mercredi 4 novembre 2009

A propos des chapitres 28-29-30-31 : inspiration





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After she comes back, Bella gets more and more feverish and full of a strange energy that makes her do things all the day and the night long. The wound on her forearm opens again sometimes. Edward notices something is wrong and calls Carlisle. But yet Bella seems fine. She suddenly falls asleep for a very long time and when she awakes, Edward tells her Jacob feels unnatural too. Bella gets mad because Edward won't let her out. He's angry with Jacob : he beleives the Quileute's done something dangerous to Bella. She's not herself anymore. But, as time passes, she calms down. She talks to Jacob on the phone, and he tells her the ritual made them exchange some characteristics for a short moment. Jacob is anxious because he made an horrible dream about him acting madly and killing many people. Bella feels the need to go and see Jacob. She escapes from Edward and is captured by Giacomo and Jane. Her dream comes true, but she tries to change some elements. Jane reveals why she decided to kill her : Aro is too much interested by Bella's gift and Jane can't stand it. As she beleives everything is over, Jacob arrives, in the shape of a wolf. But he's alone. Jane tortures him and Giacomo kills him. Bella's devastated. Then the wolves pack and the Cullen family arrive. Jane tries to torture and kill them all. She has the power to do it. Suddenly, she's stopped by something terrifying her. Bella recognizes Leah, changed into a limping wolf. But she's not alone : a monsruous wolf comes after her. He's one of the Childen of the Moon. Bella is moved away by Edward who explains her that Jane can't influence Johnny -who is the werewolf- because he's out of his spirit. The monster finally catches Jane and kills her while Giacomo escapes. Alice is unconscious. Jacob is gone forever. Bella's in despair.


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La disparition d'un des personnages principaux est toujours un moment difficile, pour l'auteur comme pour les lecteurs. Cependant, comme dans la vraie vie, affronter ce moment est parfois obligatoire, fatal. Bien évidemment, cette mort n'est pas gratuite, comment pourrait-elle l'être ? Elle est nécessaire, comme d'autres éléments, à l'évolution de l'histoire. De nouvelles vies viennent, d'autres s'en vont...
Je n'ai jamais prétendu créer un monde idéal, duquel la mort et la souffrance seraient absents. Pour avoir un sens, dans la littérature fantastique, l'immortalité doit se confronter à la mort. Mettre les deux face à face, peser l'une et l'autre, les cerner, les comprendre, découvrir leurs conséquences... C'est ce qui permet de prendre conscience de la valeur de la vie et de l'apprécier. Où serait l'intérêt si tous les personnages vivaient éternellement et heureux ? Je n'écris pas un conte de fées.


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Voilà. Il ne reste qu'Edward, et Bella. Tant que Jacob était présent, tant que Bella reste humaine, leur relation était ou demeure impossible. Et maintenant ? Il leur reste tant à affronter... Il reste tant à comprendre au sujet du comportement d'Edward... et de Jacob.


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Il m'est apparu qu'il était temps, dans cette histoire, de montrer enfin le visage d'un de ces mythiques Enfants de la Lune dont parle Aro. Un vrai loup-garou. Leur mythe est extrêmement riche. Plus que celui des vampires, d'ailleurs ! Il serait vraiment intéressant d'envisager une histoire à leur sujet et, en ce sens, je commence à "ouvrir" ma fiction. Vers autre chose... d'autres histoires qui pourraient être écrites, parallèlement. J'aime beaucoup cette idée.
Les vrais loups-garous sont supposés être extrêmement puissants, dangereux et incontrôlables. Ils représentent l'animalité dangereuse, les instincts violents de l'être humain. J'ai profité de la présence des Transformateurs pour créer un lien, parfaitement nouveau, entre le loup-garou et l'homme-loup. La femme-loup, plus précisément ici. Leur relation sera expliquée prochainement.


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Jane a toujours été pour moi un personnage incarnant le sadisme et la folie (elle et son frère ont été persécutés pour leur "différence" avant de devenir vampires) sous une apparence angélique. Plus que cela, elle et les Volturi représentent l'organisation, la hiérarchie qui structure la société, la Loi, mais la loi mauvaise, celle du mensonge et de l'hypocrisie. Celle qui prend pour prétexte le maintien de l'ordre, la volonté de protéger le plus grand nombre, pour servir, en réalité, des ambitions et des intérêts personnels. Comme dans la vraie vie, encore une fois...
et j'aurai l'occasion d'en reparler plus tard.

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Le morceau de musique que j'ai mis sur cette page correspond aux sentiments que j'ai éprouvés, que les personnages et les lecteurs (peut-être) éprouvent à ce stade de l'histoire. Tristesse, souvenirs, questionnements, colère. Comment vivre encore ? Comment continuer... quand l'amour ou des êtres essentiels à notre existence sont partis ?

VOL I _ chapt 28, chpt 29, chpt 30, chpt 31



Chapitre 28 : Cauchemar/ Nightmare

« Avance ! »
Je reçus un nouveau coup entre les omoplates.
Le grand vampire brun me tenait par les cheveux, m’obligeant à suivre leur rythme. Mais je n’étais pas essoufflée. Pas encore. La douleur n’était pas non plus celle que j’avais pu ressentir dans mon rêve, avec autant d’acuité qu’aurait pu, qu’aurait dû, en avoir la réalité. Quelque chose avait changé. Nous suivions Jane dans les ténèbres de la forêt. Je savais où nous nous rendions. Au fond de moi, je savais que nous avancions vers ce qui devait être la fin de tout.

Comment dire cette horreur de voir se produire ce que j’avais le plus redouté au monde ? De le voir se dérouler, à nouveau, sous mes yeux. De pouvoir prédire, à chaque instant, les paroles qui allaient être prononcées, les gestes qui seraient faits… Ma tête aurait pu tourner, j’aurais pu avoir la nausée, m’effondrer de peur et de désespoir, perdre connaissance sous l’effet de la terreur… car comment endurer l’insupportable ? Pourtant, rien de tout cela. J’étais solide, incroyablement. Calme et détachée, comme seul peut l’être celui qui sait exactement à quoi s’attendre. Pleine de rage, aussi. Une rage bizarre, assourdie pour le moment, par la surprise de l’attaque, par le rythme de la marche, par le bouillonnement de mes pensées durant cette fuite dans l’obscurité des bois et de la nuit, mais qui n’allait pas tarder à exploser, je le sentais. Je la sentais monter en moi, énorme, puissante… C’était une rage qui ne m’appartenait pas, comme cette ardeur que j’avais ressentie toute la semaine qui avait précédé, que je sentais encore dans tout mon corps, mes muscles, mes nerfs, mon souffle et mon sang.
Je levais les pieds afin d’éviter les racines traîtresses qui menaçaient à chaque instant de me faire trébucher. Mes mains tendues devant moi cherchaient à éviter les obstacles des branches, des ronces, des troncs entre lesquels il fallait se faufiler, vite, vite. Jane glissait devant, comme une ombre silencieuse et immatérielle, sans bruit et sans se retourner jamais. Je pensais à la corde. L’avait-elle, enroulée autour de son épaule ou de sa taille, sous sa cape flottante ?
Giacomo ne relâchait pas son emprise et me poussait également d’une main plaquée au milieu de mon dos. Il était vraiment très grand, très épais, plus fort qu’Emmett, me semblait-il. Jane avait choisi un soldat -et un garde du corps- qui saurait se montrer un combattant efficace si l’éventualité se présentait. Elle, seule, était déjà un véritable fléau. Qui pourrait lui résister ? Si je restais hermétique aux illusions de douleur qu’elle était capable de créer, je n’avais cependant pas la possibilité de lutter contre la force des vampires et ce don que j’avais se révélait alors parfaitement inutile. Elle n’avait rien à craindre de moi. Peut-être ne voulait-elle tout simplement pas avoir à me toucher elle-même ? Des milliers d’idées se bousculaient dans mon esprit. Je sentais, je comprenais, que je réagissais comme un animal pris au piège qui cherche la moindre occasion, le moindre moyen de pouvoir s’échapper, qui réagira dès que l’opportunité se présentera, avec violence, avec toute son énergie, et même davantage. Je me voyais faire, comme si je ne m’habitais plus moi-même, en cet instant. L’instinct de conservation se manifestait de manière évidente et particulièrement forte. Je me sentais prête à bondir, à lutter, à blesser, peut-être (si seulement je le pouvais !), jusqu’au bout de mes forces et au-delà encore. Cela, sans doute, parce que je n’avais pas à le faire pour moi seule. Parce que ma raison de vivre me dépassait à présent et, aussi étrange que cela pouvait me paraître, ce sentiment ressemblait fort à de la fierté.

Lorsque nous débouchâmes dans la clairière, tous les petits détails de ma vision me sautèrent aux yeux. L’herbe était bleue sous l’intense lumière de la pleine lune, la cabane en pierre écroulée était posée en son centre comme un tombeau éventré… Mon cœur cognait dans ma gorge…
Que se passait-il ensuite ? Il fallait que je m’éloigne de mes bourreaux.
Le vampire qui me retenait me jeta au sol. Je laissai flancher mes genoux et m’écroulai en haletant. Giacomo se détacha de moi une seconde. Je plongeai la main dans ma poche. Mon téléphone… il allait sonner. Je plaçai mes doigts sur les touches. Jane s’avançait vers la cabane.
« Amène-la par ici. Ne l’abîme pas trop, il faut que cela reste… »
Entre mes doigts, je sentis l’appareil vibrer. Je m’accroupis et détalai aussi vite que je pus vers la limite des arbres. Cela ne dura que quelques secondes, avant que je ne m’écrase contre la statue de pierre qui venait d’apparaître devant moi. Sa main glacée plongea contre ma nuque, ses doigts se replièrent autour de mon cou, l’enserrant si fermement que je suffoquai. En un clin d’œil, nous fûmes à nouveau près de Jane.
« Elle est coriace, maugréa Giacomo.
_ Plus que je ne l’imaginais… », souffla la petite vampire d’une voix de velours.
Elle me dévisagea longuement. Dans ma poche, l’appareil était décroché. Celui, ou celle -quel qu’il fût (j’étais cependant quasiment sûre qu’il ne pouvait s’agir de Renée)-, qui avait cherché à me joindre devait à présent pouvoir entendre notre conversation. J’espérais qu’il n’allait pas se mettre à appeler de toutes ses forces et qu’il comprendrait rapidement la situation dans laquelle je me trouvais. Peut-être n’entendait-il tout bonnement rien et avait-il déjà raccroché… Puisque je faisais en sorte de modifier le cours des évènements que mon rêve m’avait montrés, chaque élément nouveau était voué au hasard.
Jane plissait les yeux. Aucun son ne montait de mon portable, et ce fut dans le plus grand des silences qu’elle m’asséna une gifle dont la violence me fit pousser un cri. Elle avait frappé contre mon oreille et le choc me sonna. La douleur résonna, profondément, dans mon cerveau, me laissant assourdie pour un moment. Je tombai à genoux pour de bon, cette fois-ci, gémissante, les mains posées sur ma tempe douloureuse.
« Tu as de la chance, reprit-elle avec une sorte de petit sourire, que je doive me retenir…
_ Pourquoi s’inquiéter ?, demanda Giacomo. On ne la retrouvera pas de sitôt, alors…
_ Détrompe-toi, répondit Jane en faisant claquer sa langue, ses amis loups-garous, qui se sont donné pour mission de protéger les humains de cette région, la chercheront… et la trouveront sans doute… dans quelque temps, même si j’ai fait en sorte de m’éloigner autant que possible de leur territoire. Eux, ou les Cullen. Son Edward remuera ciel et terre… Pour les autres humains, en tout cas, il faudra que tout ait l’air le plus naturel possible. Alors… pas de traces ! »
La rage qui, jusqu’alors, avait couvé en moi, éclata tout à coup. Le geste était sans doute vain -c’était un geste désespéré-, mais je me jetai sur Jane. Je savais qu’elle ne mordrait pas. Elle cherchait la discrétion, je devais faire en sorte de contrarier ses plans, autant que possible. Je donnai des coups qui n’eurent évidemment aucun effet sur elle. Elle se recula, simplement.
« Calme cette furie ! », articula-t-elle avec mépris.
Giacomo saisit mon bras et je perçus le craquement des articulations sous ma chair écrasée. Dans un nouveau hurlement, je fus contrainte d’abandonner la lutte.
« Là, bien sage. »
Je soufflais bruyamment. Malgré la douleur, j’avais du mal à contenir ma colère et cette envie que j’avais de frapper, de griffer et de mordre. La vitalité qui m’habitait me dépassait, comme elle l’avait fait tous ces jours derniers. Je ne parvenais toujours pas à la contrôler totalement encore, même si je la sentais déjà décliner. Il m’avait fallu du temps pour en comprendre l’origine. Je n’étais plus vraiment moi, et c’était aussi la raison pour laquelle je me trouvais, cette nuit-là, à la merci de ces deux vampires. Giacomo me tenait en respect. Cependant, pour répondre aux exigences de Jane, il détacha ses doigts de mon bras et enroula le sien autour de ma gorge, me plaquant contre lui. Instinctivement, j’eus un soubresaut de dégoût et tentai de me dégager de son étreinte, mais il me plaqua contre lui, m’étranglant presque.
« Mais elle est enragée, ma parole…
_ Etrange…, murmura Jane, il faut croire que la fréquentation de ce… clan de vampires dénaturés lui a fait perdre toute notion de crainte ou de respect pour les êtres supérieurs que nous sommes. »
Mes mains s’agrippaient au bras d’acier qui écrasait ma poitrine, je parvenais difficilement à trouver de l’air.



Jane me considérait avec attention. Sous la lumière blafarde, son visage d’ange avait une expression terrible. Ses mâchoires serrées creusaient ses joues rondes, éternellement enfantines, son front lisse était tendu, étirant ses yeux dont les extrémités semblaient remonter vers ses tempes. Ses prunelles étincelaient, profondément rouges et liquides. Elle réfléchissait. Sa langue passa sur ses dents, nacrées comme des perles. Je sentais, je savais, qu’elle regrettait… de ne pouvoir prendre tout son temps. Depuis quand me guettaient-ils ? Que savaient-ils au juste ? Comme je m’étais vue le faire dans mon rêve -très différemment cependant- je m’écriai :
« Mais qu’est-ce que je vous ai fait ? Je ne représente aucune menace. Je… Edward a promis à Aro qu’il ferait de moi un vampire afin de garder le secret et il le fera… bientôt… nous venons de nous marier et... »
Comme je m’y attendais, Jane retroussa les coins de sa bouche délicate. Ses yeux brillèrent d’une joie méchante. Elle me faisait face et souriait ! Un sourire plein de haine. Elle avait l’air de vouloir que je comprenne pourquoi elle était là.
« Tu ne deviendras pas un vampire, dit-elle avec une moue narquoise, plus jamais, en fait, ça je peux te le promettre car… je ne le veux pas. »
Quoi ? Que voulait-elle dire ? Mon expression surprise la fit rire tout à fait. Mais dans ce rire, sec et métallique, je perçus clairement l’exaspération qui l’habitait.
« Vous… les Volturi… n’ont pas décidé… ?
_ J’ai décidé », coupa-t-elle.
Son rire tomba soudain. Ses pupilles se rétrécirent et sa voix se fit plus sourde.
« Je suis convaincue que tu es une menace réelle, poursuivit-elle, pour notre équilibre. Les Volturi n’ont pas besoin de toi. Notre fonctionnement est harmonieux et fort… »
Il me semblait que je commençais à comprendre. C’était absurde… réellement incroyable… impensable ! Derrière les propos de Jane, transparaissait progressivement sa motivation profonde. Je n’aurais jamais pu la soupçonner, ni même l’envisager ou l’imaginer… Pourquoi se donnait-elle la peine de me l’expliquer en des termes qu’elle voulait rationnels ? Pour le plaisir de me faire savoir qu’elle avait gagné ? Qu’elle se débarrassait définitivement d’une rivale gênante et insupportable ? Pour me faire ressentir le pouvoir que j’aurais pu avoir et qui allait m’échapper à tout jamais ? Elle pouvait croire que cela me blesserait, alors que je n’en avais cure. Ses motivations étaient trop loin de ma personnalité et de ma sensibilité pour qu’elles aient pu me sembler plausibles de prime abord. Elles étaient sans nul doute le produit d’un esprit retors et déséquilibré. Je réalisai, à cet instant, à quel point j’étais passée à côté de la folie de Jane. Certes, il n’y avait que la folie pour la pousser à agir comme elle l’avait fait, comme elle le faisait… Comment un être comme elle, si belle, puissante et redoutable, pouvait-il éprouver de la jalousie pour l’humaine que j’étais ? Car c’était bien de cela qu’il s’agissait… de jalousie !
« Je… ni Edward, ni aucun des Cullen n’a jamais eu l’intention de se joindre aux Volturi, répliquai-je, nous souhaitons juste rester ici, vivre en paix selon nos principes. Vous gérez parfaitement les intérêts des vampires et votre pouvoir ne saurait être…
_ Tu ne sais pas…, gronda Jane entre ses dents, à quel point Aro… te veut. Depuis des mois, il ne cesse de parler de toi et de ton… fameux don. Ce bouclier… L’Egide ! Voilà comment il t’appelle ! Comment il t’envisage ! Le bouclier des dieux… ni plus ni moins… son bouclier personnel. Infranchissable, indestructible, celui dont il a toujours rêvé. Contre lequel, moi-même, je ne pourrais rien… »
Jane sifflait de rage. Je n’avais rien compris. Je n’aurais pas pu voir venir cette lutte-là, tant elle était éloignée de mes préoccupations. Une lutte de pouvoir. Elle avait toujours été la préférée d’Aro. Son plus beau jouet et son arme imparable. Peut-être la craignait-il, même … Elle ne voulait pas perdre ce statut qui lui autorisait toutes les fantaisies et lui donnait, au sein des Volturi, un rang sans égal. Jane avait résolu de me faire disparaître et rien n’aurait pu empêcher cela.

Le petit vent qui soufflait dans la nuit faisait flotter ses cheveux autour de son visage de statue. Elle se tenait très près de moi. A cause des mots qu’elle venait d’employer sans doute, elle m’apparut alors comme une gorgone, un monstre tout droit sorti des mythes anciens. Et comme dans les mythes, la fatalité qui venait de m’être finalement révélée me pétrifia d’horreur.
« Il jubile à cette idée… il est prêt à attendre le temps qu’il faudra… que ton Edward te change enfin à notre image... Cela, je ne le souffrirai pas, acheva-t-elle.
_ Vous allez contre sa décision !, m’exclamai-je encore incrédule. Vous agissez… seule ? Dans ce cas, il ne vous le pardonnera jamais !
_ Personne… ne saura… jamais. »
Jane avait articulé ses dernières paroles avec une telle détermination que je compris tout ce qu’elles signifiaient. Apparemment, Giacomo ne se doutait pas, lui, de ce dont elle était capable. Sans doute était-il trop confiant, ou trop aveuglé… Il ne quitterait pas la forêt, une fois sa besogne achevée. Il ne quitterait pas le pays, en tout cas.
« Je suis venue jusqu’ici m’assurer que les choses seraient enfin bien faites, et elles vont l’être, reprit-elle d’un ton badin, en retrouvant son petit sourire satisfait et sa voix doucereuse. Je n’aurais jamais cru qu’il soit si difficile de venir à bout d’une humaine ! Il faut dire… que tu es très entourée. J’avais d’abord envoyé un vampire… un incapable, qui a pris peur en croisant un de ces hommes-loups qui ont fait alliance avec les Cullen. Il est rentré si bouleversé que j’ai jugé préférable d’abréger son trouble… Puis ce minable junkie de Seattle… J’avais cru que cela serait presque plus facile pour lui. Il avait une bonne motivation, pourtant ! Encore une existence inutile… Non. Il faut faire les choses soi-même si l’on veut être satisfait. »
Un instant, je me demandai quel était cet homme-loup qui avait mis le premier vampire envoyé pour me tuer en fuite. S’il avait appartenu à la meute de La Push, nous aurions rapidement appris la nouvelle… J’avais vu juste : il s’agissait certainement de Johnny. Je n’aurais malheureusement pas l’occasion de le remercier pour ce qu’il avait fait.
Jane soupira, contrariée d’avoir dû perdre tant de temps avant d’atteindre son but, de toute évidence. Puis ses yeux se plissèrent et luirent étrangement.
« Ah !... et désolée pour ton père… », ajouta-t-elle avec un air de compassion feinte qui me vrilla l’estomac.
Sur ce, elle fit un geste, se retourna et s’éloigna en direction de la ruine. Son serviteur m’entraîna à sa suite. Je voulus hurler, mais il abattit sa grande main froide sur ma bouche, comme un bâillon de pierre inamovible.
A présent, je savais vraiment tout, et j’allais mourir. Pour rien. Pas parce que nous avions transgressé les lois, pas parce que ceux qui régnaient sur le monde des vampires avaient collectivement décidé que notre existence, le caractère unique de notre vie et du chemin si particulier que l’amour avait tracé pour nous, mettait en péril leur loi du silence… Non. A cause des craintes aberrantes d’une petite vampire insensée. A cause de son orgueil démesuré.
Au moins, ni Edward ni Jacob n’auraient à affronter les Volturi. Je ne pouvais qu’espérer qu’ils n’auraient pas à le faire ensuite, qu’Edward ne chercherait pas d’explications. L’incompréhension serait totale, pour les uns comme pour les autres. Jane ne pouvait savoir à quel point ce qu’elle s’apprêtait à faire génèrerait de confusion. Si mon portable, décroché quelques instants plus tôt n’avait pas capté et restitué clairement à celui qui m’avait appelée notre conversation, personne ne saurait jamais, effectivement. N’était-ce pas préférable, d’ailleurs, malgré le sacrifice insupportable que cela impliquait ? Je regrettai presque d’avoir cherché à aller contre les événements que m’avait annoncés mon rêve en empêchant la destruction de mon téléphone. Mais je n’aurais pas pu me douter, quelques instants plus tôt, de la tournure que prendraient les choses. De plus, mon attitude irrationnelle des jours passés sèmerait aisément le doute sur les circonstances de ma disparition.
Pourtant, comme nous approchions de l’entrée de la cabane de pierre, mon regard scruta l’ombre de la forêt qui nous entourait, à la recherche d’un quelconque signe annonciateur : car mon rêve, même si je n’avais plus jamais eu l’occasion de le refaire récemment, ne se terminait pas ainsi… ni celui que Jacob avait fait, et dont il m’avait parlé en fin d’après-midi.
Je ne parvenais cependant pas à envisager comment ce que nous avions vu tous deux pourrait se produire à présent.





Chapitre 29 : Envoûtée/ Spellbound

Après avoir quitté Jacob sur la plage de La Push, une semaine auparavant, j’étais directement rentrée chez Charlie -chez moi, car cette maison était la mienne à présent- avec l’intention de me reposer quelques heures avant de devoir dire au revoir à Renée et à Phil. Je me sentais réellement épuisée, lasse et vide. J’avais mis cet accablement sur le compte de la longue nuit que j’avais passée et de l’accumulation de bouleversements que ma vie avait eu à subir en si peu de temps. Trop d’émotions fortes à gérer pour la jeune fille que j’étais… je m’attendais, un jour ou l’autre, à ne plus pouvoir tenir debout. Un moment de dépression aurait sans doute eu quelque chose de très naturel. Pourtant, ce qui m’arrivait n’avait rien de naturel, et il allait me falloir encore plusieurs jours pour m’en rendre compte.
J’avais retrouvé Edward qui m’attendait, dans le salon, à l’endroit même où il se trouvait lorsque j’étais partie. Silencieux et figé, si semblable à une statue. Il était bien capable de n’avoir pas bougé durant des heures. Son costume gris et sa chemise blanche étaient aussi impeccables que s’il venait de les revêtir…
Peu après mon entrée, il s’anima comme s’il sortait de sa torpeur. Lentement, il tourna son regard vers moi, tendit la main.
« Un moment, j’ai imaginé que tu ne reviendrais pas, murmura-t-il avec un petit sourire inquiet. Je n’arrive jamais vraiment à être rassuré à propos des intentions de Jacob… »
Je m’avançai vers lui et m’assis à ses côtés. Je voulais appuyer ma tête contre son épaule et me détendre, m’endormir, peut-être, auprès de lui. Cette maison était aussi la sienne à présent. Nous étions mari et femme. Edward avait pris ma main, il caressait mon poignet.
« Mais qu’est-ce que… ? », articula-t-il soudain.
Je rouvris les yeux. Il contemplait mon bras, l’air effaré.
« Oh, mince !, m’exclamai-je. Je vais aller nettoyer ça. »
La plaie de mon bras saignait, sans doute à cause de l’eau de mer. Elle ne me cuisait pas pourtant.
Je la nettoyai consciencieusement avec un produit que je trouvai dans la salle de bains, y appliquai une pommade antiseptique et me fis une sorte de bandage avec un bout de tissu propre. Edward me regardait faire, appuyé contre le montant de la porte.
« Qu’est-ce qu’il t’a fait au juste ?, demanda-t-il enfin.
_ Rien de bien grave, ça va passer rapidement. J’aurais juré que c’était déjà presque sec tout à l’heure…, je suis désolée en tout cas, Edward. »
Il me considérait d’un air perplexe. A cet instant, l’idée me traversa l’esprit qu’une vie quotidienne avec lui allait sans doute se révéler plus difficile que je ne l’avais imaginée. L’avais-je jamais réellement envisagée, d’ailleurs ? Si je m’étais déjà projetée dans une vie commune avec Edward, quelques fois seulement, et jamais de manière bien approfondie, je ne m’y étais jamais vue humaine… Etait-il seulement possible de vivre avec un vampire, sous le même toit que lui ? Passerions-nous tout notre temps ensemble ? Nous ne partagerions pas nos repas, certes … il ne partagerait pas mon sommeil… que nous resterait-il ? Combien de temps cela serait-il supportable, pour lui comme pour moi ? Si seulement il nous restait du temps…
Je m’aperçus que ces pensées faisaient progressivement monter en moi une sorte de colère. Je me sentais énervée, tout à coup. Je n’avais plus sommeil, je n’étais plus fatiguée. Il fallait… il fallait que je fasse… quelque chose.
« Je crois que je vais… ranger un peu la maison, déclarai-je. Non ? Qu’est-ce que tu en penses ? »
Il ne répondit rien et se contenta de me suivre des yeux comme je dévalais l’escalier en direction du salon.
Quand René et Phil arrivèrent, en début d’après-midi, j’avais déjà remis en place, rangé et lavé la plupart des meubles, accessoires et éléments de vaisselle que nous avions déplacés ou utilisés la veille. Edward était rentré se changer et les avait ramenés pour que nous puissions nous embrasser avant de les conduire à l’aéroport. René remarqua mon bras bandé mais ne s’étonna pas lorsque je déclarai que j’avais cassé une assiette en faisant la vaisselle. Elle me serra tendrement contre elle, puis prit mon visage entre ses mains.
« A bientôt, ma chérie », dit-elle avec émotion.
Presque aussitôt, elle s’exclama :
« Oh ! Mais Bella, tu… tu te sens bien ? On dirait que tu as de la fièvre…
_ Ah bon ?, m’étonnai-je. Non, je me sens tout à fait normale. Je dois… être fatiguée, j’imagine.
_ Bien sûr, sourit Renée. Venez nous voir, bientôt… Tu me manques déjà ! »
Après leur départ, je décidai d’aller prendre une douche. Les travaux que j’avais effectués dans la matinée m’avaient donné terriblement chaud et j’avais suffisamment transpiré pour la journée.
En apercevant mon reflet dans le miroir, je compris cependant la réflexion de Renée. Contrairement à l’habitude, mes joues étaient très roses, mes lèvres presque rouges et mes yeux brillants. Je paraissais réellement fiévreuse. Pourquoi me sentais-je aussi bien alors ? Je ne pouvais pas être malade… à moins que je n’aie attrapé, au cours de ma nuit près de la mer, une sorte de rhume qui ne tarderait pas à se manifester. Ce n’était pas bien grave. Une douche s’imposait, de toute manière.
Le temps que je passai sous l’eau chaude ne m’apporta pourtant pas la détente à laquelle je me serais attendue et j’en sortis plus dynamique que je n’y étais entrée. Tout en moi appelait l’action. Je sentais qu’il fallait que je bouge, je ne pouvais envisager de rester une minute sans rien faire. Si je n’en avais pas besoin, tant mieux, je me reposerais plus tard. Mon esprit anticipait rapidement les tâches à accomplir et l’ordre dans lequel il valait mieux les entreprendre : il me restait tant de chose à arranger ! D’abord, il me sembla qu’un nettoyage et un rangement complets s’imposaient dans la maison, ensuite… je pourrais commencer à transformer la chambre d’amis. Je ne voulais pas toucher à celle de Charlie pour l’instant. René m’avait proposé de m’aider à faire le tri dans ses affaires, nous nous étions interrogées sur ce à quoi il valait mieux les destiner, mais nous n’avions pu nous résoudre à rien pour le moment, et je ne pouvais toujours pas. Par contre, il était possible faire quelques petits travaux d’aménagement simples dans la troisième chambre dont nous nous étions si rarement servis (pour ainsi dire jamais) qu’elle avait toujours plutôt fait office de débarras et ne contenait même pas de lit. Je devrais peut-être chercher un petit travail, également, afin de gagner de quoi assumer certains frais et subvenir à mes besoins. J’étais mariée à Edward, pour qui les ressources financières n’étaient pas -et ne seraient sans doute jamais !- un problème, mais je ne voulais pas vivre à son crochet toute mon existence… Je pourrais prendre des cours par correspondance aussi, afin de continuer à m’instruire et ne pas perdre mes acquis, le temps que… Rien ne me semblait impossible. Il fallait juste s’y mettre… S’y mettre tout de suite. J’en ressentais le désir impérieux, le besoin absolu.



Lorsque Edward revint de l’aéroport, il me trouva en pleine activité. Il ne dit d’abord rien et partit lui-même chercher certaines de ses affaires qu’il souhaitait voir intégrer notre nouveau foyer. Puis, comme la nuit tombait, il parut s’inquiéter.
« Tu ne te sens pas fatiguée, Bella ?, s’enquit-il d’un ton qui me sembla signifier que mes occupations lui paraissaient suspectes.
_ Non, répondis-je avec étonnement car je venais moi-même de prendre conscience de la quantité de travail que j’avais abattu en une journée. Je crois même… que je pourrais continuer toute la nuit ! Il y a tant…
_ Viens un peu par ici… s’il te plaît, insista-t-il avec un geste de la main.
_ Quoi ?
_ Assieds-toi. »
Je me posai près de lui. Une seconde, deux secondes, trois… Mes doigts commencèrent à tambouriner nerveusement sur l’accoudoir du canapé. Cinq secondes, six… Mes orteils se tortillaient d’eux-mêmes à l’intérieur de mes chaussettes, mon souffle s’accéléra, mon cœur cognait. Rester inactive me rendait… nerveuse ! Je n’en pouvais plus, je me levai comme un ressort. Edward m’observait, si calme et si immobile…
« Bella, tu n’es pas dans ton état normal. Tu te sens bien ?
_ Oui, je… je dois seulement…
_ Tu ne tiens pas en place. Est-ce que tu t’en rends compte, seulement ? Tu es… franchement agitée. On dirait que tu as pris des amphétamines ! Aurais-tu… je me demande… as-tu peur de rester simplement avec moi ?
_ Mais non, voyons, quelle idée ! »
A nouveau, je sentis monter en moi une irrépressible colère. Réellement disproportionnée, cependant, m’apparut-il.
« Alors arrête de me donner l’impression que tu cherches des prétextes… enfin, tout ça peut attendre ! Nous avons le temps… »
L’étrange ballon qui avait lentement gonflé à l’intérieur de ma poitrine, m’empêchant de respirer et m’oppressant depuis plusieurs minutes –à moins que ce ne fût depuis toute la journée- éclata soudain.
« Oh, Edward, me désolai-je, crois-tu vraiment que nous ayons du temps ? Qu’allons-nous faire ? Il faut nous préparer… les Volturi… le bébé… la suite… y a-t-il une suite ? La maison… comment allons-nous vivre ?... »
J’étais trop tendue pour pleurer, néanmoins ma voix hoquetait comme si j’avais vraiment sangloté.
« Bella ! Calme-toi… »
Edward s’était levé, m’avait prise dans ses bras.
« Bella, mon amour… Je crois que tu commences à décompresser… et c’est bien normal. Je me demande même comment cela n’est pas arrivé plus tôt. Là, calme-toi… »
Il posait des baisers sur mes cheveux, ses mains caressaient mes épaules. Tout mon corps se mit à trembler. J’étais secouée de soubresauts nerveux, mes idées s’emmêlaient, mes sentiments se bousculaient, confus et violents, passant instantanément de la peur à la confiance, du désir à la répulsion, des sensations se répandaient dans tout mon corps, incontrôlables et aberrantes. Voulais-je m’abandonner au bien-être que me procurait le contact d’Edward ? Me laisser aller, être réconfortée et apaisée ? Ou bien me dégager de ses bras, exprimer tout ce qui me torturait depuis si longtemps, que j’avais si bien enfoui au fond de mes entrailles que j’avais presque réussi à en oublier l’existence, mais dont la présence muette me hantait jour et nuit ? M’arracher à l’attraction qu’il exerçait sur moi dès que nous étions trop près l’un de l’autre, et m’enfuir, peut-être même… loin de cet être charmeur qui parvenait à me détourner de mes préoccupations graves et réalistes, loin de son irrésistible beauté, loin de son parfum qui me chatouillait les narines et dont l’odeur douce me mettait autant mal à l’aise qu’elle m’était délicieuse ?
Mes bras désenlacèrent sa taille et retombèrent, inutiles, le long de mes flancs. Edward se détacha un peu de moi pour juger de mon expression. Alors, je m’aperçus que sa chemise était tachée. La plaie de mon bras s’était rouverte. Je ne comprenais plus rien à ce qu’il m’arrivait.
Pendant trois jours, je ne compris plus rien à rien.
Trois jours et trois nuits, pendant lesquels je ne dormis pas. Je ne parvenais à calmer la tension singulière qui m’habitait qu’en m’occupant physiquement : dépenser mon trop plein d’énergie me procurait une vraie et incompréhensible satisfaction. Je tournais dans la maison comme une âme en peine de choses à faire. Mon attitude frénétique alarmait Edward, qui prévint bientôt Carlisle. Après m’avoir examinée, sans pour autant se sentir obligé de m’interroger à propos de l’origine exacte de ma blessure –il était trop délicat pour cela-, le docteur Cullen avait constaté que la plaie de mon bras, bien qu’elle ne fût toujours pas cicatrisée, était tout à fait superficielle et n’avait induit aucune infection. Il déclara que, malgré mon attitude foncièrement étrange et la fièvre inexpliquée que je semblais avoir, j’étais en parfaite santé. Le médecin ne voulait donc m’administrer aucun médicament que ce soit, ne pouvant déterminer de quoi je souffrais et compte tenu de mon état. Il recommanda seulement que je ne reste pas seule, que je n’entreprenne rien qui puisse se révéler dangereux et demanda qu’on le prévienne immédiatement si quelque chose de nouveau venait à se produire et qu’il faille envisager des examens plus approfondis.
Curieusement, le manque de sommeil ne me causait aucune gêne.

Pourtant, le quatrième jour, je m’effondrai soudain sur le canapé, et m’endormis instantanément d’un sommeil de brute. Quand je rouvris les yeux, j’étais dans ma chambre, Edward se tenait près de moi.
« Comment te sens-tu ?, demanda-t-il aussitôt et je remarquai immédiatement l’expression préoccupée, presque effrayée, de son regard.
_ Mais… bien. Très bien, même… Pourquoi… ? »
Je me redressai. Ma tête tournait vaguement et mon estomac émit un gargouillis sonore.
« Tu n’as quasiment plus de fièvre, reprit Edward en posant une main sur mon front. Bella, tu… tu as dormi… plus de cinquante heures d’affilée !
_ Ah ?... »
Je ne m’étais absolument rendu compte de rien. Par contre, je réalisai très rapidement que j’étais morte de faim. Il fallait que je mange, et très vite. Jamais de ma vie, je ne me souvenais avoir autant éprouvé cette sensation de faim insoutenable.
Edward me regarda dévorer le plat de pâtes géant ainsi que les quelques ailes de poulet que je venais rapidement de me préparer. Quand je fus rassasiée, je compris qu’il n’était pas seulement soucieux de ma santé. Edward paraissait également fou de rage.
« Bella, finit-il par déclarer, il va vraiment falloir que tu m’expliques ce que Jacob et toi avez fait ! Ce qu’il t’arrive n’est pas… naturel. »
Sur ce dernier point, il avait sans doute raison. J’ouvrais la bouche pour lui faire comprendre que les quelques gestes que Jake avait accomplis ne me semblaient pas pouvoir être directement la cause de ce que je ressentais depuis quelques jours, quand il ajouta :
« Il n’est pas dans son état normal non plus… Billy a demandé à Carlisle de passer à La Push.
_ Quoi ?, sursautai-je, Jacob est… malade ? Qu’est-ce qu’il a ? Je vais aller…
_ Ne t’inquiète pas, me coupa Edward d’un ton sec, comme toi il est en parfaite santé. Il est juste… fatigué et il a… froid.
_ Hein ? »
Il était parfaitement impensable que Jacob ait pu avoir froid. Depuis sa transmutation, sa température corporelle habituelle était bien plus élevée que la normale, au point que la neige même lui était indifférente. Il pouvait faire fondre un glaçon dans sa main en quelques secondes.
« Rien de plus, reprit Edward. Carlisle n’est pas inquiet. Son état a l’air de s’être amélioré dernièrement, comme le tien, d’ailleurs. C’est pour cette raison que je crois… qu’il y a un rapport avec ce qu’il s’est passé l’autre nuit. Quoi qu’il ait fait, vu les conséquences, je pense sincèrement qu’il n’a pas convenablement réfléchi à ses actes, et qui peut savoir ce qu’il risque encore de se produire ? Ce garçon est complètement inconscient ! A quoi a-t-il joué ? »
Les yeux d’Edward lançaient des éclairs et son ton glacé exprimait davantage de rancœur et de reproches que ne l’auraient fait des cris.
« Tu… tu lui en veux ?
_ Oh oui ! Comment a-t-il pu mettre ta vie en danger ? Pendant un moment, j’avais pensé pouvoir lui faire confiance, j’avais vraiment cru… mais il semble que je me sois trompé.
_ Il faudrait sans doute que j’aille à La Push…
_ Non. J’apprécierais que tu évites de le voir pendant quelque temps. Tant que tout ne sera pas redevenu normal, en tout cas. Et j’aimerais vraiment que tu me dises où vous êtes allés et ce que vous avez fait. Je veux faire des recherches et pouvoir en parler avec Carlisle. »
L’attitude d’Edward me laissait clairement entendre que je n’avais pas le choix. Comme je l’avais ressentie quelques jours auparavant, une tension se réveillait dans tout mon corps et une vive irritation, que je reconnus pour ne pas être le produit de mon seul caractère, fit battre le sang à mes tempes. J’éprouvais des humeurs inattendues, brusques et changeantes. Je commençais seulement à les percevoir avec une certaine distance. Néanmoins, je ne parvenais pas à refouler mon agacement et, bientôt, il s’empara totalement de moi.
« Et moi, j’apprécierais, Edward, que tu me laisses juger moi-même de ce qui est dangereux ou non, bon pour moi ou non. Notre vie commune va rapidement devenir un véritable enfer si tu ne perds pas cette fâcheuse tendance que tu as à te comporter de façon ridiculement paternaliste à mon égard ! »
Les mots que j’avais prononcés avaient dépassé ma pensée, et il m’apparut que ni l’un ni l’autre n’étaient véritablement les miens !
Edward me considérait, médusé. Allions-nous nous disputer ? Je redoutais sa réaction, pourtant, je restai campée face à lui comme s’il avait été en mon pouvoir de lui tenir tête. Il me sembla même que je voulais que nous nous disputions.
« Tu vois, fit-il remarquer d’une voix blanche en levant les sourcils, tu n’es toujours pas redevenue toi-même.
_ Je suis complètement moi-même au contraire, désolée que tu n’apprécies pas !, rétorquai-je, et une partie de moi remarqua aussitôt que cet entêtement n’était effectivement pas le mien. Je sais bien… je sens qu’il faut… que j’aille voir Jacob. Tu ne vas pas m’en empêcher quand même ?
_ Tu le verras, affirma Edward, plus tard. En attendant, si je dois t’attacher…, poursuivit-il avec une expression volontairement menaçante, ça ne me pose aucun problème ! Je ne vais pas te laisser sortir seule dans un état pareil. Tu te montres incapable d’agir rationnellement et… (j’avais ouvert la bouche) non, je ne t’accompagnerai pas !... car je suis bien persuadé que je profiterai de la faiblesse de Jacob pour l’empêcher définitivement de nuire.
_ Oh ! »
J’étais outrée. Il se donnait le droit de me retenir prisonnière maintenant ! J’avais envie de le battre.
Mon air devait être suffisamment suggestif car Edward ajouta, sans pour autant se montrer moins ferme :
« Tu n’es pas en mesure de t’en rendre compte, je pense, mais c’est pour ton bien. »
C’en était trop. Je me ruai vers la porte.



Avant que j’aie pu l’atteindre, Edward se tenait devant moi, empêchant ma main de saisir la poignée.
« Mais… Edward, pousse-toi de là ! »
Il se produisit alors quelque chose que, de ma vie, je n’aurais jamais pu envisager : je me mis à lutter contre Edward, à me débattre furieusement, essayant de me frayer un chemin vers la sortie. J’avais beau y mettre toute ma force, qui devait, à cet instant, être bien supérieure à celle que j’avais jamais pu avoir, je ne parvenais pas à me dégager de sa poigne surnaturelle. Ses mains tenaient mes bras, mes épaules, ma taille. Mon impuissance me rendait complètement hystérique. Je voyais bien qu’il faisait en sorte de ne pas me blesser, alors que, moi, j’utilisais toute la violence dont j’étais capable. Il dut se résoudre à m’immobiliser complètement.
« Bella…, je t’en prie, finit-il par supplier alors, plus choqué que furieux, essaie de te calmer… Je ne voudrais pas être obligé de faire quoi que ce soit qui… »
Je me mis à hurler.
Cela me sembla durer longtemps. Mon corps était entièrement contracté, j’avais la sensation que je voulais… exploser. A mesure que mon souffle s’échappait de ma gorge, de mes poumons, du plus profond de moi, me semblait-il, je réalisais que je me montrais parfaitement insensée. Il fallait que je parvienne à retrouver le contrôle de moi-même. Quand le cri que je poussais finit par s’éteindre dans ma gorge, je haletais comme une démente. J’étais affolée et honteuse. Ma consternation fut complète lorsque je découvris l’expression du visage d’Edward. Mes yeux me brûlèrent, tout mon visage se liquifia, quelque chose en moi creva enfin… je me mis à pleurer.
Il y avait longtemps, longtemps que je n’avais pas pleuré.
Je sentis qu’Edward ne me tenait plus. Je passai mes bras autour de lui et le serrai aussi fort que je pus. Mon visage enfoui dans son cou, je pleurais. Il caressait tendrement ma nuque et mes cheveux. Ses doigts se posèrent sur ma joue. Je finis par lever les yeux vers lui.
« Oh, Bella, murmura-t-il, mon pauvre amour… »
Prenant mon visage dans ses mains, il m’embrassa. Je n’avais jamais remarqué à quel point Edward avait un goût sucré, à moins que ce ne fût encore une sorte d’hallucination de mes sens détraqués. Son baiser était à la fois exquis et étrangement gênant. Néanmoins, il me calma pour de bon. Pour quelques heures, en tout cas.
Vers le milieu d’après-midi, je me rendis compte que je m’étais remise à tourner comme un lion en cage, auprès duquel Edward aurait monté la garde. J’avais cependant davantage conscience de la façon dont j’agissais. J’avais l’impression d’être une enfant capricieuse et caractérielle. Tout à fait lunatique. Et je commençais à croire que ce qui était en train de se produire était réellement en rapport avec la cérémonie du mariage quileute que Jacob et moi avions célébré. Ne plus être entièrement moi-même me perturbait beaucoup. Alors qu’Edward faisait semblant de se plonger dans la lecture d’un livre, sans pour autant me quitter du coin de l’oeil, je me questionnai. Ce que je ressentais m’apparaissait, peu à peu, plus clairement. J’éprouvais… une sorte de manque. Je l’avais éprouvé brutalement quand Edward avait parlé de Jacob, sans pour autant en prendre conscience. A cet instant, j’avais ressenti le besoin irrépressible de me rendre auprès de lui, de m’assurer qu’il allait bien, de le voir. J’en avais été empêchée, et c’était sans nul doute la raison de la crise de nerfs que j’avais faite ensuite. Je sentais, en ce moment même où je repensais à Jacob, un grand vide, au fond de mon corps et de mon âme. Un vide qui m’appelait à partir, à le rejoindre, vite, pour trouver enfin le soulagement. Je sentais que tout cela s’arrêterait quand nous serions à nouveau réunis. Il me semblait que c’était ce qu’il fallait. Peut-être le rituel qu’il avait accompli nous obligeait-il à rester toujours l’un près de l’autre… peut-être nous empêchait-il désormais de supporter l’éloignement. Jacob m’avait-il menti ? L’avait-il fait exprès, en connaissance de cause ? Etions-nous, en quelque sorte, envoûtés ? De cela, je ne pouvais absolument pas parler à Edward. Sa colère contre Jacob ne ferait que s’accentuer et, peut-être même, irait-il lui demander personnellement des comptes.
Les choses semblaient pourtant évoluer. Même si mes émotions me submergeaient par moments, je pouvais à présent réfléchir à ce qu’il m’arrivait avec un recul certain.





Chapitre 30 : La gueule du loup/ Into the lion's mouth

Le soir tombait doucement, lorsque mon téléphone sonna. Edward était assis juste à côté et me le tendit avec réticence. C’était René. Elle avait longtemps hésité, m’expliqua-t-elle, avant de déranger de jeunes mariés, mais elle voulait prendre de nos nouvelles et savoir si nous avions déjà fait des projets. La discussion s’annonçait difficile. Tout en parlant, un peu confusément, je déambulais dans la maison, et finis par me retrouver dans ma chambre. Je m’affalai sur le lit. Je laissai ma mère me fournir tous les conseils et me faire part de toutes les idées qu’elle avait eus pour nous. Au bout d’un moment, Edward vint constater par lui-même que je n’arrivais pas à mettre un terme au flot ininterrompu des explications que me fournissait René au sujet des différents voyages que nous devrions entreprendre –n’avait-elle pas employé les termes de lune de miel ?- et la liste des destinations auxquelles elle avait songé avec excitation, puis il s’éclipsa à nouveau au salon. Devant le peu d’entrain qu’elle dut me trouver et qu’elle mit sur le compte de ma première semaine de mariage, René finit cependant par raccrocher plus rapidement que ce à quoi je m’étais attendue. Un moment, je contemplai le ciel qui s’assombrissait au-dessus des arbres, en tripotant les touches de mon téléphone portable. Je pouvais… juste quelques minutes… pour savoir et être rassurée… Edward était toujours en bas. Percevrait-il le changement de conversation ?
Sans plus hésiter, je composai le numéro. A ma grande surprise, Jacob décrocha aussitôt.
« C’est moi. Comment vas-tu ?, chuchotai-je.
_ Bella ! Et toi ? Le docteur Cullen m’a dit que tu étais très… bizarre. »
Le simple fait d’entendre sa voix me fut un soulagement indicible.
« Bizarre ! C’est le mot ! »
J’essayais de ne pas parler trop fort.
« Tu te sens bien ?
_ Oui, c’est justement ça le plus bizarre. J’agis sans dormir, je suis intenable… puis je dors, beaucoup trop… Ce n’est pas naturel. J’ai eu de la fièvre… mes sensations sont… anarchiques…
_ Et moi j’ai le dynamisme d’une limace… mais ça va mieux aujourd’hui.
_ Moi aussi, je crois qu’il y a du mieux. J’ai honte… je ne maîtrise rien. J’ai voulu… frapper Edward, tu te rends compte ! »
Je l’entendis distinctement pouffer. J’aurais dû m’attendre à cette réaction.
« Tu sais quoi, Bella ?... On dirait… »
Il gloussa encore…
« On dirait que… eh, ben ! Qu’est-ce que ça te fait d’être un peu moi ces temps-ci ?
_ Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
_ J’aurais dû m’y attendre… Je me demandais aussi… pourquoi j’avais l’impression d’avoir deux pieds gauches ces jours derniers !
_ Tu crois que… mais enfin, Jake, on n’échange pas sa personnalité avec quelqu’un comme ça !... Quelle idée…
_ C’est la cérémonie du mariage, Bella. Ne t’inquiète pas, ça va passer. Je n’aurais jamais cru que ce serait si… évident. Ou si fort ! Je pensais que le vieux Quil exagérait.
_ Bon sang, Jake, tu n’aurais pas pu m’en parler ?
_ Je suis désolé, crois-moi, je n’apprécie pas plus que toi… Je ne suis plus arrivé à transmuter pendant plusieurs jours, tu te rends compte ! Hier, j’y suis enfin parvenu à nouveau. L’angoisse… tu imagines un peu… ?
_ Edward est fou de rage. Je voulais venir te voir et il refuse que je sorte, il pense que je suis dangereuse pour moi-même.
_ Tu veux que je vienne ?
_ Oh non ! Je suis certaine que ça tournerait mal. Il t’en veut énormément. Il pense que tu as agi de manière inconsidérée… et moi-même, je me suis demandée…
_ Je suis vraiment désolée, Bella. Mais je peux t’assurer que nos rituels n’ont rien de dangereux. Au contraire ! J’ai une confiance absolue en nos traditions. »
Je comprenais bien ce que m’expliquait Jacob. Je sentais également, au fond de moi, que je n’avais rien à craindre. Pourtant, il fallait que je lui demande si la sorte de dépendance viscérale qu’il me semblait à présent éprouver envers lui était aussi due à la cérémonie.
« Dis-moi, Jake, est-ce qu’il y aurait d’autres… effets secondaires dont tu ne m’aurais pas parlé ?
_ Comme quoi… ? »
Je l’entendis ricaner.
« Tu… as les oreilles qui poussent ?
_ Je n’ai pas envie de rire… Est-ce que… Non, écoute, je ne peux pas te parler trop longtemps. Je vais essayer de venir te voir… »
Le ton de sa voix changea d’un coup.
« Quand ?
_ Dans quelques heures. Je pense que je devrais y arriver.
_ Ecoute, Bella, moi aussi il faut que je te dise certaines choses, tout de suite, au cas où tu ne viendrais pas tout à l’heure… Je crois que j’ai perçu quelques… effets secondaires, comme tu dis, et ils m’inquiètent. Tu n’as qu’à m’écouter, ça pose problème ?
_ Non, vas-y. Mais si je me mets à te parler de Rio de Janeiro, ne t’étonne pas.
_ Ah ?... Bon. J’ai vu Sam, il y a quelques jours. Nous nous sommes… un peu disputés, disons-le comme ça. Il ne veut pas « avoir à se mêler des règlements de comptes entre vampires », ce sont ses mots. Alors je… je lui ai fait savoir que je suis un alpha, que je suis né pour l’être, en tout cas… enfin, il l’a bien senti. Je pense pouvoir prendre la tête d’une meute s’il le faut. Je sais que d’autres me suivront, parce que j’ai la capacité d’imposer mes décisions… Seth m’a dit qu’il viendrait avec moi sans hésiter. Il a dû en parler à Leah aussi, depuis. Je suis presque sûr que Quil et Embry répondraient à mon appel. Même Sam, si j’insiste… mais je ne veux pas avoir à le forcer.
_ Je comprends. »
Que Jacob fût un alpha à la volonté duquel aucun des membres de la meute ne pût s’opposer m’apparaissait évident. Je le savais. Il appartenait à une lignée de Transformateurs faits pour diriger le clan. En lui, coulait le sang d’Ephraim Black, et personne parmi les Quileutes, ne saurait lui résister s’il prenait la décision d’occuper la place qui était, de droit, la sienne.
« Enfin, c’est pour dire que tu ne dois pas t’inquiéter. Il y aura du monde pour te protéger si… »
La voix de Jacob avait pris une intonation nerveuse inhabituelle.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
_ Je… à quoi ils ressemblaient tes rêves au juste ?
_ Je te l’ai dit… trop réels… mais pourquoi… ?
_ Il se pourrait que j’en aie fait un… plusieurs fois.
_ Quoi ? »
J’avais beau me trouver loin de lui, je pouvais presque le sentir trembler au bout du fil.
« Qu’est-ce que tu as vu, Jake ? Dis-moi !
_ La forêt, une clairière. Une cabane en pierre. La nuit et… moi… enfin, je crois que c’était moi. C’était horrible, Bella ! Je ne pense pas du tout que ça puisse se réaliser vraiment. C’est tellement absurde ! Je ne comprends pas.
_ Que se passait-il ?
_ J’étais fou de rage. Totalement fou, je dirais. Je ne parvenais pas à me contrôler, à me raisonner, je ne reconnaissais rien ni personne. Il y avait du monde, c’était complètement délirant. Des êtres, des animaux et… toi, peut-être, mais je n’en suis pas sûr. Je pense qu’il y avait des vampires qui menaçaient et je… je… »
Jacob avait l’air effrayé. C’était la première fois qu’il se montrait aussi perdu, cela ne lui ressemblait pas. J’en étais bouleversée.
« Oh, Bella, pardon… jamais je ne pourrais faire ça, tu le sais… Ce n’est qu’un cauchemar et je ne comprends pas du tout pourquoi j’imagine ces choses.
_ Il faut me dire, Jake…
_ J’étais tellement hors de moi ! Sans pouvoir rien y faire, je me suis vu… tuer… tout le monde. »
Ce que venait de me dire Jacob n’avait effectivement pas de sens. Je devais le rassurer.
« Ecoute, Jake. Il se peut que… ce n’est qu’un cauchemar, tu as raison. Il doit t’apparaître très réaliste parce que c’est ma façon à moi de rêver parfois… mais ça ne veut pas dire… Comment te sens-tu en ce moment ? Tu as du mal à te contrôler ? Tu es… tendu, en colère ?
_ Non, pas du tout. J’ai le sentiment, au contraire, que les choses sont en train de redevenir normales.
_ Tu vois, c’est moi qui suis un vrai monstre, pas toi ! Nous sommes un peu confus, mais tout va rentrer dans l’ordre. »
Il me sembla percevoir un mouvement au rez-de-chaussée, il fallait que je raccroche. Si Edward comprenait que je parlais à Jacob, il ne me quitterait plus une seconde.
« Je veux te voir, conclus-je. Je viendrai tout à l’heure. Je t’appellerai quand je serai sortie et… tu pourras venir me chercher en voiture sur la route ?
_ Je ne sais pas si tu dois… m’approcher en ce moment. Vraiment… Bella… »
Je compris que Jacob avait peur. Ma décision d’aller le rassurer en personne n’en fut que plus déterminée.
« Je t’appelle, compris ? »
Et je raccrochai.

Dix secondes plus tard, Edward apparaissait dans l’encadrement de la porte.
« Je viens juste de finir, annonçai-je d’un ton que je voulais anodin et détendu. Elle m’a… véritablement épuisée !
_ Tant mieux », répondit-il dans un sourire mi-amusé mi-soupçonneux, me sembla-t-il.
Mais ce n’était sans doute qu’un effet de mon imagination.
Je passai la soirée à réfléchir au moyen par lequel je pourrais m’évader sans qu’il s’en aperçoive. J’avais un avantage inestimable : il ne pouvait savoir à quoi était occupé mon esprit. Cependant, chercher à lui mentir et à lui échapper, tromper sa confiance et manquer de respect au dévouement qu’il m’avait témoigné, me mettaient très mal à l’aise. Je ne savais pas comment faire, mais je devais voir Jacob. Au fond de moi, dans le grand vide que je ressentais toujours, une voix criait, qui ne supportait pas l’idée de la détresse qu’il avait exprimée un moment plus tôt.
Il était aux environs de minuit lorsque j’annonçai à Edward mon intention d’aller me coucher. En réalité, je n’éprouvais pas la moindre envie de dormir. Il parut un peu surpris, mais également soulagé. Il avait pu constater par lui-même que ma nervosité s’était cependant bien apaisée au fil de la journée. Si elle ne s’était pas pour autant éteinte, j’avais l’impression de la contrôler également beaucoup mieux.
« Ah ?, s’étonna-t-il. C’est plutôt bon signe, non ?
_ Edward…, dis-je avec une certaine inquiétude, … vivre avec moi risque de te décevoir rapidement… tant que je resterai humaine. Toutes ces nuits… Que feras-tu pendant que je dormirai ?
_ Je resterai près de toi, je veillerai sur toi, je te regarderai… c’est quelque chose dont je ne me lasse pas. J’en profiterai pour faire un peu de ménage, aussi… ce qui n’est pas du tout nécessaire pour le moment, étant donné qu’il n’y a plus un grain de poussière dans cette maison !, ajouta-t-il en levant un sourcil.
_ Tu iras chasser ?
_ C’est possible. Ou bien je lirai, j’écouterai de la musique… Je fais beaucoup de choses durant la nuit. Il y a toujours des choses à apprendre et à découvrir. Cela te tracasse ?
_ Un peu. Notre vie commune… va être bien ennuyeuse pour toi.
_ Bella… ne crois pas cela. Je pense, d’ailleurs, que je devrais… réfléchir à une façon de me rendre utile, comme Carlisle. Je ne crois pas que recommencer indéfiniment le lycée ou l’université soit une solution à long terme. J’ai envie… d’autre chose, maintenant. En ce qui te concerne, dis-toi simplement que tu auras la chance de pouvoir continuer à dormir pendant que je m’occuperai de notre… de ton… enfin si… »
J’avais saisi ce dont parlait Edward. L’avenir s’annonçait très étrange. Si avenir il y avait. Apparemment, même s’il essayait d’envisager les choses d’une manière positive, Edward ne pouvait être tout à fait à l’aise avec ce qui nous attendait. Je m’en voulais de ce qu’il allait avoir à subir. Comment pourrait-il se sentir concerné ? Comment supporterait-il ?
Il me regardait pourtant avec un sourire si confiant et si tendre que j’éprouvai davantage de remords sachant ce que je m’apprêtais à faire.
Je mis de la musique, restai quelques minutes avec lui encore, pris soin de bâiller à plusieurs reprises (étais-je crédible ? Je n’en avais pas l’impression) puis montai prendre une douche.
Au passage, je décrochai ma veste, pendue près de l’escalier dans l’entrée. Lorsque je fus dans la salle de bains, je n’attendis pas une seconde de plus. Je fermai la porte de l’intérieur, ouvris de robinet de la douche. Je n’aimais pas l’idée de laisser l’eau couler pour rien mais je n’avais pas le choix. Plus Edward penserait que j’étais à l’intérieur, plus il hésiterait, plus j’aurais de temps pour parler à Jacob. Je me penchai par la fenêtre. La gouttière passait juste à côté et cette partie de la maison était à l’opposé du salon dans lequel se trouvait Edward. Il ne m’entendrait pas, pas plus qu’il ne me verrait m’éloigner, à moins que je ne m’étale bruyamment et me casse encore quelque chose, auquel cas, effectivement, il vaudrait sans doute mieux qu’il me ramasse. En attendant, il ne pouvait imaginer que je tenterais une aventure pareille. Moi-même, je n’étais pas certaine d’en être capable. Pourtant, quelque chose me poussait à considérer cela comme une action facile. Pour peu que la gouttière tienne.
Mon portable était dans ma poche, j’enjambai la fenêtre. Sans regarder en bas, je m’agrippai au tube métallique, posant mes pieds de part et d’autre des pitons qui le rivaient à la façade. Il y en avait tous les mètres environ, et je devais me laisser glisser un peu avant de retrouver un appui. A mon grand étonnement, cette descente me parut réellement aisée. Je n’aurais jamais pu y parvenir si j’avais été totalement moi-même, et, un instant, je réalisai combien je devais être encore sous influence. Ce ne fut qu’une fois au sol que je manquai de m’étaler en me reculant, sans faire attention, pour considérer la hauteur à laquelle se trouvait la fenêtre de la salle de bains et juger de l’exploit que je venais d’accomplir. Ma frayeur fit bondir mon cœur dans ma poitrine, déchargeant dans mes veines une énergie nouvelle, et je détalai dans la nuit, aussi discrètement que je pus. Je ne pouvais faire le tour de la maison pour rejoindre la route, au risque d’être aperçue par Edward. Aussi, je m’enfonçai dans les bois, avec l’intention de couper rapidement et de rejoindre, plus loin, la route qui menait à La Push…
J’avais passé quelques minutes à chercher mon chemin entre les arbres, dans l’obscurité où ne pénétrait pas la lumière de la lune. Peu à peu, une angoisse s’était emparée de moi. Les odeurs… le lieu dans lequel je me trouvais… m’évoquaient quelque chose. Une impression de "déjà vécu" qui me mettait mal à l’aise. Pourtant, j’avais fini par apercevoir à nouveau la route qui longeait la forêt. Je m’étais approchée. J’allais appeler Jacob. Déjà, j’étais presque rassurée.
Je n’avais rien senti, rien vu venir, rien entendu. Je m’étais arrêtée, à la limite des arbres, mes doigts fouillant dans ma poche, à la recherche de mon appareil. Une ombre, immense, s’était glissée près de moi. Une main glacée s’était posée sur ma bouche alors qu’un bras puissant se refermait comme un étau autour de mon corps. Giacomo et Jane devaient rôder –depuis combien de temps ? Ils venaient d’arriver, sans doute, puisque personne n’avait remarqué leur présence- dans les environs, certainement à la recherche d’une opportunité qui aurait pu ne jamais se présenter. Je m’étais, sans y penser, jetée dans la gueule du loup.





Chapitre 31 : Assassins/ Slayers

Et maintenant ?
Giacomo me poussait vers l’ouverture, encore debout, de la cabane de pierre partiellement éboulée, obscure comme une bouche monstrueuse. Je savais ce qui m’attendait là. Jane s’apprêtait à y pénétrer la première. Du regard, j’embrassai le paysage qui nous entourait, figé dans cette lumière de nuit, bleue et froide, la dernière lumière que je verrais jamais. Tout ce qui se passa ensuite fut complètement irréel et se déroula comme au ralenti.
D’entre les arbres, une masse sombre déboula soudain. Une bête énorme, à la fourrure noire et rousse, se précipitait vers nous. D’abord, je l’associai à celle que j’avais vue dans mon rêve, mais elle n’avait aucun point commun avec la créature affreuse dont j’avais eu la vision. C’était Jacob. Comment ne pas le reconnaître ? Il se jeta sur le vampire qui me tenait fermement. Celui-ci me lâcha, je me reculai. Giacomo avait été surpris par l’attaque, un de ses bras était blessé, mais il ripostait à présent. L’énorme loup se plaça entre nous deux, babines retroussées, grognant furieusement. Giacomo ne bougeait plus. Il se tenait près de l’entrée de la bâtisse, dans laquelle Jane avait disparu un instant plus tôt. Jacob tourna, une seconde, la tête vers moi. Son regard se planta dans le mien. Il était à la fois doux et plein de rage. Ses yeux bruns se plissèrent et luirent, il pointa le museau en direction de la forêt. Me demandait-il de partir ? Devais-je fuir ? Je tendis la main pour le toucher. Pourquoi était-il venu seul ? Il n’aurait pas dû.
A cet instant, il s’effondra. Je demeurai pétrifiée. Je le vis ensuite tressaillir, je l’entendis gémir… puis hurler. Que se passait-il ? Que faire ? Je m’approchai de lui, mais il ouvrit la gueule et voulut mordre. Il ne savait plus ce qu’il faisait. Je tombai en arrière. Jane. Jane était sortie de la ruine. Son regard de braise fixait le loup qui se contorsionnait devant elle avec un plaisir non dissimulé. Elle le torturait. Elle allait le tuer, sans doute, et je ne pouvais rien faire ! Je voulus me jeter sur elle, mais Giacomo tendit son bras valide et m’envoya rouler à plusieurs mètres. Sous le choc, je restai un moment allongée à terre. Entre les nuages noirs, je voyais quelques faibles étoiles briller au-dessus de moi, les cris du loup déchiraient mon cœur et le silence de la nuit. Nous allions mourir, tous les deux. Non… pas Jacob. Pas lui. Mes yeux se remplirent de larmes, ma vision se troubla. L’énergie m’avait quittée. Je me redressai avec difficulté. Le loup avait cessé de bouger. Il haletait péniblement, la gueule ouverte et la langue pendante. Je rampai vers lui. Les yeux de Jane glissèrent vers Giacomo. Il leva une main aux doigts joints et son bras s’arma comme un arc tendu, prêt à décocher sa flèche. Je ne pouvais imaginer… Il allait frapper.
« Non ! », criai-je en me relevant.
Mais le coup était parti. Il atteignit Jacob dans la poitrine. La main de pierre du vampire pénétra le corps du loup avec une telle violence et une telle rapidité que je n’eus même pas le temps de comprendre ce qu’il se passait. Son geste était si inattendu que je ne pensai pas à détourner le regard. Aussi vite qu’elle y était entrée, la main de Giacomo ressortit de la poitrine du loup, serrant entre ses doigts une chose… assez grosse et sombre. Une chose chaude, autour de laquelle se forma aussitôt une vapeur blanchâtre. Hébétée, je considérai le bras dégoulinant du vampire, l’air satisfait de Jane… Le loup ne bougeait plus. Son souffle s’était éteint, son regard était fixe. Je fis un pas. Un autre…
« Oh, mon Dieu… non… », gémis-je en tombant à genoux près de son corps sans vie. Ma main se posa sur son oreille. Elle était brûlante. Ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas…
J’enlaçai son cou, plongeai mon visage dans sa fourrure.
« Cela suffit, souffla Jane. Débarrassons-nous d’elle une bonne fois pour toutes. »
Giacomo m’arracha à la dépouille de Jacob. J’étais trop choquée pour hurler ou me débattre.
J’avais l’impression d’être déjà morte moi-même.



Il se passa plusieurs secondes avant que je réalise que Giacomo et Jane s’étaient immobilisés. Dans mon vertige, j’eus du mal à distinguer ce qui captivait leur attention.
Plusieurs silhouettes noires étaient sorties du bois. Elles nous encerclaient. Les loups. J’en distinguai un, plus massif que les autres, d’un noir profond, qui avait avancé davantage. Sam. A sa droite, un autre, plus clair, très grand également, qui devait être Paul. A l’opposé, se tenaient deux autres bêtes plus petites. La fourrure de l’une avait des taches sombres, l’autre était très claire. D’autres loups avaient pris position aux quatre coins de la clairière : Embry, Seth, Jared, Quil, et sans doute Collin et Brady. Ils étaient tous venus. Trop tard.
Lentement, d’autres formes sortirent d’entre les arbres. Des silhouettes debout, humaines d’apparence, qui se joignirent au cercle formé par la meute. Une chevelure blonde flottait dans l’air nocturne. C’était Rosalie. Les Cullen étaient là. Une quinzaine d’êtres menaçants, sur leurs gardes et prêts à bondir, se rapprochait lentement de nous. Je vis Edward, qui ne me quittait pas des yeux. Je sentis l’étreinte de Giacomo se détendre, sans se relâcher totalement pour autant. Jasper tentait-il quelque chose ? Le visage de Jane était fermé, dur et impassible. Seuls ses yeux semblaient animés d’une vie qui leur aurait été propre. Ils passaient rapidement sur chacun de ceux qui nous entouraient, attentifs à leur moindre geste, les scrutant et les jaugeant avec minutie.
« Giacomo…, l’entendis-je murmurer.
_ Non !, hurla Edward en se jetant vers nous avant qu’elle eût fini sa phrase.
_ … tue-la », acheva-t-elle.
Le vampire ne serra pas immédiatement ses doigts autour de ma gorge. J’eus le temps de voir Edward tomber à terre et commencer à se tordre, pris des mêmes convulsions qui avaient agité Jacob un instant plus tôt. J’entendis ses gémissements. Puis ce fut au tour du loup noir, de Carlisle, de Rosalie, de Paul… Jane savait ce qu’elle faisait, et son pouvoir était immense. Elle avait décidé de s’attaquer à tout le monde. Elle en était capable, et elle exultait. Rien ne pouvait la faire reculer.
Tous, un à un, s’effondrèrent en criant. Esmé, Alice, les jeunes loups… même Emmett ne résista pas davantage.
La nuit s’emplissait des cris déments de ceux qu’on torturait. J’étais impuissante. Inutile. Et je devais assister à ça. J’aurais dû mourir… plus tôt. J’avais fait le mauvais choix. J’aurais dû, comme dans mon premier rêve, être vampire moi-même à cet instant. Ainsi, j’aurais pu exercer mon don, et les protéger, comme je m’étais vue le faire face à tous les Volturi rassemblés, étendant mon bouclier comme une peau extensible au-dessus de chacun de mes amis. Au lieu de cela… mon existence était vaine.
C’était atroce, insupportable. Il fallait que cela s’arrête. Je sentis la main de Giacomo se refermer autour de mon cou. Tant mieux. J’aspirais à la mort. Je retrouvai la sensation que j’avais eu, dans la cabane, la première fois que je m’y étais vue. J’appelais la mort de mes vœux, parce que je la méritais. Au moins, en cela, je ne m’étais pas trompée. Le vampire me serrait contre lui, de plus en plus, et emprisonna mes épaules de son bras que les crocs de Jacob avait déchiré. Je suffoquais, ma tête allait éclater. Sa main se posa sur mon front. Il s’apprêtait certainement à me briser la nuque.
Soudain, j’entendis Jane pousser un cri.
Je fus immédiatement relâchée et m’effondrai au sol. Je ne pus relever la tête qu’au bout d’un moment. Il me semblait que j’allais perdre la raison. Ma tête tournait, tout mon corps était douloureux, mon cœur était froid et mon âme en lambeaux.
« Qu’est-ce que… ? »
C’était la voix de Giacomo. Elle était étranglée et exprimait une réelle terreur.
« C’est impossible ! », articula Jane avec difficulté.
Je la regardai. Elle avait perdu toute son assurance, et le plaisir que j’avais pu voir sur son visage, alors qu’elle avait entrepris de massacrer tous ceux qui s’étaient portés à notre secours, s’était à présent mué en une expression d’horreur évidente. Tout son corps d’enfant était raidi par la peur, et son regard fixait, droit devant elle, un point entre les arbres. Les cris avaient cessé. Chacun tentait de retrouver ses esprits, les sens encore broyés par les illusions de douleur que savait provoquer l’effroyable petite vampire. Je scrutai l’obscurité, à la recherche de ce qui pouvait se montrer capable de provoquer une telle émotion chez ces deux ignobles assassins. Je ne voyais rien. Je ne voyais rien… mais j’entendais. Un souffle. Un halètement puissant, encore lointain. A ma grande surprise, une petite forme sortit du bois. Un loup, à la fourrure gris clair. L’animal s’avançait vers nous, lentement. Il boitait. Etait-ce possible ? Le loup reniflait l’air autour de lui, regardait les corps étendus de ses congénères, des vampires. Il s’approcha encore, dévisageant Jane avec aversion et hostilité. Quand il arriva à ma hauteur, il baissa le museau. Son regard croisa le mien. Je reconnus sa finesse, sa patte avant déformée par une blessure ancienne. Leah ! Elle tourna la tête en direction du corps de Jacob étendu sur l’herbe humide. Je l’entendis pousser un petit gémissement.
Alors, elle se planta, face aux deux vampires figés par la panique, dans une posture de défi, montrant les crocs et grognant furieusement. Jane ne prêtait aucune attention à elle, elle n’avait même pas cherché à la maintenir à distance. Son regard était toujours perdu, loin entre les arbres. Enfin, la tête de la louve se souleva et elle hurla longuement.
Depuis la forêt, nous parvint une secousse. Un tremblement léger du sol et de l’air. Le halètement se fit plus proche, le souffle arriva jusqu’à nous.

Il apparut enfin, comme une image sortie du pire des cauchemars. Je le reconnus immédiatement. C’était lui, le vrai monstre que j’avais vu, sans rien y comprendre. En deux bonds qui firent trembler le sol, il se retrouva presque au milieu de la clairière, à quelques mètres de moi. Il était énorme. Bien plus grand que Sam encore. Mais il n’avait rien de commun avec les loups que devenaient les Transformateurs. Ce n’était pas un animal. Il se tenait debout, sur ses pattes arrière, même s’il se baissait pour courir ou bondir. Il était couvert de poils sombres, courts et drus. Une ligne blanche courait sur son dos, de son museau à sa queue. Il avait une souplesse saisissante, des gestes… humains. Sa tête, surtout, était effrayante. Sa gueule, démesurément grande, était plantée de crocs larges et acérés comme des poignards, et ses yeux… ses yeux avaient un regard à la fois intelligent et fou, particulièrement menaçant et effroyable. Cette bête était faite pour tuer, c’était ce qu’on ne pouvait manquer de ressentir dès qu’on la voyait. Il semblait enragé. Je voulais fuir, pourtant j’étais tétanisée. Tout le monde l’était.
Le monstre soufflait bruyamment, grognait, les babines retroussées et écumantes, replié sur lui-même. Son étrange posture et son attitude nerveuse, comme s’il était prêt à s’élancer, laissait entendre qu’il valait mieux ne pas faire un seul geste. J’essayais de ne pas le regarder, par crainte de croiser ses prunelles et de le pousser à se jeter sur moi, mais je m’aperçus qu’il ne regardait personne, si ce n’était Leah.
Giacomo se retourna vers Jane. Il avait l’air désemparé.
« C’est un Enfant de la Lune, siffla-t-elle en réponse à sa question muette. Je pensais qu’ils avaient tous disparu.
_ Allons-nous en ! », suggéra Giacomo.
Jane lui lança un regard mauvais.
Le loup-garou –puisque c’en était un- s’était mis à humer l’air autour de lui. Il tourna la tête vers la dépouille de Jacob, émit un rugissement horrible, puis sa gueule pivota vers moi. Je fermai les yeux.
Il ne bougea pas davantage, pourtant, mais il trépignait. Il semblait qu’il allait exploser d’une seconde à l’autre. Et ce fut ce qu’il fit, effectivement, dès que le petit loup gris eut poussé un second hurlement. L’affreuse bête se tendit vers Jane, qui ouvrit la bouche en crachant rageusement et en bondissant de côté. Le loup-garou tressaillit, comme sous l’effet d’une impulsion électrique, et se débattit, envoyant ses pattes griffues dans toutes les directions.
« Bella, pousse-toi ! »
C’était la voix d’Edward, lointaine et proche en même temps. Sans que j’eus le temps de réfléchir davantage, je roulai de côté et m’enfuis comme je pus. Puis je fus saisie par une forme invisible et, en un éclair, je me retrouvai à la lisière de la clairière. Les bras d’Edward étaient enroulés autour de mon corps. Je me serrai contre lui, tremblante.
« Edward ? Tu n’as rien ?
_ Je vais bien. Tout le monde a été très choqué, mais ils ont recouvré leurs forces maintenant… sauf Alice... Il vaut mieux partir tout de suite, ajouta-t-il en m’engageant à le suivre, Johnny est très dangereux.
_ Alice… Johnny ?
_ Oui. Je l’ai vu dans l’esprit de Leah. »
Je me détachai d’Edward et regardai l’impressionnant spectacle qui se déroulait près de la cabane. Le loup-garou -pouvait-il vraiment être Johnny ? Où se trouvait, à l’intérieur de ce monstre épouvantable, l’être humain que je connaissais ?- s’agitait frénétiquement, comme si une nuée d’abeilles invisibles le harcelait. Il donnait des coups en direction de Jane, qui parvenait tant bien que mal à les éviter. Giacomo avait disparu.
« Jane essaie de l’anéantir, mais elle n’y arrive pas. C’est impossible : elle ne peut pas avoir d’emprise sur son esprit car il n’en a plus vraiment. Elle le pousse seulement à bout… », expliqua Edward.
Les Cullen et la meute des Quileutes s’étaient repliés, et mis à couvert derrière les premiers arbres. Je ne les voyais plus.
« Giacomo !, m’exclamai-je.
_ Il s’est enfui. Sa dévotion pour Jane a atteint ses limites. »
Tout à coup, un des gestes désordonnés du monstre atteignit son but. Jane fut jetée à terre. Alors une énorme patte griffue se replia autour d’elle. Le loup-garou la souleva immédiatement. Elle ne poussa même pas un cri lorsqu’elle disparut à moitié dans son énorme gueule…
C’était fini.
La bête s’ébroua, comme apaisée. Pourtant, cela ne dura qu’un instant. Il recommença bientôt à rugir. Le petit loup gris traversa la clairière en boitillant, l’entraînant à sa suite dans les profondeurs de la forêt.

Peu à peu, quelques membres de la famille Cullen et la meute des Quileutes s’avancèrent à nouveau vers la cabane. Il fallait faire disparaître les restes de Jane. Il fallait…
Qu’était-il arrivé à Alice ?

Je devais… je devais…
Oh, mon Dieu !

J’avais perdu Jacob.

La vie n’avait plus de sens.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !