eu l’impression… d’être engloutie par ce que je ressentais. Je ne pouvais rien retenir… je n’avais plus de volonté et je ne me rendais pas compte de ce que je faisais… »
Edward poussa un autre soupir, mais très différent cette fois.
« Mmhhh… merveilleux ! En ce qui me concerne, mes souvenirs sont très clairs… et je ne manquerai pas de te rappeler certaines choses à l’occasion… »
Il plaisantait. Mais je n’avais plus le cœur aussi léger que quelques instants plus tôt.
Nous restâmes un moment enlacés et silencieux. Je m’abîmai dans mes pensées. Autour de nous, la lumière déclinait doucement.
Finalement, Edward déclara :
« Nous allons partir. Il faut que nous nous éloignions des villes pendant quelque temps. Le temps qu’il faudra. Mais avant, je veux t’emmener voir quelque chose… »
Je me détachai de lui et le considérai attentivement, encore inquiète de redécouvrir les marques de ma brutalité. Mais son corps était à nouveau uniformément pâle et lisse. Parfait. Il semblait impossible qu'il ait jamais pu en être autrement. Je caressai du bout d'un doigt sa peau soyeuse et pourtant si incroyablement solide... Cependant, cette brève vision que j’avais pu avoir, d’un Edward couvert d’ecchymoses –et par ma faute !-, ne s’effacerait certainement jamais de ma mémoire.
« Pourquoi devrions-nous quitter la ville ? », demandai-je avec étonnement.
Edward fronça légèrement les sourcils.
« Il y a… des phases, Bella. Je voudrais que nous soyons loin avant que cela se produise.
_ Que veux-tu dire ?
_ Maintenant que tu as goûté au sang, il va falloir que tu apprennes à contrôler tes envies, et il y a toujours une période où elles deviennent particulièrement infernales. Ton organisme a besoin d’un certain temps d’adaptation avant de se stabiliser. Arriver à supporter le manque, à réfréner ses pulsions lorsque la soif survient, est le plus difficile.
_ Ah… ? »
De toute évidence, je n’étais pas au bout de mes peines.
« As-tu déjà envie de te nourrir ? Nous n’allons pas tarder à sortir. »
Non, je ne me sentais pas particulièrement… en manque. Et les paroles d’Edward me donnaient vraiment le sentiment d’être une droguée en phase de sevrage ! Je secouai la tête.
« Où veux-tu que nous allions ? »
Pour toute réponse, Edward se jeta sur moi et déposa une pluie de petits baisers sur mon épaule.
« Ça… c’est un secret. Mais je suis sûr que tu vas adorer ! »

Effectivement, l’endroit était à couper le souffle.
Contrairement à toute attente, quitter l’hôtel et traverser Paris s’était avéré pour moi moins difficile que la veille. L’odeur des humains que j’avais pu croiser m’avait bien attirée, pourtant, mais elle ne m’avait pas bouleversée au point que je craigne de ne pas parvenir à y résister comme cela avait pu être le cas lorsque nous nous étions retrouvés avec cet homme, dans l’ascenseur… Mais il était vrai que nous ne nous étions pas attardés en leur présence. Comme la nuit précédente cependant, Edward n’avait pas lâché ma main jusqu’à ce que nous nous retrouvions seuls, dans la nature. Cette fois-ci, il m’avait conduite à l’Ouest. Nous avions suivi la Seine, laissé derrière nous la Tour Eiffel illuminée dans la douce nuit naissante, filé jusqu’au bout du Quai du Point du Jour (un si joli nom !), traversé plusieurs bois pour descendre, encore, vers une forêt plus vaste. Là, nous avions chassé. Mon instinct s’était réveillé tout à coup, lorsque Edward avait enfin libéré ma main et que j’avais senti la présence stimulante des animaux qui seraient mes proies pour cette deuxième nuit de ma nouvelle existence. Des biches. Souples, gracieuses et vives. Leur délicatesse avait empli mon être, leur fougue s’était emparée de mon âme. Encore une fois, même s’il n’en éprouvait pas forcément le besoin, pour le plaisir et peut-être même davantage pour me rendre les choses plus faciles, Edward avait traqué avec moi, et nous avions partagé le ravissement ambigu de prendre la vie afin d’apaiser la nôtre.
Quand ma soif fut étanchée, quelques heures avant le lever du jour, mon mari avait repris ma main dans la sienne, non plus pour me protéger de moi-même, m’entraîner pour me préserver de la tentation de me retourner sur des êtres qui ne m’étaient pas destinés, mais tendrement et malicieusement, comme un enfant qui veut conduire quelqu’un qu’il aime vers la surprise qu’il lui a préparée. Je m’étais laissé guider alors, à travers la nuit tiède. De nouveaux bois avaient défilé, d’autres villes. Nous étions remontés vers Paris, mais par un autre chemin. Notre course s’était achevée devant un bassin magnifique, au centre duquel émergeait la statue claire d’un dragon, entouré d’enfants à cheval sur des cygnes et quelques autres créatures marines, à ce qu’il me semblait. Juste à sa droite, en contrebas, se trouvait un autre bassin, immense, à l’extrémité duquel était assis un imposant Neptune antique armé d’un trident. D’autres sculptures l’entouraient, un homme et deux femmes, ainsi que des animaux fabuleux… Nous étions dans un parc extraordinaire, merveilleusement organisé, équilibré, parfait et si… serein. Je demeurai bouche bée. Quel spectacle magnifique ! Et qui n’appartenait qu’à nous, car l’endroit était désert. Me retournant, je découvris un château somptueux.
« Mais… Edward… nous sommes… à Versailles ? »
Sans y être jamais venue, il m’était impossible de ne pas reconnaître ce lieu unique. Et il était encore plus impressionnant que ce que j’avais pu en voir ou imaginer à son sujet !
Edward souriait. Sa lèvre retroussée s’étira encore davantage vers ses pommettes.
« Tu aimes ?
_ Si j’aime ? Mais c’est sublime !
_ J’ai pensé qu’une petite promenade dans ces jardins, à pas lents, pour changer, serait une bonne manière de finir la nuit après notre course. Qu’en penses-tu ? »
D’un bond, je fus dans ses bras.
« J’en pense que j’adore ton idée, Edward…
_ Tu vois… j’en étais sûr. »
Je me mis à rire.
« En fait, tu avais peu de chances de te tromper… ce n’était pas trop difficile.
_ On ne sait jamais… Je crois avoir compris que tu n’appréciais pas forcément le luxe… »
Riant toujours, je levai les yeux au ciel. Je voulus l’embrasser, mon cœur battait dans ma gorge, tout mon corps palpitait de joie. Mais je n’achevai pas mon geste.
« Bella ? Qu’y a-t-il ? »
Je m’écartai d’un pas. Stupéfaite de la brusquerie avec laquelle mes émotions éclataient et se déployaient en une fraction de seconde, je trouvai quand même la force de ne pas y céder tout à fait. Edward s’avança, posa une main sur mon épaule.
« Bella ?... »
Je frissonnai de désir. Non… je pouvais maîtriser cela. Je le devais… Et quelle douleur soudain ! Quelle frustration extrême ! Quel dommage… il serait si doux de se laisser aller encore… J’en avais tellement envie !

Je souris de mon mieux. Le plus tendrement que je pus.
« Rien… Je… je repensais à ce rêve que j’ai fait… il y a longtemps. »
Edward planta un regard mi-hésitant mi-inquisiteur, dans le mien. De ma gorge à mes jambes, le désir se répandit, crépitant à la façon de petites étincelles brûlantes. Je ne saurais jamais résister au regard d’Edward, décidément ! Alors, je saisis sa main, me détournant un peu de lui.
« Dans ce rêve, je m’étais vue… je n’ai jamais trouvé l’intérêt de te parler de ça avant, mais… le lendemain de notre nuit de noces, dans l’île d’Esmé, je… tu étais bouleversé parce que j’étais couverte de bleus. »
Les doigts d’Edward se refermèrent sur ma main. Sa voix caressante se fit plus grave.
« De quoi parles-tu, Bella ? Qu’essaies-tu de dire ? »
Il avait raison. Autant être claire.
« Dans mon rêve, j’étais humaine, et nous avions pourtant fait l’amour, parce que je te l’avais demandé et que tu me l’avais promis. Cela, je te l’ai déjà dit. Tu avais fait en sorte de te contrôler mais… j’avais des marques sur tout le corps. Des courbatures. Je n’avais pas mal, cependant. J’étais heureuse. Et voilà… voilà que c’est l’inverse qui se produit ! »
Edward m’attira doucement contre lui. Ses bras encerclèrent ma taille. Il souriait.
« Ton rêve t’en avait beaucoup dit. Mais les choses étaient un peu décalées, sans doute, comme Carlisle nous l’a expliqué alors. Tu vois… tu sais que je n’ai pas à te craindre. Que je ne souffre pas. Que je suis heureux. Mes émotions sont celles que toi, tu avais ressenties. C’est donc cela, Bella ? Tu refuses de me toucher maintenant ? Tu t’inquiètes pour moi ? Tu crains de me faire du mal ? Très franchement… »
Mon visage touchait presque sa poitrine. J’avais envie d’y poser la joue. De me laisser bercer par son parfum, submerger par sa tendresse. Mes lèvres effleurèrent le creux de sa gorge. Je fermai les yeux.
« Je comprends juste ce que tu ressentais alors, Edward. Ta colère… ton dégoût. Ta honte… »
Le plus doucement que je pus, je me dégageai de son étreinte, mais conservai mes doigts croisés dans les siens. Encore une fois, je souris avec l’air le plus léger que je parvins à me composer. Etait-il crédible ? Je n’en savais rien.
« Marchons, Edward. J’ai très envie de faire cette promenade. Ce parc est plus beau qu’un rêve. »
Un peu hésitant, il ne répondit mot, mais m’emboîta le pas.

Nous avançâmes dans une allée, descendîmes quelques marches de pierre, contournâmes d’autres bassins. Puis, quand nous nous fûmes un peu éloignés du jardin principal, nous poursuivîmes sur la droite, à travers des buissons fleuris et des arbres hauts. Tout, dans ce lieu, respirait la magnificence des siècles révolus. Le temps… le temps passé. Je m’aperçus alors que la notion du temps me semblait un peu étrangère tout à coup. Il y avait toujours des jours et des nuits, mais il n’y avait plus ni fatigue ni inconscience. Il n’y avait plus d’heures dans mon existence. Il n’y avait que des moments. Les siècles allaient passer, et je demeurerais là, moi aussi, comme un monument. C’était cela, être un vampire. Demeurer. Alors que tout passerait et disparaîtrait, nous perdurerions. Enfin, peut-être… si notre destin nous le permettait.
Comme nous approchions d’une petite construction ronde semblable à un temple, Edward me tira de mes pensées en venant soudain se positionner devant moi.
« Je ne veux pas que tu cherches à t’éloigner de moi, Bella, lâcha-t-il dans un souffle en emprisonnant mon menton entre son pouce et son index. Je ne le supporterai pas. Je ne veux plus qu’il y ait de barrières, il y en a trop eu ! »
Je comprenais sa réaction. J’avais éprouvé la même chose tant de fois ! Son pouce suivit le contour de ma lèvre inférieure.
« Nous sommes de la même espèce, à présent, Bella. Et tu es mon épouse. Nous sommes l’un à l’autre et, si tu es à moi, je t’appartiens également… Avec un bonheur immense. »
Je n’eus pas le temps de considérer davantage l’émotion de son regard profond, ni de réfléchir à ce qu’il voulait me faire comprendre par ses paroles. Les mains d’Edward se glissèrent derrière ma nuque. Il se pencha sur moi, et m’embrassa.
Il embrassa ma bouche, mes paupières closes, ma gorge. Il me provoquait. Et il le faisait exprès.
Bientôt, sans que je sache précisément quand ou comment, ma volonté –à nouveau !- capitula.

12 commentaires:

  1. Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhh j'ai aimé !!! Par contre, va savoir pourquoi, peut-être parce que je suis encore dans le déni de la mort de Jacob, avant d'entamer ces nouveaux chapitres je me suis dis "Comment Jacob va t'il prendre la transformation de Bella... Oh mince mais il est mort". Ca n'a pas duré longtemps, mais juste assez pour me faire de la peine...

    Quoi qu'il en soit j'ai beaucoup aimé ce retournement de situation. Bella devient en quelque sorte un Edward bis avec ses craintes de faire mal et ses remords. J'avoue l'avoir trouvé un peu longue à la détente par moment. Comme si elle cherchait à se faire plaindre. Sérieusement elle n'est pas débile, elle a vu Riley et Victoria mourir sous ses yeux, alors elle sait très bien que quelques ématomes c'est du pipi de chat en comparaison. C'est bizarre mais avec ces nouveaux chapitres, et malgré sa transformation, j'ai eu l'impression de retrouver la Bella d'avant. Celle avant la mort de Jacob, les bébés, les drames... Un peu comme si ce changement lui avait fait retrouver sa VRAIE nature, au lieu de lui en donner une autre comme on pourrait le penser...

    Edward, alala, mieux qu'un guide touristique ce mec! Versailles, rien que ça! J'espère qu'ils ne vont rien casser pdt leurs ébats amoureux, c'est le patrimoine historique tout de même lol.

    Sinon je tiens à te féliciter pour tous les liens que tu crées avec la Saga de S.M. Tu arrives à glisser ton histoire merveilleusement bien, de façon à ce que tout concorde. J'imagine que ça ne doit pas être facile. Il faut tout le tps revenir en arrière, vérifier, etc... Chapeau bas!

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  2. Ah, merci Jacobinette, pour ce commentaire ! Comme je me suis un peu habituée à avoir ta réaction dans le 1/4 d'heure qui suit la publication d'un nouveau chapitre, je me posais des questions... j'étais inquiète ! Je me disais : "mince, elle a pas aimé, et elle me dit pas pourquoi..." Ça m'embêtait parce que je me suis bien amusée, moi, avec ces chapitres ! Mais bon, me voilà rassurée. Tes commentaires sont toujours très intéressants pour moi, et même surprenants parfois, parce qu'en lisant tu remarques ou ressens des choses que je n'ai pas vues moi-même. Par exemple, Bella qui chercherait à se faire plaindre ou qui "retrouverait" en quelque sorte sa personnalité "d'avant"... je ne m'en suis pas aperçue, mais c'est très sensé !
    Ton réflexe concernant Jacob est très touchant, et, mine de rien, logique... il montre que tu considères toujours que Jacob n'est pas (vraiment) parti, et je trouve ça plutôt bien. Comment Jacob prendrait-il la transformation de Bella, en effet, dans ma fiction ? Il faudrait que je m'interroge à ce sujet... Elle le fait pour protéger ceux qu'elle aime. Qu'en penserait-il ?
    Pour Versailles, ben... c'était un peu obligé quand même. Il faut profiter de la région parisienne ! Je ne les ai pas fait aller au Louvre voler la Joconde, mais ils pourraient...
    J'essaie de penser "Edward" pour changer, un peu, et je crois vraiment qu'il veut faire partager à Bella tout ce qu'il y a de mieux, alors... Ne t'inquiète pas, ils seront respectueux du patrimoine ! Mes vampires n'ont pas de relations "déchaînées" comme ce qu'en dit Emmett chez S. M., et puis ça ne correspond pas à Bella et Edward, je trouve. Tu pourrais dire à Cam -si tu chattes avec elle quelque part- que les petits plans que j'ai mis en liens dans mon commentaire pourraient l'intéresser ? Je ne crois pas qu'elle suive ma fiction (je sais, j'ai tué Jacob... *soupir*) et c'est dommage parce que j'ai justement pensé à elle en publiant ce chapitre (c'est marrant cette coïncidence avec une de vos dernières discussions !) lol.
    J'aime beaucoup tisser des liens avec la saga de Meyer, comme tu dis. Ils viennent très naturellement, en fait, même si parfois je suis obligée de vérifier quelques trucs parce que j'ai commencé à franchement oublier certains détails. Ça m'inquiète toujours, ça, de faire un gros contresens, ou un méga oubli (je me suis rendu compte, d'ailleurs, il y a quelque temps, que j'ai oublié quelque chose... ce n'est pas le plus important, mais quand même, il va falloir que je réfléchisse à la manière d'y remédier).
    N'hésite pas à laisser d'autres impressions si elles te viennent a posteriori, et merci encore pour ce (long) com !

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  3. Je me disais, ça y est Sombrelune a déraillé. Elle nous fait une crise lol. J'avoue avoir mis plus de tps à lire ces chapitres. En fait j'ai tout simplement pris mon tps. Voyant la fin arriver je fais durer le plaisir. Et puis face à tout ce changement ça me permet de mieux assimiler la situation. Je comprend bien pourquoi ils en sont éloignés, en quelques sortes c'est pour les protéger. Ce n'est pas la distance qui me gène mais juste le fait qu'ils n'y fassent jms alusion...

    Une chose me gène un peu par contre. Bella ne parle jamais de ses enfants. On dirait qu'ils ne lui manquent pas beaucoup... J'aurais imaginé qu'elle donnerait plus de signe de manque d'eux. Idem pour Edward, certe ce sont les enfants naturels de Jacob, mais leur père c'est en quelque sorte Edward. Je trouve que ce sont des parents un peu égoistes, pensant à eux avant de penser aux rejetons...

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  4. Pourquoi "déraillé"ou "une crise" ? Je ne comprends pas... Et puis de quoi sont-ils "éloignés" "pour les protéger" dans ton premier paragraphe ?... Je ne dois pas avoir les idées claires, excuse-moi, mais il faudrait que tu me dises...
    Concernant les enfants... lis les chapitres suivants (chpt 16) ! Leur attitude n'est pas vraiment égoïste : il faut régler les difficultés les unes après les autres, et là, la difficulté, c'est que Bella est un nouveau-né. Et puis tu sais, quand quelqu'un te manque vraiment, en fait, tu essaie plutôt de ne pas en parler ou y penser, parce que c'est encore plus difficile. Je crois qu'Edward aurait certainement tendance à éviter le sujet, par délicatesse, pour ne pas faire souffrir Bella (qui a des réactions un peu vives, en l'occurrence). Dans leur cas, à ce moment là, c'est surtout bien inutile.

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  5. Sinon, c'est bien que tu prennes ton temps. Je trouve que ça permet de mieux apprécier. Pour la toute fin, j'espère encore... te faire pleurer ! (j'y ai pris goût, bon sang ! lol). Je vais m'y employer... avec application. ; ))

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  6. Oulala mon com a méchemment bugué. Ca m'a bouffé tout le milieu lol.
    Pour le "déraillé" c'était pour tes coms qui s'étaient répétés. Et pour "éloigné" je parlais du fait que Bella mentionnait pas svt ses enfants. Je comprenais pourquoi elle était loin d'eux, mais pas qu'elle n'en parle quasiment jms.

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  7. Sadiiiiique !!! Moi je pleure presque jamais... Non c'est pas vrai, ta fiction a été sponsorizée par Kleenex. Les top 3 moments larmoyants:

    - la mort de charlie
    - la mort de jacob
    - l'enterrement de jacob

    Bon y a eu plein d'autres moments tristes... Mais ces trois là ont été explosifs lol. Je me souviens surtout de la mort de Charlie car j'allais en cours juste après, je fesais tout pour m'éviter les yeux bouffis et rouges lol.

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  8. Oh, là là... résumée comme ça, on voit tout de suite que ma fiction est une véritable tragédie ! Mais il n'y a pas que les moments tristes qui soient émouvants... ; )

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  9. Oui. Il y a pleins de passages qui sont émouvants. Mais il y a aussi des passages drôle, enfin quand Jacob était encore vivant... Parce que Bella et Edward c'est pas des ptits rigolos... Soyons honnête, l'humour c'est pas leur fort!

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  10. Mmhhh... disons qu'Edward a son petit humour bien à lui... lol ! Par contre, je n'avais pas du tout aimé l'humour-blagues à 2C de Jacob vs Rosalie dans le 4e tome. Je sais, je dois bien être la seule... mais je le trouve trop... fait exprès pour contrebalancer l'horreur qui se produit en parallèle... tout à fait comme dans les films gore, en y réfléchissant bien... (mais oui, c'est ça ! Je veux Peter Jackson -eh oui, il n'a pas fait que le Seigneur des Anneaux, Bad Taste et Braindead c'était lui aussi !- ou John Carpenter -il connaît déjà le sujet !- pour réaliser "Révélation")

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  11. C'est pour ça, tu vois... pour moi, "Révélation", c'est vraiment comme un cauchemar. Avec des choses horribles, et d'autres vraiment incongrues...

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  12. Moi les blagues ne m'on pas géné. Ce qui m'a franchement énervé c'est la nouvelle image de Jacob. On aurait dit qu'on l'avait fait passer au rang de pouilleu, tout droit sorti du moyen age. Un peu comme si on avait voulu faire passer la pilule du fait que Bella choisisse Edward. Genre "Regardez Jacob. Elle n'aurait jamais pu choisir un gars pareil". Ce n'est pas tout le tps ainsi, mais certain passage ou il est cracra et qu'il met de la bou partout pour faire chier, je ne retrouvais pas le Jacob que je connaissais. Ca m'a fortement agacé!

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Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !