lundi 20 septembre 2010

VOL III _ chpt 14, chpt 15, chpt 16


Chapitre 14 : Sous le masque/ Under the mask

A travers les ténèbres, Anyota nous guida promptement hors de la caverne, par un nouveau couloir et d’autres escaliers que ceux que nous avions empruntés en entrant. Lorsque nous fûmes à l’extérieur, elle ne lâcha pas pour autant prise, et nous entraîna en direction de la rumeur humaine et animale qui provenait d’un peu plus loin. Derrière un rideau d’arbres, nous découvrîmes effectivement un grand enclos dans lequel s’agitait du bétail et, après lui, un village de petites cases serrées. Elles n’étaient pas nombreuses. La tribu qui vivait là ne comptait que quelques dizaines d’individus. Dès qu’ils nous aperçurent, les habitants se figèrent et se regroupèrent. Je fus frappée par la pureté de leurs traits et la beauté de leurs corps à la peau sombre et luisante. Ils étaient aussi soigneusement coiffés et portaient de nombreux bijoux faits de petites perles multicolores. Tous se tenaient fièrement et nous examinaient avec curiosité, mais en silence. La plupart étaient grands. Leur démarche avait une grâce naturelle surprenante, une nonchalance, qui m’évoqua immédiatement celle des grands félins que j’avais pu observer dans le pays. Il était bien naturel que ces animaux aient eu pour eux un caractère sacré : leur parenté avec les membres de cette tribu -car c’était réellement ce qui apparaissait dans leur manière d’être !- était troublante.
Shumata se détacha d’un groupe, suivi du petit garçon qui nous était apparu pour la première fois en compagnie d’Anyota, et s’avança vers nous. Sortant d’une case, j’aperçus également Enkima et Kéwarié. Ils avaient quitté leurs armes, mais leurs regards n’avaient rien perdu de leur animosité. Les villageois devaient avoir été mis au courant de notre présence et de la décision qu’avait prise leur reine. Ils ne semblaient pas surpris de nous voir, mais plutôt particulièrement méfiants. Quelques enfants, dissimulés derrière des adultes, souriaient de toutes leurs dents et se lançaient entre eux des regards malicieux. La lumière du jour déclinant avait pris une teinte orangée qui faisait vibrer la couleur rouge des tuniques dont la plupart étaient vêtus.
L’odeur de tous ces êtres humains soudain rassemblés devant moi, pour la première fois depuis que ma puissante faim de nouveau-né s’était manifestée, me tournait la tête. Mais d’autres odeurs y étaient mêlées, certaines troublantes, répulsives, que je reconnaissais comme étant celles des hommes-léopards que j’avais déjà rencontrés, ainsi que celles, plus légères et tolérables, d’autres Transformateurs en devenir, à la manière de l’enfant qui suivait Shumata. Pourtant, je compris que la phase la plus terrible de ma transformation devait s’être achevée pour de bon, même si cela s’était peut-être produit plus rapidement que ce qu’Edward m’avait laissé envisager et que j’avais craint, car je me sentais tout à fait en mesure de contrôler mon attirance pour le sang des humains de cette tribu. Du moins, tant que ma soif ne se manifesterait pas de manière trop insistante, peut-être…
Emergeant des arbres derrière nous, les deux vampires albinos et la petite fille toujours escortée de son guépard, apparurent à leur tour.
« Voici ma famille au grand complet ! », déclara la reine blanche.
Et ses sourcils s’étirèrent vers ses tempes, tandis qu’un large sourire illuminait son visage de fée dangereuse.
« Il me semble qu’une cérémonie s’impose, Shumata…, susurra-t-elle en changeant aussitôt de langage, de ton et de visage. Je pense que tout le monde est au courant de la disparition de Nyama ? »
Le grand guerrier hocha la tête.
« Sâmbolé et Sanza viennent de ramener sa dépouille, ajouta-t-il de sa voix paisible et traînante. Elle est dans la Caverne des Transformations, ma reine.
_ Bien. »
Anyota se tut un instant.
« Je vais aller me recueillir auprès de lui jusqu’à-ce que le moment soit venu, reprit-elle après quelques secondes. Pendant ce temps… je vous les confie. »
Elle nous salua alors, et disparut comme par enchantement.



Edward et moi nous retrouvâmes donc livrés à nous-mêmes au beau milieu de ce village inconnu. Notre premier réflexe fut de faire quelques pas pour nous éloigner, mais aussitôt les hommes-léopards et les deux vampires se mirent à leur tour en mouvement. Ils nous encerclaient, à une distance respectueuse, mais de quelque côté que nous nous tournions, nous nous retrouvions toujours face à l’un d’eux. Il nous était impossible de tenter de fuir sans avoir à engager le combat.
Nous nous résolûmes finalement à faire, lentement et silencieusement, quelques pas à travers le village. Des dizaines d’yeux, d’un blanc éclatant dans les magnifiques visages sombres qui les abritaient, suivaient chacun de nos mouvements. Arrivés près de la dernière case, Edward passa son bras autour de mes épaules et m’entraîna sous le couvert d’un arbre qui se dressait là. Nous nous immobilisâmes tandis que les deux Transformateurs se positionnaient à leur tour, un peu plus loin, près d’autres arbres serrés qui marquaient la limite de l’espace habité.
« Edward, je… je suis désolée », murmurai-je comme si l’on ne devait pas nous entendre.
Je jetai un regard circulaire. Mais ceux qui se trouvaient à plusieurs mètres de nous ne comprenaient certainement pas notre langue, et Anyota était sans doute trop loin pour que son ouïe porte jusqu’à nous.
« Désolée ? Pourquoi ?
_ Je n’aurais pas dû tuer cette lionne… je nous ai encore attiré des ennuis.
_ Tu ne pouvais pas savoir, affirma-t-il. Tôt ou tard, une chose comme celle-là devait arriver. La compagnie des êtres surnaturels n’est jamais bien tranquille, Bella… Au contraire, je suis très content et… très soulagé, je dois le dire, par ton attitude.
_ Comment ça ?
_ Tu as merveilleusement réagi. Tu t’es battue, tu t’es comportée exactement comme il le fallait, et tu as eu une excellente idée…
_ De quoi parles-tu ? »
Il se pencha davantage contre mon oreille, et chuchota, le plus faiblement qu’il put :
« Tu as eu raison de t’inventer un autre don… et je trouve que tu as fait un choix très judicieux.
_ J’ai fait ce que j’ai pu… mais toi, pourquoi… ?
_ Le mien était stratégique. Je voulais voir comment la reine réagirait.
_ Et tu es satisfait ?
_ Oui et non…, sourit-il contre la peau de mon cou, elle a décidé de me tuer.
_ Quoi ? »
Tout mon corps se tendit et je saisis son bras. Pourtant, je continuai à parler à voix basse.
« Mais… pour quelle raison ?
_ Parce que c’est toi qui l’intéresses. Et, d’une certaine manière, c’est beaucoup mieux ainsi. »
Il marqua une pause.
« Ecoute, Bella… j’ai beaucoup lu et… senti de choses dans son esprit, comme dans celui des Transformateurs, des autres vampires et de tous ceux qui se trouvent ici… Bizarrement, celui d’Anyota est assez confus par moments…
_ Elle est dangereuse, n’est-ce pas ?
_ Ça… tu n’imagines même pas à quel point ! C’est un serpent déguisé en ange. Le meilleur déguisement que j’aie jamais vu ! Mais, je crois aussi qu’elle… n’a pas toute sa raison.
_ Que veux-tu dire ?
_ Il n’y a pas que le mensonge et la dissimulation dans son esprit, Bella. Il y a… plusieurs sentiments et désirs contraires qui cohabitent au même moment. Elle aime et hait à la fois, elle a pitié et se réjouit de faire souffrir, elle est douce… et sans pitié. C’est assez troublant.
_ Edward, intervins-je, si j’ai réagi comme je l’ai fait et que je comprends la langue que l’on parle ici, c’est parce que je connais Anyota… Elle est dans les souvenirs de Kaly ! Elles se sont déjà rencontrées.
_ Ah ? Dis-moi ce que tu sais.
_ Peu de choses. Elle n’est pas restée très longtemps… Et lorsqu’elle est partie, cela a mis la reine en fureur. Mais Kaly l’a contrainte à la laisser s’en aller. »
Edward hocha la tête.
« Il y avait aussi un homme-léopard avec qui Kaly discutait… Il lui a expliqué qu’ils étaient reconnaissants à Anyota de ce qu’elle faisait pour eux, mais qu’ils étaient esclaves. Elle les retient, je crois… il me semble que c’est le pouvoir qu’elle a. Kaly l’appelle Arachnée. »
Edward plissa légèrement les yeux.
« J’ai senti cela, déclara-t-il. Tous la craignent terriblement. Mais ils l’aiment aussi… ils la vénèrent comme une déesse. Ils la considèrent comme leur mère ! Elle a employé son pouvoir avec nous dès notre arrivée. Il s’agit d’une sorte d’attachement. Je comprends que Kaly l’ait surnommée l’Araignée… en fait, c’est une vraie glue ! Elle tisse des liens, me semble-t-il, qui ont la capacité de retenir ceux qu’elle désire garder auprès d’elle. Elle ne pouvait pas savoir que son don n'avait aucun effet sur nous, mais elle a quand même perçu une résistance. C’est un vieux vampire qui a acquis une très grande sensibilité. Ton bouclier la contre, la force à lâcher prise, et elle s’en rend compte. C’est pour cette raison que j’ai dit que cela venait de moi. »
Il sourit. Il semblait presque amusé.
« Oh, Edward… !
_ C’était aussi ce qu’il y avait de mieux à faire. Les dons que nous nous sommes attribués ne nous obligeront pas à ruser en permanence… Nous devons juste attendre le bon moment, et nous nous éclipserons dès que l’occasion se présentera. »
Je scrutai ses pupilles. Oui, nous devions attendre le meilleur moment…
« Pourquoi dis-tu qu’elle s’intéresse à moi ?
_ Mais parce que tu es intéressante, Bella… »
Ses sourcils se soulevèrent et une lueur passa dans son regard.
« Ce n’est pas le moment de plaisanter, Edward…
_ Je ne plaisante pas, mon amour. »
Pourtant, le petit sourire qui relevait le coin de sa bouche me disait le contraire. Son ton se fit cependant plus grave.
« Tu montres des caractéristiques très intrigantes pour un vampire assoiffé de pouvoir, Bella. Je croyais que tu l’avais bien compris en rencontrant Aro. En plus du don d’adaptation qu’elle croit que tu possèdes, ta force de nouveau-né qui va perdurer encore un moment représenterait un atout considérable pour Anyota. Elle mène… une sorte de croisade hypocrite. Son clan se nourrit de sang humain, comme tu as dû t’en rendre compte. Et ils aiment cela. Ils ne reculent pas devant quelques petites contradictions pour étancher leur soif…
_ Pourtant, remarquai-je, il me semble qu’elle fait du bien aussi… elle offre une… »
J’hésitai.
« Une meilleure existence à ceux qu’elle prend sous sa protection. »
Edward me considéra une seconde.
« Ah oui ? C’est ce que tu penses ?
_ Tu as vu ce que leurs semblables leur ont fait ?
_ Bella… tu sais ce qu’ils font à leurs semblables, en retour ? »
Il baissa les yeux.
« Non, tu ne peux pas le savoir… Ils les massacrent. Avec joie. Regarde ce village… Est-ce que tu vois une seule personne âgée ?
_ Quoi ? »
Immédiatement, j’étudiai les silhouettes des humains encore massés non loin de nous. Des enfants. Des femmes, des hommes… Jeunes, pour la plupart. Jeunes. Tous ! Il devait bien y avoir des vieillards... dans les cases, sans doute ! Mais quelque chose me disait que ce n’était pas le cas.
Je n’ajoutai rien. Je fermai les yeux.

Un parfum me chatouilla les narines. Une odeur tendre, boisée, chaude. Je m’aperçus que trois jeunes adolescents nous épiaient, un peu à l’écart des autres villageois. Ils s’étaient approchés de nous, et semblaient très excités. Leurs pieds s’agitaient dans la poussière, ils chuchotaient entre eux, se poussaient, souriaient. Finalement, l’un d’eux, le plus grand, leva la tête et, se détachant des autres, s’avança vers nous, sans témoigner d’aucune hésitation. Ses grands yeux ne cillèrent pas et son regard fier, presque arrogant, se planta dans le mien. Arrivé à ma hauteur, il s’arrêta net et détacha de son cou un des innombrables colliers qu’il portait. Il me le tendit. Comme je ne réagissais pas, il me fit signe de le prendre.
« Pourquoi ?, demandai-je sans bien saisir le sens de son geste.
_ Tu parles ?, s’étonna-t-il. »
Je souris. Le garçon me dévisageait avec sérieux.
« Je sais ce que tu as fait, reprit-il. Tu t’es battue. Tu as gagné. »
Je ne savais quoi répondre à ces paroles. Il n’y avait rien à dire.
« Si tu dois être des nôtres maintenant, comme l’a dit la reine à Shumata, continua le garçon, il faut que quelqu’un dans la tribu te souhaite la bienvenue. C’est ce que je fais. Prends ! »
A nouveau, il me tendit le collier de perles, auquel pendait une sorte de médaillon, comme un disque de métal clair. Je pris donc le présent et le remerciai.
« Souviens-toi que c’est Enkâré qui t’a accueillie ici, ajouta-t-il d’un ton solennel. »
Sans plus de cérémonie, il tourna les talons et rejoignit le petit groupe de ses amis qui le regardaient faire, pétrifiés. Alors, ils filèrent à travers le village, en poussant des cris de victoire.
Je demeurai un moment ne sachant trop comment régir. Je me retournai vers Edward, lui montrant le collier dans ma main. Il eut une moue ironique.
« Eh bien, mets-le !
_ Tu crois ?
_ Oh oui, c’est un symbole. Et ce garçon sera très fier. »
Je passai l’objet autour de mon cou.
« Fier, pourquoi donc ?
_ Tu lui plais.
_ Hein ? »
Je n’en croyais pas mes oreilles.
« Voyons, Edward, je suis un…
_ Un vampire. C’est bien ça. »
Il rit. Comment pouvait-il encore rire, alors que nous étions dans une situation catastrophique ?
« Un horrible monstre aux yeux de sang ! », m’exclamai-je.
Edward ajusta le collier sur ma poitrine.
« Tut tut… », corrigea-t-il en levant un sourcil. Puis il débita :
« Une-jeune-femme-aussi-séduisante-que-la-lune, dont-les-yeux-ont-la-couleur-du-feu-comme-ceux-des-fauves-sacrés. Ce garçon est un poète !
_ Tu plaisantes ? Tu ne peux pas lire sa pensée avec cette précision, tu ne parles pas sa langue !
_ C’est vrai…, reconnut-il, mais je suis prêt à parier que c’est exactement ce qu’il a pensé. En tous les cas, ses intentions à ton égard sont tout ce qu’il y a de plus… sympathiques.
_ Que… ? »
Etait-il possible… ? Je saisis le médaillon que retenaient les fils de perles. Il n’était pas tout à fait poli, mais j’y discernai cependant la forme de mon œil. Et la couleur en son centre… ne semblait pas rouge !
« Déjà ?
_ Mmmhh… Tu as évolué, Bella. Un peu plus rapidement que la plupart des nouveaux-nés, cela est certain, mais tu t’es suffisamment nourrie, le temps est passé… De toute évidence ta grande faim est achevée. Tu tolères très bien la présence des humains, à présent.
_ Ils m’attirent toujours beaucoup, mais je ne souffre pas comme je souffrais… Combien de temps est passé, au juste, Edward, en as-tu une idée ? Je ne me rends pas compte.
_ Je dirais environ six mois. Il est normal que tu sois un peu désorientée. Le temps est une notion qu’il faut réapprendre à ressentir. C’est la plus difficile. Parce que c’est certainement la plus inutile pour nous.
_ Six mois !... »
Cela me semblait énorme. Et, en même temps, cela n’avait pas de sens. Cela n’en avait plus.
« Comment allons-nous faire pour rentrer chez nous, Edward ? Je n’ai… je ne voudrais pas avoir encore à me battre. J’ai tué… j’ai tué un vampire. Je ne l’ai même pas fait exprès. Je voudrais…
_ Je sais. Mais tu te doutes que la femme t’en veut. Elle saisira n’importe quelle occasion…
_ Sanza.
_ Oui. Elle va en plus devenir une vraie furie si Anyota la prive. L’autre, celui qui est responsable d’eux, est plus mesuré. Il est plus âgé aussi. Il ne se battra que s’il le faut.
_ Et les ailuranthropes ?
_ Eux…, c’est très différent. Ils sont loyaux. Mais ils ont peur aussi. Peur pour leur tribu. Et tu as commis un sacrilège, selon eux. Shumata… Shumata méprise les vampires. Mais il est sous l’influence de la reine, et il est très respectueux des croyances de son peuple. Il a une force d’esprit et une clarté de sentiments vraiment rares ! Je perçois très nettement le ton de sa pensée. Elle est pleine de courage. Il a un fils aussi… le petit garçon… »
Je hochai la tête. Anyota savait ce qu’elle faisait.
« Pour le moment, acheva Edward, il me semble que tu dois donner à Anyota l’impression que son pouvoir agit sur toi. Tu dois aller dans son sens, te montrer attentive à ce qu’elle dit. Elle… cherche à te séduire. Elle sent que tu as besoin de découvrir ta nature. Elle voudrait t’amener à partager son goût pour le sang humain, parce que tu lui serais beaucoup plus utile dans ce cas. Moi, je suis une gêne. Elle craint l’influence que je peux avoir sur toi, et elle me détruira dès qu’elle en sentira la nécessité. Alors je vais me montrer le plus discret possible, me tenir en retrait. Et dès que nous pourrons, dès qu’ils auront relâché leur vigilance, nous fuirons. »
J’acquiesçai. Edward avait sans doute raison. Mais la menace était bien réelle. L’angoisse me vrillait le corps. J’espérais que nous trouverions rapidement l’occasion de nous libérer de ce clan hostile.



La nuit tombait. Depuis que le jeune Enkâré était venu à ma rencontre, les villageois avaient cessé de nous observer, et chacun était progressivement retourné à ses activités. Les vampires et les hommes-léopards, eux, n’avaient pas bougé de leurs emplacements stratégiques.
Nous attendions.
Quand il fit noir, un grand feu s’alluma derrière le rideau d’arbres qui dissimulait le village, près de la paroi rocheuse où s’ouvrait le labyrinthe qui conduisait à la caverne d’Anyota. Le fils de Shumata et la petite Olapa apparurent, accompagnés des fauves apprivoisés. Ils firent le tour de nos gardes, agissant en émissaires, puis ils repartirent comme ils étaient venus, en courant, le plus grand ralentissant son pas pour attendre la plus petite. Alors Sâmbolé et Shumata vinrent vers nous.
« Venez ! »
Nous les suivîmes.
Le feu était celui d’un grand bûcher. Il m’évoqua un souvenir douloureux. Je savais très exactement à quoi il allait servir. Anyota se tenait près d’un long tissu de couleur claire étendu sur le sol, qui recouvrait une forme aux contours humains. Elle nous fit signe d’approcher. Nous nous installâmes à l’endroit qu’elle nous indiqua, puis d’autres nous rejoignirent, les vampires et Transformateurs de sa garde, et nous formâmes un demi-cercle à quelques mètres du feu crépitant. Anyota nous faisait face.
« L’esprit de Nyama a quitté son corps d’être supérieur, déclara-t-elle soudain en guise d’ouverture. Il a rejoint ceux de ses ancêtres. Il est en paix à présent. Et il veille sur nous tous. Ne soyons pas tristes. Car lui ne l’est pas. La mort est un passage. »
L’assemblée reprit en chœur ses dernières paroles. Alors la reine blanche vint s’installer au milieu de nous, et la dépouille du vampire fut livrée aux flammes.
Il s’embrasa d’un coup. Le feu jaillit, bleuissant, puis s’apaisa rapidement. Alors une rumeur monta de toutes parts. Un rythme. Des percussions vocales. Tout autour du feu, des danseurs masqués défilèrent. C’était un spectacle assez impressionnant. Les masques grandissaient ces hommes qui possédaient déjà une haute stature. Ils étaient de bois peint, ornés de coiffes. Le visage était blanc, les cheveux noirs, les lèvres rouges. Les corps massifs des danseurs étaient striés de peinture blanche qui donnait l’impression que des squelettes s’agitaient en cadence, à un rythme de plus en plus rapide. Certains portaient des taches, comme des yeux blancs sur leurs corps sombres, qui ondulaient à chacun de leurs mouvements.
Anyota se pencha vers moi.
« C’est la danse des esprits ancestraux, souffla-t-elle. Les masques blancs figurent des êtres surnaturels. Dans ce pays, le blanc est la couleur de la mort et celle de l’au-delà. C’est pour cela que je mets un point d’honneur à ne pas porter autre chose ! »
Elle souriait. Son visage, reflétant la lueur chatoyante des flammes, était magnifique et terrible.
La danse dura longtemps. Elle avait quelque chose de particulièrement captivant, et je sentais qu’elle racontait des histoires dont je ne comprenais pas tout à fait le sens. Tout à coup, le silence tomba comme une lourde hache dans l’air de la nuit. Un masque noir fit son apparition. Il se mit à danser, seul, une chorégraphie compliquée, presque maladroite. On aurait dit qu’il cherchait à fuir, à de dépêtrer d’un poids invisible qui l’accablait, mais il ne parvenait pas à s’en dégager.
« C’est le moment que je préfère, annonça la reine. En fait… j’y suis un peu pour quelque chose. Regardez attentivement, et vous comprendrez sans doute. »
Avec des sifflements de vent, un deuxième danseur qui portait un masque blanc, étrangement allongé et entouré d’une longue touffe de paille qui lui faisait comme une chevelure, glissa au centre du cercle. La danse du masque noir cessa. Il tomba au sol, tandis que l’autre bondissait par-dessus lui en agitant ses bras à la manière d’un oiseau qui prend son envol. Le masque noir fut arraché au danseur pris de convulsions. Il criait, réellement ! Le murmure rythmé de la foule reprit, gonfla, s’amplifia, couvrant les hurlements du danseur en proie à une torture imaginaire. Finalement, un enfant fit son entrée, il bondissait sur lui-même comme s’il était monté sur ressorts. Il apportait un nouveau masque à l’homme, étendu sur le sol, qui ne bougeait plus. Un étrange masque double. Deux visages, un noir et un blanc, y étaient greffés ensemble. Une fois qu’il l’eut attaché, le danseur se releva et se mit à effectuer avec le long masque blanc une série de mouvements incroyables, qui étaient une vraie démonstration de force et de souplesse. L’ensemble des danseurs, qui s’étaient jusqu’à ce moment écartés et martelaient le sol de leurs pieds furieux, se joignit à eux, en armes, et une chaîne s’organisa autour du feu, tantôt bondissante, tantôt virevoltante, qui semblait ne devoir jamais cesser.
Elle dura jusqu’à-ce que le brasier s’éteigne de lui-même.
J’étais fascinée. Le rythme parfait, visuel et sonore, les parfums de vie qui se dégageaient des corps fatigués, ceux de la nature qui nous provenaient de toutes parts, et l’odeur intense des Transformateurs à nos côtés, tout cela me bouleversa profondément. J’eus le sentiment que l’espace et le temps -auquel j’avais déjà échappé- s’ouvraient pour de bon, et que nous nous trouvions en tous temps et en tous lieux à la fois. Edward et moi étions à l’autre bout du monde, et pourtant on nous y racontait les mêmes histoires qu’à la Push… des histoires qui se transmettaient depuis la nuit des temps. L’histoire de la mort et de la vie. Une histoire d’amour et de haine. De peur, de douleur… de magie, de force. Et de joie douce ou amère.





Chapitre 15 : Métamorphoses

Quand la cérémonie fut achevée, les villageois regagnèrent leurs cases, ainsi que les guerriers-léopards. La nuit, la nuit profonde, appartient aux vampires qui, seuls, ne connaissent pas le sommeil. Nous demeurâmes en compagnie de la reine blanche. En silence, elle nous étudiait. L’angoisse m’oppressait à la pensée du sort qu’elle nous réservait, de ce qu’elle avait résolu concernant Edward. Peut-être était-elle en train de réfléchir à la manière de mettre son plan à exécution, en ce moment-même ? Et Edward qui entendait ses pensées… Il devait subir, en spectateur muet, la vision de ce qu’Anyota élaborait à son sujet !
Au bout d’un moment, cependant, une agitation, en provenance du village, se fit sentir. Bientôt, la femme-léopard, Enkima, se présenta à nous.
« Ma reine, le grand Esprit se manifeste : deux garçons sont en train de changer ! Nous allons les porter dans la Caverne. »
Anyota acquiesça.
« Bien sûr. Je viens. »
A grandes foulées, Enkima disparut dans la nuit.
La reine vampire plissa les yeux.
« Deux d’un coup… voilà qui est intéressant. Sans doute une bonne chose… »
Elle leva les yeux sur nous.
« Voulez-vous voir cela ? »
Edward et moi répondîmes en même temps.
« Oui.
_ Non. »
Anyota eut un petit sourire.
« Il semblerait qu’Isabella fasse preuve de davantage de curiosité. Cela peut se révéler instructif, parfois… Bien, viens donc avec moi ! »
Je jetai un regard à Edward. J’allais protester. Il n’y avait pas de raison qu’il… Mais il baissa les yeux. Un peu trop rapidement. J’eus le sentiment qu’il ne souhaitait pas nous accompagner. Peut-être même l’avait-il fait exprès. Y avait-il une raison pour que je me retrouve seule avec la reine ? Ne craindrait-il rien à rester en arrière, en compagnie de Sâmbolé et de Sanza ?
Anyota s’était déjà éloignée, elle se retourna. Mais elle pouvait toujours nous entendre.
« Vas-y, confirma Edward, ne t’inquiète pas, je reste là. Ça ne m’intéresse pas. Je t’assure ! »
Un peu hésitante, je le quittai pourtant, et m’enfonçai à la suite de la grande vampire blonde, dans une faille de la montagne.



Un large tunnel nous conduisit, profondément, dans le cœur de la terre. D’abord très fraîche, la température se fit progressivement plus douce, à mesure que le passage devenait plus étroit. Il n’était plus praticable qu’à des corps d’hommes, à présent. Les nouveaux Transformateurs ne pourraient pas quitter le lieu tant qu’ils ne seraient pas en mesure de reprendre forme humaine, et c’était très certainement le but de cette caverne. Nous débouchâmes dans une cavité, aux parois de laquelle des torches flambaient. Il y faisait extrêmement chaud. Une sorte d’autel se dressait dans le fond, devant lequel on avait déposé les deux garçons. C’étaient des adolescents d’une quinzaine d’années. Ils gémissaient, se tordaient, en proie à une fièvre intense. Shumata était auprès d’eux. Il ne se préoccupa pas de nous. Il récitait des prières, dans lesquelles il invoquait le dieu qui prenait possession de ses nouveaux hôtes, le remerciant et le priant d’apaiser rapidement ceux qui allaient désormais utiliser son pouvoir.
Si loin, et pourtant… ! Ma pensée s’envola vers Jacob. Le Jacob que j’avais si bien connu. Avant et après sa transmutation. Tout mon corps palpita : regret, peine, instants de bonheur, tout se mêlait.
« Cela peut durer plusieurs jours, chuchota la reine en se tournant vers moi. Mais si je reste près d’eux, c’est plus rapide. »
Elle s’approcha d’un des garçons. Dans sa transe, il poussa un cri. Anyota prit sa main. Quelques secondes plus tard, elle enflait, se boursouflait, changeait de forme et de texture. Les ongles s’étrécirent et devinrent des griffes acérées. Une patte énorme tremblait dans la main fine du vampire.
« Veux-tu l’aider, toi aussi ? »
Elle me faisait signe d’approcher.
Le jeune homme s’arqua, haletant. Son corps dégageait une chaleur phénoménale et il était en nage. J’avais l’impression que ma présence le faisait souffrir inutilement. Mais, si Anyota disait vrai, que valait-il mieux ? Une lancinante souffrance de plusieurs jours, ou bien une plus intense mais plus courte ? Je posai mes mains sur son genou. A mon contact, la peau du membre se souleva comme une vague. Elle se modifia rapidement. Une fourrure tachetée apparut. Les muscles se déplacèrent et se firent aussi denses que de la pierre. A présent, le garçon était un demi-léopard. La métamorphose avait gagné jusqu’à son épaule et sa hanche. Et elle s’étendait encore. J’allais déplacer ma main à son autre jambe, mais il roula sur le flanc avec un hoquet.
« Pas si vite !, s’exclama Shumata. Laisse-lui le temps… »
Le guerrier avait saisi mes doigts suspendus en l’air. Sa poigne était solide, mais il n’y avait aucune agressivité dans son geste.
« Excusez-moi, soufflai-je, je ne savais pas…
_ Tu ne sais pas grand-chose. »
L’homme-léopard me considérait de ses yeux noirs à la forme féline. Je me relevai, et reculai de quelques pas. Anyota fit de même.
« Je reviendrai tout à l’heure », assura la reine en me désignant la sortie.

Elle me précéda dans le tunnel mais, après un moment, s’arrêta et se retourna vers moi.
« Tu n’as pas eu peur, constata-t-elle.
_ Non. Le fallait-il ?
_ Les vampires de mon clan craignent les ailuranthropes. Ils ne se seraient jamais risqués à les toucher. »
Je ne savais quoi répondre. Je me méfiais de ses réflexions et, ne sachant où elle voulait en venir, je m’abstins de toute remarque.
« Mon clan manque de vampires réellement courageux… et doués !, soupira-t-elle. Nous pourrions accomplir tant de choses, si c’était le cas. Vois-tu… les hommes de ce pays auraient besoin qu’on les aide à changer. Olapa, lorsqu’elle sera devenue adulte, fera déjà un merveilleux vampire, et toi… Qu’en dis-tu ? Tu pourrais m’aider, si tu restais un peu…
_ Je ne sais pas trop… »
J’essayais de ne pas paraître trop catégorique. Je ne voulais pas la fâcher. Encore moins lui faire sentir que je restais insensible à son pouvoir. Mais ses confidences me mettaient mal à l’aise.
« Tu es si jeune ! Qui sait quel vampire tu vas devenir ? Je pourrais te guider…
_ Edward m’apprend tout ce que je dois savoir, répondis-je pourtant. Il est mon mari, il sait ce qu’il y a de mieux…
_ Vraiment ?, me coupa-t-elle plus sèchement. Il t’empêche de devenir réellement toi-même ! Ne t’en rends-tu pas compte ?
_ Il m’aime. Je sais cela. »
Anyota écarquilla les paupières, comme si je venais de dire une absurdité. Puis elle sourit.
« Ah… Oui. Tu es… son animal familier, hein ?
_ Quoi ?
_ Tu demeures ce que le sang que tu bois fait de toi. Et si, lui, a éprouvé ce que procure à un vampire de boire le sang d’êtres humains -ce dont je suis assez persuadée-, alors que toi non, tu restes son inférieure. Et il gardera toujours sur toi cet ascendant. »
Durant quelques secondes, je me tus. Elle cherchait très certainement à me déstabiliser.
« Je ne vous crois pas. Je ne sens pas… il n’y a aucune différence entre nous.
La reine blanche gloussa.
« Oh, si, il y en a une, crois-moi. Et de taille ! »
Sur ces paroles, elle fit volte-face, et se remit à progresser dans le tunnel. Malgré moi, le venin de ses propos s’instillait dans mon esprit. J’avais bien conscience de son manège, pourtant… ce qu’elle venait de dire faisait écho, au fond de moi, à un profond sentiment que j’avais, depuis longtemps déjà, une certitude, une évidence.
« Quelle est cette différence ? », demandai-je avec le sentiment que j’allais regretter ma question.
Anyota s’arrêta, et se tourna à nouveau vers moi. Malgré l’obscurité, je voyais la lueur de ses pupilles et le halo opalescent qui dessinait les courbes de son visage.
« Le pouvoir. »
Je souris à mon tour.
« Je ne veux pas du pouvoir. Je n’ai pas besoin d’être puissante. Je ne cherche pas à dominer les humains. »
Mais elle continua, en articulant comme si j’avais des difficultés à comprendre.
« Le pouvoir que donne la connaissance. Le plaisir… la douleur… et leurs conséquences. Le fait de donner enfin un sens à tes actes. La pleine possession de toi-même, de ta nature. »
Tout cela, je le savais déjà, me semblait-il. Je l’avais éprouvé à travers les souvenirs de Kaly.
« Ta liberté. »
Ce dernier mot retentit dans le silence du tunnel. Je ne comprenais pas ce qu’il signifiait exactement.
« Que voulez-vous dire ? »
Le vampire millénaire se pencha sur moi.
« Tant qu’un vampire n’a pas bu de sang humain -alors que c’est ce pour quoi il est fait !- il n’acquiert pas son indépendance. Il n’a pas d’existence propre. C’est comme s’il… refusait ce qu’il est devenu. Alors il demeure profondément nostalgique de son humanité, et aliéné. Il reste dépendant de son créateur. Si celui-ci est détruit… il disparaît avec lui. Je te l’ai dit, pour le moment, tu es… une marionnette. »
Cette révélation me sidéra. Pourtant, je devais faire preuve de méfiance.
« Et c’est ainsi que vivent tous ceux de votre clan ? Celui qui l’a fondé garde les autres sous sa dépendance en les obligeant à ne se nourrir que d’animaux ?
_ Non. La plupart d’entre eux ont bu du sang humain avant de choisir de leur plein gré de ne plus le faire.
_ Mmhhh… Difficile d’aller contre la nature des choses, hein ?
_ Sans doute. »
Je ne voulais plus discuter. Je voulais sortir de ce tunnel. D’un ton anodin, Anyota reprit pourtant :
« Oh, et tu dois aussi avoir conscience que les hommes-léopards attendent que justice soit faite. Sur leur territoire, la mort d’un félin offense le grand Esprit qui ne s’apaise qu’avec la mort du coupable. Je me demande d’ailleurs, s’ils ne vont pas penser que ces deux nouvelles transformations signifient que leur dieu est en colère. Ils vont se mettre à avoir peur. Il se peut que cela les rende aussi un peu nerveux. Et pressés ! En tout cas, ils ne vous laisseront pas partir, c’est certain. De toutes manières, tu n’as plus très envie de partir d’ici, n’est-ce pas ? Je sens que tu es captivée par tout ce que tu vois… Il y a beaucoup de questions auxquelles tu cherches des réponses. Je peux te les donner. »
Il fallait que je réponde. Je n’aimais pas son ton, et sa manière de procéder. J’aurais voulu me jeter sur elle et laisser éclater ma colère, mais je devais jouer mon rôle. Celui qu’Edward et moi avions convenu. Agir comme si j'étais réellement "attachée" à elle, désormais. Je m’étranglai presque :
« Je… je dois y réfléchir…
_ Bien. Enfin… les métamorphes pensent qu’il faut donner une vie pour une vie. Mais… cela pourrait ne pas être la tienne. Ils ont le sens de la famille… Ton mari pourrait être sacrifié à ta place. Enfin, c’est ce que, moi, je leur demanderai d’accepter lorsque je devrai trancher. Je suis leur reine. Vous avez un peu de temps, encore… »
Elle ne me regardait plus. Elle me contourna et fila dans le tunnel en sens inverse. Elle retournait auprès des jeunes garçons qui transmutaient. Sa voix me parvint, amplifiée par l’écho.
« Fais ton choix, Isabella. Bois du sang humain ! Je t’en procurerai... Je serais désolée de te perdre si tu t’entêtais à ne pas accepter d’être séparée de ton inutile compagnon. Sois bien persuadée que je serai un meilleur guide que lui. A n’en pas douter ! Je t’apprendrai tout ce que je sais. Et je sais beaucoup de choses… »

J’aurais pu m’effondrer, là. Qu’allions-nous faire ? Elle nous tenait. Il faudrait donc se battre, encore ! Pour nos vies. Mais je ne voulais plus avoir à tuer… Ma mémoire était pleine de morts, et c’était particulièrement difficile à supporter. De plus, les paroles d’Anyota m’avaient troublée, plus que je ne voulais bien me l’avouer. De nouvelles interrogations se bousculaient dans mon esprit. Des craintes. De rage, je frappai la paroi du tunnel. Mon poing s’enfonça dans la pierre comme dans du beurre. Tant de force, tant de violence ! Je devais être faite pour cela, à présent… et je ne le voulais pas. Je devais réagir. Bondissant dans les ténèbres, je fonçai à l’extérieur.
Edward n’avait pas bougé. Les deux autres vampires non plus. En m’apercevant, il leva un sourcil.
« Intéressant ?
_ Oh, Edward… !
_ Je crois que j’ai une petite idée… Tentation, menace, chantage…
_ Sais-tu si un vampire qui n’a jamais bu de sang humain disparaît avec son créateur si celui-ci est détruit ? »
Edward me dévisagea. De toute évidence, non, il ne savait pas.
Je lui racontai ce que m’avait dit la reine blanche. Selon lui, je ne devais pas prendre ses propos pour autre chose qu’une tentative de manipulation. Mais il demeura ensuite, un moment, assez méditatif. Enfin, il chercha à me rassurer. Nous trouverions certainement une occasion de leur échapper. Nous devions juste rester sur nos gardes. Je voulais le croire. Mais mon angoisse grandissait. Elle ne me quitterait plus.
Le lendemain, mon malaise ne fit que s’accroître. La journée passant, je compris que je ressentais le besoin de me nourrir. Je voulais chasser. Il le fallait. Je n’avais pas l’habitude d’être privée longtemps de nourriture, et n’avais aucune idée de ce que je serais capable de faire si cela se produisait. Encore un jour ou deux, peut-être… Je pouvais attendre, si j’y mettais toute mon énergie… Anyota ne reparaissait pas. Et lorsque j’expliquai à nos gardes que je voulais quitter le territoire du village, ils m’opposèrent un net refus. Leur reine était occupée aux transformations, elle déciderait quand elle aurait terminé. Au matin du deuxième jour, Shumata traversa le village, suivi des deux jeunes hommes que j’avais vus en transe dans la caverne. Apparemment, leur transmutation était achevée. Avec Edward, je résolus d’aller trouver la reine. Elle était dans sa caverne, en compagnie des deux enfants et de ses fauves. Prenant sur moi, je lui demandai l’autorisation de m’éloigner un moment, avec Edward, pour étancher ma soif. Ma requête eut l’air de l’amuser. Le plus diplomatiquement que je pus, j’expliquai que j’avais encore besoin de me nourrir fréquemment et que, si je n’en avais pas la possibilité, je craignais d’en arriver à attaquer les habitants du village, ce qui n’irait pas sans créer quelques problèmes. Un moment, je me demandai si ce n’était pas ce qu’Anyota souhaitait, en définitive. Je proposai donc qu’on nous donne quelques chèvres du bétail que possédaient les villageois. Mais la reine s’y opposa. J’étais perdue ! Après quelques instants de réflexion, elle nous autorisa finalement, alors que je n’y croyais plus, à quitter le village. Mais nous devrions chasser à tour de rôle, et non pas ensemble. De plus, nous serions escortés par les guerriers-léopards.
Nous allions donc devoir attendre qu’ils aient pris du repos.
« Elle préfère prendre toutes les précautions, m’expliqua Edward quand nous fûmes à nouveau seuls. Elle ne mesure pas exactement à quel point tu es attachée à moi ou non, et elle ne veut pas risquer de te perdre en te poussant à bout ou en m’éliminant trop tôt. Mais… elle a eu une idée. Elle cherche le moyen de te pousser à boire du sang humain. Elle pense t’affamer, lorsque ce sera le moment. Si j’ai bien compris, son clan a l’obligation de se nourrir très discrètement, pour ne pas attirer l’attention. Alors, ils doivent attendre qu’une opportunité se présente. D’ici-là, elle va te ménager un peu. »
En fin d’après-midi, les silhouettes de cinq hommes se dressèrent devant nous. La terrible garde de Transformateurs. Et elle était plus nombreuse qu’avant ! A croire que tout était réellement fait pour nous empêcher de fuir…

Ils nous guidèrent à travers la forêt. Trois d’entre eux, deux des plus anciens et un plus jeune, sous leur forme de léopards géants. Lorsque nous sentîmes la présence d’un troupeau de gazelles, je fus autorisée à me mettre en chasse la première. Edward resterait avec les guerriers qui conservaient leur forme humaine, les autres me surveilleraient. Aussitôt, je bondis. Ma faim fut longue à étancher. Je me rendis compte que je n’étais pas encore prête à lui résister bien longtemps. Les léopards me suivaient en permanence, à une certaine distance, de manière à ne pas faire fuir mes proies. Mais j’étais vraiment rapide. Malgré leur puissance, je compris que j’aurais pu les semer, si j’en avais eu l’intention. Shumata aussi s’en aperçut. Il fut impressionné par ma retenue, et y vit certainement la preuve de l’attachement que j’avais envers mon mari.
Lorsque ma soif fut apaisée, le soir tombait presque. Edward finissait de chasser à son tour, ensuite nous rentrerions au village. Le garçon qui venait de devenir un homme-léopard observait la dépouille de la dernière gazelle que j’avais tuée.
« Vous pourriez les manger !, lançai-je avec un certain cynisme. Pourquoi les léopards ne profiteraient-ils pas du repas des vampires ? Nous sommes complémentaires, vous ne trouvez pas ? »
Le garçon parut hésiter mais ne répondit pas.
« Nous ne finissons pas les restes, intervint Shumata de sa voix grave et lente, nous ne sommes pas des hyènes.
_ Vous avez beaucoup d'orgueil, rétorquai-je. Pourquoi nous détestez-vous à ce point, au juste ? Allons, cela se sent de manière évidente ! Les buveurs de sang vous font-ils horreur ? Pourtant, votre reine en est une... »
Impavide, Shumata ne répondit pas à ma provocation. Mais un éclair étrange passa dans ses pupilles.
« Nous sommes tous des buveurs de sang. Et notre reine n’est pas comme les autres de son espèce. Tous les autres sont lâches, égoïstes et irrespectueux. Pas elle.
_ Eh bien ! Je ne me reconnais pas là-dedans… j’aurais respecté la lionne que j’ai tuée si j’avais su que cela vous offensait. Et je n’ai pas peur de vous.
_ Je sais. »
Shumata me lança un regard dans lequel je lus clairement, cette fois, une certaine curiosité. Mais je comprenais bien, également, qu’il n’avait aucune envie de continuer à discuter avec moi. J’insistai cependant :
« Pourquoi dites-vous que nous sommes tous des buveurs de sang ? Vous n’êtes pas comme nous !
_ Le sang est la nourriture de notre tribu, depuis toujours. Le sang et le lait. C’est ce que notre dieu nous a donné.
_ Seulement cela ? Comme c’est surprenant ! Mais… vous ne mangez pas… de viande ?
_ Non. C’est un aliment sacré.
_ Le bétail à l’entrée du village… pourquoi ne nous a-t-on pas laissés nous nourrir là-bas ?
_ Le bétail nous appartient. Personne d’autre n’y touche. Et nous ne le tuons pas. A moins qu’une cérémonie ne l’exige. Les bêtes nous prêtent leur sang et leur lait. »
La droiture et la fierté de Shumata me touchaient. Je ne pouvais pas m’empêcher de retrouver en lui des caractéristiques qui m’étaient étrangement familières. Y avait-il des traits de caractère propres aux Transformateurs ? Des qualités que je connaissais et que j’avais déjà eu l’occasion d’apprécier. Des vertus qui… m’avaient sauvé la vie. Pour ces raisons, il m’apparut que j’éprouvais une sorte d’affection pour Shumata et les hommes-léopards. Je ne voudrais très certainement pas avoir à me battre contre eux. A peine m’étais-je fait cette réflexion, que je sentis remonter, depuis ma nuque vers le sommet de mon crâne, une sorte de flot, comme un liquide. J’eus l’impression qu’il allait jaillir de ma tête, mais rien de la sorte ne se produisit. En revanche, je compris que quelque chose, dans la forme de mon bouclier, bougeait. Une partie s’étendit, comme un doigt, et recouvrit Shumata, une autre s’étira en direction du jeune garçon. Dans mon esprit, je les percevais à présent comme c’était le cas pour Edward. Deux nouvelles lumières venaient de s’allumer sur la peau souple et immatérielle qui constituait l’étrange carte de l’espace que je portais en moi.
Quelques secondes passèrent. Le jeune Transformateur s’éloigna de nous. Il observait Edward qui avait capturé une gazelle et étanchait sa soif, sous le regard vigilant des trois énormes léopards.
Shumata regardait vers le ciel. Que se passait-il ? Je voulus lui parler encore.
« Je n’aurais jamais cru que des hommes puissent vivre comme vous le faites !... Alors vous savez ce que c’est que d’avoir des principes auxquels on se refuse à déroger… Nous sommes effectivement plus semblables qu’il n’y paraît, vous et nous. Contrairement aux vampires de votre clan, ceux du mien se refusent à prendre la vie des êtres humains… et votre reine cherche à m’y obliger. »
Shumata ferma les yeux. Il allait très certainement me signifier de me taire.

« Tu ignores de nombreuses choses, répliqua-t-il à mon grand étonnement, et pourtant tu parles comme si tu comprenais… Tu es… différente, toi aussi. Vous l’êtes tous les deux, peut-être parce que vous êtes étrangers. Je le sens… »
Ses yeux se rouvrirent, et ils brillaient d’un éclat vif.
« Notre reine essaie d’amener chaque nouveau guerrier, à partir du moment où le grand Esprit a choisi de venir l’habiter, à prendre la vie de nos ennemis, comme elle le fait. A nous nourrir de leur chair. Exactement comme tu viens de le proposer pour tes gazelles… Elle tente de nous y pousser, il me semble qu’elle voudrait que nous y prenions goût…
_ Et vous ne faites pas ce qu’elle vous demande ?
_ Moi, je m’y suis toujours refusé. Elle insiste, mais elle ne nous oblige pas. Enfin, pas vraiment. Certains l’ont fait, au début, lorsqu’ils étaient encore jeunes. Mais ils l’ont amèrement regretté ensuite. Je pense que c’est un sacrilège. Nous ne sommes pas faits pour ça. L’idée de ce qu’ils avaient fait les a torturés longtemps. Parfois, ils ne l’ont pas supporté... Nous avons le pouvoir de notre dieu, mais nous sommes toujours des hommes, nous aussi. J’essaie de l’expliquer aux novices, mais… je ne suis pas leur chef. Même s’ils reconnaissent souvent que ce que je dis mérite d’être écouté.
_ Il n’y a pas de… leader, parmi les hommes-léopards ? Personne ne dirige les autres ?
_ Non. Pourquoi y en aurait-il ? Chacun agit selon sa volonté. Et puis, nous avons une reine… »
Shumata semblait un peu amer, soudain. Son attitude était devenue très différente depuis que mon bouclier l’avait couvert. Il paraissait plus libre, et ses propos étaient très sincères. Je voulais réussir à lui faire comprendre qu’Edward et moi n’avions pas à subir une loi qui n’était pas la nôtre. Et que leurs traditions étaient un leurre. Il y avait du sens, dans tout cela, certes, mais ils étaient aveugles. Aveugles et aveuglés par le pouvoir d’Anyota.
« Vous dites que je suis ignorante, me risquai-je à expliquer, mais je sais beaucoup de choses, au contraire. Je sais ce que vous êtes. Ce que sont en réalité les hommes-léopards. Je sais que vous communiquez par la pensée lorsque vous êtes sous votre forme animale, que vous guérissez incroyablement vite lorsque vous êtes blessés, que vous pouvez même ne pas vieillir si vous le choisissez. Vous réagissez à la présence des vampires, également. C’est notre nombre qui provoque de nouvelles transformations dans votre tribu. Parce que vous êtes faits pour protéger les êtres humains. »
Shumata plissa les paupières, son regard fouillait au fond du mien.
« Que dis-tu ?
_ Je dis que vous êtes des… sorciers. Vous avez de grands pouvoirs magiques. Vous êtes nés avec ces pouvoirs, parce que vous êtes différents des autres êtres humains.
_ Notre reine interdit la magie. Il n’y a pas de sorcier dans notre village. Elle dit que ce sont des mensonges inventés par les ignorants !
_ Elle fait en sorte de vous garder ignorants, car cela lui permet de garder le contrôle sur vous. Et elle a un don… comme certains vampires peuvent en avoir. Elle vous lie à elle et vous retient. C’est pour cette raison que vous ne pourrez jamais la quitter.
_ Elle nous protège. Elle veille sur nous… c’est pour cela que nous l’aimons.
_ Je ne suis pas certaine qu’elle fasse toujours ce qui est bon pour vous. Au fond de toi, tu le sais bien. »
Shumata était profondément ébranlé. Mais il ne paraissait pas surpris. Son regard alla se perdre, loin, vers l’horizon. Edward avait attrapé une autre proie. Il faisait en sorte de prendre des forces. Peut-être envisageait-il qu’il lui faudrait combattre…
« Tu es un grand sorcier, Shumata, c’est une évidence, poursuivis-je. Et les sorciers protègent la vie.
_ Je suis le serviteur de l’Esprit, répliqua-t-il. C’est lui qui se manifeste à travers nous, et qui fait de nous des léopards à son image. Et je sers ma reine. Je suis son garde. Je sais que c’est le rôle qui est le mien.
_ Tu n’es pas fait pour servir, Shumata, assurai-je. Pas plus une reine qu’un dieu qui voudrait prendre la forme d’un léopard. Tu pourrais te changer en n’importe quel autre animal, si tu le désirais… Mais, par contre, tu as raison : tu es un gardien. Un veilleur. Tu es là pour veiller sur tes semblables. »
Le grand guerrier ne perdait rien de son sang-froid, pourtant, je sentais que notre discussion le touchait trop pour qu’il demeure imperturbable. Elle allait tourner court.
« Un autre animal ?, répéta-t-il. Pourquoi faire ? Je n’ai pas envie d’être autre chose que ce que je suis. Mon pouvoir est déjà un fardeau assez lourd. Faire partie de la garde des vampires… obéir sans cesse… mais je le dois. Telle est ma vie. C’est ce que l’Esprit a choisi pour moi.
_ Il n’y a pas d’Esprit qui décide pour les hommes, Shumata. Surtout lorsqu’il s’agit de leur faire mener une existence qu’ils réprouvent. Pourquoi un dieu déciderait-il qu’un homme devrait être un esclave ? Ne sens-tu pas que tu as droit à la liberté ? Que ton existence n’appartient qu’à toi, et que tu dois la mener en accord avec toi-même ? »
L’homme-léopard posa son regard sur moi. En cet instant, il était extrêmement doux. Doux et fatigué.
« Si. Je le sens. Je le voudrais… pour ma tribu, ma famille, pour moi… mais je ne peux pas. »
Comme s’il était soudain choqué d’entendre ses propres paroles, Shumata se raidit. La nuit était venue. Quelques fins nuages rouges zébraient encore une partie du ciel. Edward et les grands fauves revenaient vers nous.
« Shumata… »
J’éprouvais de la peine pour lui. Avec lui.
« Tu es une mauvaise langue, déclara-t-il d’une voix grave. Tais-toi. »
Dans mon esprit, je sentis comme une décharge, suivie d’un claquement élastique. Les deux points lumineux qui étaient apparus un peu plus tôt dans l’espace de mon bouclier s’éteignirent. Sa surface s’était rétractée. Shumata m’avait rejetée. Il ne voulait pas de ma compassion, ni de ma protection. Il avait sa reine.





Chapitre 16 : L’appel du sang/ Blood call



Nous regagnâmes le village.
Comme les jours précédents, Edward et moi étions surveillés de près. Néanmoins, je lui fis part de ce que j’avais ressenti concernant mon bouclier. Je comprenais que ce qui le déclenchait était mon désir de protection. Il s’étendait automatiquement vers ceux envers qui j’éprouvais de la sympathie et dont je me préoccupais. Il était tout naturel qu’il ait immédiatement couvert Edward, et avec force !
Le temps qu’il s’était étendu au-dessus de Shumata, ce dernier avait été délivré du pouvoir de la reine blanche. Ainsi, il s’était exprimé avec davantage d’indépendance. J’étais persuadée que le guerrier-léopard était un homme bon. Je comprenais aussi sa réaction finale. En quelques phrases, j’avais balayé tout ce qui faisait son quotidien depuis sa naissance. Comment pouvait-il tolérer cela ? C’était trop difficile. Il avait choisi de retourner à ce qu’il connaissait, à la fatalité qu’il s’était créée, pour réussir à accepter ce qu’était son existence. Mais son cœur de Transformateur souffrait.
Peut-être avais-je eu tort de lui parler… Kaly était venue en ce lieu, longtemps avant nous, et elle en était partie sans chercher à modifier la situation. Et pourtant, elle avait un grand pouvoir ! Elle avait observé, elle avait compati, et elle était partie. Je savais pourquoi elle avait agi de cette manière. Cette histoire n’était pas la sienne. Elle ne la concernait pas. Pas plus qu’elle ne nous concernait nous-mêmes… Elle avait vu ce que faisait Anyota, en bien comme en mal, et elle avait pensé qu’il y avait peut-être de bonnes raisons pour que les choses fussent ainsi. Chercher à les changer aurait pu avoir des circonstances bien pires. Elle aurait pu libérer la tribu des hommes-léopards. Elle aurait pu contraindre la reine à s’en aller. Mais elle-même… elle ne pouvait pas demeurer éternellement là, à l’empêcher de sévir. Elle savait qu’elle n’avait pas à se prendre pour un juge, ni une reine, encore moins une divinité. Elle n’avait pas à imposer sa volonté et ses décisions. Chacun devait suivre sa route. Dans ce choix, je comprenais l’humilité caractéristique de mon amie. Sa confiance aussi, sa foi dans le passage du temps… et les coups imprévisibles du hasard ! Alors, je me demandais, si nous n’étions pas nous-mêmes pas arrivés là pour quelque chose. Si les aléas de notre chemin n’avaient pas une raison d’être.
Mais que pouvions-nous faire ? Et comment ?

Anyota ne se montra pas tout le jour suivant, ni le surlendemain. Edward et moi ne recherchions pas sa présence. Nous restions dans le village, à observer, à réfléchir. Les hommes-léopards ne nous adressaient pas la parole. Ils se relayaient avec les vampires afin que nous soyons toujours entourés d’un nombre suffisant de gardes. Je remarquai que les yeux de Sâmbolé et de Sanza s’étaient assombris. Ils étaient aussi particulièrement nerveux. De toute évidence, ils souffraient du jeûne qui leur était imposé. Depuis combien de temps ne s’étaient-ils pas nourris ? Cet état les rendait irritables, et dangereux, même pour les habitants du village. Leur reine ne devait pas s’en soucier, car elle continuait à les envoyer nous surveiller avec les autres. Néanmoins, les villageois faisaient en sorte de se tenir éloignés de leur présence et de la nôtre. Aucun humain ne nous approchait. Seuls les enfants nous témoignaient quelque intérêt. Sans doute parce que les adultes savaient également qu’un sacrilège avait été commis et qu’ils attendaient qu’une sentence de mort prononcée par leur reine vienne apaiser le courroux de leur dieu. La petite Olapa, plus habituée à la présence et au contact des vampires, passait quelques moments avec nous. A chacune de ses visites, mon cœur de mère s’attendrissait. Elle était spontanément très affectueuse, et si fragile, avec sa peau anormalement pâle et ses longs cils blonds. Le soleil était son ennemi. Elle n’était pas née sous des cieux propices. Le fils de Shumata ne la quittait pas. Il la considérait comme sa sœur. J’appris qu’il se nommait Libwa. Ces deux enfants avaient de belles natures. Et je m’attristais à l’idée qu’il leur faudrait perdre l’affection naturelle qui les liait, si la reine blanche faisait, comme elle me l’avait annoncé, d’Olapa un vampire. Car Libwa était un Transformateur
Mon bouclier les couvrit de lui-même, à la façon dont il s’était étendu sur Shumata. Je tentai de contrôler le phénomène, sans succès. Pour l’heure, il semblait devoir rester spontané.
L’adolescent qui m’avait souhaité la bienvenue dans le village continuait de s’intéresser à nous, également, mais de loin. Il était toujours en compagnie d’autres garçons de son âge qui se chahutaient perpétuellement entre eux. Leur attitude m’amusait. Elle avait quelque chose d’émouvant. Elle me rappelait… un temps révolu de mon existence. D’autre part, j’étais également reconnaissante à Enkâré pour son geste généreux et spontané. Courageux, indéniablement. Et mon bouclier étendit instantanément un quatrième doigt de fumée invisible sur lui.
Cependant, la soif me prit à nouveau. J’attendis autant que je pus avant d’aller encore, de moi-même, trouver la reine, afin de lui demander l’autorisation d’aller chasser. Je préférais reculer le moment où je devrais me retrouver en sa présence. Finalement, constatant que je n’y tenais plus, Edward me décida à retourner dans la grotte où elle demeurait. Elle nous accueillit avec une joie non dissimulée.
« Mes chers hôtes ! Quel plaisir de pouvoir converser un peu avec vous ! J’allais justement vous faire part d’un grand événement. Demain… ou après-demain… enfin, quand le moment sera opportun, nous allons faire une petite sortie. J’ai entendu dire que nous trouverions bientôt, au Sud, de quoi susciter notre intérêt. Bien entendu, vous serez des nôtres. »
Nous n’étions pas en mesure de décliner l’offre. De plus, cette excursion représentait, pour Edward et moi, un espoir. Elle nous donnerait peut-être l’occasion de nous délivrer de l’emprise d’Anyota. Alors, nous confirmâmes notre souhait de l’accompagner là où elle le souhaiterait. En outre, cela la rendrait peut-être plus favorable à la demande que je venais formuler. Cependant, lorsque j’évoquai la possibilité d’aller chasser avant que nous quittions le village, elle refusa, prétextant que j’aurais tout le temps de le faire lorsque nous serions partis. Elle savait que, dans l’attente de ce moment, j’allais souffrir un vrai martyre. Et c’était sa volonté. Elle avait compris ma vulnérabilité et mettait déjà à exécution le plan qu’Edward m’avait dévoilé.

Nous ne partîmes pas le lendemain. Ni le surlendemain. Edward m’avoua que la reine avait décidé de m’affamer, jusqu’à-ce que ma résistance tombe, et que je cède à ce qu’elle avait résolu. Son clan partait en chasse. Elle espérait que je ne résisterais plus aux proies humaines.
J’étais à la torture. Au fil des heures, mon corps devenait de plus en plus douloureux. Il me semblait qu’il appelait et se lamentait. Que chacun des petits points lumineux qui constituait ma peau se ramassait sur lui-même, prêt à imploser. Tout mon corps, tout mon corps se changeait en une enveloppe rigide et insupportable, extrêmement sensible à tout contact, à toute odeur, tout mouvement, tout déplacement d’air, tout changement de température. Je ne tolérais plus la présence d’Olapa et de Libwa. Je ne voulais plus m’approcher d’Edward. Je voulais partir… me libérer… Boire ! Et redevenir moi-même. La soif rongeait mes entrailles et mon esprit. Je ne parvenais plus à penser convenablement. Je finis par me tenir recroquevillée sur moi-même, prostrée, et seule, à l’ombre d’un arbre, le plus loin du village possible. Je ne voulais plus parler parce que je criais. Je ne voulais plus ouvrir les yeux parce que je savais qu’ils devaient avoir la couleur du néant. Je ne voulais plus bouger, car j’allais, de toute évidence, commettre un carnage.
Edward était quelque part. Tout près. Je le sentais, je savais son inquiétude. Je voyais dans les ténèbres de mon esprit qui s’effondrait sur lui-même le point lumineux, toujours présent et toujours vif, qui le représentait parmi les autres, plus petits car plus lointains. Mon bouclier ne faiblissait pas, lui. Et c’était bien la seule chose qui me donnât un peu de réconfort. J’étais prisonnière du temps. D’une autre temporalité infernale... Les secondes étaient des heures, et les heures des siècles. J’étais dans le silence, et dans le bouillonnement effroyable de mon être.
Tout à coup, un élément extérieur m’agressa, avec la force qu’aurait eue une puissante gifle. Je me mis à palpiter. Je tremblais vraiment, sans doute. Une odeur volait vers moi. Une odeur irrésistible. J’ouvris la bouche, et les yeux. Je me retrouvai plaquée au sol. Edward me maintenait aussi fermement qu’il le pouvait. Mais il ne faisait pas le poids. J’allais l’éjecter aussi facilement qu’un insecte importun. Il faisait nuit. Enkâré se tenait à quelques mètres de nous, il tendait un récipient.
Edward chuchota :
« Va-t-en ! Elle va te tuer. »
Mais l’autre ne bougeait pas.
« Qu’elle boive ! C’est le sang d’une chèvre. »
Me débarrassant d’Edward, je fonçai vers le garçon, le saisis à la gorge et le décollai de terre.
Il s’étouffait, mais me mit le récipient sous le nez. M’accrochant désespérément à la dernière bribe de ma capacité à choisir entre le sang, presque froid déjà, de l’animal et celui, chaud et savoureux de l’être humain, je réussis, dans un ultime effort sur moi-même, à renoncer à ma pulsion dévorante. Je lâchai Enkâré et engloutis tout le contenu du grand bol en une seule gorgée. Mon corps et mon esprit se délièrent dans l’instant. Mais il m’en fallait plus. L’adolescent était à terre et massait sa gorge douloureuse.
« Tu es fou. J’aurais pu prendre ta vie. Je pourrais toujours le faire !, soufflai-je.
_ Tu en veux encore ? »
Il ne se préoccupait pas de ma remarque.
« Oui. »
Enkâré disparut, puis revint, avec un nouveau bol rempli de sang de chèvre. Il était plus tiède que le premier. Je me sentais mieux. Tellement mieux ! Le garçon repartit, puis revint une troisième fois, une quatrième. Je finissais de boire, lorsque Sâmbolé fit irruption entre nous.
« Mais que fais-tu ? La reine a ordonné de ne pas les nourrir ! »
D’un geste, il envoya le récipient valser à plusieurs mètres et empoigna Enkâré par les épaules. Il le maintint contre le tronc de l’arbre, grondant de rage. Sur le moment, je crus qu’il allait lui-même se jeter à sa gorge, car sa faim le torturait, comme elle l’avait fait pour moi.
« Lâche-le, Sâmbolé. »
Le timbre doux et grave de Shumata avait fait vibrer l’air nocturne.
« Il a enfreint l’ordre de la reine. Il mérite la mort.
_ N’enfreins pas toi-même ses ordres. Lâche-le. »
Shumata était impérieux, mais le vampire lui tenait tête. Allaient-ils se battre ? Malgré moi, mon bouclier se déploya et vint couvrir Shumata. A ma stupeur, je le sentis qui s’étirait également au-dessus de Sâmbolé.
« Ne me donne pas d’ordre, demi-homme, je suis un être supérieur, cracha ce dernier. »
Pour toute réponse, Shumata se mit à rire. Un rire léger et caressant, qui se termina en un roulement de tonnerre. Le gigantesque léopard rugit, gueule béante, devant le visage du vampire. Sâmbolé fit un bond de côté. Je récupérai Enkâré qui tremblait de la tête aux pieds. Quand il n’est pas de la folie, le courage a ses limites. Le léopard envoya une de ses pattes monstrueuses dans la poitrine du vampire qui s’écrasa au sol. De son autre patte, la bête l’y maintint. Mais Sâmbolé ne faisait pas mine de vouloir bouger. L’homme-léopard avait une force incroyable. C’était un redoutable adversaire, même pour un vampire.
« Shumata, cela suffit. »
La voix d’Anyota paralysa les deux opposants.
« Comment osez-vous ? »
Je sentis que mon bouclier se rétractait du côté de Sâmbolé.
« L’homme-léopard oublie que je suis le kabaka, ma reine. Il me donne des ordres alors que je venais punir celui-ci. »
Il désignait Enkâré.
« Venez avec moi, tous les trois. Ceci ne doit jamais se reproduire. »
Shumata émit un grognement et, tournant l’échine sans se préoccuper davantage de l'ordre que venait de lui donner sa reine, bondit dans la nuit.
« Shumata ! », hurla Anyota éberluée.
Mais elle se reprit rapidement.
« Nous règlerons ça tout à l’heure. Que Sanza et les autres prennent la relève !, annonça-t-elle à l’adresse des présences qui, dès son arrivée, nous avaient entourés dans l’obscurité. Vous deux, suivez-moi.
_ Ma reine, aboya Sâmbolé, le garçon est fautif ! Il a commencé à nourrir la fille. Je l’ai arrêté avant qu’il ne finisse. Je n’ai rien fait de mal ! Pitié, laissez-moi venir avec vous demain ! »
Anyota me jeta un regard. Elle eut un sifflement. Visiblement, elle était contrariée. Sâmbolé gémissait presque.
« Quoi qu’il en soit, nous partons toujours demain, trancha-t-elle. Après, il serait trop tard… Mais pour le moment, venez avec moi. »



Jusqu’au lever du jour, je sentis la présence d’Enkâré dans la caverne d’Anyota, en compagnie de la petite Olapa et de Libwa, ainsi que celle de Shumata qui rôdait autour du village. D’abord loin, il y retourna ensuite et n’en bougea plus. Lorsqu’on vint nous signifier que nous devions partir, je fus surprise de le trouver à son poste parmi la garde d’Anyota.
Nous marchâmes longtemps, en direction du Sud. Nous marchions vite et en silence, au rythme des êtres surnaturels, car notre expédition ne concernait qu’eux. Nous étions donc dix, la reine blanche et les deux vampires en tête, suivis d’Edward et moi, et les cinq ailuranthropes, disposés en formation, qui fermaient le cortège. Shumata était le dernier. Il se tenait droit, fort et fier comme à son habitude, mais son air était fermé. Il paraissait absent. Contrairement à Enkâré, Libwa et Olapa, dont les minuscules lumières s’étaient lentement effacées de mon esprit à cause de la distance qui nous séparait à présent, mon bouclier le couvrait toujours. Pourtant son attitude était plus soumise que jamais. Après quelques heures, je voulus tenter de lui parler. Je ralentis et attendis qu’ils parviennent jusqu’à moi.
« Shumata… », commençai-je sans savoir très bien ce que j’allais pouvoir lui dire.
Lui demander s’il allait bien, ce qu’il s’était passé, quelle punition lui réservait Anyota, l’assurer qu’il avait eu raison de forcer le vampire à lâcher le garçon qui m’était venu en aide… tout cela me semblait dérisoire, et peut-être déplacé, dans la mesure où nous serions entendus. Mais je devais dire quelque chose.
« Tais-toi, prononça-t-il à la manière d’un automate. Retourne à ta place. Nous n’avons rien à nous dire. »
C’était sans espoir. Mon bouclier réagit immédiatement et se retira. Je rejoignis Edward. Je ne pourrais rien faire pour ces hommes. J’avais voulu y croire, mais cela demeurait hors de ma portée. Kaly avait eu raison. Elle avait pu simplement partir, elle. Nous n’aurions certainement pas cette chance.
A mesure que nous progressions, je me mettais à sentir, au fond de mon ventre, comme une envie de poursuivre ma route dans une certaine direction. C’était celle que nous empruntions, pour le moment, mais l’appel que j’éprouvais était bien réel. Peu à peu, ce sentiment se fit plus fort, au point que, lorsque Anyota se mit à guider le groupe à travers une forêt qui s’étendait en direction de l’Ouest, la sensation pénible de faire fausse route que je ressentis me poussa à aller lui parler.
« Qu’y a-t-il par ici ? », demandai-je en désignant la voie qu’il me semblait que je voulais suivre.
La reine me dévisagea quelques secondes, puis sourit imperceptiblement.
« L’endroit où nous allons. Tu sens cela ? C’est bon signe… Pour le moment, nous faisons un détour car je veux vérifier quelque chose. »
J’étais surprise.
« Bon signe ? Pourquoi ?
_ Parce que cela signifie qu’il doit y avoir beaucoup de sang… C’est ce qui m’avait été annoncé. Tant mieux. Et tu as certainement assez soif encore pour sentir cela. Tu as une grande sensibilité… Tu finiras rapidement par comprendre que c’est ce pour quoi tu es faite. »
Je n’aimais pas ce que je venais d’entendre. Mes interrogations avaient donné à la reine de nouvelles certitudes me concernant. Je retournai auprès de mon mari. Cependant, je ne pouvais pas lui parler, car Anyota était en mesure de nous entendre. Je réfléchissais. Je ne parvenais pas à comprendre ce qu’elle venait de me dire. Ma soif me poussait-elle vraiment dans la direction du sang ? Elle n’était pas violente, pourtant. Contrairement à ce que Sâmbolé avait pu voir, Enkâré m’avait suffisamment nourrie pour que je retrouve mes esprits et sois parfaitement en mesure de me contrôler. Il me semblait que c’était autre chose… Comme une attraction magnétique.

Nous nous immobilisâmes non loin d’un village. J’en percevais les bruits et les odeurs. Anyota envoya Sâmbolé observer les agissements de la tribu qui y vivait. Sanza était dans un tel état, qu’il ne valait mieux pas qu’elle soit livrée à elle-même en présence d’humains. L’émissaire revint bientôt.
« Ils sont triomphants, ma reine. Les guerriers viennent de rentrer.
_ Tant mieux. Allons-y donc ! »
Alors nous reprîmes la route qui suivait la direction dans laquelle je me sentais appelée.
Au bout d’un moment, nous parvînmes aux abords d’un autre village. Mais ce que je ressentis alors… était bien différent. Cela sentait le sang, effectivement. Le sang, la terre brûlée, la sueur et les larmes. Anyota avait raison. Beaucoup de sang venait d’être répandu ici. D’un geste, elle lança Sâmbolé et Sanza vers les premières habitations, tandis que les Transformateurs se positionnaient stratégiquement dans la périphérie. A sa suite, nous pénétrâmes dans le village. Il était en ruine et en cendres, des corps ensanglantés jonchaient le sol maculé, entre les cases détruites. Il y avait beaucoup de morts. Mais le pire… le pire était qu’il y avait quelques survivants. Je vis un homme blessé, pétrifié d’effroi face à Sanza, dont les crocs étaient à présent plongés dans la gorge d’une jeune femme au regard plein de terreur. Il voulut s’enfuir, mais un énorme léopard, surgi de nulle part, lui barra le passage alors qu’il s’éloignait du village. Quelques minutes plus tard, il était mort. Sâmbolé venait d’étancher sa soif. C’était donc ainsi qu’ils se nourrissaient ! Ils profitaient des guerres des hommes pour masquer leurs agissements. Ce qui s’était déroulé, là, était un véritable massacre. Et les vampires venaient l’achever. Je fis quelques pas, Edward à mes côtés. J’étais horrifiée. Choquée et écoeurée par tant d’abomination. Certains des cadavres étaient éventrés, d’autres n’avaient plus de tête. Hommes, femmes, et enfants. Tant de morts ! La barbarie humaine. Une colère intense s’éleva derrière ma douleur. Dans quel monde insensé vivions-nous ?
Je ne savais plus quoi penser. Je voulais partir de cet endroit. Et l’oublier. Mais c’était impossible, désormais. Nous étions parvenus là où Anyota avait voulu nous conduire, pourtant, l’appel que j’avais ressenti au fond de mes entrailles, n’avait pas cessé. Il s’était même fait plus intense. Il y avait… il y avait ici un endroit où je devais me rendre. Et il était tout proche. Anyota était également occupée à se nourrir mais, dès que je me fus éloignée, elle dépêcha Sanza à notre suite. Je ne m’en occupai pas. Je savais que les hommes-léopards, postés à la sortie du village, nous interdisaient toute retraite, que les vampires nous menaçaient et que nous étions entourés de cadavres, mais ce n’était plus ma préoccupation. Il fallait que je trouve ce que j’étais venue chercher. Edward me suivait, un peu hésitant. Puis, comme je me mis à presser le pas en approchant d’une case, il s’inquiéta :
« Bella, que se passe-t-il ? Que fais-tu ? »
Mais je ne prenais pas garde à ses paroles, elles n’avaient pas la moindre importance. La seule chose importante était ce qui m’appelait en ce lieu. J’entrai dans la petite maison de terre. Elle contenait plusieurs dépouilles humaines. Deux hommes, deux enfants, et une femme. Ils se tenaient tous là, entassés, comme s’ils avaient cherché à y rester à toute force. La femme reposait, face contre terre. Plus rien ne bougeait. Plus rien… mais, sous elle, un cœur battait. Et un parfum… un parfum aux effluves incroyables émanait de cette terre sur laquelle elle était étendue. L’odeur me cherchait, elle m’entourait de ses doigts d’air, et me tenait, à présent, à sa merci. Je soulevai le corps de la femme. Un enfant était là. Un tout petit enfant. Il semblait mort, mais il était seulement inconscient. Son petit cœur battait à un rythme régulier. Je ne pouvais plus réfléchir. J’avais le sentiment d’être soudain envoûtée. Je devais sauver ce petit être ! L’empêcher de devenir la proie des vampires qui étaient venus se nourrir dans son village, et qui n’avaient pas l’intention d’y laisser âme qui vive.
Je pris l’enfant, le serrai contre moi, et sortis de la case.

10 commentaires:

  1. ouahhhhhh j'adore là je suis fascinée et terrifiée par ce qui pourrait se passer:)

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  2. Suis sortie de ces chapitres avec une forte impression de malaise. Comme si on ne savait plus vraiment où on était, ce qui est vrai, ne l'est pas... Anyota semble être une vraie manipulatrice sans doute effectivement un peu "cinglée". Tu as intitulé le premier chapitre de cette série "Sous le masque" et c'est vrai que d'un bout à l'autre on a la sensation que tout le monde avance caché sans jamais montrer son vrai visage. Si tant est que chacun sache réellement qui il est !
    Du coup cela m'a fait penser à la chanson de Sardou "Les Masques" : ce n'est pas ma préférée mais elle laisse la même impression à la fin - une angoisse indéfinissable. Voici le lien http://www.deezer.com/listen-1566409.
    Encore une fois bravo pour tout ça !

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  3. ma lecture à était comme toujours captivante ^^ & envoutent t'en de détails il me suffit de fermer les yeux & je mis crois presque. C'est vrai que les personnages sont troublant on ce rend bien compte de l'emprise d'Anyota sur l'ensemble de ses "troupes" elle fait froid dans le dos.
    Vivement la suite mais je doit dire que j'ai peur de ce qui peu arrivé à Edward lol mais aussi à ce bébé que Bella vient de trouver & de s'avoir ce pourquoi elle à était attirer par lui.
    VIVEMENT LA SUITE Merci encore pour cette aventure ^^

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  4. à My. et Lennice
    Toujours très honorée que cette lecture vous ait fait passer un agréable (même s'il était tendu !) moment. Il me semble que certains personnages, surtout lorsqu'ils sont très puissants, peuvent créer ce genre de malaise. On aurait pu se méfier de Kaly aussi... mais elle était tout autre. Et puis les histoires, c'est comme dans la vie : on se perd parfois, on se cherche, on se trouve, on ne sait plus... Dans la chanson de Sardou, j'ai été particulièrement frappée par ces voix mélangées/superposées qui créent la confusion. C'était intéressant.
    Merci d'attendre la suite avec autant d'impatience, Lennice, c'est très motivant pour moi. ; ))

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  5. J'ai repensé à quelque chose : lors de l confrontation finale entre les Volturi et les Cullen & Cie Aro évoque (en pensée, puisque c'est Edward qui déchiffre) la possibilité d'utiliser les Quileutes comme "chien de garde". Finalement ton Anyota avec son don ne fait pas autre chose lol

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  6. Oui, oui, mypianocanta, tout à fait. D'ailleurs, j'y ai fait référence à la fin du chapitre 20, lorsque Bella et Edward cherchent le moyen d'exercer une certaine pression sur Anyota (ou lui montrer qu'ils ne sont pas une menace pour son clan) afin qu'elle les traite "correctement". Bella fait référence à ce désir d'Aro concernant les Transformateurs (dans ma fiction, cela fait partie du rêve de Bella, mais... c'est comme si c'était bien réel pour elle, puisque ses rêves lui disaient la "vérité" ! lol)

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  7. Scarlet, merci, ENORMEMENT, pour ce commentaire. Il m'a profondément touchée. J'ai failli en tomber de mon fauteuil quand je l'ai lu... Il me donne une grande motivation ! Je suis tellement contente quand je découvre qu'une personne qui était plus particulièrement "edwardienne", comme tu dis, a quand même été suffisamment intriguée par mon histoire pour s'y plonger, et qu'elle a réussi à modifier un peu sa façon de voir les personnages. Pour moi, il n'y a pas de plus grand compliment que de lire que, dans l'imaginaire d'un lecteur, ma suite ait pu devenir celle de l'histoire originelle. Je sais que je l'ai beaucoup "transformée", mais peu à peu, je voulais que ce soit "possible", naturel. Je voulais donner un autre éclairage. Je savais que certaines personne seraient sans doute rebutées, au départ, de voir l'importance qui était donnée à Jacob, mais je me suis dit "tant pis ! chacun est libre de lire ou non", car pour moi c'était essentiel. Je voulais le montrer comme je l'avais vu, moi (et d'autres, lol), ou comme il méritait d'être... De même pour Bella, et Edward, mais on ne s'en aperçoit que plus tard. Je te remercie d'être allée au-delà de tes premières impressions et de t'être laissée emporter par mon aventure !
    Je suis désolée d'apprendre que les musiques que je mets dans mes chapitres ne te sont pas accessibles. C'est bien dommage, car elles ont toutes un sens pour moi et la plupart me tiennent beaucoup à coeur. Peut-être parce que tu es dans un autre pays ? Ou que les liens sont "morts", comme on dit ? Tu peux tenter de le vérifier en cliquant sur le petit carré qui représente l'album dont est issu le morceau, à droite des petits players : normalement, cela t'amène sur le site source où tu peux écouter le morceau. Sinon, ils sont aussi dans le grand lecteur que j'ai mis sur la page "musique".
    En tous les cas, merci encore pour ton soutien, et bienvenue sur ce blog ! N'hésite pas à exprimer tes impressions ou tes réflexions quand tu le souhaites. ; )))

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  8. Chouette uen autre edwardienne je vais me sentir moins seule:)

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  9. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  10. Plus sérieusement Scarlet j'ait fait excatement le même chemin que toi en lisant la fiction de Sombrelune. C'est devenu pour moi le veritable " Twilight" bien sûr en prenant en compte les 3 premier par S.M.

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Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !