vendredi 18 novembre 2011

Contes II : Des Belles et des Bêtes



Quelque part, un jardin... sans doute en Eden

A l'heure où les premiers articles concernant l'adaptation cinématographique de Breaking Dawn/Révélation, partie 1, commencent à fleurir sur la toile (je viens d'en lire un pas vraiment tendre, quoique très modéré, de Heights, sur Vampirisme.com + celui de Bloody Selena, très pertinent dans son genre également, en plus d'être drôle...-mais on est totalement d'accord sur le fond : ce qui pèche, dans ces adaptations, c'est bien l'histoire qui est à la base !- et comme, de tout manière, j'ai eu beaucoup de mal à supporter le 4e tome de la saga, c'est décidé, je n'irai pas voir ce film), il fait bon redécouvrir les "classiques", contes et mythes, qui ne sont pas autre chose que la matière première de toutes les histoires du monde !
En effet, il est particulièrement intéressant de voir la manière dont ils ont évolué au fil du temps, ont servi d'inspiration, été repris ou détournés.

Cet article sera donc consacré à l'histoire bien connue (et dont je viens d'écouter avec émerveillement une superbe version, comme je le disais dans mon précédent post) de la Belle et la Bête.


Le lion de compagnie : le rêve de toutes les petites filles

Pourquoi ce conte, plus particulièrement ?
Parce que :

"La Bête […] lui demanda à son ordinaire si elle voulait qu’elle couchât avec elle.
La Belle fut quelque temps sans répondre. Mais, prenant enfin son parti, elle lui dit en tremblant :
« Oui, la Bête, je le veux bien, pourvu que vous me donniez votre foi et que vous receviez la mienne.
_ Je vous la donne, reprit la Bête, et vous promets de n’avoir jamais d’autre épouse.
_ Et moi, répliqua la Belle, je vous reçois pour mon époux et vous jure un amour tendre et fidèle. »
A peine eut-elle prononcé ces mots, qu’une décharge d’artillerie se fit entendre et, pour ne doutât pas que ce ne fût en signe de réjouissances, elle vit, de ses fenêtres, l’air tout en feu par l’illumination de plus de vingt mille fusées qui se renouvelèrent pendant trois heures. Elles formaient des lacs d’amour, des cartouches galants représentaient les chiffres de la Belle et on lisait en lettres bien marquées : « Vivent la Belle et son époux ! ».
Ce charmant spectacle ayant suffisamment duré, la Bête témoigna à sa nouvelle épouse qu’il était temps de se mettre au lit. Quelque peu d’impatience qu’eût la Belle de se trouver auprès de cet époux singulier, elle se coucha. Les lumières s’éteignirent à l’instant.
La Bête, s’approchant, fit appréhender à la Belle que, du poids de son corps, elle n’écrasât leur couche. Mais elle fut agréablement étonnée en sentant que ce monstre se mettait à ses côtés aussi légèrement qu’elle venait de le faire. Sa surprise fut bien plus grande quand elle l’entendit ronfler presque aussitôt, et que par sa tranquillité elle eut une preuve certaine qu’il dormait d’un profond sommeil."
(extrait de La Belle et la Bête, par Gabrielle Suzanne de Villeneuve, 1740)


Bon, on passe à table ?

D'ailleurs, ce lion me fait penser que...

"_ A toi, enchaîna-t-il. Je ne m’étais pas rendu compte que tu désirais autre chose qu’être transformée en monstre.
_ Edward, j’aimerais que tu fasses quelque chose avant que je cesse d’être humaine.
_ Ce que tu voudras.
_ Juré ?
_ Oui, dis-moi ce que tu désires, tu l’auras.
_ Toi, murmurais-je.
_ Non, assena-t-il d’une voix dure. Tu sais pourquoi je suis obligé de refuser, murmura-t-il. Tu sais aussi combien j’ai envie de toi. N’est-ce pas le cas de tout le monde, d’ailleurs ? Tu es trop désirable. Je pourrais te tuer, Bella, chuchota-t-il.
_ Je ne pense pas. Pas que tu ne serais pas capable de me faire du mal si tu le désirais, mais que tu ne le souhaites pas. Tu le souhaites si peu, même, que tu n’y arriverais pas, à mon avis. S’il te plaît, finis-je par chuchoter. Je ne veux que cela. Je t’en prie.
_ Pas ce soir, répondit-il.
_ Quoi ?, m’exclamai-je, ahurie. Il faut que je me marie d’abord ?
_ Oui. Je te jure d’essayer. Après nos noces.
_ Tu défends ta vertu.
_ C’est la tienne, que je tâche de défendre. S’il est trop tard pour ce qui me concerne… que je sois damné si je te laisse l’être aussi.
_ Donc, tu ne dormiras pas avec moi avant que nous ne soyons mariés ?
_ Je tiens à ce que ça soit fait dans les règles. Isabella Swan, déclara-t-il en me contemplant à travers ses cils trop longs, ses yeux dorés empreints de douceur et pourtant brûlants. Je te jure de t'aimer pour la vie, chaque jour restant jusqu'à la fin du monde. Acceptes-tu de m'épouser ?
Des tas de phrases me démangeaient la langue, dont plusieurs pas très gentilles, d'autres plus entachées d'un romantisme guimauve écoeurant qu'il ne m'en pensait capable sans doute.
_ Oui, me bornai-je cependant à chuchoter, par crainte de me ridiculiser.
_ Merci."
(extraits de -avec de nombreuses coupures- Eclipse/Hésitation, chp 20, de Stephenie Meyer, 2007)


The End
source 1, 2, 3, 4
photographies d'Annie Leibovitz

Un petit air de Twilight, Origins... donc. ^^

Il faut dire que lorsqu'on y regarde de plus près, on est frappé par les nombreuses ressemblances (et même/surtout dans les détails) entre ces deux oeuvres. Les points communs sont même beaucoup plus évidents qu'avec les oeuvres de Brontë, de Shakespeare, ou autres, souvent citées. On peut aussi y retrouver des éléments du mythe gréco-romain qui est sans doute à l'origine de toutes ces histoires d'amour monstrueux (étymologiquement "que l'on montre" ou "qui présage"), d'amoureux inhumain -de là à dire immortel, il n'y a qu'un pas !-, celui d' "Amour et Psyché", tel qu'on le trouve raconté dans L'Ane d'Or d'Apulée (IV, 28 à VI, 24).

Interprétation : cette histoire est basée sur quelques éléments très simples me semble-t-il. Elle est l'archétype de l'histoire d'amour, de la relation homme-femme. Elle montre comment tous deux, en sachant s'aimer, s'élèvent l'un l'autre, se font évoluer : de la bête à l'humain (pour l'homme que la femme change en un être moins instinctif et plus raffiné), et de l'humain à la divinité (pour la femme, que l'homme pousse à être plus rationnelle et moins émotive). Du corps à l'esprit, en passant par le coeur. Pour parvenir à réussir cette quête, il faut savoir se défier de la curiosité, des apparences trompeuses, faire preuve de courage et de gratitude.

I

Quelques exemples des stupéfiantes comparaisons possibles (dans le désordre, et je dois en oublier) entre le mythe, le conte et... la saga de Mme Meyer, qui n'a pas inventé grand-chose ! :

1) L'extraordinaire beauté de l'héroïne, qui s'appelle Belle, d'ailleurs. Belle, Bella... comment dire ? C'est pas complètement pareil, en fait ? (sauf que dans la saga, elle fait semblant de ne pas s'en rendre compte, alors que tous les garçons : Eric, Mike, Tyler, Jacob... sont amoureux d'elle ! -l'hypocrite, lol). Il en va de même dans le mythe : le personnage de Psyché est d'une telle beauté qu'on la croit la déesse Vénus elle-même, et c'est pour cette raison que cette dernière souhaite la voir "punie" en devenant l'épouse d'une créature inhumaine. Un oracle annonce ce destin à son père, qui pense devoir abandonner sa fille à un animal, un monstre.

2) L'importance du lieu et de la nature : la forêt qui cache, préserve, autorise ou refuse l'accès au domaine enchanté du monstre. Dans le mythe, Psyché est emportée comme par magie dans une clairière merveilleuse (oui, la clairière est là aussi !) au milieu d'un bois, puis dans un palais extraordinaire.

3) La magnificence (à la limite du tolérable dans la saga, bien au-delà dans le conte) de l'endroit. La richesse matérielle du propriétaire. Le soin apporté à la demeure. Le fait que la jeune femme soit comblée de présents et d'attentions, ainsi que sa famille. D'ailleurs, elle est toujours (dans le mythe, le conte ou chez les Cullen) la seule à manger ! -sous-entendu : le maître des lieux a d'autres nourritures...

4) La règle lui imposant de devoir faire le don de soi et de son existence (ne plus revoir sa famille dans le conte et le mythe, mais pas chez S. M.) afin de vivre avec son monstre/époux, de s'engager et de lui appartenir totalement (ça, en revanche, c'est bien l'idée du mariage obligatoire -et un peu absurde du coup- imposé par Edward).


*Gotcha...*


*Gotcha !*
source 1, 2

5) Psyché, c'est l'âme. La seule épouse possible pour l'Amour lui-même. Et il est sans cesse question, dans Twilight, d'âme-soeur...

6) Edward est souvent comparé à Adonis/Apollon. C'est plus soft qu'Amour/Eros. N'empêche que de leur union naît une fille : la Volupté (... et on sait ce que Bella et Edward passent leur temps à faire, une fois qu'elle est vampire -quand ils n'affrontent pas les Volturi, certes- au point que ça en est même franchement un peu lourd).

7) La réaction des jeunes filles lorsqu'elles découvrent le vrai visage de leur amant est sensiblement la même : elles s'adonnent sans borne à leur adoration, et deviennent même carrément incontrôlables ! lol

8) Le lendemain de sa nuit de noces, Psyché "panse ses douces blessures" (et Bella ses ecchymoses).

9) L'enfant d'Amour et Psyché est présenté comme pouvant être humain ou divin : "Un jour, les traits de cet enfant me révèleront ceux de son père". L'idée d'hybride concilie les deux natures dans l'oeuvre de S. Meyer.

10) Comme il est un être surnaturel (dans le cas du mythe, un dieu), Amour ne peut se montrer (on se souviendra ici de l'étymologie de "monstre", et l'on pensera également à l'histoire de Mélusine), révéler sa vraie nature à son épouse : il ne vient la visiter que de nuit. C'est le propre du vampire que d'être un visiteur nocturne. De plus, dans la saga de Stephenie Meyer, il leur est interdit de révéler le secret de leur existence aux humains, sous peine de devoir les tuer ou en faire un des leurs. La Bête du conte, elle, ne peut apprendre à la Belle qui il est vraiment : il doit en être aimé de manière (plus ou moins) désintéressée. "Désormais, je ne vous parle plus de votre visage ; les ténèbres n'ont plus rien qui m'importune, vous êtes ma lumière à moi" (Amour et Psyché).


=

source 1, 2

11) La capacité du dieu à annoncer à Psyché l'avenir (pour tenter de l'empêcher), tout comme Alice annonce à Bella ce qui va lui arriver. Plus troublant encore : "la voix" qui guide et aide Psyché dans ses épreuves (et qui est certainement celle de son époux éloigné d'elle) rappelle les visions que Bella a d'Edward lorsqu'elle se met en danger dans New Moon/Tentation. Dans le conte, c'est la fée plus que le prince qui la conseille par le biais de ses rêves.

12) La jalousie des soeurs de Psyché ou de la Belle qui la poussent plus ou moins à sa perte. Bella, elle, n'a pas de soeur... mais on voit assez qu'elle suscite la jalousie des autres filles (Jessica, Lauren).

13) Le fait que ses soeurs lui disent qu'elle doit, en tant qu'humaine, retrouver une union raisonnable avec un autre être humain (c'est ce qu'Edward souhaite à Bella... mais Jacob n'est pas humain non plus).


source

14) L'idée de la perte de l'être aimé : dans le mythe, si Psyché transgresse l'interdit et voit/découvre la vraie nature de son époux, elle le perdra. Dans le conte, l'absence de la Belle manque de peu de tuer la Bête. Enfin, on ne raconte plus la scène d'abandon de Bella par Edward, qui brise le coeur de l'un et de l'autre (d'ailleurs, c'est bien Edward qui ne supporte pas cette séparation au point qu'il envisage de mettre fin à ses jours, alors que Bella tente de se consoler avec... l'autre Bête, sans y parvenir jamais -epic fail ^^)


source

16) La Bête a souvent été représentée comme féroce, d'où l'emprunt aux animaux emblématiques que son le loup ambigu (tradition et peurs populaires, mais aussi animal éminemment respectable dans certaines croyances) et le noble lion (symboliquement, toujours : le roi, le fils de Dieu, etc. -Edward ?). Dans le conte, en revanche, le monstre a des caractéristiques de reptile -ce qui fait écho au serpent géant avec lequel les soeurs de Psyché cherchent à l'effrayer-, et une trompe (d'un point de vue psychanalytique, il ne faut pas aller chercher bien loin pour comprendre l'allusion sexuelle ; cependant, la référence au serpent est plus complexe : à la fois diabolique, maléfique, il représente aussi la sagesse, puisque les fées deviennent serpents pour gagner en puissance -Mélusine, encore). Enfin, le vampire, froid comme la mort, est facilement comparable au serpent, dont il a aussi souvent les crocs, les pupilles... et la légendaire séduction envers ses proies.


C'est vrai que des monstres comme ça c'est... euh... original
source

17) En revanche, et étrangement, dans Twilight, la Bête (le grand méchant loup/le lion) semble avoir été incarnée dans deux personnages (monstrueux/surnaturels) différents : Jacob (le monstre amical mais très rustre du conte) et Edward (le beau prince raffiné qu'elle aime en rêve). Mais le rêve est d'emblée réalité, ici, et c'est même la Belle qui se change elle aussi en "monstre" (en tout cas en une créature surnaturelle... remarquez, elle est bien demi-fée dans le conte) pour être l'égale de son époux "surhumain".

18) Dans toutes ces histoires, on peut aussi remarquer que les Belles manquent cruellement de jugeote. Soit à cause de leur jeunesse, soit par aveuglement, soit encore parce qu'elles sont elles-mêmes profondément "différentes", d'une autre essence que la simple nature humaine, elles ont des réactions qui sont présentées comme des qualités mais qui pourraient tout aussi bien être considérées comme des défauts. Elles sont influençables (leur bon coeur, sans doute), naïves (donc pures et innocentes), sentimentales... et un peu curieuses aussi.

19) Elles font cependant montre d'un certain courage (ou d'inconscience ? -il est parfois difficile de faire la différence-, en tous les cas, elles ne sont pas paresseuses et se lancent dans l'action). Psyché accomplit les épreuves imposées par Vénus pour prouver qu'elle est digne de son amour, la Belle soigne puis accepte le monstre pour époux, Bella affronte la menace des Volturi et la souffrance...

20) Il s'agit même, pour ces jeunes femmes, d'affronter finalement la mort pour accéder enfin à l'être aimé : Psyché descend aux Enfers et en ramène quelque chose qui la plonge dans un sommeil de mort dont son époux la délivre... et la voilà devenue déesse !, la Bella affirme à plusieurs reprises qu'elle accepte de donner sa vie pour le monstre (et même de mourir dans ses bras... peut-être... en accepter de "coucher avec lui"), et Bella... risque la mort en couchant avec Edward, puis en donnant naissance à leur enfant, et devient vampire (dans le mythe, elle boit l'ambroisie, le nectar des dieux "Prends, et sois immortelle !").

21) Une vilaine traîtresse (les soeurs dans le mythe, la méchante fée amoureuse dans le conte) est punie.

22) Mariage officiel en grande pompe, avec présence de tous les Immortels, après une première union plus officieuse (ce qui n'est pas le cas chez S. Meyer mais... bien dans ma fiction ! *minute d'auto-satisfaction*).

II

Car il faut aussi dire que j'ai été agréablement surprise de me rendre compte qu'en poursuivant l'écriture de l'histoire de Bella, à travers ma fiction, j'avais, sans en avoir conscience, continué d'emprunter des éléments au conte et au mythe. Ce qui se révèle un très bonne chose, car cela permet de demeurer dans un schéma logique. Par exemple :

a) L'importance des rêves "révélateurs" de la vérité, mais que l'héroïne ne comprend pas. Cependant, leur prédictions doivent être menées à terme (en rusant... comme je me suis permis de le faire avec l'histoire originale ^^).

b) J'ai davantage mis l'accent sur la peur que Bella ressent parfois à l'égard d'Edward, de manière à ne pas totalement -comme c'est le cas dans la saga- oublier son caractère monstrueux. D'ailleurs, il la tue/la transforme lorsqu'ils couchent enfin ensemble.

c) L'arrivée d'un personnage féminin surnaturel (et ancestral) très important (Kaly), qui la guide.

d) Le changement de nature de la jeune femme va de pair avec la révélation de son identité profonde.

e) Son attrait irrésistible qui devient bien réel lorsqu'elle est un être "intermédiaire".

f) Les nombreuses épreuves que Bella doit endurer avant d'être pleinement consciente de sa propre valeur (l'errance à travers le monde, l'Afrique).

g) Son face à face avec une double mort (sa mort physique lors de sa transformation, puis sa mort morale, lorsqu'elle tue l'enfant).

h) Un premier mariage "modeste"... qui pourrait tout à fait être suivi d'un plus officiel à l'avenir, qui sait ?

i) L'idée d'une nature profondément différente de l'héroïne est très intéressante, et mériterait d'être exploitée.

j) La présence d'oiseaux (magnifique dans le conte), de voix qui parlent à l'oreille de l'héroïne (dans le mythe), que je pourrais rapprocher de l'oiseau du rêve de Bella (symboliquement un simurgh ? à voir) ou de la "rumeur" qu'écoute Kaly, ou encore des nombreuses langues parlées dans l'histoire. De plus, on peut garder en mémoire que "la langue des oiseaux" est une manière de désigner le langage supposé des anges !

k) Dans ma fiction, j'ai davantage suivi l'idée première du mythe et du conte : le jeune fille accepte la Bête AVANT le prince, et ce n'est que comme cela qu'elle obtient l'amour vrai. Dans ma version de l'histoire, Bella se donne à Jacob d'abord. Et cela m'a toujours paru très important et absolument nécessaire.

l) La gratitude, la fidélité non exclusive, qu'elle éprouve envers Jacob (la Bête animale) a beaucoup d'importance pour l'histoire, ainsi que le notion de sacrifice de soi. Il m'a semblé opportun de la "moderniser" en plaçant les vertus du personnage féminin ailleurs que dans sa simple virginité.

m) Enfin, j'ai aussi tenté de donner plus de profondeur et de réflexion au personnage de Bella. Elle s'interroge sur ses choix, et les fait en pleine conscience de leurs conséquences. Elle les fonde aussi sur des raisons plus rationnelles et moins égoïstes.

... et d'autres choses encore ! *non, je ne m'auto-spoilerai pas*

Dans la saga Twilight de S. Meyer, malheureusement, force est de constater que le côté "morale" -didactique ou initiatique- du mythe et du conte a complètement disparu. On pourrait presque dire que c'est une histoire amorale, si ce n'est immorale, d'ailleurs. L'héroïne n'apprend rien de son histoire. Elle désire une seule chose, elle obtient tout, et on lui mâche le travail en plus. Le rêve américain (il faut croire en ses rêves ?, seul l'amour suffit) ? Elle n'est pas punie pour quelque défaut, comme les classiques curiosité et orgueil. Elle n'est réellement en proie à aucun dilemme (comme c'est le cas pour Psyché dans le mythe : "Dans le même individu, elle déteste un monstre, elle adore un époux"). Elle balance un temps entre deux... mais elle ne fait ni le choix de la raison ni celui du coeur ; elle est sous l'emprise surnaturelle d'un charme qui la possède entièrement (un petit côté Tristan en Iseult, d'ailleurs, tiens... en plus) ! Elle n'a pas non plus à faire d'effort de volonté, de choix particulier et ne prouve pas son bon coeur ou son intelligence : elle tombe amoureuse d'Edward parce qu'il est... beau. Et irrésistible. Point barre. C'est tout. Heureusement, il est bien gentil, et très amoureux d'elle aussi. Ouf, on a eu peur !
A la rigueur, on peut lui reconnaître une certaine ténacité -si ce n'est de l'aveuglement... Mais pouvait-elle bien faire autrement ? Et y a-t-il jamais eu un réel sacrifice de sa part, un vrai risque ? Pas si sûr (sa grossesse n'est qu'une nouvelle fatalité qui ne lui laisse pas d'autre alternative que de devenir ce qu'elle souhaitait depuis le début. Comme c'est pratique !)
Il n'empêche, elle obtient quand même toutes les récompenses (bonheur, puissance, richesse, immortalité et postérité !). N'en jetez plus, la coupe est pleine. C'est presque... injuste. -_-'

III

Je terminerai sur quelques autres exemples -parmi tant d'autres !- de réécritures de cette histoire ou de variations sur son thème. A commencer par un film bien connu, qui montre, lui, en revanche, le parcours inverse :


Bien sûr, le topos de la clairière


Le mariage




Et la transformation progressive en monstre qui va de pair avec la perte de l'amour (alors que c'était dans le but de le sauver, justement, qu'Anakin avait rejoint le côté obscur !)
source 1, 2, 3, 4

Et deux bandes-annonces assez récentes :

Beastly/Sortilège :



Le Chaperon Rouge/Red Riding Hood :


Contes I : S'il te plaît, lis-moi une histoire... !


Pour le simple plaisir (de se sentir à nouveau comme un enfant),
par paresse,
ou tout simplement souci d'économie,

voici une découverte qui ne peut manquer de réjouir les amateurs de belles histoires :

LIBRIVOX
"Libération acoustique des livres dans le domaine public"

Cet excellentissime site permet de télécharger et d'écouter à loisir la lecture impeccable de livres libres de droits d'auteur (et ils sont pléthore ! Jugez plutôt : catalogue), aussi bien en français que dans de nombreuses autres langues. Un vrai bonheur.
En plus, le fichier "marque la page" : il reprendra là où vous êtes arrêté !
On peut jeter un coup d'oeil à une liste (incomplète, il s'agit de ceux qui disposent d'une "jaquette-illustration") des titres français proposés sur cette page. La liste complète est ici.

Par exemple, on trouvera ci-dessous une petite sélection personnelle, avec le lien de téléchargement direct sur certains titres (quand ils sont en une seule partie, sinon voir à partir du catalogue qui propose aussi une présentation de chaque oeuvre) :

File:Bellebete villeneuve 1011.jpg File:Contescruels 1012.jpg File:Epouvante 1103.jpg

File:Histoires Contes temps passe moralites 1107.jpg File:Conteshistoirespreferesenfants.m4b.jpg File:Iletaitunefois2 1104.jpg

File:Fabrique 1105.jpg http://ia700407.us.archive.org/7/items/LibrivoxCdCoverArt8/Happy_Prince_and_Other_Tales_2_1103.jpg http://ia700407.us.archive.org/7/items/LibrivoxCdCoverArt8/Northanger_Abbey_1104.jpg

File:Lavampire 1105 thumb.jpg

ainsi que les Nouveaux contes de fées pour les petits enfants de la Comtesse de Ségur... et bien d'autres !

Ainsi, j'ai récemment pu écouter avec un plaisir immense (4 heures !) le roman merveilleux racontant l'histoire de La Belle et la Bête, par Gabrielle Suzanne de Villeneuve (1740), version que Jacobinette avait mentionnée dans un article de son blog. Plus qu'un conte sublime, une Révélation ! (c'est le cas de le dire... mais j'en reparlerai plus en détails très prochainement ! ^^).

*

En attendant, pour aiguiser vos crocs et vous mettre en appétit (c'est mordant, c'est corrosif !) voilà pour finir un très court texte, extrait des Contes Cruels de Villiers de Lisle-Adam (NB : sans merveilleux inside), qui figure dans la liste des oeuvres écoutables en livres audio chez LibriVox :

À Monsieur Léon Dierx.
"Bonnes gens, vous qui passez,
Priez pour les trépassés".

Inscription au bord d'un grand chemin.

Ô belles soirées! Devant les étincelants cafés des boulevards, sur les terrasses des glaciers en renom, que de femmes en toilettes voyantes, que d'élégants "flâneurs" se prélassent!

Voici les petites vendeuses de fleurs qui circulent avec leurs corbeilles.

Les belles désœuvrées acceptent ces fleurs qui passent, toutes cueillies, mystérieuses...

- Mystérieuses?

- Oui, s'il en fut!

Il existe, sachez-le, souriantes liseuses, il existe, à Paris même, certaine agence sombre qui s'entend avec plusieurs conducteurs d'enterrement luxueux, avec des fossoyeurs même, à cette fin de desservir les défunts du matin en ne laissant pas inutilement s'étioler, sur les sépultures fraîches, tous ces splendides bouquets, toutes ces couronnes, toutes ces roses, dont, par centaines, la piété filiale ou conjugale surcharge quotidiennement les catafalques.

Ces fleurs sont presque toujours oubliées après les ténébreuses cérémonies. L'on n'y songe plus; l'on est pressé de s'en revenir; - cela se conçoit!...

C'est alors que nos aimables croquemorts s'en donnent à cœur-joie. Ils n'oublient pas les fleurs, ces messieurs! Ils ne sont pas dans les nuages. Ils sont gens pratiques. Ils les enlèvent par brassées, en silence. Les jeter à la hâte par-dessus le mur, dans un tombereau propice, est pour eux l'affaire d'un instant.

Deux ou trois des plus égrillards et des plus dégourdis transportent la précieuse cargaison chez des fleuristes amies qui, grâce à leurs doigts de fées, sertissent de mille façons, en maints bouquets de corsage et de main, en roses isolées, même, ces mélancoliques dépouilles.

Les petites marchandes du soir alors arrivent, nanties chacune de sa corbeille. Elles circulent, disons-nous, aux premières lueurs des réverbères, sur les boulevards, devant les terrasses brillantes et dans les mille endroits de plaisir.

Et les jeunes ennuyés, jaloux de se bien faire venir des élégantes pour lesquelles ils conçoivent quelque inclination, achètent ces fleurs à des prix élevés et les offrent à ces dames.

Celles-ci, toutes blanches de fard, les acceptent avec un sourire indifférent et les gardent à la main, - ou les placent au joint de leur corsage.

Et les reflets du gaz rendent les visages blafards.

En sorte que ces créatures-spectres, ainsi parées des fleurs de la Mort, portent, sans le savoir, l'emblème de l'amour qu'elles donnent et de celui qu'elles reçoivent.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !