dimanche 13 septembre 2009

VOL I _ chpt 3, chpt 4



Chapitre 3 : Confession




Lorsque j’arrivai chez les Cullen, Alice m’accueillit sur le pas de la porte. Comme toujours, elle était parfaite. Elle portait une robe estivale, bleu électrique et des chaussures absolument phénoménales dont les hauts talons n’étaient apparemment d’aucune gêne pour elle. Elle avançait et virevoltait gracieusement, alors que je me serais sans doute immédiatement foulé la cheville – ou même cassé une jambe !- si j’avais essayé de faire quelques mètres avec de tels escarpins.
A sa mine espiègle, je sus qu’elle allait me reparler du sujet qui la passionnait tant.
« Dis-moi, Bella, as-tu pris ta décision ?
_ A quel propos, Alice ? » Je feignais l’innocence, mais je ne trompais personne.
« Me laisseras-tu oui ou non organiser ton mariage ? » Elle avait vraiment l’air d’y tenir. Son visage d’elfe avait même une expression légèrement préoccupée.
« Vous n’avez pas décidé de modifier vos projets, j’espère, ajouta-t-elle avec une pointe d’angoisse, moi je vois toujours un mariage, alors…
_ Pourquoi demandes-tu cela ?, m’inquiétai-je, Edward t’a dit quelque chose ?
_ Non, mais… il est un peu inquiet, je crois. Il a parlé à Carlisle. Depuis, il n’a pas quitté sa chambre.
_ Ah bon ? » Je me demandai si mon attitude de la matinée ou le peu que je lui avais raconté à propos de mon rêve avait pu l’affecter réellement. A moins qu’il ne sût déjà la promesse que Jacob avait exigée de moi. Non, je devais lui en parler moi-même, lui expliquer.
« Ecoute, Alice, on en reparlera, d’accord ? Je vais voir Edward. »
Je l’entendis émettre un soupir de déception. Ma réponse était gênée, je n’avais jamais été très douée pour évincer les sujets qui fâchent, et je ne savais vraiment pas quoi répondre à Alice. Je l’adorais, je ne voulais pas lui gâcher son plaisir, mais… j’étais vraiment vaccinée contre toutes ces cérémonies publiques et festives. Alors mon mariage, en belle robe, avec prêtre et invités ! Comment arriver à envisager un pareil événement ?

Je montai rapidement l’escalier qui menait à la chambre d’Edward. Etait-il vraiment chagriné ? En approchant de la pièce lumineuse dans laquelle il n’avait jamais à dormir, je perçus les accords d’une très jolie musique. Une chanson. Je frappai doucement à la porte, même si celle-ci était ouverte. De plus, Edward devait m’avoir entendue approcher, ou même sentie. Il était assis sur sa banquette en cuir fauve et contemplait la forêt à travers la grande baie vitrée. Il tournait le dos à l’entrée, aussi je ne pouvais voir l’expression de son visage. Je m’approchai, un peu inquiète moi-même.
« Ce chanteur a une voix magnifique, dis-je en arrivant près de lui.
_ Oui, répondit-il sans se retourner mais sa voix était douce. J’aime beaucoup cette chanson, elle m’évoque… tant de choses. Et puis je me sens très proche de cet artiste. Nous avons certains points communs. »
Il avait dit cela dans un sourire, mais une certaine tristesse transparaissait cependant. Je le contournai pour venir m’asseoir devant lui. Quel visage ! La beauté d’Edward, à laquelle je ne parvenais toujours pas à m’habituer et qui était pour moi un vrai choc à chaque occasion qui m’était donnée de la contempler, me coupa le souffle. Une émotion intense se dégageait de ses traits. Ses yeux étaient brillants et étrangement vifs et je me demandai s’il n’aurait pas été en train de pleurer s’il avait été humain.
J’écoutai plus attentivement la chanson. La voix sensible et angélique parlait d’un vin mauve qui permettait à celui qui le buvait de retrouver son amour perdu. Je regardai Edward et lui pris la main. Il sourit à nouveau.
« In vino veritas. Connais-tu ce proverbe ? Il signifie que l’on trouve la vérité dans le vin. Pour nous, c’est sans doute la même chose avec le sang. »
Edward avait l’air d’être dans une humeur particulière, dont je n’avais jamais fait l’expérience.
_ Quel point commun penses-tu avoir avec ce chanteur ?, demandai-je cependant.
_ Il est… mort. C’est déjà un sacré point commun, tu ne trouves pas ? Et tout le monde ne peut pas en dire autant ! » Il rit franchement et je me demandai si la plaisanterie était réellement drôle ou non.
« Tu veux dire que… c’est un vampire ?, demandai-je après un instant.
_ Ah ?, il eut l’air étonné, ça je ne sais pas… Mais c’est possible. Pourquoi pas, après tout ! »
Je pris la pochette du CD qui était posée sur une petite table basse.
« Il était très beau, en tout cas, dis-je. Ce serait une bonne chose qu’il soit devenu un vampire, non ?
_ Peut-être, répondit Edward songeur… peut-être pas. En tout cas, il ne chante plus et c’est très dommage. »
Je fronçai les sourcils. Edward s’en aperçut et il m’attira contre lui. Nous écoutâmes la suite de l’album, enlacés. Mon regard se perdait, au loin, dans les ombres changeantes de la forêt dont la verdeur éclatait dans la lumière de ce début de juillet. Parfois, un rayon de soleil transperçait les nuages et les arbres semblaient frémir de plaisir.

Quand le CD se fut arrêté de lui-même, après un magnifique morceau qui commençait par l’évocation d’un ange sombre aux ailes noires déployées (et j’étais de plus en plus convaincue que ce chanteur avait dû être changé en vampire par un admirateur surnaturel de sa beauté et de son talent qui avait jugé impensable de le laisser rester mortel) Edward posa un baiser sur le sommet de mon crâne.
« Bella, dit-il doucement, j’ai parlé à Carlisle de ton rêve. Si tu veux bien, il aimerait que tu le lui décrives plus précisément. »
Effectivement, Carlisle pourrait peut-être m’aider à comprendre cette étrange impression que j’avais eue, le matin, de connaître à l’avance les mots qui allaient sortir de la bouche de mon père ou le cours des évènements de la journée. Il allait sans doute m’expliquer qu’il s’agissait d’un phénomène physique relatif à la fatigue. Et puis, les choses avaient bien changé depuis… Il n’y avait donc aucune raison de s’inquiéter. Par contre, je devais expliquer à Edward la demande de Jake.
« Ecoute, lui dis-je avec hésitation, je dois te…
_ Bella, m’interrompit-il, je comprends que ce rêve te perturbe. Je n’ai pas cessé d’y penser. Tu m’as mentionné des noms de vampires bien réels et dont, il me semble, tu n’as jamais entendu parler jusqu’à présent. Je me trompe ?
_ Quoi ? » A nouveau, je fus prise d’un vertige.
« Tu m’as parlé d’Amun, de Kebi et d’Alistair, reprit Edward. Ce sont des connaissances de Carlisle. Les premiers sont Egyptiens et le dernier Anglais. Je ne crois pas que tu aies déjà entendu leurs noms avant, non ? Par contre, je ne connais pas de Garrett, ni Carlisle…
_ Dans mon rêve, c’est un nomade que Rosalie et Emmett réussissent à convaincre de venir nous aider, répondis-je automatiquement.
_ Nous aider pour quoi ?, demanda Edward.
_ Je… euh… écoute c’est assez gênant de devoir t’exposer mon délire dans les détails. Alors à Carlisle… Je ne sais pas si… est-ce que tu comprends ?
_ Bella, reprit-il en caressant mon visage, pourquoi es-tu gênée ? Tu sais bien que tu peux tout me dire. En ce qui concerne Carlisle, il pense qu’il y a vraiment là quelque chose à prendre au sérieux. Il m’a cependant affirmé que, puisqu’il s’agit d’un rêve, certaines choses sont sans doute totalement imaginaires. Enfin, il aurait besoin de t’entendre pour y voir plus clair et t’aider à y voir plus clair toi-même. Tu sais Bella, Carlisle a une grande expérience des humains, il est médecin et il a vu beaucoup de choses. Il comprend et il est bienveillant. Il ne te jugera pas si c’est ce que tu crains. Mais si tu ne veux pas, ce n’est pas si grave, je suppose.
_ Tu as sans doute raison, Edward. Je voulais, de toute façon… lui demander certaines choses, alors…
_ Il est dans son bureau. Tu veux y aller maintenant ?
_ D’accord. Tu viens avec moi, n’est-ce pas ?
_ Si tu veux.
_ Oui, je préfère que tu sois avec moi. »



Nous nous rendîmes tous deux dans le confortable bureau où Carlisle nous reçut chaleureusement, comme à son habitude. Je ne savais pas pourquoi, mais je m’attendais presque à ce qu’il me fasse m’allonger sur un divan. Sans doute à cause du psychanalyste qu’Edward avait mentionné dans la matinée. Si tel avait été le cas, je me serais trouvée parfaitement ridicule, mais il me proposa un confortable fauteuil dans lequel nous pûmes nous asseoir tous deux avec Edward et je me sentis plus en confiance.
« Je suis bien conscient, commença Carlisle, que cette situation te paraît un peu étrange, Bella, et je suis touché que tu acceptes de venir me parler. Quand Edward m’a appris le nom des vampires que tu as vus en rêve, j’ai été vraiment très surpris et intrigué. Il est tout à fait possible que ces noms te soient parvenus d’une manière qui nous a échappée à tous, cependant, il existe aussi des phénomènes moins habituels… dont j’ai déjà fait l’expérience. Si tu as été autant troublée par ce rêve que mon fils me l’a dit, il est sans doute bon pour toi que tu cherches aussi à en comprendre le sens. Je peux également t’aider à cela. »
Carlisle avait l’art de trouver les mots justes.
Je ne savais pas trop par quel bout commencer. Il y avait tant de choses ! Tout était si précis dans mon souvenir, jusqu’à certains détails, comme la peau particulière des vampires roumains, ou tant de sensations encore inconnues de moi : mes nuits avec Edward, ma grossesse, mon bouclier…
« Euh, je ne sais pas comment dire les choses. Mon rêve contenait bien six mois de vécu, et en détails !
_ Vraiment !, s’exclama Carlisle impressionné, commence comme tu peux. Je vais prendre des notes. Rajoute des éléments au fur et à mesure qu’ils te reviennent. S’il me semble que je ne comprends pas quelque chose, je te poserai des questions, mais je préfèrerais ne pas interrompre ton récit. Essaie d’exprimer ton ressenti face à chaque chose, également, c’est extrêmement important. »
Mes doigts étaient emmêlés dans ceux d’Edward et sa main reposait sur mes genoux. Je le regardai, essayant de rassembler mes idées et me lançai, un peu hésitante et confuse d’abord. Puis, peu à peu, le film se déroula devant mes yeux et je retrouvai tout : les noms, les visages, les motivations, les sentiments. La force de mon souvenir m’emporta et je ne me rendis plus compte que je racontais, avec une passion croissante, glissant de la joie à la peur, de la douleur à la colère, en fonction des passages de l’histoire que je rapportais.
Edward ne dit rien, d’un bout à l’autre. Parfois, je sentis ses doigts se resserrer autour de ma main, lorsque j’évoquai notre mariage, notre nuit de noces -en essayant cependant d’en dire le moins possible car je ne pensais pas que tous les détails de mon intimité avaient besoin d’être exposés, je les remplaçai par l’expression de mon ressenti, comme Carlisle me l’avait demandé- ou bien quand je décrivis la relation de Renesmée avec son père, leur communication silencieuse, ma fierté et mon bonheur. Je l’entendis soupirer un peu aussi, puis se tendre quand j’expliquai la démarche des Volturi, leur soif de justice, de possession, et la cruauté de leurs décisions.
Quand, finalement, j’achevai mon récit, ce fut comme si j’étais soudain vidée de toutes mes forces. Je m’aperçus que plusieurs heures s’étaient écoulées : la luminosité avait beaucoup changé dans le bureau de Carlisle et ce dernier me dévisageait, une expression ambiguë sur le visage, une sorte de gravité mêlée d’exaltation. De nombreuses pages griffonnées s’étalaient devant lui.

« Eh bien, Bella, finit-il par souffler, rompant le silence qui s’était instauré durant quelques longues secondes, voilà qui donne matière à réflexion ! »
Ce fut comme si je tombais soudain d’une hauteur vertigineuse, celle de ce vécu fantastique auquel j’étais restée accrochée, et je regagnai ma vie réelle.
« Ce matin, au retour de Charlie, ajoutai-je à nouveau hésitante, à nouveau moi-même, j’ai été véritablement désorientée en ayant l’impression de réentendre mot pour mot les propos qu’il m’avait tenus dans mon rêve… Est-ce… normal ? Est-ce dû à une illusion… physiologique ?
_ Cela se produit parfois, en effet, répondit doucement Carlisle avec un hochement de tête, il provient d’un décalage entre la perception sensorielle et son relais par le cerveau, c’est même assez commun. Mais, compte tenu de ce que tu viens de nous raconter, je suis convaincu qu’il ne s’agit pas de cela.
_ De quoi s’agit-il alors ?, m’inquiétai-je. » Tout à coup, j’avais l’impression d’être à nouveau un cas clinique méritant d’être étudié en détails et disséqué, comme le jour où Edward m’avait avoué que j’étais la seule personne dont il ne parvenait pas à capter les pensées. Je détestais être un mystère. Pour les autres, comme pour moi-même.
« Es-tu fatiguée en ce moment, Bella ?, demanda le médecin. Manges-tu correctement ?
_ Je… me sens plutôt à plat, à vrai dire… Et… certaines choses ont eu tendance à me couper l’appétit, enfin…
_ A quoi penses-tu, Carlile ?, intervint soudain Edward.
_ Très franchement, reprit son père en rassemblant ses doigts sous son menton, je crois que nous avons affaire à un vrai phénomène d’oniromancie. C’est très rare et très complexe.
_ Oniromancie ? Excusez-moi, je…
_ Cela signifie que tu as pu voir l’avenir en rêve, Bella, m’expliqua-t-il immédiatement, enfin, pas exactement l’avenir, plutôt que certaines choses, bien réelles, t’ont été révélées. Le problème, c’est que des éléments sont faussés, parce que ta personnalité les a volontairement modifiés, comme dans un rêve normal. Depuis toujours, ce phénomène est connu et les êtres humains y ont toujours cherché des réponses. Dans l’Antiquité, surtout. Ils ont même essayé de le provoquer, mais sans succès. Il est très difficile de contrôler l’inconscient, qui est par définition insaisissable et sauvage. Il est de la même manière périlleux d’interpréter correctement ce qui se cache dans ces rêves, de démêler le vrai du faux avec certitude.
_ Mais cela ne m’est jamais arrivé avant, comment est-ce que, tout à coup… ? Alice a toujours eu ces flashs concernant l’avenir, n’est-ce pas ? Même lorsqu’elle était humaine. Il ne sont pas apparus un beau jour…
_ Alice n’a jamais pu rien nous raconter de sa vie humaine, tu sais, Bella, rectifia Carlisle. Je te demande si tu es en forme en ce moment car les changements physiques, les chocs, les perturbations nerveuses, sont sources de toutes sortes de manifestations surprenantes chez les êtres humains. Traditionnellement, les jeûnes, le placement dans des situations éprouvantes, ont toujours été employés pour provoquer des transes ou des visions, pour permettre la communication avec l’au-delà. Ton esprit réagit peut-être aujourd’hui de cette manière aux bouleversements qu’a connus ta vie, ces derniers mois. C’est compréhensible.
_ Alors ça… »





Chapitre 4 : Quelques réponses/ A few answers

J’étais abasourdie. Qu’allais-je faire de ces visions ? Soudain, elles m’effrayèrent profondément, et ce sentiment se mêla avec celui de cette force incroyable, telle que je l’avais ressentie plus tôt en me rendant à La Push. Je me sentais perdue. Comment agir correctement ? On m’expliquait que je détenais la vérité, sans pour autant être capable de déterminer avec précision où elle se trouvait. C’était formidable, et incommensurablement dangereux. Comment vivrait un être humain qui aurait accès à la vérité des choses, à son avenir, à son destin ? Devrait-il essayer de modifier ses actions pour suivre la bonne route ?
Quelque part, c’était ce que j’avais déjà fait instinctivement. Et si je me trompais dans ce que je considérais comme étant vrai ?
« Carlisle, repris-je, et ma voix était à la fois accablée et pleine de détermination, il faut m’aider… à démêler le vrai du faux. Sinon… je vais devenir dingue.
_ Oui, oui, je comprends, répondit-il avec une certaine inquiétude. Les manifestations surnaturelles incontrôlables et obscures sont toujours tellement déstabilisantes… Essayons de faire la part des choses et de décrypter, mais pour cette seconde étape, il faudra que tu m’aides, tu es la seule à pouvoir trouver les explications et les solutions. Et encore faut-il… que tu le veuilles vraiment… »
Il avait appuyé ses derniers mots et je compris alors que j’allais fatalement me retrouver face à moi-même, alors que je ne l’avais jamais souhaité. Je l’avais toujours évité, je n’étais pas prête, ce n’était sans doute pas nécessaire en plus. Le ton de Carlisle m’avait laissé entendre que l’expérience n’était jamais plaisante, et il avait certainement eu l’occasion de le constater à plusieurs reprises. J’étais trop jeune pour avoir à faire le tour de moi-même, je voulais encore pouvoir agir sans me poser de questions. Mais je n’avais sans doute plus le choix. Il fallait grandir.
Je hochai le tête en signe d’approbation.
« Bien, fit-il, alors je vais simplement t’indiquer, pour commencer, les éléments réels dont j’ai connaissance et ceux qui ne le sont pas selon moi. Mais…, il hésita encore, je peux me tromper car… je ne sais pas tout.
_ Je vous écoute.
_ Si je reprends ce que tu nous a raconté (il classait et disposait ses feuilles de notes devant lui), tu as découvert l’existence de nombreux vampires. J’en connais certains et ils ressemblent exactement à la description que tu en as faite. Le clan de Tanya, d’abord, Eleazar et sa compagne, Siobhan, Liam, Maggie, ainsi qu’Alistair. J’ai ensuite pu rencontrer les trois Amazones dont tu as parlé, mais leur attitude est bien plus sauvage que celle qu’elles ont pu avoir dans ton rêve… Enfin, Amun, Kebi et Tia, sont de vieilles connaissances, mais là encore, je n’ai jamais entendu parler de Benjamin. Peut-être n’existe-t-il pas du tout ou bien ne les a-t-il pas encore rejoints... Tia est la seconde compagne d’Amun, pour le moment.
_ Concernant les nomades et les Roumains, on ne peut pas savoir, de toute façon.
_ Non, par contre… j'aurais tendance à être assez catégorique concernant Benjamin… Vois-tu, Bella, les dons des vampires sont exclusivement mentaux. Ils peuvent pénétrer les esprits, créer des illusions, mais je n’en ai jamais rencontré qui ait un pouvoir physique, une influence directe sur les éléments. J’en suis venu à penser qu’il est dans notre nature de ne pouvoir intervenir que sur l’esprit, qu’il soit celui des humains ou des vampires.
_ C’est dommage, fis-je avec un sourire, Benjamin était un personnage très sympathique.
_ Tu as peut-être fait un transfert, proposa Carlisle, c’est très fréquent dans les rêves. Y a-t-il quelqu’un que tu connaisses dont la personnalité se rapprocherait de celle de ce vampire ?
_ Je ne sais pas trop… Il avait la simplicité et le naturel de Jacob, quelque part, mais… il était vraiment très différent. »
Carlisle acquiesça. Il ne pouvait pas m’en dire davantage sur ce point. Il reprit ensuite :
« Tu seras sans doute également triste d’apprendre que l’île d’Esmé de ton rêve n’existe pas non plus. Ou pas encore..., ajouta-t-il dans un sourire, car l’idée est très belle et elle m’a donné envie de faire une surprise à ma charmante épouse !
A propos des enfants-vampires, maintenant…, poursuivit-il avec une soudaine gravité, tu as été on ne peut plus exacte. Les choses se sont produites telles que tu les as racontées. Ils ont été une abomination et les Volturi veillent à ce qu’aucun ne soit plus créé. Par contre, Bella…, -son regard alla se poser sur Edward avec beaucoup de tendresse et je compris à quel point Carlisle était attaché au bien-être de son fils-, il n’y a jamais eu, dans toute l’histoire des vampires, d’enfant hybride né d’une union avec une mortelle. Nous n’enfantons pas. Pas comme les humains, du moins.
_ Edward m’a dit… je… »
J’étais extrêmement gênée. J’avais espéré que Carlisle ne reviendrait pas sur ce point, mais, apparemment, je n’y couperais pas.

« Que sais-tu au juste, Bella, de la sensualité des vampires ? »
La question de Carlisle, claire et directe, posée d’un ton égal et doux, me laissa interloquée et je rougis des orteils aux cheveux.
« Je suis positivement ravi que vous ayez envisagé de vous unir, enchaîna-t-il pour apaiser mon trouble. Je connais la personnalité d’Edward, l’intensité de son amour pour toi, sa remarquable capacité à se contrôler… je sais aussi qu’il n’est peut-être pas très délicat de ma part de dire ces choses-là… mais je sens que tu as… et qu’Edward a aussi besoin de les entendre. »
Il avait raison. Malgré mon malaise, j’avais besoin de savoir. Edward n’avait jamais été vraiment précis à ce sujet. Son père reprit :
« Etre vampire, Bella, c’est être autre chose. Quelque chose de vraiment différent d’un être humain. Lorsqu’on renaît vampire, on change profondément de nature. Les désirs et les plaisirs, la façon d’envisager l’existence, tout change radicalement. Ce que je vais te dire ne va sans doute pas te plaire mais tu dois savoir que pour un vampire, le plus grand plaisir est celui de boire le sang d’un être vivant. Surtout s’il s’agit d’un être humain… Et sans doute encore davantage, j’imagine, si le sang de cet être humain l’attire de cette manière si rare, spéciale et inexplicable… comme ton sang attire Edward. »
Je me mis à trembler un peu, sans m’en rendre compte, et Edward passa son bras autour de mes épaules en me caressant le bras. Il avait l’air triste, on aurait dit qu’il cherchait à se faire pardonner quelque chose. Cette attitude me bouleversa.
« Pour nous, continua Carlisle avec un soupir qui ressemblait fort à l’expression d’un regret, il n’y a pas plus excitant, plus… apaisant. C’est vraiment difficile à exprimer correctement. Et je dois dire que la seule comparaison que je peux faire, Bella, est celle du plaisir que les êtres humains peuvent éprouver, parfois, à faire l’amour. C’est le même abandon, le même… besoin. Les vampires n’éprouvent pas du tout les mêmes sensations en faisant l’amour. Le plaisir est très intense, peut-être même plus que celui qu’éprouvent les humains –mais ça, après tout, je ne pourrai jamais en être bien sûr étant donné que c’est à chaque fois tellement spécial quand on est humain-, cependant il est très différent. Il ne répond pas à cette sensation de besoin animal dont l’assouvissement a quelque chose de presque magique. On perd ce besoin-là en devenant vampire, Bella, et je me permets de dire ça d’après mon expérience. Par contre, l’attraction du sang est la plus forte. Une relation physique, sexuelle, entre mortel et vampire est parfaitement inenvisageable… si l’on veut préserver la vie de l’être humain, en tout cas. Je me doute que tu ne comprends peut-être pas tout à fait ce que je peux vouloir dire… »

En fait, je comprenais très bien. Quelque chose au fond de moi avait compris depuis longtemps, mais avait toujours souhaité refouler les conséquences de cette vérité, les enfouir profondément, et les oublier jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Edward avait pris sa tête dans ses mains et, à nouveau, je ressentais son désespoir qui me cisaillait le cœur et l’âme. Je ne voulais pas qu’il souffre. Je voulais simplement que nous nous aimions, que nous restions ensemble pour toujours. Cela était-il si difficile ?
« Enfin, Bella, dit Carlisle, et le ton de sa voix, chargée d’émotion, se voulait persuasif, je me sens obligé de te dire (et pardonne-moi d’être un peu dur), puisqu’Edward ne l’a pas fait, puisqu’il n’a pas pu –et je sais qu’il en souffre beaucoup- qu’on perd beaucoup à devenir vampire tant qu’on n’a pas vécu assez de sa vie d’humain. Rosalie en fait la triste expérience et c'est vraiment dur pour elle. A première vue, on gagne l’immortalité, une force et une beauté phénoménales… mais il y a le revers de la médaille ; sans parler de l’évidence : on devient, par essence, un tueur. Tu as dix-huit ans, Bella, tu n’as fait aucune expérience, tu ne sais rien ou pas grand chose, tu n’as rien vécu de ta vie et tu t’apprêtes à l’abandonner. Certes, tu veux le faire par amour, le geste est admirable mais… il entraînera inévitablement, à long terme, des regrets et, pour celui qui t’aura créée, puisqu’il t’aime, d’éternels remords.
_ Je n’ai pas besoin de vivre davantage, me défendis-je, Edward a été changé très jeune, lui aussi…
_ Edward serait mort très jeune, si je n’en avais pas fait un vampire, insista son père. A l’époque, la vie était aussi très différente. Edward avait déjà connu beaucoup de choses… Tu as été préservée, Bella, c’est une chance, mais il te manque… énormément.
Ton rêve nous dit assez clairement que tu as certaines préoccupations, tout à fait normales et naturelles, qu’il faut considérer avec respect. Il y a beaucoup d’enfants, dans ce rêve, Bella. Qu’en penses-tu ? »
A cet instant, je sursautai, car on venait de frapper à la porte quelques petites coups secs et précipités.

Carlisle allait se lever mais la porte s’ouvrit d’elle-même. Alice se tenait dans l’embrasure, elle trépignait.
« Je suis absolument désolée de vous interrompre, dit-elle à toute vitesse, mais je désire instamment parler à mon frère. »
Son expression tendue, presque affolée sous son calme marmoréen de façade, me fit comprendre qu’elle avait peut-être eu une vision. Je pensai immédiatement aux Volturi. M’avaient-ils condamnée à mort comme mon rêve me l’avait en quelque sorte prédit ? Edward avait d’abord hésité, puis il avait sans doute perçu l’urgence dans l’esprit d’Alice et il se leva d’un bond. J’esquissai un geste.
« Ne te dérange pas, Bella, reprit Alice un peu précipitamment et je perçus une certaine gêne dans son expression qu’elle voulait pourtant la plus neutre possible, je souhaite parler à Edward, en privé. Cela ne prendra qu’une minute. »
Alice ne savait pas mentir. Elle avait pourtant été la plus délicate possible. Je ressentis alors l’embarras de celui qui est ostensiblement exclu d’un débat important et je regrettai d’avoir cherché à éviter la discussion avec elle à propos du mariage au début de l’après-midi. Elle m’en voulait sûrement.
« Ne t’en fais pas, me rassura Edward, ce n’est rien. Je reviens immédiatement. Continue cette conversation avec Carlisle. »
Je me renfonçai dans le grand fauteuil. La présence d’Edward me manqua instantanément car je m’y trouvai soudain avec trop d’espace et j’eus l’impression d’être toute petite. Rester seule avec Carlisle me dérangeait un peu aussi. Son regard interrogateur restait posé sur moi. Fallait-il vraiment que je réponde ? Comme je regardais fixement le sol en me demandant comment formuler une réponse cohérente à sa dernière question, il intervint avec beaucoup de douceur :
« Bella, as-tu jamais pensé que tu souhaiterais, dans quelque temps, avoir des enfants ?
_ J’aime Edward, répondis-je avec toute la sincérité dont j’étais capable. Je ne désire pas autre chose qu’être avec lui. Si nous voulons des enfants, plus tard, nous en adopterons, comme vous et Esmé.
_ Ce n’est pas vraiment la même chose, fit-il en secouant la tête. En tant que médecin, je le vois tous les jours, j’assiste à ce miracle en permanence : l’amour d’un père, d’une mère qui a porté son enfant… c’est irremplaçable. Dans notre famille, personne n’a eu le bonheur de devenir père ou mère dans sa vie de mortel. Nous vivons ce manque, chacun différemment. Pour Esmé et Rosalie, la douleur est toujours présente. As-tu bien réfléchi à cela, Bella. Tes parents sont encore en vie, également, et tu es leur enfant unique… »
Les paroles du médecin me plantèrent des lames invisibles à travers le corps. Pourquoi m’était-il si difficile d’entendre cela ? Je pensai à Renée et à Charlie. Je savais bien que, dans quelques années, quand la vie aurait un peu passé, ils attendraient impatiemment l’arrivée de petits-enfants dans lesquels ils chercheraient à reconnaître la couleur de leurs yeux, leurs cheveux, leurs traits de caractère. Comme tous les parents. Que serais-je alors ? Où serais-je ?
« Il est important, quand on est humain et mortel, de laisser un peu de soi dans le monde avant de le quitter définitivement. De participer à la vie. »
Cette dernière remarque me frappa, car ce désir-là, je l’avais déjà éprouvé, récemment. Laisser une trace… Bon sang ! Ma vie n’était-elle pas assez compliquée ?
« Carlisle, répondis-je, il va me falloir un peu de temps pour réfléchir à tout cela.
_ Bien sûr, acquiesça-t-il dans un sourire.
_ Je voudrais rejoindre Edward, maintenant, je crois vous avoir assez ennuyé pour aujourd’hui.
_ Je comprends. Mais je souhaiterais que nous puissions reparler une prochaine fois de certains détails très intéressants de ton rêve, Bella. Le fait que tu te sois perçue comme un bouclier et le ressenti que tu en as eu m’intriguent beaucoup, par exemple. Ainsi que ce que tu as dit à propos des Quileutes qui ne seraient pas de vrais loups-garous. Cela me semble très juste.
_ Une dernière chose, Carlisle, demandai-je en me levant, est-il possible que ce genre de rêve se reproduise encore ?
_ Je ne sais pas. Je suppose que oui, mais il se peut aussi que cela n’arrive jamais plus. Cela t’inquiète ?
_ Un peu, c’est une sensation bizarre, comme de se retrouver face à une porte dont on n’a pas la clé.
_ Oui, mais on peut toujours crocheter la serrure… » Il rit, et je l’imitai de bon cœur.
« Si je… quand je deviendrai vampire, ce phénomène ne sera par contre plus possible, n’est-ce pas ?
_ Nous ne dormons pas, Bella. Alors, rêver… Mais, va savoir, comme je te l’ai dit, je n’ai pas toutes les réponses. La nature vampirique est différente selon les aptitudes personnelles de chacun.
_ Merci, Carlisle. »

Je sortis du bureau, préoccupée par la teneur de la vision que devait avoir eue Alice. Où étaient-ils ? J’arrivais en bas de l’escalier qui menait à la chambre d’Edward quand je l’entendis crier d’une voix qu’il cherchait cependant à étouffer :
« Non, non, Alice. Tu ne diras ni ne feras rien. Tu n’as aucune idée de ce que c’est que d’être humaine.
_ Mais enfin, Edward, répondit Alice de son timbre charmant bien que clairement énervé, tu dois réagir !
_ J’irai le voir. Nous parlerons. Mais si cela doit se passer comme cela, eh bien… je l’accepterai. Pour notre futur bonheur à tous deux.
_ C’est insupportable ! Comment peux-tu… ? Je ne tolèrerai pas de te savoir souffrir.
_ Tu le tolèreras, Alice, si tu m’aimes. Je te supplie… d’oublier tout ça.
_ Oh ! »
Alice semblait outrée. Je n’arrivais pas à comprendre de quoi ils parlaient. Avait-elle découvert la promesse que j’avais faite à Jacob ? Les visions d’Alice ne se produisaient pourtant que lorsqu’une personne avait fait clairement son choix, arrêté sa décision de manière définitive. Je n’avais aucune certitude concernant mon mariage, et même de moins en moins. Alors ? Qu’avait-elle vu ? Je ne savais pas si je devais me manifester. Ils allaient percevoir ma présence très rapidement, de toute façon. Ma respiration, les battements de mon cœur, mon odeur, tout leur indiquerait que je n’étais pas loin. Si Edward avait pu capter mes pensées, il l’aurait su tout de suite.
« Edward, appelai-je alors, où êtes-vous ? »
Un bruit mat me parvint, comme d’un coup de pied donné à un meuble.
« Là, Bella, monte ! »
Je ne me fis pas prier davantage. Je trouvai Edward assis, Alice debout qui lui faisait face. A mon entrée, j’eus l’impression qu’elle me dévisagea avec une sorte de colère retenue qui se teignit immédiatement de tristesse. A moins que ce ne fût de la déception ? Du dégoût ? Je ne savais plus où me mettre.
« Tu… tu as vu quelque chose… à propos des Volturi ?, me forçai-je à demander.
_ Non, sois tranquille, répliqua-t-elle avec beaucoup de détachement alors que le regard pesant d’Edward se posait sur elle, pas de Volturi. C’est… votre mariage…
_ Ah ?, fis-je soudain embarrassée.
_ Tu… tu ne souhaites pas que je l’organise… comme j’aurais aimé le faire.
_ Tu m’en veux ?
_ Non… non… je choisis quand même ta robe. »
Sur ce, elle virevolta et sortit de la pièce, plus rapide qu’un courant d’air.
J’étais désemparée.
« Que se passe-t-il, Edward ? J’ai loupé quelque chose ? Je n’ai rien fait, que je sache…
_ Ne t’occupe pas d’Alice, me répondit-il en me tendant la main pour m’attirer à lui.
_ Je vois bien qu’elle est en colère.
_ Alice ne réagit pas comme elle devrait, reprit-il. Elle ne peut pas te comprendre, elle n’a aucun souvenir de sa nature humaine… Cela lui passera, avec le temps. »
Je m’assis près de lui. Il s’était recomposé un visage totalement inexpressif, mais le regard qu’il me lança me transperça le cœur comme une dague.
« Mais qu’est-ce que… ? »
Je ne pus finir ma phrase. Edward se jeta sur moi et m’embrassa, comme il ne l’avait jamais fait.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !