samedi 3 octobre 2009

VOL I _ chpt 16, chpt 17



Chapitre 16 : Maudite/ Cursed



« Avance ! »
Il me tenait par les cheveux, le poing serré contre mon crâne. Chaque fois que je trébuchais, il agrippait plus fermement ma chevelure. J’avais mal, mais ce n’était sûrement rien en comparaison de ce qui m’attendait.
« Mais quelle empotée ! »
Il ricanait, sans pour autant ralentir le pas. J’avançais, les mains tendues, par réflexe, devant moi, afin d’éviter le feuillage et les ronces. Je ne voyais absolument rien. Malgré la lune, la forêt était vraiment très obscure. Il n’y avait pas de chemin. Nous avancions parmi les arbres et les fougères, des racines qui affleuraient ça et là étaient autant d’obstacles sur lesquels je ne manquais pas de buter, des branches fines et piquantes me griffaient le visage et les bras. Je ne pleurais pas, j’étais terrorisée. Je savais avec certitude qu’on allait me tuer, mais je ne savais pas comment, et c’était sans doute cela le pire. Son autre main me poussait violemment dans le dos. Devant moi, la petite silhouette sombre glissait en silence sans jamais se retourner.
J’étais épuisée. Où me conduisaient-ils ? Nous marchions comme cela depuis un bon moment, à un rythme soutenu –leur rythme le plus lent, sans doute- et je ne tiendrais plus très longtemps. Je n’avais aucune idée de la direction que nous avions suivie.
« Là, nous y sommes. »
Nous débouchâmes dans une petite clairière que je ne connaissais pas, au milieu de laquelle se trouvait une cabane en ruine. Je m’écroulai, à bout de souffle. Mon cœur cognait à tout rompre dans ma poitrine.
« Amène-la par ici. Ne l’abîme pas trop, il faut que cela reste discret, qu’elle ait l’air d’avoir fait ça elle-même. »
A nouveau, la main puissante et glacée du vampire s’abattit sur moi, me saisissant par la nuque, et se referma comme un étau, m’étranglant presque. Je suffoquai quand il me souleva et me tira vers la petite maison. Ce ne fut qu’un instant après que je remarquai la mélodie qui s’échappait de ma veste.
« C’est quoi, ça ? »
Je fus jetée au sol, plaquée et écrasée par le grand vampire brun, pendant que d’autres doigts plus habiles fouillaient mes poches. Mon téléphone portable en fut arraché et, d’un geste vif, lancé contre un des murs de pierre de la bâtisse. Il explosa en mille morceaux. Cet appel était le dernier témoignage que j’aurais eu dans ma vie que quelqu’un m’aimait et s’inquiétait pour moi. Une seconde, je me demandai qui essayait de me joindre. Je ne le saurais jamais. Sans doute était-ce Edward. Il devait m’attendre, c’était pour cette nuit. Je devais devenir sa semblable cette nuit ! J’avais choisi. J’avais renoncé à tout pour cela, à Jacob, à la vie que je portais, à ma vie. J’étais prête. J’allais me donner à Edward de telle manière que sa nature vampirique serait satisfaite. La confiance que j’avais en lui était totale. Il allait me transformer et nous resterions ensemble pour toujours. Notre bonheur éternel était sur le point de devenir réalité. Pourquoi les Volturi avaient-ils décidé de me tuer maintenant ? C’était cruel, cruel et absurde.
Alors je me mis à hurler. Je hurlai avec ce qui me restait d’énergie. C’était inutile, néanmoins l’horreur de ce que je ressentais me submergeait et c’était la seule chose que j’étais en mesure de faire. Je me débattis également, rampai, plantant mes ongles dans la terre.
« Oh, non, il ne faut pas qu’on trouve des traces de lutte. Arrête-la avant que je doive en plus la nettoyer après…
_ On ne la retrouvera pas de sitôt, de toute façon… Alors, pas la peine de s’inquiéter des traces !
_ Détrompe-toi, corrigea la petite voix doucereuse et charmante, les loups-garous, ces sales cabots avec lesquels elle a toujours traîné, ont du flair. Ils la retrouveront rapidement, même si un des leurs les a quittés à cause d’elle, car ils se sont donné la mission stupide de veiller sur les humains vivant sur leurs terres. Nous n’en sommes pas si loin, bien que j’aie fait en sorte de prendre la direction opposée à celle de leur territoire pour être un peu tranquille. Cette ruine ne gardera pas bien longtemps son odeur… Et si ce ne sont pas eux qui la découvrent, ce seront les Cullen. Son Edward remuera ciel et terre. »
Le vampire se pencha sur moi, m’attrapant par les épaules et me releva. Je lui donnai tous les coups que je pus mais il saisit soudain mon bras et la douleur que je ressentis fut si grande que je m’arrêtai net en poussant un cri.
« Voilà, bien sage. »

Que pouvais-je faire si ce n’était attendre qu’ils aient fait de moi ce qu’ils voulaient ? Je refusais de la supplier. Supplier ne servirait à rien, d’ailleurs. Jane n’était pas du genre à s’émouvoir des suppliques et le vampire qui l’accompagnait, son amant peut-être, même si elle s’adressait à lui comme à un serviteur, lui était dévoué corps et âme et exécutait chacun de ses ordres à la seconde. J’étais réduite à l’impuissance totale et ce sentiment était absolument effroyable. Il ne servait à rien de chercher à obtenir des réponses non plus. Jane me méprisait totalement, pourquoi répondrait-elle à mes interrogations ? Pourtant, je m’entendis demander d’une voix rendue rauque par la peur et l’épuisement :
« Mais qu’est-ce que je vous ai fait ? Je ne représente aucune menace. Je… Edward a promis à Aro qu’il ferait de moi un vampire afin de garder le secret et il s’apprête à le faire, cette nuit justement… nous venons de nous marier et... »
Jane me regardait, impassible. Elle avait l’air de ne pas se soucier le moins du monde de ce que je lui racontais. Les coins de sa bouche délicate étaient cependant légèrement relevés et ses yeux brillaient d’une joie mauvaise. Elle me faisait face et la lumière de la lune éclairait son beau visage d’enfant innocent. Quelle tromperie que ce visage magnifique et pur ! Ses lèvres s’entrouvrirent et je vis ses dents. Elle souriait ! Un sourire plein de haine. Elle avait l’air de vouloir que je comprenne pourquoi elle était là. Je n’avais pas mesuré à quel point elle devait éprouver de plaisir à faire souffrir ses victimes. Si les circonstances avaient été autres, elle aurait sans doute pris son temps. Oh oui, elle aurait adoré me faire subir un véritable supplice. A cette idée, ma vision se brouilla. Etais-je en train de m’évanouir ? Une seconde, l’image de Jane disparut totalement, ainsi que celle de l’autre vampire, de la cabane… pour réapparaître aussitôt.
« Tu ne deviendras pas un vampire, dit-elle avec une moue sournoise, pas dans ton état... Plus jamais, en fait, ça je peux te le promettre. »
Soudain, je pris conscience de ce que ces mots avaient voulu signifier. Mon ventre était énorme. J’étais si lourde tout à coup ! Enceinte, indubitablement. Que se passait-il ? J’aurais juré que ce n’était pas le cas une seconde plus tôt, ni lors de notre longue marche dans les ténèbres de la forêt. N’y avais-je pas renoncé, pour être avec Edward ? Et Jake n’était-il pas… ?
Non. Ces pensées s’éloignaient de moi comme une illusion vite dissipée. J’avais décidé de rester humaine. Ma vie était avec Jacob. Je l’avais finalement choisi car j’avais compris que je devais suivre le cours normal de mon existence. J’avais quitté Edward et il m’avait laissée faire, comme il l’avait promis, mais le cœur brisé.
« Je ne serai jamais qu’une simple humaine, avais-je répondu dans un cri, j’ai épousé un Quileute, ils sont au courant de l’existence des vampires et gardent le secret. Vous n’entendrez plus jamais parler de moi, jusqu’à ma mort.
_ Les règles sont les règles. Les Volturi ne reviennent pas sur leurs décisions. Pour le moment, le Cullen a rompu son engagement, vous méritez tous les deux d’être punis. Mais… crois-tu que celui que ton sang a enchanté pourrait réellement accepter de te laisser disparaître un jour ? C’est parfaitement inconcevable. Moi je n’y crois pas. Un vampire ne peut pas renoncer à la sua cantante. »
Vraiment ? Pensait-elle qu’Edward irait contre son serment ?
« Alors… alors, si jamais c’est le cas, il vous tuera tous, soufflai-je, désespérée.
_ Tous ? Vraiment ?, elle rit, … ma pauvre petite, tu te fais des illusions. Les Cullen ont déjà trop fait parler d’eux. Il n’en faudrait pas beaucoup pour que nous décidions de les éliminer tous. En fait, ce serait une bonne chose : sans ce clan dénaturé de l’ouest, nous aurions enfin la paix. De plus, l’exemple nous permettrait de réaffirmer notre puissance et notre volonté de maintenir l’ordre dans le monde des vampires. C’est une opportunité que les Volturi ne pourront que considérer à leur avantage, j’en suis convaincue. Une longue paix à venir vaut bien quelques dons perdus... »
De leur point de vue, elle avait raison. Il était clair que leur décision était sans appel. Tout était fini pour moi, pour nous, pour le fruit de nos amours que je portais. C’était injuste. Nous méritions de vivre. J’avais voulu vivre, ces derniers temps, je m’y étais enfin résolue. J’avais eu foi en l’avenir, j’avais senti que c’était ce que je devais faire et je m’étais sentie forte grâce à cette idée que j’avais fait le bon choix, en faisant confiance à la vie et en suivant la nature. Que c’était bien. Et maintenant… On avait décidé que ma vie, que nos vies, devaient s’arrêter là. Cette nuit. De cette manière abominable.

« Amène-la dans la cabane, Giacomo. »
L’homme me poussa rudement à l’intérieur. Jane déroulait une longue corde qu’elle avait amenée avec elle. Le toit de la bâtisse était effondré, mais il restait encore quelques poutres de la charpente. Elle lança la corde, l’accrocha avec habileté et rapidité, fit un nœud coulant. Ainsi, ils voulaient me pendre ! J’étais sur le point de la supplier. Je m’étais promis de ne pas le faire, mais j’allais la supplier, lui demander d’avoir pitié de moi, et de la vie que je portais, surtout. A cette pensée, je sentis monter en moi une nouvelle vague d’horreur et de confusion : je tentai à nouveau de m’enfuir mais Giacomo me retint et, comme je recommençais à hurler, m’écrasa contre lui en me bâillonnant d’une main. Il me faisait vraiment mal. A nouveau, je manquai de défaillir et ma vue se troubla. Jane gloussa :
« Je t’aurais bien laissé en profiter un peu, et moi-même cela aurait vraiment été avec le plus grand plaisir… mais il faut que cela ait l’air naturel. Avec tout ce qu’elle a vécu, personne ne se posera vraiment de questions. Que de vies gâchées, quelles tragédies !… On peut comprendre qu’elle ait fini par perdre tout à fait la raison ! »
Quelque chose au fond de moi me disait qu’elle n’avait pas tort et que je méritais ce qui m’arrivait. D’ailleurs, pourquoi étais-je seule ici ? Comment en étais-je arrivée là ? Pourquoi Edward m’avait-il abandonnée, lui qui avait promis de ne jamais plus me quitter ? Où était Jacob ? M’avait-il abandonnée lui aussi ? Je ne savais plus. Je ne voulais pas savoir.
Oh, mon Dieu ! Qu’avais-je fait ?
Jane désigna ensuite la corde d’un geste du menton et son compagnon me hissa. J’avais beau me débattre autant que je le pouvais, c’était en vain. D’un coup, il me lâcha. Je vis les yeux de rubis de la redoutable petite vampire luire de satisfaction comme je me raidissais, mes mains cherchant à dégager mon cou de la corde afin de retrouver un peu d’air. Son visage exultait… puis il se tordit en une bizarre expression de dégoût suivi de terreur, tandis qu’un long hurlement se faisait entendre à proximité. Un hurlement féroce et puissant de loup monstrueux, suivi d’un autre, plus faible et plus naturel, puis un rugissement de bête enragée s’élançant à toute allure, massive, furieuse, déjà si proche que le sol tremblait. A demi-asphyxiée, je perçus pourtant un halètement et un grognement menaçant au-dessus de la cabane et, alors que je levais péniblement les yeux pour découvrir la gigantesque bête qui se penchait sur nous, la lumière de la lune disparut. Tout disparut.


Je m’éveillai en sueur et fus immédiatement prise de nausée. Je me ruai dans la salle de bains. C’était la troisième fois en trois jours. Mais comme mon estomac était vide, je n’eus pas besoin de vomir. Je me passai de l’eau fraîche sur le visage en attendant que mon malaise se calme. Ils ne duraient jamais bien longtemps. Si je me mettais à faire ce genre de rêves régulièrement, en plus, comment pourrais-je parvenir à me reposer suffisamment pour avoir les idées claires et prendre la bonne décision ? C’était encore un de ces rêves révélateurs, assurément, même s’il avait été très court, mais je n’avais dormi que trois ou quatre heures, après tout. Je palpai la peau de mon crâne, là où j’avais senti le poing d’acier du vampire refermé pendant si longtemps. Elle était presque douloureuse… Arriverais-je à passer une nuit sans tourment prochainement ? J’en avais tellement besoin, j’étais épuisée, mais j’étais également très perturbée et mes nerfs m’empêchaient de trouver le repos.
Mes idées oscillaient entre le désespoir le plus complet et l’envie folle, aussitôt réfrénée, d’envisager une issue heureuse à mon malheur. Et si la fatalité existait réellement pour moi, pour nous ? J’arrivais même à y percevoir comme une sorte d’ironie parfois, un humour noir qui m’aurait presque faite rire si je n’avais eu tant de raisons de pleurer. La vie ne se moquait-elle pas de moi de manière évidente ? Je payais le prix de mon inconscience de quelques semaines. Pourquoi n’avais-je jamais eu droit, moi, à un peu de légèreté ? Pourquoi la contrepartie à régler était-elle aussi lourde et aussi immédiate ? Pendant un moment, si peu, en vérité, quelques dizaines de jours, je m’étais crue libre, j’avais voulu faire comme si je l’étais, du moins, j’avais voulu tout oublier de ma torture et de mon déchirement constants, arrêter de réfléchir un moment, et j’avais tenté de me laisser aller enfin… à mes envies, à mes espérances, à mon plaisir, à… sentir que j’étais aimée. J’avais essayé de vivre en double, de concilier mes deux amours, de prendre le bon qu’il pouvait y avoir en chacun d’eux. Cette situation était impossible, je savais que c’était mal agir, mais il m’avait semblé en plus que cette offense à la morale, cet interdit, étaient délicieux à transgresser. J’avais aimé Jacob, je l’aimais, de tout mon cœur, et le plus sincèrement du monde. J’aimais Edward, également, depuis le premier jour où nous nous étions rencontrés. J’avais presque réussi à me diviser totalement, en envisageant l’avenir avec l’un et en goûtant le présent avec l’autre. Beaux moments toujours entachés d’anxiété, cependant, toujours assombris d’inquiétude et de tristesse. Mon présent était en réalité une traîtrise de chaque instant et mon avenir la promesse d’une tristesse infinie. Il n’y avait pas d’apaisement dans ce statut quo. La situation n’avait rien de sain. Etre insouciante –alors que je ne l’avais jamais été- comme une jeune fille de mon âge aurait pu l’être, ce n’était apparemment pas pour moi. J'étais certainement maudite. Pourquoi ma vie devait-elle être si différente ? J’avais bien plus mal et plus sottement agi que la plupart des jeunes filles de mon âge, cependant. Et maintenant… je me trouvais dans la pire des situations.





Chapitre 17 : Le fruit défendu/ Forbidden fruit



L’avant-veille, lorsque j’avais dû me rendre à l’évidence, après que le test se soit révélé positif, j’avais été tellement choquée que j’avais passé la journée enfermée dans ma chambre, à regarder bêtement dans le vide, en essayant d’envisager toutes les éventualités et toutes les conséquences de ce qui m’arrivait. Cela m’avait pris la nuit également. Charlie en avait conclu que j’étais réellement malade, d’autant plus que mon teint virait immanquablement au verdâtre chaque fois que je me trouvais en sa présence, tant mes sentiments de honte, de culpabilité et mon égarement étaient grands. Mon estomac était tellement noué que je n’arrivais plus à avaler quoi que ce soit, ce qui n’arrangeait pas mon état.
En fin d’après-midi, alors que je m’assoupissais un peu, Jacob était passé, inquiet de ne m’avoir pas vue depuis deux jours. La tête que je devais faire l’avait immédiatement alerté et il s’était attendu au pire des aveux.
« Tu ne te sens pas bien, Bella ?, avait-il demandé avec beaucoup de sérieux. Tu as… encore vu quelque chose de terrible ? »
J’hésitai un moment. Je n’étais pas trop sûre que je devais le lui dire. Mais il me semblait également qu’il avait le droit de savoir. Il était autant concerné que moi, après tout. Mais, bon sang, comment trouver les mots ? Je n’avais jamais été douée pour cela.
« Euh, non, pas de rêve, avais-je fini par répondre, accablée, et je sentais ma voix et mes mains qui tremblaient, …mais, Jake, tu devrais t’asseoir.
_ Quoi ? »
Son regard était immédiatement devenu plus dur, son ton plus agacé. Pensait-il que je voulais lui parler d’Edward ?
« Vraiment, Jacob, fais-moi plaisir, assieds-toi et détends-toi. J’ai… nous avons un problème… toi et moi. »
J’étais assise sur mon lit. Il avait tiré la chaise du bureau et, en me la désignant pour me montrer qu’il faisait ce que je lui demandais, il s’était assis, face à moi. Il avait ensuite planté son regard inquisiteur dans le mien.
« J’écoute.
_ Eh bien… il semblerait que… je sois enceinte. »
J’avais lâché la fin de ma phrase sans plus de précautions, je ne savais décidément pas comment j’aurais pu le dire autrement.
Jacob n’avait rien répondu. Sa bouche s’était ouverte en un « quoi ? » muet. Puis il m’avait considérée, l’air ahuri.
J’avais pris mon front dans ma main. Les paroles que je venais de prononcer avaient soudain donné une nouvelle réalité à la chose et je me sentais à nouveau complètement perdue.
« Déjà !
_ Quoi ?
_ Enfin je veux dire… waouh… c’est un peu tôt !… Mais je croyais que tu…
_ Oh, Jake !
_ Je n’aurais jamais pensé que tu… mais, Bella, tu es si raisonnable d’habitude…
_ Ah, vraiment ?, j’étais éberluée par cette remarque. Et quand m’as-tu vue raisonnable pour la dernière fois ? »
A nouveau, Jacob s’était tu. Ses yeux étaient écarquillés et il avait appuyé son menton dans une de ses mains qui couvrait également sa bouche. Il avait l’air de réfléchir. Je n’aurais évidemment pas dû lui dire. Il était trop jeune, il ne pourrait pas gérer une telle nouvelle. Il allait sans doute s’enfuir en courant.

Soudain, il s’était levé et était venu s’asseoir à mes côtés. Se penchant un peu, il avait humé l’air autour de moi.
« C’est bizarre, avait-il déclaré, je ne sens rien de vraiment évident.
_ Oh, Jacob Black, enfin !, avais-je explosé, stupéfaite, je te dis que j’attends un enfant et, toi, la seule chose que tu trouves à faire c’est de me renifler pour en avoir la confirmation ! »
Alors, il avait passé un de ses bras autour de mes épaules et enveloppé mes mains dans la sienne.
Il me regardait. Peu à peu ses yeux s’étaient plissés et sa bouche fendue en un large sourire.
« C’est merveilleux, Bella, je suis très heureux !
_ Quoi ?, avais-je gémi. Mais tu es complètement fou, ou complètement inconscient ma parole ! »
Il n’avait rien répondu mais me regardait toujours, l’air vraiment réjoui, un grand sourire aux lèvres.
Un instant, j’avais pensé à m’enfuir moi-même. Je n’aurais décidément pas dû lui dire, c’était pire que tout ce que j’avais pu imaginer. Pourtant, au fond de moi, quelque chose s’était bizarrement senti rassuré par l’attitude de Jacob, et je percevais mon cœur qui commençait à battre, un peu plus vite qu’il ne le faisait déjà. Non, ce n’était pas raisonnable. Il fallait absolument se montrer réaliste.
« Mais, Jacob, tu… tu n’as même pas dix-huit ans ! Tu n’envisages pas sérieusement… tu es trop jeune, voyons ! Je suis trop jeune !
_ Bella, avait-il repris sur un ton très calme et presque un peu amusé, apparemment, nous ne sommes pas trop jeunes, contrairement à ce que tu dis. Enfin, moi je ne me sens pas trop jeune en tout cas. J’ai l’impression d’avoir déjà assez vécu pour mon âge. Si c’était un réel problème pour toi, rien ne t’empêchait… Moi, je crois que tu l’as fait exprès. »
J’étais restée bouche bée. Comment pouvait-il affirmer une chose pareille ? Il ne savait pas combien j’avais été angoissée à son sujet à cause de mes rêves, au point de ne plus penser à rien d’autre ces dernières semaines, combien je craignais encore… Il ne savait pas combien j’avais toujours désiré être à Edward, et seulement à lui, depuis le début. Les choses n’auraient jamais dû se passer ainsi ! La vie… la vie était tellement compliquée, décidément !
« Je dois aller à l’Université, Jake, avais-je riposté en tentant de me montrer rationnelle, tu dois… finir le lycée !
_ Tu parles ! Tu avais décidé de te marier et de te laisser changer en vampire le plus rapidement possible, non ? Mais il me semble que tu n’en avais pas tellement envie, finalement… Tu devrais le dire à Edward. Je peux m’occuper de toi aussi bien que lui. Nous serons heureux ensemble, tu sais… »
Pourquoi Jacob disait-il toujours ce que je ne voulais pas entendre ? Pourquoi se montrait-il toujours aussi sûr de lui dans ces cas-là également, toujours si arrogant ? Si Edward savait exactement ce que je ressentais pour Jacob après avoir pu capter ma pensée quelques secondes, Jake ignorait tout, en revanche, de la profondeur de mes sentiments pour Edward. Il cherchait toujours à les minimiser ou à les occulter, mais c’était tout à fait impossible. J’avais essayé de maintenir ma position, entre eux deux, de maintenir l’équilibre, en restant humaine, en ne faisant rien et en ne prenant aucune décision. Ce temps était révolu, l’équilibre était rompu.
« Tu délires complètement, Jake… Tu crois pouvoir assumer une vie de famille ? Tu ne gagnes même pas ta vie ! Ni moi !
_ Ce n’est qu’une question d’années. Je peux travailler un peu après le lycée, toi aussi… Billy serait ravi, il nous aiderait, on a l’habitude de veiller les uns sur les autres dans la réserve. Ton père aussi, je suis sûr…
_ Mais, vous autres Quileutes, n’avez donc aucun sens commun ?
_ Nous avons au moins celui de la famille et des choses… naturelles, contrairement à vous autres, apparemment ! »
Le ton était monté mais il tenait toujours fermement mes mains. J’étais abasourdie. Ma bouche s’ouvrait et se fermait. Je ne savais plus quoi dire. Je soupirai.

Subitement, son irritation s’était effacée. A nouveau il avait souri. Ses yeux pétillaient, comme ceux d’un enfant le matin de Noël.
« Quand même, je n’en reviens pas… c’est vraiment formidable ! »
Sa main s’était posée sur ma joue. Il s’était approché et m’avait embrassée. Je ne savais plus quoi faire. Je n’arriverais à rien, il ne voulait pas comprendre.
« Tu ne devrais pas t’emballer de toute façon, Jacob… ce n’est que le début, il se peut que… enfin, il arrive souvent… les fausses couches sont fréquentes, je veux dire.
_ Mmh…, avait-il seulement répondu d’un air incrédule, le regard toujours brillant et les lèvres serrées, je n’ai pas l’impression que cela se produise si fréquemment chez les Quileutes… enfin, pour les Transformateurs en tout cas.
_ Quoi ? »
Jacob venait de ruiner ma dernière illusion. Devant mon expression défaite, il avait ri. J’avais même eu l’impression qu’il était fier. Ses bras m’entouraient, son regard m’englobait totalement. Déjà il se montrait protecteur, presque possessif. J’avais la sensation d’être… un territoire jalousement gardé. Déjà, je ne m’appartenais plus.



Il avait porté une de mes mains à ses lèvres, l’avait embrassée, puis il s’était levé et avancé vers la fenêtre.
« Charlie arrive, avait-il dit en regardant au-dehors.
_ Oh, m’étais-je lamentée, pauvre Charlie, je ne peux pas lui faire ça ! Je me sens si mal !
_ Tu l’as déjà fait, tu sais…, avait-il répliqué sur un ton un peu moqueur mais toujours joyeux alors que j’entendais la porte d’entrée se refermer en bas. Tu es juste… enceinte, Bella, ce n’est pas la fin du monde, voyons. Je dirais même que c’est… le contraire ! »
Juste enceinte, hein ? Jacob avait le don de m’exaspérer avec ses remarques confondantes de vérité profonde et de positivisme à toute épreuve.
« Que vas-tu faire ?, avait-il demandé avec une légère inquiétude cependant.
_ Je… je n’en ai aucune idée.
_ Tu ne penses quand même pas…
_ Je ne sais pas, Jake. »
Ma voix tremblait encore. Je ne voulais pas le blesser, mais je devais être sincère.
« C’est à moi de décider.
_ Je n’en suis pas sûr, avait-il affirmé d’une voix blanche en plongeant son regard sombre dans le mien. »
A cet instant la porte s’était ouverte. C’était Charlie.
« Salut Bella. Salut Jake, tu viens voir la malade ? Alors, comment tu te sens, fillette ?
_ On dirait que ça va, avais-je répondu avec un pauvre sourire, mais je me rendais bien compte que je devais pâlir encore en regardant Charlie.
_ Tu devrais faire attention, Jake, elle est peut-être contagieuse !, s’était-il exclamé en pointant sur moi un index accusateur et en prenant un ton menaçant. Il n’était évidemment pas sérieux.
_ Oh, je crois que je ne crains rien, moi…, avait répondu Jacob dans un sourire sympathique et confiant qui m’avait consternée tout à fait.
_ Ah ? Bon. Tant mieux alors. »
Charlie n’avait pas vraiment saisi la remarque -à moins qu’il ne l’ait mise sur le compte de la résistance exceptionnelle de l’Indien- mais peu lui importait, apparemment, et il était ressorti en refermant la porte.
Au bout de quelques secondes, Jacob s’était avancé vers moi. Je m’étais levée et il avait posé ses mains sur mes épaules. Elles avaient glissé le long de mes bras et avaient saisi mes doigts. Puis il m’avait serrée dans ses bras.
« Réfléchis bien à ce que je t’ai dit, Bella, tu verras que j’ai raison. Je t’aime et je suis vraiment heureux aujourd’hui. Repose-toi, je reviens bientôt », avait-il murmuré en déposant un baiser sur le sommet de mon crâne.

Je ne m’étais pas vraiment reposée… je n’avais quasiment pas dormi de la nuit. Par contre, j’avais beaucoup réfléchi, effectivement. Sans parvenir à trouver de solution. Je m’étais aussi demandée comment j’allais présenter les choses à Edward. J’avais tellement besoin de son avis, de son conseil, peut-être, de son aide, de sa tendresse… Mais, la dernière fois que nous nous étions vus, il était déjà si contrarié ! Je n’avais pas osé aller le voir depuis. J’avais si peur ! Si peur qu’il me rejette. Si cela se produisait encore, j’en mourrais sûrement. Il avait toutes les raisons de le faire, pourtant.
Et ce rêve, maintenant. Que me disait-il que je ne savais déjà ? Les Volturi avaient décidé que je devais mourir. Ce n’était pas bien nouveau. Et ils envoyaient Jane pour m’éliminer, ce qui, apparemment, la réjouissait tout à fait. Mon rêve me disait aussi très clairement que j’hésitais entre deux routes, ce dont je n’étais que trop consciente. Cependant, certaines choses me semblaient beaucoup plus confuses. Une intense sensation de désespoir m’avait envahie peu avant que je ne m’éveille, de désespoir et d’abandon. Je m’étais sentie tellement seule ! Si seule que j’en avais presque accepté de mourir finalement… et je ne comprenais pas pourquoi. Dans ma vision, j’avais glissé imperceptiblement d’une possibilité à l’autre, je l’avais bien perçu, de ma vie avec Edward à celle avec Jacob, et pourtant j’allais toujours mourir. Rien ne semblait satisfaire les Volturi. Etait-ce parce que nous n’étions pas allé assez vite ? Devais-je devenir vampire le plus rapidement possible afin d’éviter cela ?
Je ne le pouvais pas. Il fallait que je me rende à l’évidence. A présent, les choses avaient changé. Devenir vampire impliquait… d’autres sacrifices, qui ne dépendaient plus seulement de moi, Jacob avait raison. A moins que je ne décide d’en porter seule la responsabilité. L’idée était affreuse. Je ne pouvais m’y résoudre. Et pourtant, il le faudrait sûrement. Qu’allait dire Edward ? Il allait m’y pousser sans doute. S’il tenait vraiment à moi, il me demanderait de le faire.
Oh, j’allais vraiment devenir folle !

J’étais retournée dans ma chambre et m’étais assise au sol, le dos appuyé contre le mur. Je cognai à plusieurs reprises ma tête contre la cloison. Si seulement je pouvais arrêter… d’être moi ! Il fallait… il fallait que je trouve une solution, il fallait que je réagisse ! En adulte.
Qu’est-ce qui était le plus important ? Le moment était venu de se poser la question sans détour, et d’y répondre honnêtement, en véritable accord avec soi-même, en écoutant, au fond de son cœur et de son âme, la vérité qui ne demande qu’à s’exprimer.

Je me levai donc et m’habillai rapidement. Je devais absolument aller voir Edward.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !