mercredi 21 octobre 2009

A propos des chapitres 25-26-27 : inspiration


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Alice helps Bella for her wedding that is to be on sept. 6th. She will do something very simple as Bella wants it this way. There will be only 15 guests for the wedding. Alice offers Bella her wedding dress and she recognises the one of her first dream. She tells Jacob about her marriage with Edward and that she will keep the promise she made him. He agrees to marry her in the quileute's way after she married Edward. René gets closer to Esmé and Rosalie. She really likes the Cullen family. Alice is still very unwell and confused about her blank visions. Bella thinks a lot about what's happening to them all and the choice she made. When the day arrives, Edward gives Bella his mother's ring and they get married in the afternoon. Then, just before dawn, she goes to La Push and marries Jacob following a quileute's ritual, using a strange dagger.

Musics played by Edward:
Les musiques jouées par Edward:




The wedding one:
Celle du mariage:



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Si la relation d'Edward et de Bella peut paraître un peu moins intense à ce moment de l'histoire, sans pour autant devenir fade, c'est pour deux raisons. La première : ils n'ont plus rien à se prouver. Bella sait à quel point Edward l'aime, elle est convaincue qu'ils sont liés depuis toujours et à jamais, Edward sait que Bella l'aime, et elle va accéder à son souhait. Deuxièmement : en fait, leur vraie relation n'a pas encore commencé. Edward et Bella sont allés au bout de ce que leurs natures différentes leur permettaient. Leur relation actuelle est une attente... sur laquelle pèse la menace des Volturi.


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J'ai voulu modifier le déroulement du mariage d'Edward et Bella. Compte tenu des circonstances de mon histoire, bien sûr, mais aussi par souci de respecter la personnalité de Bella. Elle est une fille simple, qui n'est pas attirée par le luxe ou le grandiose. On s'en rend bien compte dans les premiers tomes de la saga, quand on nous parle de ses vêtements, de sa voiture, de sa façon de voir les choses... Il m'a semblé que changer radicalement tout cela, comme c'est le cas dans le 4e tome était exagéré. On sentait qu'il fallait que tout soit absolument parfait. Trop sans doute : voiture parfaite, mariage parfait, vêtements parfaits, voyage de noces parfait. A la lecture, j'avais eu l'impression de devoir avaler un pot de miel d'un coup. L'histoire ressemblait de plus en plus au Feux de l'Amour... Trop sucré. Ecoeurant. Cliché. Et tellement pas Bella...
Aussi, les strass bleus des peignes en argent de la grand-mère Swan ne sont pas devenus des saphirs, Alice se calme sur les préparatifs, la marche nuptiale n'est pas de Wagner (pom pom pompom...) l'assistance est peu nombreuse (tous les autres vampires ne font pas le déplacement, ni tous les Quileutes, d'ailleurs) et, bien sûr, Jacob ne vient pas. J'ai préféré faire léger. Reste la sincérité de leurs sentiments et le romantisme, bien réel, des choses et des personnages.


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Il me semblait important de montrer qu'Edward est toujours en mesure de faire ce qu'il veut de Bella, parce que c'est dans son pouvoir de vampire. De plus, il a su faire un choix remarquable, en allant contre ses instincts, mais cette décision est toujours réversible, l'équilibre de sa relation avec Bella, fragile. Dans la scène de la valse, on retrouve son côté menaçant... et parfaitement charmant.
L'étole rouge qui tombe au sol est, bien sûr, symbolique. Elle représente en fait l'avenir de cette union contre-nature entre une humaine et un vampire. Elle ne peut que finir, à plus ou moins long terme, dans le sang.


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Jacob a beaucoup évolué également. L'histoire montre davantage sa profondeur et il a gagné en indépendance. On le découvre, ici, de plus en plus intéressé par l'histoire et l'identité de son peuple, capable, aussi, de piété. Traditionnellement, dans les mythes ou les histoires épiques, c'est une qualité précieuse, celle que les héros mettent toute l'histoire à acquérir...


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J'ai vraiment souhaité orienter l'histoire vers d'autres possibilités, une autre route, que j'espère plus riche et ouverte, plus libre et enrichissante (humainement et culturellement, c'est important). La nature (sa contemplation), ses mystères, sa magie et sa beauté doivent, selon moi, y avoir une place importante, tout comme la réflexion philosophique. Le rituel du mariage quileute est, bien entendu, de mon invention. Mais il s'appuie sur certains éléments qui font écho à des choses connues. Notamment le fait que l'on partage de la nourriture, pour montrer à l'épouse qu'on pourvoira toujours à ses besoins (!) Pour moi, c'est encore autre chose...
J'espère, également, continuer à procurer de l'émotion, à travers le ressenti des personnages, ce qu'ils vivent, et leurs attitudes.

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"C'est le fruit défendu qui a le meilleur goût"... Ce détournement, trouvé sur le net, m'a beaucoup inspirée. L'image est très belle et puis... cette idée de "croquer la pomme" manquait tellement dans la saga ! Dans ma fiction, j'ai choisi de laisser Bella la croquer, avec tout ce que cela implique ensuite (comme dans le texte biblique, d'ailleurs... je suis persuadée qu'il faut suivre ou s'inspirer, du moins, des traditions mythologiques pour qu'une histoire ait du sens) : connaissance, malédiction, douleur, perte et, peut-être, plus tard, rédemption.

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VOL I _ chpt 25, chpt 26, chpt 27



Chapitre 25 : Promesses/ Promises

« Mais est-ce qu’au moins je pourrais décorer la maison ? »
Alice avait vraiment l’air d’y tenir. Elle avait déjà été assez déçue de devoir oublier la grande cérémonie et la fête, plusieurs semaines auparavant. Mais à présent, il me semblait qu’un décor particulier ne s’imposait plus : je me mariais quelques jours après la disparition de Charlie, pour le symbole que cela représentait et au cas où notre vie devrait s’achever plus tôt que nous ne le souhaitions. Je n’avais pas le cœur à me réjouir ou à m’inquiéter des apparences.
« Il n’y aura pas grand monde, Alice, ce n’est sans doute pas la peine de te donner du mal…
_ Mais je ne me donnerais pas de mal, au contraire ! Je serais ravie ! Il faut quand même… un peu de glamour, non ? Bella… c’est un moment important !
_ Je sais, Alice, mais je préfèrerais que ce soit sobre.
_ Je te promets que ce sera sobre. Sobre et raffiné. Tu ne me fais pas confiance ?
_ Bien sûr que si… »
Alice était réellement loin des préoccupations et des sentiments humains ! Néanmoins, je ne voulais pas la contrarier et briser tous ses élans romantiques. Sa capacité à s’enthousiasmer et son désir de rendre toujours les choses plus belles qu’elles n’étaient, se révélaient tout à fait déconcertants par moments. Déconcertants et touchants. De plus, elle m’inquiétait. Elle n’était vraiment pas dans son état normal depuis qu’elle et Jasper étaient rentrés à Forks. Je n’y avais pas pris garde quand Edward me l’avait expliqué, j’avais d’abord cru à un simple malaise, étant donné les circonstances, mais c’était autre chose. Alice était très perturbée, je le voyais bien. Elle clignait souvent des yeux, ce qui ne se produisait jamais d’ordinaire, et se massait le front du bout des doigts.
« Comment, vas-tu, Alice ?, demandai-je en considérant sa mine défaite. Edward m’a dit que tu ne te sentais pas bien…
_ Oh, j’ai la tête qui… vibre en permanence maintenant. On dirait qu’elle ne va plus tarder à exploser », souffla-t-elle avec lassitude.
Cependant, elle se ressaisit aussitôt :
« Mais tant qu’elle reste sur mes épaules, ça ne m’empêchera pas de…
_ Ecoute, Alice, je suis d’accord, si tu me promets que ce sera très discret. »
Malgré ses traits tendus, elle sourit d’excitation.
« Je te le promets, Bella, je ne suis pas si futile que j’en ai l’air.
_ Ce n’est pas ce que je voulais dire… Tu sais que je t’apprécie, Alice, c’est juste que… enfin, tu comprends…
_ Oui, je comprends. »
Elle déposa un baiser léger sur ma joue, frais comme un battement d’aile de papillon. Elle avait saisi mes mains.
« J’ai déjà ta robe, ajouta-t-elle.
_ Ah bon ?
_ Oui, je l’ai achetée… il y a un moment, quand nous sommes partis en Australie. »
Il m’apparut qu’en dépit des évènements, Alice n’avait jamais douté. Elle avait toujours été convaincue que j’épouserais Edward. Elle l’avait vu… avant de ne plus rien voir.
« Tu penses qu’elle m’ira ?, demandai-je pour aller un peu dans son sens.
_ Oh, oui. Mais tu feras un essai, quand même… Le révérend a confirmé qu’il était libre la semaine prochaine ?
_ Dans une dizaine de jours, en fait. Le 6.
_ Bon, ça nous laisse un peu de temps. »

Alice et moi descendîmes au salon. Edward était au piano. Il jouait en sourdine un air apaisant, du Satie, me semblait-il. René et Esmé discutaient à voix basses. Elles avaient l’air de bien s’entendre. Même si Esmé était, en apparence, bien plus jeune qu’elle, son caractère doux et généreux avait séduit René. Une intimité de mères s’était instaurée entre elles, renforcée par la douleur de la perte que nous subissions, à laquelle les Cullen se montraient très sensibles. Les liens créés par le bonheur et le malheur sont de ceux qui s’avèrent, souvent, les plus solides. René ne semblait pas s’inquiéter une seconde de l’étrangeté des Cullen. Leurs yeux uniformément mordorés, alors qu’ils n’étaient pas du même sang, leurs peaux pâles, leur beauté quasi anormale… rien n’avait paru la choquer. Elle avait sans doute remarqué leur différence, comme quiconque les fréquentait d’un peu plus près -c’était évidemment la raison pour laquelle ils ne fréquentaient réellement personne-, mais cela ne la préoccupait pas. René ne s’intéressait qu’à ce que chacun d’entre eux était au fond de lui, et elle les appréciait pour leurs qualités propres, ce qui me rassurait beaucoup. Je réalisais que René avait une sensibilité certaine, sous des apparences et des comportements parfois irrationnels. Elle ressentait les choses essentielles de manière instinctive, et son instinct la trompait rarement.
« Bella, ma chérie…, dit-elle alors que j’approchais, Esmé et moi sommes parfaitement du même avis : Edward et toi devriez partir quelque temps, après le mariage… sortir de Forks te fera du bien, tu dois prendre soin de toi, penser à la vie, à ton avenir… »
René était sensible mais elle ne pouvait pas tout envisager cependant, tout comprendre. Elle ne savait pas. Ses paroles réveillèrent soudain en moi une angoisse vive qui s’était tue depuis quelques jours, depuis que j’avais arrêté de penser à quoi que ce soit. Ma mine dut s’obscurcir.
« Oh, ma chérie…, reprit René, je sais que c’est dur… »
Elle ne pouvait pas savoir combien cela l’était.
« … mais tu as la vie devant toi !, acheva-t-elle. »
Esmé comprenait mon trouble. Elle me sourit affectueusement. Il fallait que cela cesse. Je ne pourrais pas supporter davantage de réflexions à ce sujet, sans basculer totalement dans l’abattement. Aussi, je proposai à René de rentrer, ce qu’elle accepta un peu à regret. Nous étions restées chez les Cullen une paire d’heures, et elle aurait sans doute souhaité poursuivre sa conversation avec Esmé. Elle aurait l’occasion de la reprendre, plus tard. De plus, j’avais l’intention d’aller à La Push : je devais parler à Jacob et j’avais besoin de toute mon énergie pour cela.
Sur le trajet, René voulut cependant continuer ses recommandations. Je savais qu’elles partaient d’une bonne intention, qu’elles exprimaient ses inquiétudes maternelles, pourtant, la crainte des pensées qu’elles engendraient me poussèrent à répondre un peu plus rudement que je ne l’aurais voulu.
« Bella, j’aimerais vraiment que tu te soignes davantage, dit-elle, tu as tellement maigri depuis quelque temps… il faut que tu penses à ta santé…
_ Je te promets de devenir bientôt énorme dans ce cas, maman ! », avais-je soufflé.
Au moment où je prononçai ces paroles, je réalisai ce qui avait inconsciemment dû me pousser à les formuler. J’espérai que René ne ferait pas de remarque, qu’elle ne soupçonnerait rien, ou ne demanderait pas « déjà ? » d’un air triste. Je me souvenais l’avoir entendue affirmer, à plusieurs reprises de par le passé, qu’avoir des enfants trop tôt n’était pas une bonne chose, selon elle. Effectivement, elle ne dit plus rien mais, comme je jetais un coup d’œil dans sa direction quelques minutes plus tard, je constatai qu’elle me regardait. Son expression était indéfinissable. Elle ne ressemblait pas à de la déception pourtant.



Une fois que nous fûmes rentrées, René s’attela à terminer le rangement et le ménage que nous avions déjà entamés dans la matinée. Je la quittai, peu après, pour me rendre chez Billy.
Ce dernier me reçut avec beaucoup de tendresse. Il me sembla que c’était la première fois qu’il me manifestait son affection de manière aussi évidente. Il saisit ma main, sourit et planta son regard noir dans le mien.
« Bella, dit-il, tu sais que j’aimais ton père… que je l’aime. Tu dois penser que ceux qui disparaissent ne nous quittent jamais vraiment. Ils sont partout au contraire, dans le vent, dans l’eau, dans les arbres et les fleurs qui reviennent à chaque saison nouvelle. Nous faisons tous partie du même monde. C’est ce que je crois. »
Je ne savais pas quoi répondre. Alors je me contentai de hocher la tête. Billy ne lâcha pas ma main immédiatement. Son regard sombre me scrutait et j’y lisais une confiance, une foi, qui calmèrent un peu l’anxiété que la conversation avec René avait fait naître un moment plus tôt.
« Bella… »
Jacob venait d’entrer dans le salon. La large main de son père défit son emprise autour de la mienne et il s’éloigna en silence.
« Jake…, je venais te voir. Tu veux bien que nous allions marcher un peu ?
_ Bien sûr. »
Je pensais que j’aurais besoin d’air pour parvenir à choisir les bons mots, ceux qui exprimeraient au mieux ma pensée. Tout devait être très clair, autant que cela l’était dans mon esprit. Mes mots devaient suivre ce que me disait mon cœur également, maintenant que mon esprit et mon cœur s’étaient enfin accordés tous deux. Néanmoins je craignais la réaction de Jacob.
Nous prîmes le chemin de la plage. Il faisait beau mais frais, déjà. La pluie continue, la brume et le froid reviendraient bientôt. J’étais perdue dans mes pensées, quand Jacob allongea un bras qu’il posa autour de mes épaules. Il ne disait rien. Sa présence me suffisait. Il attendait de savoir ce que je pouvais bien avoir à lui apprendre.
Je m’appuyai contre un rocher.
« Comment tu te sens, Bella ?, demanda-t-il au bout d’un moment.
_ Je ne sais pas trop. En fait, je ne me sens pas… du tout. Je crois que je suis un peu anesthésiée.
_ C’est normal. »
Il sourit.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
_ Tu… ton odeur est plus forte, aujourd’hui... »
Cette remarque me fit l’effet d’un électrochoc qui me ramena à la réalité. Mon cœur bondit, et se mit à cogner plus fort. Une chaleur se répandit à travers tout mon corps. C’était la première fois que je prenais conscience de ma grossesse… avec une sorte de plaisir, m’apparut-il, presque avec bonheur. Maintenant que je l’avais acceptée, que je m’étais déterminée, que je savais où je voulais aller, peu importaient les obstacles qui se dresseraient sur ma route et l’issue qui m’attendait, je me sentais en paix. Ce sentiment était particulièrement fort, et rassurant.
« Justement, Jacob, je voulais te dire plusieurs choses. J’aimerais que tu m’écoutes attentivement, que tu me laisses parler jusqu’au bout avant d’intervenir. J’ai beaucoup réfléchi et… tout m’est finalement apparu de manière évidente. Je sens… je sais ce que je dois faire, ce que je veux faire. A ton tour, je te demanderai de bien réfléchir avant de parler. J’espère que tu te souviens de la promesse que tu avais exigée de moi… »
Jacob posait sur moi un regard grave. Il écoutait.
« Edward…, repris-je, Edward m’a demandé, à nouveau, de l’épouser. »
Je me tournai vers Jacob pour anticiper une éventuelle protestation, mais il ne réagit pas. Alors, je continuai :
« Il se peut… je ne sais pas quand au juste, que les Volturi décident que nous devions être punis pour la promesse qu’Edward leur a faite et qui n’est pas respectée. Qui ne sera pas respectée… pas de sitôt, en tout cas. C’est ce que j’ai vu dans mon rêve, tu le sais. C’est déjà ce qui… a entraîné la mort de Charlie. »
Je marquai une pause. Ce que je disais n’était pas nouveau pour Jacob.
« Si nous devons mourir, Edward souhaite que nous soyons mariés. C’est important pour lui… et ça l’est pour moi aussi, je m’en suis rendu compte. Il a accepté de ne pas faire de moi un vampire parce que j’ai décidé de vivre, et de mettre notre enfant au monde, Jake. Je suis persuadée que c’est ce qu’il faut faire, et cela me rend… heureuse d’avoir compris cela. Tout a l’air de prendre un sens. Cet enfant est tellement important ! Il est celui du seul… être humain que j’aurais jamais aimé dans ma vie, et je suis infiniment reconnaissante à Edward de comprendre cela… mieux même, de souhaiter cela avec moi. Mais nous risquons tous notre vie à présent. Nous ne ferons pas le poids face aux Volturi. Ni les Cullen, ni les Quileutes, ne feront le poids. »
Même s’il restait très sérieux, le visage de Jacob s’était éclairé. Il ne se préoccupait pas du danger, de la menace, de la mort certaine… Jacob se préoccupait seulement de la vie, et il était en train de se réjouir des paroles que je venais de prononcer. C’était la seconde fois que je lui avouais ma résolution de ne pas devenir vampire, mais j’avais dû me montrer moins convaincante, la première fois...
Je le considérai un moment, tout à la fois accablée et admirative.
« Ce que je voulais encore te dire, Jake, c’est que je n’ai pas oublié ce que je t’ai promis. Je ne sais pas si tu considères ce serment comme étant toujours d’actualité mais, si tu le souhaites, je ferai ce que tu m’as demandé après avoir épousé Edward. »
J’en avais fini. Tout était sorti assez simplement, me semblait-il. Assez explicitement.

Jacob détacha son regard de moi, et le posa sur la mer. Il fronçait les sourcils. Je le laissai à sa pensée. Je comprenais qu’il puisse avoir besoin de réfléchir, et regardai moi-même les vagues couleur d’acier qui brillaient sous les rayons du soleil déclinant. A l’horizon, quelques oiseaux volaient assez bas sur les flots, et j’entendais des voix d’enfants et de promeneurs qui arpentaient la plage. C’était une fin d'après-midi calme, vraiment sereine.
« Si c’est un garçon…, intervint tout à coup Jacob dans un demi-sourire qui me stupéfia, si c’est un garçon, j’aimerais bien qu’il s’appelle Ocean. Au moins comme deuxième prénom…, qu’est-ce que tu en dis, Bella ? »
Ma bouche s’était ouverte mais je ne trouvai rien à répondre. Jacob rit tout à fait.
« J’aime beaucoup ce nom, continua-t-il, même s’il peut paraître un peu… inhabituel. »
Sa réaction m’avait complètement déstabilisée. Mais peut-être avait-il raison, après tout. Peut-être valait-il mieux se projeter dans l’avenir, comment s’il était une certitude. Après quelques secondes, je retrouvai un peu mes esprits pour répondre quelque chose :
« Et si c’est une fille, Jake… ? Parce qu’il est possible que ce soit une fille, tu sais…
_ Une fille ?... Mmmh, je ne sais pas… moi, je vois plutôt un garçon…
_ Ah, ça ! »
Je lui assénai un petit coup de poing sur le bras. J’allais rire.
« Bella… », reprit-il soudain, en plongeant ses yeux dans les miens.
Son visage avait une telle expression que mon rire s’étrangla dans ma gorge.
« Bella, c’est bien que tu restes humaine et que tu penses à… notre enfant. Il aura besoin de toi… enfin, je veux dire qu’il me semble que tu devrais rester humaine… même après. »
Je comprenais ce que Jacob voulait dire, mais cela, je ne pouvais pas le lui promettre. Si par miracle les Volturi nous épargnaient assez longtemps, je ne pourrais pas me permettre de mettre indéfiniment en péril l’existence d’Edward. Cette éventualité, je ne l’avais pas encore réellement envisagée. Peut-être même, si le temps passait trop… Tout à coup, je craignis qu’Edward ne veuille plus de moi. Jacob me forçait à réfléchir à un futur qui ne m’était encore jamais apparu concevable. Comme je ne répondais rien, il poursuivit, sur un ton plus détaché, en tournant à nouveau son visage vers la mer :
« Je suis d’accord.
_ Quoi ?, m’exclamai-je un peu confuse en sortant de ma réflexion.
_ Tu m’épouseras, après.
_ Ah…
_ Je t’expliquerai. Tu viendras. Seule.
_ Bon. C’est bien. »
Jacob me regarda. Il n’avait peut-être pas saisi le sens de mes dernières paroles. En mon for intérieur, il m’apparut que les choses progressaient, comme elles devaient le faire. J’épouserais Edward et j’épouserais Jacob. Cela me semblait juste. C’était insolite, également, mais nos existences l’avaient toujours été.
« Par contre…, articula Jacob sur un ton un peu morose, tu ne m’en voudras pas de ne pas assister à ton mariage avec… l’autre… »
Cette discussion avait quelque chose de parfaitement absurde qui m’apparut tout à coup et m’amena à sourire.
« Non, Jake, bien sûr… Il y aura peu d’invités, de toute façon… Peu d’invités, pas de grande fête, ni de nuit de noces… Rien de normal, comme d’habitude !
_ Pour la nuit de noces, je pourrais peut-être… faire quelque chose…, ajouta-t-il avec une moue provocatrice.
_ Tu l’as déjà fait, Jake… », conclus-je dans un soupir, en lui donnant à nouveau un petit coup contre l’épaule.
Puis j’y appuyai mon front. Nous avancions, encore, sur un chemin qui n’existait pas. Comment pouvais-je être poussée par une telle certitude que c’était, pourtant, la bonne direction ?
La seule.


La semaine qui suivit fut toute en demi-teintes. Une certaine tension se faisait tout de même ressentir, une émotion, bien naturelle, devant un événement important de la vie, régulièrement contrebalancée par la peine lancinante de la trop fraîche disparition de Charlie. J’essayai de me figurer le moment où je me présenterais devant nos familles réunies, où je m’engagerais envers Edward… Je penserais très certainement à mon père, qui ne serait pas là pour me conduire, qui n’assisterait pas à nos vœux. J’espérais que l’émotion ne me submergerait pas à cet instant, et que je parviendrais à garder le contrôle de moi-même.
Alice se montra très discrète, à la mesure de ce qu’elle m’avait promis, peut-être, également à cause de l’état particulier dans lequel elle se trouvait et qui l’empêchait d’être pleinement à son enthousiasme. Elle conseilla Edward au sujet du costume qu’il porterait, l’entraîna à Seattle pour faire quelques essais, commanda des fleurs blanches et rouges en quantité raisonnable, et s’occupa auprès d’un traiteur de faire préparer un buffet pour ceux qui auraient faim. Ils seraient peu nombreux mais, si certains Quileutes étaient présents, cela se révèlerait nécessaire.
De mon côté, je me chargeai d’inviter les quelques personnes dont j’estimais la présence opportune. Le premier que je contactai fut Seth Clearwater. Je me doutais que la nouvelle le surprendrait mais il me semblait qu’il appréciait suffisamment Edward et sa famille pour nous faire l’honneur de sa présence. Il me répondit effectivement par l’affirmative. Je lui demandai de transmettre l’invitation à sa sœur ainsi qu’à Johnny, mais il me répondit que, les concernant, il ne pouvait rien me promettre, ce que je comprenais parfaitement. Leah n’appréciait pas la compagnie des Cullen, c’était dans sa nature et je ne pouvais pas le lui reprocher. J’appelai ensuite Angela, lui expliquant la situation et la simplicité voulue de la cérémonie qui nous avait fait négliger les traditionnels faire-part. Elle semblait sincèrement ravie, quoiqu’un peu étonnée -de toute évidence, son père ne lui en avait pas parlé-, émue cependant, et je profitai de son émotion pour lui demander d’être mon témoin. Après tout, elle était celle –la seule !- qui avait vu naître ma relation avec Edward de manière favorable et qui m’avait accompagnée dans cette période difficile de doute et de solitude, alors que je venais d’arriver à Forks. A mon grand soulagement, elle accepta avec joie. Je lui demandai si elle pensait que Ben, Jessica, Mike et Tyler souhaiteraient se joindre à nous, mais elle m’apprit que seul Ben était en ce moment présent à Forks, comme j’avais pu le constater la semaine précédente. Les autres étaient partis assister au festival du Burning Man, dans le Nevada, et n’étaient pas encore rentrés. Ils avaient prévu de faire un détour par San Francisco, avant de regagner l’Etat de Washington pour les derniers jours de congé. Je téléphonai donc à Ben immédiatement ensuite. Il fut beaucoup plus surpris qu’Angela par la nouvelle, mais il se ressaisit rapidement et me garantit sa présence le jour dit.
J’avais fait le tour de mes invités potentiels, me semblait-il. Ils n’étaient guère nombreux. Il me restait encore à convier Billy à la cérémonie. Je ne doutais pas de sa présence, ne serait-ce que par respect pour la mémoire de Charlie, même s’il verrait sans doute cette union d’un mauvais œil. Phil ferait le déplacement, également, et il repartirait avec René, le lendemain.
J’avais compté sur Edward pour annoncer, de manière tout à fait diplomatique, la nouvelle à Sam et lui proposer d’être des nôtres. Mais il m’apprit qu’il avait décliné poliment l’invitation, sans chercher d’excuse cependant. Il avait expliqué que leurs traditions ne lui permettaient pas d’approuver ouvertement une telle union, ce que nous pouvions tout à fait comprendre. Toutefois, il laissait chaque membre de la meute libre de ses actes. Edward l’avait assuré, en notre nom à tous, que nous n’aurions, à l’avenir, aucune animosité à leur égard à cause de ce choix.





Chapitre 26 : Union sacrée/ Sacred union


Un jour que je me trouvais chez les Cullen, assise au piano près d’Edward (René conversait passionnément avec Esmé et Rosalie), Alice me proposa d’essayer la robe qu’elle me réservait pour mon mariage. Je détachai ma joue de l’épaule d’Edward, qui continua sa mélodie en m’escortant tendrement du regard, et la suivis à l’étage.
Quand elle ouvrit la grande boîte mauve dans laquelle la robe se trouvait, je m’assis, et pris une profonde inspiration.
« Qu’y-a-t-il, Bella ?, s’inquiéta immédiatement Alice. Oh..., elle ne te plaît pas !
_ Non, Alice, elle est magnifique… c’est juste… que je l’ai déjà vue, cette robe.
_ Oh, non ! J’aurais dû te la montrer plus tôt… je suis sûre que nous pouvons en changer ! Nous irons à Seattle, dès demain…
_ Ne t’inquiète pas Alice, soufflai-je, je ne l’ai pas vue… en vraie. Je l’ai vue… dans un de mes rêves, il y a quelque temps.
_ Oh ! »
A cet instant, tout me revint : le mariage, le sang, l’enterrement… Est-ce que tout cela avait eu un sens ? Je passai ma main sur mon visage. Pourquoi ne pouvais-je pas tout comprendre, tout saisir des messages cachés dans ces visions, s’il y en avait réellement ? Un moment, je me demandai si cette image de moi-même dans un cercueil, que j’avais vue sans parvenir à en déchiffrer la signification, n’annonçait pas tout simplement que j’allais devoir m’abandonner moi-même. N’avait-elle pas voulu me dire que celle que j’étais alors allait définitivement disparaître ?… Quelque part, c’était ce qui s’était produit. A la mort de Charlie, une Bella avait péri. L’enfant, l’adolescente, que j’étais… avant, avaient disparu. Je n’envisageais plus la vie de la même manière. J’avais compris, ou enfin éprouvé, certaines choses. J’allais me marier et j’y trouvais un sens, j’en comprenais la nécessité. J’allais être mère et j’en ressentais l’envie. Je me battrais pour cela, s’il le fallait, jusqu’à mes dernières forces.
« Tu veux bien l’essayer quand même ?, demanda Alice avec hésitation.
_ Bien sûr. »
Elle était splendide. En tulle et soie. A la fois belle et simple. Elle me donna l’impression d’être une danseuse, moi, qui aimais si peu l’idée de devoir danser ! Le haut était un bustier uniformément lisse et chatoyant comme la surface d’une perle. Le bas était recouvert de tulle, sur lequel s’étendaient en arabesques de grandes roses de soie blanche qui glissaient progressivement, et semblaient se répandre au sol. Je devrais la soulever pour me déplacer. Je n’aurais pas à danser cependant. Cette épreuve traditionnelle des mariages que j’aurais certainement redoutée, dans d’autres circonstances, me serait épargnée.
« J’étais sûre qu’elle t’irait !, s’exclama mon amie.
_ Elle est parfaite, Alice, comment te remercier ?
_ Oh, je t’en prie, Bella !, protesta-t-elle. Je pense qu’on pourrait attacher tes cheveux et y piquer quelques petites roses rouges… ce serait très bien, très lumineux. »
En me regardant dans la grande glace en pied qui se trouvait dans la chambre d’Alice, je passai instinctivement une main sur mon ventre. Aurai-je le temps de le voir prendre le volume que je lui avais vu dans mon rêve ?
Tout à coup, la main d’Alice se crispa sur mon bras et je poussai un cri. Elle me lâcha, mais se raccrocha au cadre massif du miroir.
« Qu’est-ce qui se passe, Alice ? Tu te sens mal ?
_ Oh, non, gémit-elle, ça recommence !
_ Quoi, la questionnai-je, qu’est-ce qui recommence ?
_ J’ai encore une vision… blanche. Il y a juste… cette angoisse affreuse… et ce vide… lumineux. Ce silence… comme si tous mes sens étaient étouffés… annihilés.
_ Je vais chercher Edward.
_ Non, reste ! Là, ça va passer… Elles ne durent pas longtemps. »
Alors je restai près d’elle, en silence, mon cœur battant à mes oreilles. Au bout d’une minute environ, elle reprit :
« Voilà, ça s’éloigne. Je ne comprends pas…
_ Oh, Alice… ! »
Nous étions accroupies sur le sol. Je tenais une de ses mains dans l’une des miennes, de l’autre, je caressais ses cheveux. Nous étions l’une et l’autre impuissantes à comprendre ce qu’il nous arrivait, à maîtriser nos dons ou ce que notre existence voulait bien faire de nous.
Alice posa ses doigts fins sur ses paupières closes puis appliqua sa main sur son front, comme si elle s’attendait à y trouver de la fièvre.
« Oh, Bella, souffla-t-elle, je n’en peux plus de cette chape de plomb permanente dans mon esprit, d’avoir l’impression que quelque chose… va finir par faire exploser mon crâne. Il faut que cela cesse ! »
J’étais désolée. Je ne pouvais rien pour la soulager. J’étais moi-même tellement soucieuse chaque fois que je fermais les yeux, je craignais tant que le sommeil ne m’amène d’autres images affreuses ! Cela faisait plusieurs jours que j’avais été épargnée, mais jusqu’à quand le serais-je ? Il était possible que cela ne se reproduise jamais et, pourtant, chaque soir, je m’endormais dans l’appréhension. Je déposai un baiser appuyé sur le front frais, lisse, et dur comme du marbre d’Alice. J’espérais lui faire ressentir mon affection et que ma chaleur, si elle ne pouvait pas effacer son malaise, lui serait au moins agréable. Ce geste la fit sursauter, mais il me sembla qu'il lui apportait tout de même un certain réconfort.
« Ne t’inquiète pas, Alice, murmurai-je, ça va passer tu verras, cela ne peut pas durer toujours… Tu comprendras ce qu’il t’arrive et tu trouveras la solution.
_ J’espère, Bella…, répondit-elle tristement en se relevant, j’espère vraiment. »




Le matin du 6 septembre, Alice fut à la maison avant même que Renée et moi ayons eu le temps de finir notre petit-déjeuner. La veille, nous avions débarrassé le salon, poussant les quelques meubles contre les murs, et disposé un certain nombre de chaises de manière à former quelques rangées, où viendrait s’installer l’assistance. Il ne restait pas grand chose à faire si ce n’était d’attendre les livraisons du fleuriste et du traiteur. Nous devions nous habiller aussi mais la bénédiction n’avait lieu qu’en toute fin d’après-midi. Phil allait arriver en milieu de matinée. En tout, nous serions une quinzaine et cela me semblait très bien.
« J’ai demandé à Angela de me prêter une paire de chaussures, annonçai-je à Alice. Pour faire un peu traditionnel, j’ai besoin d’emprunter un accessoire à quelqu’un… et comme je n’en ai aucune qui fasse l’affaire pour l’occasion…
_ Mais j’en avais moi !, s’exclama-t-elle.
_ Je doute, Alice, d’être capable de tenir sur aucun de tes talons plus extravagants les uns que les autres !, l’assurai-je dans un sourire. Et, franchement, je m’en voudrais de m’étaler en rejoignant Edward… Angela m’a promis que les siens sont raisonnables. En plus, c’est une paire quasiment neuve… Elle lui est un peu trop petite, ce sera parfait pour moi.
_ Quelle couleur ?
_ Elle a parlé de quelque chose d’argenté, je crois… on ne les verra pas sous la robe, de toute façon. »
Alice haussa les épaules. Apparemment, le coloris lui convenait.
« Edward va passer te voir avant midi, ajouta-t-elle. J’ai essayé de le convaincre de ne pas le faire, mais je crois qu’il tient à t’apporter quelque chose.
_ Ah ? »
Effectivement, La Volvo grise d’Edward se gara devant la maison, vers midi moins le quart. J’étais dans ma chambre, à rassembler tout ce dont j’allais avoir besoin, à essayer de me rassembler moi-même surtout, car mon émotion allait en empirant au fur et à mesure que la journée passait. Heureusement, j’avais bien dormi, et je me sentais reposée. Pas de cauchemar. Je me demandais si mon état n’était pas pour quelque chose au calme de mes nuits. Sans doute mon corps comme mon esprit avaient besoin de repos… ou bien avaient-ils, tout simplement, trouvé le repos.
Au rez-de-chaussée, Alice, René, Rosalie et Esmé disposaient les fleurs et les couverts pour le buffet. Phil réorganisait les derniers meubles afin de rendre la pièce la plus accueillante possible. J’entendis l’escalier craquer. Edward faisait sans doute exprès d’annoncer son arrivée. Il frappa enfin, mais resta derrière la porte.
« Tu n’essayes pas ta robe, au moins ?, demanda-t-il. Alice en mourrait si je te voyais avant le moment opportun… »
La robe était posée sur le lit de la chambre de Charlie.
« Non, Edward, tu peux entrer. »
La porte s’ouvrit doucement, et je vis sa chevelure cuivrée et ses yeux de topaze apparaître dans l’entrebâillement.
« Tu ne me crois pas ?, pouffai-je.
_ Ce n’est pas ça, sourit-il, je voulais juste… garder cette image dans mon esprit. C’est la dernière fois que je te découvre… en Mademoiselle Swan. »
Il s’approcha de moi, m’enlaça.
« Nerveuse ?
_ Quand même…
_ Moi aussi. »
Je m’assis sur le bord du lit et le regardai. Il avait l’air ravi. Peut-être devais-je moi aussi laisser le bonheur se répandre en mon cœur, au moins pour la journée. Je sentais… je sentais qu’il ne demandait qu’à ce que je lâche la bride…
« Oh, Edward, soufflai-je… tu aurais préféré quelque chose de plus… grand, n’est-ce pas ? De plus somptueux… Tu ne seras pas trop déçu ? Les choses ne sont pas vraiment idéales…
_ La perfection n’existe pas, Bella, et l’idéal ne s’atteint jamais, répondit-il en secouant légèrement la tête. Cependant… mon vœu le plus cher se réalise aujourd’hui et je ne pouvais espérer rien de plus, rien de mieux. Toi, seule, m’importes. Mais, si tu en ressens l’envie… nous aurons l’occasion de nous remarier. De quantité de manières différentes…
_ Ah ? »
Il avait peut-être raison. Si jamais je partageais sa nature un jour, j’imaginai que nous nous remarierions dans un esprit plus... vampire.
« J’aimerais, reprit-il soudain, et sa voix se fit plus vibrante, que tu portes ceci aujourd’hui. Que tu la portes toujours, désormais. »
Il me tendit le petit boîtier que je reconnus immédiatement. Je pinçai les lèvres en un sourire ému, et acquiesçai d’un hochement de tête. Je tendis la main gauche. Edward ouvrit délicatement le boîtier, en sortit la bague qui avait appartenu à sa mère, la saisit respectueusement et la glissa à mon doigt. Je refermai ma main sur la sienne. Ce geste, cet instant, me semblèrent plus forts que ce qui aurait lieu plus tard dans la journée. Je me sentais déjà unie à lui, je l’avais toujours senti au fond de moi -dès la première fois que mon regard avait croisé le sien- mais à présent plus que jamais.

J’entendais piaffer les invités au rez-de-chaussée… La lumière, à travers les carreaux de ma fenêtre entrouverte, avait un peu décliné. Le moment approchait. Je finissais de me préparer, sous le regard attentif quoiqu’un peu las, d’Alice, quand René entra dans la chambre. Elle me considéra un moment et je vis les larmes lui monter aux yeux.
« Ne pleure pas maman, s’il te plaît, lui dis-je, tu dois m’aider à… garder le joli maquillage que m’a fait Alice le plus longtemps possible.
_ Oui ma chérie, répondit-elle avec un petit reniflement. Je voulais t’apporter ceci : ils étaient encore dans le placard de la chambre de ton père, exactement là où je les avais rangés, la dernière fois.
_ Qu’est-ce… ?
_ J’ai pensé qu’il aurait voulu… et puis il te faut bien quelque chose de bleu… avec la merveilleuse bague ancienne qu’Edward t’a apportée, tout à l’heure, tu as tout ce qu’il faut maintenant. Ce sont des peignes en argent. Je les ai portés pour mon mariage. Puis je les ai laissés… en partant. Ils appartenaient à ta grand-mère Swan. »
J’avais déjà vu ces peignes. Dans mon premier rêve, ils m’avaient été offerts par René et Charlie pour la même occasion… Tout était si différent pourtant ! Du bout des doigts, je caressai les petits strass bleus qui ornaient les motifs floraux entrelacés surmontant les dents. Malgré moi, je sentis soudain peser, sur mes épaules, le poids des générations qui m’avaient précédée, celui des traditions, des cérémonies, mariages, naissances, deuils… C’était un poids… et un soutien également. Longtemps j’avais voulu leur échapper, alors que ma place, ma vraie place, était parmi eux. J’entrais à leur suite, dans le cours de la vie, dans son flot perpétuel, ni plus, ni moins, malgré tout le caractère exceptionnel de mon existence.
Le moment était arrivé. René me précéda, Alice et Angela me suivirent.
Je m’avançais vers Edward qui se tenait devant M. Weber. Très légère, en arrière-plan, je distinguai une musique. Un air de Debussy, certainement. Une Arabesque. Edward avait sans doute choisi les morceaux qui nous accompagneraient dans ces instants. J’étais sûre de les apprécier tous, et sans doute m’attendriraient-ils les uns après les autres. Je croisai quelques regards et des sourires. Seth s’était fait beau et je le saluai d’un signe du menton. Près de lui, je ne vis ni Leah, ni Johnny, mais Billy, dont le visage, loin d’être celui, sévère et réprobateur, auquel je me serais attendue, exprimait plutôt une certaine bienveillance. Les Cullen étaient regroupés derrière Edward. Rosalie était époustouflante, dans un fourreau doré, Emmett, à ses côtés, avait l’air d’un animal sauvage qui serait, pour l’occasion, rentré dans un costume haute couture et dont le poil aurait été lustré et brossé dans une coupe sage. Il avait l’air très à l’aise cependant et m’adressa un clin d’œil.
Edward… Edward était, bien évidemment, superbe. Sa chemise blanche et son complet gris clair lui donnaient un air intemporel et romantique qui me remua profondément. Il leva lentement son regard sur moi et je fondis. Sa bouche s’élargit en un sourire tendre.
M. Weber procéda à la bénédiction. Quand il prononça les traditionnelles paroles « … jusqu’à ce que la mort vous sépare… », un frisson parcourut mon échine. Ce fut comme si un souffle invisible et froid était passé dans mon cou. Soudain, je vis Jane et son regard étincelant. La mort nous séparerait-elle plus vite que nous ne l’envisagions ? J’avais toujours cru, toujours espéré, qu’elle nous unirait à jamais, plutôt… Je fermai les yeux, pris une inspiration. Nous échangeâmes les anneaux.
M. Weber nous déclara mari et femme. Edward m’embrassa. Mon cœur battait au bord de mes lèvres. J’aurais voulu me blottir dans ses bras, et y rester, toujours.
Tour à tour, les invités nous félicitèrent chaleureusement et, quelque temps après, Carlisle proposa de sabrer le champagne. Puis, chacun s’égailla à sa guise, sur la terrasse ou la pelouse, certains attaquant déjà le buffet qui semblait délicieux.
Je m’approchai du jeune garçon à la peau brune qui alignait consciencieusement quelques petits fours (une bonne dizaine !) dans une assiette.
« Seth… j’espère que tu trouves ton bonheur.
_Je crois, oui !, s’exclama-t-il. Je promets de tout goûter… et peut-être de tout finir, d’ailleurs. »
Je souris en réponse à sa constante bonne humeur et à son énergie vitale débordante.
« Leah va bien ?
_ Ah, oui… ne lui en veux pas… »
Il avait l’air un peu chagriné à présent.
« Elle a vraiment hésité, tu sais, elle t’est réellement reconnaissante… tu lui as sauvé la vie, elle ne l’oubliera jamais. Mais… il y avait trop de vampires ici pour elle, ajouta-t-il en baissant la voix.
_ Pas de souci, Seth, je comprends. Je voulais…, j’hésitai mais puisque l’occasion se présentait…, je voulais te demander : est-ce qu’il t’arrive de te… promener à l’extérieur de votre territoire quand tu … te transformes ? »
J’avais également baissé la voix.
« Rarement, mais ça arrive, pourquoi ? »
Il engloutissait un énième petit-four, mais il était très attentif à notre conversation.
« Connais-tu, quelque part dans la forêt, à l’opposé exactement de votre territoire, une petite clairière où se trouverait une vieille cabane en pierre, éboulée ?…
_ Non, répondit-il, ça ne me dit rien… mais je peux chercher.
_ Si ça ne te dérange pas, fais-le s’il te plaît. Il me semble… que c’est important.
_ Compris. Pas de problème », conclut-il simplement en gobant un canapé au saumon.



La soirée fut très agréable. Toutes les personnes présentes se montraient charmantes et conversaient entre elles avec entrain. Le champagne fut bu. Je ne m’en autorisai qu’une gorgée, pour le principe et le plaisir. Vers le milieu de la nuit, ils se retirèrent peu à peu.
Finalement, René se rapprocha de moi. Elle était fatiguée mais visiblement heureuse.
« Bella, ma belle, dit-elle, Phil et moi allons… Esmé et Carlisle nous ont proposé de passer la nuit dans leur villa. Il ont plusieurs chambres d’amis… Je crois que c’est une bonne idée. Nous allons prendre nos affaires et nous les suivrons. Phil… a l’air de bien s’entendre avec l’ami de Rose, je suis contente. Nous repasserons ici en début d’après-midi, pour vous embrasser avant d’attraper notre avion. »
Je voulus lui dire qu’il n’était pas nécessaire d’imposer leur présence aux Cullen mais, après tout, il en était peut-être mieux ainsi. J’allais quitter la maison dans quelques heures et je préférais que René n’ait pas à se poser de questions si elle s’en apercevait.
« Je suis vraiment très heureuse pour toi, ma chérie, ajouta-t-elle en déposant un baiser sur mon front. Les Cullen sont une famille formidable, je suis ravie qu’elle soit aussi la tienne maintenant. Ils sont tous… extraordinaires. »
René avait raison, et elle ne savait pas à quel point elle avait raison.
Quand je refermai la porte, après être restée un moment sur le perron, à les saluer de la main alors qu’ils disparaissaient dans la nuit, je me retrouvai seule avec Edward. Il s’était assis sur l’accoudoir du canapé, et me regardait en silence.
« Et maintenant…, dit-il. »
Je ne déchiffrais pas son expression. Il s’avança vers moi.
Je dus être surprise car l’étole rouge, prêtée par Rosalie, que j’avais mise sur mes épaules pour me protéger de la fraîcheur nocturne glissa et tomba, en s’enroulant à mes pieds. Je considérai l’image : l’étole au sol semblait une flaque, dans laquelle le bas de ma robe serait venu tremper. J’en fus saisie.
En arrivant à ma hauteur, Edward s’immobilisa et m’observa de pieds en cap.
« Tu es magnifique !, souffla-t-il. »
Ce genre de réflexion m’étonnait toujours dans sa bouche. Comment un être aussi beau, aussi attirant, pouvait-il trouver l’humaine imparfaite que j’étais magnifique ?
Il semblait me contempler. Il s’approcha encore. Je ne bougeais pas, j’arrivais à peine à respirer.
« Tu es ma femme, maintenant, mon épouse… »
Ses mains glacées se posèrent sur mes bras nus. Une tension se forma dans mon ventre. Je ressentis, à nouveau, cette étrange sensation que tout le sang qui m’habitait se mouvait dans mon corps, comme attiré par le vampire qui se collait à présent contre moi.
« Oui, murmurai-je, et tu es mon époux, Edward. »
Il se pencha sur moi. Ses lèvres douces et froides se posèrent sur mon cou. Je frissonnai. Le contact d’Edward était irrésistible.
Ses bras se refermèrent autour de mon corps. Ma tête tournait de plus en plus. La fatigue et l’émotion menaçaient de me submerger. Il pouvait…, en cet instant… J’étais à lui. Il aurait pu … s’il l’avait décidé. Il lui suffisait de le vouloir vraiment.
« Me ferais-tu le plaisir…, Mme Cullen, de danser un peu avec moi, maintenant qu’aucun témoin ne se trouve plus dans les parages ?, demanda-t-il doucement en se redressant.
_ Edward… »
Je ne pouvais plus protester. Après tout, cela devait être possible.
« Sans mes chaussures, alors…, proposai-je.
_ Garde la robe, quand même… elle te va à ravir », chuchota-t-il à mon oreille, comme si on pouvait nous entendre. La réflexion, inattendue, eut pour effet de me faire rougir immédiatement.
Il mit une valse de Chopin et m’entraîna, très lentement d’abord.
Progressivement, je me laissai faire, je me laissai aller.
Nous tournions. Edward me guidait.
Mon esprit s’envolait, loin, par-delà le plafond, le toit, vers les étoiles de la nuit. Mon cœur battait régulièrement, la chaleur inondait mon corps, je souris, je ris.
Le bonheur arriva sans prévenir. Il était là.
Finalement.





Chapitre 27 : Le rite des anciens/ The elder ritual


Vers cinq heures du matin, je sortis silencieusement et me glissai dans ma camionnette. Il n’y avait personne à ne pas réveiller et, de toute manière, le bruit du moteur s’en serait chargé, mais je ne voulais pas… trop déplacer l’air de cette nuit. Tout était très calme. Il faisait un peu frais. Le jour se lèverait dans quelques heures. Comme prévu, je me rendais à La Push, où Jacob m’attendait. Je m’étais changée et douchée. J’avais un peu dormi, dans les bras d’Edward. Un moment, j’avais pensé qu’il essayerait peut-être de me retenir, mais il n’en avait rien fait. Il n’avait rien dit. Il m’avait observée, en silence, me préparer et partir.
Jacob m’avait demandé de me rendre directement à la plage. Ce que je fis.
Quand j’arrivai, j’éteignis les phares, coupai le moteur, et sortis de la camionnette. Je marchai un peu sur le sable, m’approchant de l’eau à la recherche de la silhouette familière de Jake. Ce fut lui qui me rejoignit en quelques foulées, dès qu’il m’eut aperçue. Il se planta devant moi. Il portait un petit sac à dos.
« Pas trop fatiguée ?, demanda-t-il en plissant les yeux.
_ Un peu, mais ça va. Où allons-nous ?
_ Par là. Il va falloir grimper un peu. Si tu n’y arrives pas… je te porterai. »
Il prit ma main et m’entraîna vers les rochers. Nous en contournâmes certains, grimpâmes sur d’autres. Cela dura un moment. Je commençais à haleter.
« Tu veux monter sur mon dos ?, demanda Jacob comme je ralentissais l’allure.
_ Non, ça va, mais… je ne peux pas suivre ton rythme.
_ On arrive, ne t’en fais pas. Mais je suis sûr que tu devras t’accrocher à moi à la fin. Tu ne pourras pas grimper en haut. Ce n’est pas un endroit très accessible : je suis venu voir, il y a quelques jours. »
Nous débouchâmes sur un passage qui s’ouvrait entre deux montants de la falaise. La lumière d’une demi-lune nous éclairait et je pus constater qu’une sorte d’escalier, si érodé qu’il en était presque impraticable, s’enroulait autour des roches dans la direction d’un plus gros bloc qui surplombait la mer. Nous nous arrêtâmes lorsque les derniers appuis praticables disparurent.
« Bon, c’est le moment, tu veux bien t’accrocher ?, proposa Jacob en tendant la main.
_ Attends, je souffle un peu. »
Il s’assit à côté de moi. Sa main glissa le long de mon bras, jusqu’à la mienne. Il la saisit et ses doigts se replièrent autour. Il sentit la bague. Soulevant ma main, il la regarda. Sous les feux pâles de la lune, elle brillait de manière moins vive, elle scintillait cependant. Jacob ne dit rien, il se contenta de glisser ses grands doigts entre les miens, et attendit que me respiration se calme.
« On peut y aller, dis-je au bout de quelques minutes. »
Je pris son sac à dos, et m’agrippai à lui du mieux que je pus. J’avais déjà fait ce genre d’expérience avec Edward et j’espérai que j’aurais moins à souffrir de la vitesse sur le dos de Jacob. Quand il se fut assuré que je tiendrais bon, il s’élança. Il bondit de rocher en rocher, prenant appui avec ses pieds et ses mains mais rebondissant aussitôt comme un ressort. Les secousses étaient violentes, cependant je préférai ne pas fermer les yeux. Quelques bonds avaient suffi, car nous étions déjà parvenus au sommet. Il était large, plat, et semblait former un promontoire qui dominait la mer. A l’opposé, s’étendait la forêt.
« Il y a une autre route par les bois, expliqua Jacob, mais c’est beaucoup plus long… Bienvenue sur la Pierre des Mariages, Bella !
_ La Pierre des Mariages ?
_ Oui, viens voir. »
Je m’avançai. Au bout du grand rocher, une autre pierre très noire, épaisse et plate, de toute évidence taillée et douce au toucher, était posée. Jacob s’agenouilla à côté.
« Cela doit faire un sacré bail que plus personne n’est venu ici !, commenta-t-il. Ce bon vieux rocher doit halluciner…
_ Les rochers n’hallucinent pas, Jake… Mais comment connais-tu cet endroit ?
_ J’avais entendu le vieux Quil Ateara en parler, une fois. Je suis allé le voir il y a quelque temps. Il adore raconter tout ce qu’il sait, toutes nos légendes… et je dois avouer qu’il en connaît ! Des choses absolument formidables ! Il faudrait les écrire ou l’enregister… faire quelque chose, en tout cas. Il serait vraiment dommage que tout cela disparaisse avec lui. Je crois… que je vais m’occuper de faire ça très bientôt, c’est passionnant.
_ Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
_ Il m’a juste expliqué qu’il existe un rituel de mariage Quileute que l’on ne pratique plus de nos jours, mais il m’a semblé… nous convenir tout à fait.
_ Ah bon ? Pourquoi ?
_ C’est une union traditionnelle pour les âmes qui s’aiment depuis toujours et… à jamais. Parfait, non ? Tu ne trouves pas ça terriblement romantique ? »
J’imaginai qu’effectivement cela devait être parfait, si Jacob le disait. Par contre, le romantisme du trajet que nous avions accompli ne me semblait pas évident.
« Et il faut faire quoi ?, demandai-je.
_ Rien de bien compliqué. »

Il ouvrit son sac à dos, en tira un petit bol de bois, une bouteille d’eau, une pomme, quelques petits galets noirs qui ressemblaient à du charbon et une boîte d’allumettes. Il les disposa devant nous. Plongeant à nouveau la main au fond de son sac, il sortit encore un objet de forme allongée, enveloppé dans un tissu, et une longue lanière de cuir.
« Regarde ça, dit-il, c’est très intéressant. »
Il déroula le linge. Un objet en métal apparut, qui ressemblait à un petit poignard, une sorte de dague qui devait avoir la longueur de ma main. La poignée était sombre, très oxydée, granuleuse. Des motifs devaient y avoir été gravés mais le temps les avait effacés. Par contre, la lame était lisse, luisante, comme neuve. Elle me sembla faite d’un métal qui ressemblait à du cuivre car il avait un éclat de feu, assez surprenant au demeurant.
« Qu’est-ce que c’est ?, demandai-je.
_ Le plus beau, gloussa Jacob, c’est que j’ai vu ça toute mon enfance. Je l’avais trouvé dans les affaires de Billy, dans un tiroir, à la maison, parmi d’autres vieilleries. Il ne m’a jamais rien dit à son sujet, juste que je devais faire attention de ne pas me blesser avec si je m’en servais pour couper quelque chose, et le ranger toujours à sa place, ensuite. En fait… je pense aujourd’hui que cet objet est très très vieux. »
Je le soupesai. Malgré sa petite taille, cette dague était très lourde.
« C’est quoi ce métal ?
_ Le vieux Quil l’appelle orkalk. A mon avis, c’est du cuivre. Mais il ne verdit pas. Jamais. »
Je faisais tourner l’objet dans ma main. La découpe de la lame était fine, vraiment belle. D’un doigt, je suivais sa courbe, elle n’était pas froide. Quand mon doigt atteignit la pointe, je sursautai. Une petite goutte de sang se forma et je fouillai mes poches à la recherche d’un mouchoir.
« Zut ! Elle coupe plus qu’elle n’en a l’air ! Tu l’as aiguisée récemment ?
_ Jamais. Par contre, je l’ai nettoyée et désinfectée cet après-midi, au cas où… Bella, tu serais franchement contre le fait que… je doive te faire une entaille avec ? »
Je scrutai son visage. De toute évidence, Jacob ne plaisantait pas. Il avait l’air un peu soucieux, également.
« C’est… dans le rituel, ça ?, m’étranglai-je. Tu sais que j’ai du mal à supporter la vue du sang ! Quel genre d’entaille, d’abord ?
_ Petite, sur l’avant bras. Tu ne sentiras rien. Tu… n’es vraiment pas faite pour devenir un vampire, tu sais ça ?
_ Mmmh… »
Je fis une grimace.
« Y a d’autres trucs louches du genre que tu comptes me dire au dernier moment encore ?
_ Non, sourit Jacob. S’il avait fait plus chaud, j’aurais ajouté certaines choses… de mon invention… comme le fait que nous devions être nus, par exemple, ou… mais j’ai pitié de toi ! Je suis sûr que tu aurais tout gobé…
_ Jake !, grondai-je, ce n’est vraiment pas le moment de me fâcher…
_ Je sais. »
Il continua de glousser pour lui-même.
« Bon, reprit-il, nous allons attendre un peu. Le reste sera assez rapide.
_ On attend quoi ?
_ L’aube. Tu veux venir, là ?, demanda-t-il en tendant un bras. Tu trembles un peu. »
Il avait raison. Je me coulai contre lui sans rechigner.



Nous restâmes un long moment, l’un près de l’autre, le regard tendu vers l’horizon, bercés par le murmure des vagues. L’air était chargé de sel et, par moments, la brise humide apportait des effluves végétales en provenance de la forêt derrière nous. Dans le ciel, la lune luisait en silence. Elle donnait l’impression de parvenir à repousser en permanence les gros nuages noirs qui tentaient de l’approcher et, de-ci de-là, quelques trouées laissaient apparaître de nombreuses étoiles. Leur éclat vif dansait dans l’obscurité de l’espace. Certaines, les plus grosses, semblaient même avoir leur propre pulsation lumineuse. Une pulsation, comme celle d’un cœur joyeux. Un instant, la pensée me vint que les étoiles riaient, peut-être…
Quand, dans un coin du ciel, une lueur pâle monta, imperceptible d’abord, puis rapidement évidente, Jacob me demanda de m’agenouiller face à lui. Il gratta une allumette, et enflamma les galets de charbon empilés en une petite pyramide. Ils crépitèrent un peu avant de se consumer lentement, en lançant de légères langues de feu orange et bleu. L’Indien prit mes mains et prononça quelques paroles en langue chimakuane. Je ne l’avais jamais entendu le faire. Je n’aurais jamais pensé qu’il savait parler quileute ! En cet instant, il m’apparut comme un Jacob inconnu de moi, porteur, lui aussi -comme je l’avais ressenti moi-même au moment où Alice avait glissé les peignes d’argent de ma grand-mère dans mon chignon-, des traditions de son peuple, de la longue lignée de ses ancêtres. J’aurais aimé lui demander ce que signifiaient ces mots mais je ne voulus pas l’interrompre. Il prit la dague et coupa la pomme en deux. Il en lança une moitié dans la mer, mordit dans l’autre, et me la tendit. Je l’imitai. Il versa ensuite de l’eau dans le petit bol en bois, y plongea la lame trois fois, la retira et l’essuya. Il but, et me présenta le bol. Je bus également puis il reposa le récipient près de la moitié de pomme croquée, sur la pierre noire. Je réalisai qu’elle devait être une sorte d’autel et un sentiment étrange s’empara de moi. Nous étions en train de nous marier, réellement, comme il me l’avait dit ! Je n’avais pas pensé que cela me troublerait autant. En fait, j’étais impressionnée. Je sentais que je glissais dans le mystère d’un rituel et d’un peuple qui n’étaient pas les miens. Jacob avait accompli ces gestes en silence, avec respect, et dans une extrême lenteur. Il leva son regard vers l’horizon, le jour progressait, de plus en plus intense. Nos visages et le paysage étaient déjà beaucoup plus perceptibles.
Alors il se leva, se plaça derrière moi, et me fit pivoter pour que je me retrouve face à la direction dans laquelle le soleil allait bientôt apparaître. Il vint ensuite s’agenouiller à ma droite, remonta ma manche ainsi que la sienne, attrapa la dague et la lanière de cuir qu’il posa sur ses genoux. Je lui abandonnai mon bras, résolue à ne rien regarder. D’un geste appliqué, il traça une sorte de croix sur son avant-bras gauche, puis il saisit mon poignet droit et l’ouvrit vers lui. Je fermai les yeux. Une seconde après, je sentis un baiser furtif sur ma tempe. Jacob avait enroulé son bras autour du mien, pressant nos deux avant-bras l’un contre l’autre, et passé ses doigts entre les miens. Effectivement je n’avais rien senti. Je ne m’étais rendu compte de rien, même. Il enroula le lien autour de nos deux bras réunis et poussa un soupir, en reposant la dague sur la pierre douce de l’autel. Finalement, il souleva le bol, et répandit son contenu sur les charbons qui rougeoyaient encore faiblement. Ils sifflèrent et s’éteignirent, dégageant dans l’air une fumée rapidement dispersée.
« Voilà, dit Jacob, et il ajouta encore quelques mots en quileute. »
Je le regardai, j’étais émue. Il me semblait… soulagé. Presque triste, aussi.
« C’est fini ?, demandai-je d’une voix assourdie.
_ Pas tout à fait, il ne nous reste qu’à… attendre l’aurore. »
Quelques minutes après, l’arrondi rouge et vibrant d’un énorme soleil apparut, loin, au-dessus des arbres noirs de la forêt. Le ciel se colora rapidement de rose et d’orange, les étoiles s’effaçaient une à une. L’astre montait, très rapidement. Déjà, il était à moitié levé et plus petit. Jacob tenait toujours ma main. Peu à peu, je ressentis un léger picotement le long de mon bras, là où celui de Jake semblait soudé. La chaleur qui se dégageait de lui me donnait l’impression de cuire ma peau blessée, mais cela n’avait rien de réellement douloureux. Il ne me fut bientôt plus possible de continuer à regarder dans la direction du lever du soleil et, de ma main libre, je me couvris les yeux. Je percevais le cri de nombreux oiseaux posés à proximité, sur les rochers, tout excités par le jour naissant.
« C’est bon, intervint Jacob, je te libère. »
Le soleil était entièrement levé. Jake défit le lien. Je fus étonnée de remarquer que, contrairement à ce que j’avais pu avoir l’occasion de constater par moi-même dans le passé, l’entaille sur son bras était toujours ouverte.
« Oh, fis-je, tu n’as pas cicatrisé comme tu le fais d’habitude !
_ Non, répondit-il dans un petit sourire, ça va prendre un moment. Encore un "truc louche", tu vois. »
Puis il ajouta :
« Tu nettoieras ton bras dans la mer, en bas. »
J’imaginai qu’effectivement c'était ce qu’il faudrait que je fasse. J’évitai de trop le regarder pour le moment.
« C’était assez… bizarre, dis-je en essayant de sortir de mon engourdissement. Ni menaces, anneaux ou baiser… Les Quileutes ont de drôles de cérémonies !
_ Eh non…, acquiesça Jacob, pas de baiser !… Tu regrettes ? »
Avant que j’aie pu répondre, il avait passé sa main derrière ma nuque, m’avait attirée à lui et m’embrassait.
Je frémis, des orteils aux cheveux. Il y avait quelque chose… de tellement différent, dans cette façon qu’eut Jacob de m’embrasser à cet instant ! Des milliers de souvenirs et d’émotions se précipitèrent dans mon esprit, affluèrent à travers chaque parcelle de mon corps, chaque cellule, jusqu’à ma conscience, si nombreux que je ne pouvais en distinguer clairement aucun, puis déferlèrent violemment vers mon cœur et mon estomac. Quand il se détacha de moi, j’étais comme sonnée. J’essayai cependant de sourire à nouveau.
« Allez, on y va, grimpe !, s’exclama-t-il soudain. La descente sera plus facile… si tu restes bien accrochée. »
Je n’étais pas sûre d’y arriver. Pourtant, nous étions rendus sur la plage de La Push avant que je fusse encore revenue de mon trouble. Je nettoyai l’entaille de mon bras. Elle n’était pas trop grande, très fine, et ressemblait à une sorte de x. Je sentais que j’étais vraiment fatiguée, à présent. Jacob me raccompagna jusqu’à ma camionnette. Je m’apprêtais à grimper à l’intérieur, quand il demanda en soulevant un sourcil :
« Alors… ? Et cette… nuit de noces ?... »
Je me retournai vers lui, posai une main sur sa joue.
« Il n’y a plus de nuit, Jake, maintenant…, lui répondis-je dans un sourire. Il fait jour. »
Je lui adressai un clin d’œil tendre et m’installai sur le siège crissant. Puis, je rentrai chez moi.

Ce qui avait été promis était accompli.

vendredi 16 octobre 2009

White Nights' Music/ La Musique de White Nights


Welcome on the White Nights' playlists page ! The artists names are links you can click on.
Bienvenue sur la page des musiques de White Nights. Les noms des artistes sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer.












Radiohead :


source



Regina Spektor :

Ecoutez (au-dessus) la très belle chanson "Samson" de l'album Songs -version rare/ Listen (above) to the most beautiful song "Samson" from the Songs album -rare link version

from http://www.annarbor.com/ReginaSpektor.jpg



Damien Rice :

from http://userserve-ak.last.fm/serve/_/8453265/Damien+Rice+3370426.png




Jeff Buckley
:





from http://www.clevescene.com/images/blogimages/2009/05/19/1242763983-jeffbuckley.jpg

"La grâce est ce qui importe. En toute chose. En particulier pour la vie. En particulier pour le développement, la tragédie, la douleur. Elle aide à ne pas en arriver trop rapidement à utiliser le revolver, elle aide à ne pas détruire les choses de manière trop stupide... c'est elle qui vous garde vivant."
"Mes influences musicales ? L'amour, la colère, la dépression, la joie,... et les rêves. Et Zeppelin, totalement !






Beth Gibbons (Portishead)
:

from http://mx.geocities.com/mujeresenlamusica/bethgibbons1.jpg




Chris Garneau :

from http://farm3.static.flickr.com/2495/3770523920_629a992298_b.jpg




Billie Holiday
:

from http://osecunda.com/blog/wp-content/gallery/photographic-legends/dfl_060_billie_holiday_0.jpg




Devendra Banhart
:

from http://image.hinah.com/lorseau/pzic/concert/devendrabanhartgp/devendrabanhartgp1.jpg




Madeleine Peyroux
:

from http://www.llbean.com/shop/retailStores/freeportFlagshipStore/events/concerts09/hires/MadeleinePeyroux.jpg



Bono (U2) :

from http://anthonygeorge.files.wordpress.com/2009/06/bono.jpg



Lhasa de Sela :
un hommage tout particulier à cette chanteuse magique qui nous a quittés le 04 janvier 2010, beaucoup, beaucoup trop tôt.

from http://ljplus.ru/img4/z/_/z_e_l_e_n_k_a/lhasa1.jpg




Nick Drake :

from http://www.rawkblog.net/wp-content/uploads/2009/08/111384123_45012cda36_b.jpg




Brian Molko (Placebo)
:

from http://fc09.deviantart.com/fs49/f/2009/185/2/f/Brian_Molko_by_x_Jogurt_x.jpg




Neil Young
:

from http://userserve-ak.last.fm/serve/_/20171795/Neil+Young.jpg



Matthew Bellamy (Muse) :

from http://photos.lacoccinelle.net/13/16/251316.jpg




Nina Simone
:

from http://www.sonybmgcrm.com/labels/crg/legacy/ninasimone/myspace/header.jpg

mardi 13 octobre 2009

A propos des chapitres 22-23-24 : inspiration


made from http://s60.radikal.ru/i167/0909/b2/253ddced11af.jpg

Bella wakes. She's determined to kill herself and makes up her mind to drive a bit and jump from a cliff. As she's leaving the house, she discovers a man is in there. She recognize him to be Max, a man she saw in her first dream. But he's quite different. Bella understands he's here to kill her. He's been sent by Jane. Charlie and Johnny come back to the house unexpectedly. Charlie runs after Max in the forest. Johnny stays with Bella. She notices he's a kind of different and she thinks he could have the Quileutes' gift. They hear gunshots from the forest. Johnny calls the police. Edward arrives and Bella asks him to go in the forest. Charlie's been killed. Bella is devastated. René comes. This tragedy makes Bella react immediatly and she changes her mind : she must fight to death instead of resign herself. After Charlie's funeral, she tells René she's going to marry Edward.


from http://www.celebrity-exchange.com/celebs/photos56/johnny-depp17.jpg

Désolée... une inspiration subite... sans doute parce que je l'ai appelé Johnny. Et puis ça tombe bien... il a du sang cherokee... ah, l'inconscient, ça fait faire de drôles d'associations !...
Le personnage de Johnny m'est apparu comme capital dans cette histoire où il a parfaitement sa place. En fait, il manquait... Son rôle sera révélé par la suite.


from http://www.aceshowbiz.com/images/still/twilight79.jpg

from http://www.aceshowbiz.com/images/still/twilight70.jpg

from http://media.photobucket.com/image/charlie%20swan%20new%20moon/plushpout/quotes/newmoonmovie14.jpg

La disparition du père de Bella est un moment particulièrement tragique. Cependant, comme toutes les épreuves de la vie, elle va permettre au personnage de Bella d'évoluer plus radicalement. Elle a mûri doucement et cet évènement la pousse à se poser de nouvelles questions, à ressentir les choses différemment et à réagir, enfin, de manière plus offensive (dès la gifle de Max). L'instinct de conservation se réveille. Jusqu'à présent, elle était centrée sur elle-même et était résolue à mourir car elle n'arrivait pas à accepter qu'il puisse se produire des drames dans sa vie. Elle a toujours tout fait pour les éviter : elle a fait en sorte de ne pas choisir entre Edward et Jacob, elle avait résolu de mourir pour ne pas les voir disparaître, elle refusait de quitter ses parents...
Comme je l'ai écrit, on a beau reculer devant les choses négatives, il arrive un moment où la vie ne vous laisse plus le choix et vous pousse... vous jette dans la bataille. Il faut s'y lancer, alors, à corps perdu, pour défendre ce à quoi on tient. On ne peut pas tout éviter. On ne reste pas pur éternellement, on n'évite pas toujours la souffrance et la mort. C'est cet évitement permanent des choses négatives que je reproche un peu à la saga de Stephenie Meyer. A force de vouloir que les choses soient trop "roses", trop parfaites et bonnes (amour unique, virginité, mariage, bébé hybride -youpi !-, aucun "gentil" ne disparaît, les parents acceptent tout, etc...), elle en a progressivement perdu de la saveur. Tout le monde ne peut pas devenir vampire pour ne jamais mourir et on ne peut pas tout régler simplement sans qu'il y ait de casse !

Vu le caractère extraordinaire de la vie de Bella, il m'est apparu qu'il devait forcément se produire des évènements plus graves, hors du commun
également, car tout ne peut rester toujours si facile pour elle. Ma Bella souffre davantage, moralement et physiquement aussi (sans pour autant avoir à être éventrée par la naissance d'un bébé "monstrueux" -c'était trop pour moi). Cela me semblait être plus "réaliste", même si le terme ne peut pas vraiment convenir à du fantastique...
Pour le plaisir, j'ai aussi introduit des correspondances : la voilà couvertes de bleus, comme dans le 4e tome de la saga. Pour des raisons différentes, cependant... Elle est enceinte, également. J'ai eu envie de réutiliser le personnage de Max, qui m'avait bien plu dans ses réactions quand Bella le rencontrait en allant chercher de faux papiers d'identité pour Jacob et Renesmé (inutiles, d'ailleurs...). Mais j'ai totalement changé son rôle, bien entendu... il parle toujours de la "mafia", pourtant ! (Clin d'oeil aux lecteurs attentifs...).
Mon tome "fictif" s'intitule Résolution. Ce mot a plusieurs sens. L'un d'entre eux apparaît ici. Bella prend une importante résolution : elle choisit la vie. Elle va la saisir à bras le corps, avec tout ce que cela implique comme douleurs et comme bonheurs.

Les personnages des parents de Bella ne sont pas trop approfondis par S. M. Ils ne sont pas très "utiles" à l'histoire, effectivement, mais ils manquent un peu de caractère, du coup. J'ai essayé d'en dire davantage, sans m'étendre, à leur sujet. De plus, je n'ai pas du tout compris la façon dont elle "s'arrangeait" avec la manière dont Charlie devient plus ou moins au courant du fait que Bella est un vampire, sans vouloir en savoir plus. Cela ne me semblait pas logique compte tenu de son caractère.
J'ai beaucoup de tendresse pour Billy Burke qui incarne Charlie à l'écran. Les acteurs qui jouent les "pères" dans ces films sont tous très intéressants. Je parlerai plus tard de Gil Birmingham (alias Billy), qui est lui-même un très beau (et impressionnant !) représentant du peuple comanche.

from http://media.photobucket.com/image/charlie%20swan/ktpicz_SMILE/Twilightness/Billy-CHARLIE.jpg

lundi 12 octobre 2009

VOL I _ chpt 22, chpt 23, chpt 24



Chapitre 22 : Max

Réveille-toi.



« Quoi ? »



Allez, Bella…


« Mmmh… »



Bella, debout !


« Non, je ne veux pas… »



Debout, c’est aujourd’hui.


« Quoi aujourd’hui… ? »



Allez, c’est aujourd’hui que tu meurs.
Courage…



Je saisis le réveil. 9h40.
26 août.

Mon cœur fait un bon. Ma tête tourne.

J’ai dormi. Plus que je ne l’aurais pensé. Quand me suis-je endormie, au juste ?


Oh… ma tête tourne…

Respire, ça va passer.




« Bon, je me lève. »


Salle de bains. De l’eau fraîche… Boire.

Un jour gris.



Il n’y a personne.



M’habiller, puis descendre…

Ne pas réfléchir. Faire. Tu dois faire ce qu’il faut.



« Je vais… bien trouver un moyen. Dans le garage, Charlie doit avoir une corde, quelque chose… »

Tu sauras t’en servir ?


« Peut-être pas… »

Sûrement pas. Quoi faire, alors ?


« Je vais prendre la camionnette. Rouler, jusqu’à ce que… je trouve une falaise. »

C’est mieux, sans doute.


« Oui, plus simple. En descendant vers Jefferson Cove… »

Oui, voilà.




Allez.



Je descends l’escalier.
Le salon.


« Mais qu’est-ce que… ? »



Il était là.
Aussi surpris que moi, l’homme me dévisagea. Je tenais encore la rampe.
Je le reconnus tout de suite. Mais il était… très différent. Il avait l’air affolé, le teint livide, les yeux cernés et rouges. Des yeux fous. Il était agité de tics nerveux.

Danger

Il porta la main à sa ceinture. Un objet argenté apparut. Long. Une lame.

Cours !

Je fis un bond en arrière, en direction de l’entrée, mais il me saisit par le bras, agrippa mon t-shirt. Je luttai, tombant à genoux. Son bras se referma autour de mon cou. J’allais crier mais sa main se plaqua sur ma bouche. Instinctivement, je voulus mordre. Je donnai des coups de pieds.
Je reçus un coup de poing, entre les épaules, qui me coupa la respiration. Mes bras étaient emprisonnés vers l’arrière. L’homme glissa la lame sous ma gorge.
« Tu bouges plus, garce, compris ? Et ça ira vite. »
Je hochai la tête.
Me tirant en arrière, il me releva.
« Max, s’il vous plaît…
_ Comment co… ? »
Il me jeta contre le canapé et je m’écroulai au sol.

L’assassin me considéra un moment. Apparemment, il cherchait quelque chose. Sans doute se demandait-il si nous nous étions déjà croisés. Puis il vint s’accroupir devant moi, brandissant son couteau sous mon nez. Il en appliqua la pointe contre ma joue.
« Qu’est-ce que tu sais, au juste ? »
Il avait l’air terrorisé.
« Rien, je ne sais rien.
_ C’est quoi ces conneries ? Y en a d’autres qui savent comment je m’appelle ? Mais vous êtes qui, tous ? »
Il se mordait les joues et reniflait bruyamment. Peut-être drogué, à ce qu’il me semblait… imprévisible, donc.
« Max, vous pouvez… juste vous en aller. Je ne dirai rien.
_ Ben ça ! C’est sûr que tu diras rien. Mais j’ai un boulot à faire. On m’a payé assez pour ça. Et je veux la suite ! »
Il attrapa mon menton d’une main, examina mon visage.
« Je croyais pas que tu serais si jeune, quand même. Qu’est-ce que tu as bien pu lui faire pour qu’elle t’en veuille à ce point ? Si les gosses se tuent entre eux, maintenant… Enfin, c’est des gosses riches en tout cas.
_ On vous a payé pour venir me tuer ?
_ Payé, à moitié, et… promis que je pourrais en profiter un peu… J’avais espéré que tu lui ressemblerais davantage… »
Il sourit et son visage se tordit en une grimace écoeurante.
« Elle avait dit que ce serait facile et sans danger, que j’aurais le temps… Si je faisais exactement ce qu’elle disait. Mais j’aime pas que tu connaisses mon nom… D’où tu connais mon nom ? »
Je n’étais pas sûre de pouvoir réellement expliquer ce détail et je n’avais aucun mensonge plausible à servir en échange, alors je ne répondis pas.
Je reçus une gifle.
Le choc me fit réagir. Avec une violence dont je fus moi-même étonnée.
« Oui, il y en a d’autres qui connaissent votre nom. Ils sont assez nombreux, ils vous retrouveront sans aucune difficulté et ils ne seront pas tendres, si vous me faites du mal, vous pouvez en être certain. »
L’homme eut un hoquet. Ses yeux s’écarquillèrent. Il ne s’était pas attendu à une telle réponse. Il se mit à trembler.
« Bon Dieu de… Mais c’est quoi cette histoire ? C’est... la mafia ? »
Il se releva, marcha de long en large, son couteau à la main. Il hésitait.
« T’as pas l’air bien dangereuse, toi, en tout cas… l’autre me fait… vraiment peur. Elle est trop jeune et trop belle pour parler comme elle parle ! »
Je n’avais pas besoin qu’il m’explique qui lui avait demandé d’en finir avec moi.
« Vous devriez partir vite, répondis-je dans l’espoir de le déstabiliser davantage, il se peut que mes amis arrivent d’un moment à l’autre. »
Il s’arrêta. Sa main se referma sur la poignée de la lame. J’avais mal apprécié ce qui pourrait mieux le convaincre. Mes menaces ne valaient pas l’effet que Jane avait eu sur lui.
« OK, on va se dépêcher alors, tu as raison. »
Il se jeta sur moi, empoigna mes bras, me releva.
« Allez, viens, gamine, on va faire un peu de bruit. »
Je ne saisis pas ce qu’il voulait dire. Il m’entraîna vers la télévision, attrapa la télécommande. Il passa quelques chaînes avant de trouver ce qui l’intéressait, puis il monta le volume à fond. En un éclair, je compris tout. Je me débattis, hurlai, mais je ne percevais même plus le son de ma propre voix.
Sa main se referma sur ma gorge. Il voulait que je cesse de bouger. Je vis sa bouche articuler « tranquille » alors qu’il posait la pointe de son couteau près de mon œil en secouant la tête pour me faire comprendre le genre de menace que c’était-là. Valait-il mieux souffrir davantage ou non ? J’aurais voulu réagir, saisir son bras et détourner la lame, mais je n’en avais pas la force. Et si je tentais quoi que ce soit, sans doute me le ferait-il payer davantage. La situation était atroce.
Il avait l’air si sûr de lui ! Certainement, avait-il déjà eu l’occasion de procéder de la sorte. Il ne me fallut pas plus d’une seconde pour décider de ce que j’allais faire. De toute ma force, je donnai un coup de genou en avant. La lame glissa sur ma joue. Max se plia. Je me dégageai, mais ses mains se refermèrent autour de mes jambes et je m’étalai sur le sol. Il me roua de coups.
Au moins, il me tuerait sans y avoir pris de plaisir.

Je tendais mes bras devant moi pour me protéger comme je le pouvais, quand il se produisit quelque chose de parfaitement inattendu. Quelque chose qui n’aurait pas dû se produire. La porte s’ouvrit, et je vis Charlie apparaître sur le seuil, les sourcils froncés par l’incompréhension. Quand il nous découvrit, sa bouche s’ouvrit en une expression de surprise. Je remarquai qu’il n’était pas seul. Quelqu’un se tenait à côté de lui. C’était Johnny. A cause du vacarme, mon agresseur ne les vit pas immédiatement. Ce fut mon regard qui le fit se détourner de moi. Il se releva promptement. Déjà, Charlie avait tiré son arme de service et en menaçait Max. Alors, il détala, son couteau à la main, et s’enfuit en direction de la forêt par la porte-fenêtre qui donnait sur l’arrière de la maison, celle-là même par laquelle il avait dû entrer.
Charlie fit un signe à Johnny, me désignant du doigt, et il s’élança à la poursuite de Max. Je tendis les bras en avant pour le retenir, mais il avait déjà disparu.
Je voulus me relever. Mon corps me faisait mal, je trébuchai. Johnny me retint. Son geste m’effraya et je le repoussai violemment. Un instant, je pensai qu’il pouvait aussi avoir été mandaté pour finir le travail s’il en était besoin, après tout, je ne connaissais rien de lui. Jane était assez perfide pour avoir imaginé un pareil plan. Devant mon expression apeurée, Johnny leva les mains et me fit signe de me calmer. Il chercha du regard dans la pièce, ramassa la télécommande du téléviseur et coupa le son. Ce fut comme si tout s’arrêtait d’un coup. Je m’effondrai.
« Il faut… il faut suivre Charlie !, haletai-je. Cet homme est dangereux, il est drogué.
_ Ton père sait ce qu’il fait », affirma Johnny en se rapprochant de moi.
Il plongea la main dans sa poche et me tendit un mouchoir. Je ne comprenais pas.
« Tu as une entaille. »
Ma main se posa contre ma joue, elle était collante. Mes doigts étaient rouges quand je les retirai, et j’acceptai le mouchoir proposé par Johnny en le remerciant.
« Comment vas-tu ?, demanda-t-il.
_ J’ai mal partout, mais ça va.
_ Que s’est-il passé ?
_ Quand je suis descendue tout à l’heure, il était là.
_ Tu le connais ? »
Je ne répondis pas immédiatement. Johnny s’était agenouillé près de moi, c’était la première fois que je le voyais d’aussi près. Ses yeux étaient très noirs, légèrement étirés, posés comme deux billes de jais au dessus de ses pommettes saillantes et brunes. Bizarrement, j’eus l’impression de le connaître. Il me semblait que j’avais déjà eu l’occasion de plonger dans ce regard.
Johnny perçut mon trouble et il se recula un peu.
« Non, répondis-je, jamais vu.
_ Tu sais ce qu’il voulait ?
_ Aucune idée. Voler quelque chose, j’imagine. »
Mes paroles devaient sonner faux. Johnny me regarda attentivement. Avait-il compris que je mentais ? A nouveau, je ne pus m’empêcher de le détailler. Ses joues étaient creuses, tout son visage tendu et nerveux. Je reconnaissais sans peine les traits caractéristiques de l’Indien en lui, les cheveux raides et noirs, le nez droit, la peau d’un bronze mat, la bouche large et fine. Cependant, quelque chose que je ne parvenais pas à identifier m’intriguait. Je reconnaissais en lui autre chose, qui le rapprochait dans mon esprit du clan des Quileutes, sans qu’il leur appartînt pour autant. Mais pourquoi donc me semblait-il si familier ?
« Vous…, commençais-je comme pour moi-même, êtes un peu… différent…
_ Tu connais bien les Indiens qui vivent ici, hein ? »
Il eut un petit sourire.
« Oui, tu as raison, poursuivit-il, je suis Cherokee par ma mère… Mais mon père était Quileute. Il l’a rencontrée quand il est parti vivre sur la côte est. »
Ses dents étaient parfaites et blanches. Très régulières. Son sourire avait plissé la peau de ses joues autour de sa bouche et je remarquai sa texture étrange. On la voyait à peine. On aurait dit du cuir tanné, imperceptiblement parcheminé…
J’arrêtai de le dévisager.
« Ce n’est pas ce que je voulais dire, ajoutai-je simplement. »
Il plissa les yeux et son sourire tomba. Je me demandai s’il n’était pas également un Transformateur. Son père était Quileute, il se pouvait qu’il ait hérité du don. Il serait le plus âgé de ceux que je connaissais, alors. Quel âge pouvait-il bien avoir, en réalité ?
Un instant, il me sembla comprendre : cette nuit-là, le vampire que j’avais aperçu fuyait… j’avais bien entendu un loup avant d’appeler Jacob. Leah avait été blessée et entraînée au loin, il aurait pu chercher à la défendre. Si tout ceci n’était pas seulement le produit de mon imagination, il se pouvait tout à fait que Johnny soit, lui aussi, capable de transmuter. Peut-être pas seulement en loup, d’ailleurs. Mais il ne souhaitait pas que cela se sache, apparemment. Il ne faisait pas partie de la meute de La Push.
« Je crois que tu peux comprendre que tout le monde a des secrets, Bella », dit-il en baissant le regard.
J’allais lui montrer que je saisissais, par un hochement de tête quand, dans le lointain, retentit un coup de feu qui me fit sursauter. Le temps de réaliser, une deuxième détonation se fit entendre, puis une troisième. Je me redressai.
« Il faut y aller !, gémis-je en bondissant vers la porte-fenêtre.
_ Il faut surtout appeler la police, répondit Johnny, où est le téléphone ? »
Je lui désignai l’endroit où se trouvait l’appareil. Que devais-je faire ? Il m’était insupportable de rester immobile. Je piétinais pendant que Johnny expliquait la situation.
« Ils disent de ne pas bouger, ça pourrait être dangereux. Ils arrivent. »
Je sortis, néanmoins. Je scrutais les bois. Charlie allait surgir d’un moment à l’autre. Il avait mis l’homme en fuite, l’avait effrayé, il n’allait pas tarder à revenir.
Les minutes passèrent comme des heures.





Chapitre 23 : Tragédie/ Tragedy



Au bout d’un moment, je perçus le bruit d’un moteur : c’était la Volvo d’Edward. Quelques secondes après, j’entendis la porte d’entrée qui se refermait.
« Bella ? »
Quand il m’aperçut, son visage prit une expression alarmée.
« Que s’est-il… ? »
Il lança un coup d’œil à Johnny qui le salua de la tête en reculant, visiblement gêné par l’impression que lui procurait Edward.
« Oh, Edward ! Charlie est dans la forêt, il y a eu des coups de feu… il poursuivait quelqu’un qui s’est introduit ici. Vas-y ! Va voir… »
Il interrogea mon regard affolé durant quelques secondes, puis disparut rapidement entre les arbres.
Johnny n’intervint pas. Il balayait l’horizon de ses yeux noirs, attentif au moindre bruit. Il guettait l’arrivée des collègues de mon père.
Quand le camion, suivi de quelques voitures, déboucha au coin de la rue, il s’empressa d’aller au devant d’eux. Plusieurs policiers armés pénétrèrent dans la forêt, ainsi que quelques hommes de la brigade des secours. Pourquoi fallait-il que je reste sur place ?

J’allais me lancer à leur suite, quand je vis Edward réapparaître entre les arbres. Je bondis au-devant de lui.
« Tu as vu Charlie ? Que s’est-il passé ? »

Edward s’avança vers moi.

« Edward ? »

Il ne répondit rien, écarta les bras, et les referma autour de moi.

« Mais… »

Il me serra fort. Très fort.
Pourquoi ne disait-il rien ?

Tout à coup, je compris.

« Oh, non… Non. »
Mes jambes ployèrent. Edward me retint.

« C’est impossible !... Non ! »

Je tombais en morceaux.
Mon cœur se glaça.
Je me crispai contre Edward.

« Il faut que tu… tu dois…
_ Il n’y avait plus rien à faire, murmura très doucement Edward qui avait compris ma demande. Il était déjà parti.
_ Oh, mon Dieu, non !... »

Ce qui se passa ensuite ne me parut plus très réel. Il me semblait que me tête allait exploser. Edward continuait de me serrer contre lui.
Des hommes passaient et repassaient près de nous, silhouettes floues et anonymes. Je reconnus cependant quelques visages. On parla à Johnny. Je vis passer une civière. On m’éloigna.

Quand le calme fut revenu, le docteur Cullen posa sa main sur mon épaule.
« Bella. Il va y avoir beaucoup de choses à régler. Je peux m’en charger mais j’aurai sans doute besoin de toi à un moment ou à une autre, tu es la plus proche famille. Nous allons t’aider, ne t’inquiète pas. Bella, tu m’entends ?
_ Oui. Oui, Carlisle, merci.
_ Edward, il vaudrait mieux emmener Bella chez nous. Peut-être devrais-tu prévenir sa mère aussi.
_ Bien sûr. »
Edward ne me lâcha pas une seconde. Il me fit monter dans sa voiture, et me conduisit à la villa, dans les bois.
Il appela René, je n’aurais pas pu le faire.
« Ta mère prend le premier avion, m’annonça-t-il.
_ D’accord. »
C’était irréel. Cette journée était une erreur. Le cours des événements s’était trompé, il allait faire marche arrière, il le fallait, les choses ne pouvaient pas être ainsi !
Edward s’assit à côté de moi et m’attira contre lui.
Au bout d’un moment, il demanda :
« Que s’est-il passé, Bella ? Qui t’a agressée ?
_ Max. L’homme de mon rêve. C’étaient les Volturi. Il avait l’air drogué, et Jane l’avait payé.
_ Il t’a fait du mal ?
_ Non… Il m’a juste frappée. Il avait un couteau, il voulait… Je me suis défendue comme j’ai pu. »
Edward souffla. Je savais ce qu’il pensait. Il n’avait pas été là, à veiller sur moi, pour une fois… une seule fois. Jacob non plus n’avait pas été là. Je m’étais retrouvée seule… comme dans la cabane de mon rêve, lorsque je m’étais sentie abandonnée et que j’avais pensé que je le méritais.
_ Si Charlie n’était pas arrivé… Il m’a sauvé la vie. »
Je me tus un instant.
« Edward, je vais aller m’allonger, je ne me sens pas bien.
_ Oui, bien sûr. »
Un grand vertige s’était emparé de moi. Je pensai que j’allais sombrer avant d’atteindre la chambre.
« Je vais t’apporter quelque chose à boire, dit Edward qui avait compris mon malaise, il faudra manger aussi, même si tu n’en as pas envie.
_ Oui. »
Il embrassa mon front et disparut.

Je restai un moment à contempler le plafond. Ce n’était pas réel. C’était impossible, j’allais me réveiller. Quelle erreur… quelle monumentale erreur du destin !
Soudain, j’entendis des pas qui se rapprochaient. La porte s’ouvrit.
« Bella ? »
C’était Jacob. Il s’approcha, s’assit au bord du lit. Il me regarda, et avança une main. Ses doigts se posèrent sur mon front, ma joue, ma lèvre. Il ne fit que m’effleurer mais tout mon visage était très douloureux. Mon corps aussi l’était. Je devais être couverte d’ecchymoses.
Le regard de Jacob se fit très dur, très noir, il ne détachait pas ses yeux de moi.
« Arrête de me regarder, Jake, je dois avoir une tête horrible, fis-je en repliant un bras sur mes yeux.
_ Je ne regarde pas ta tête, Bella, murmura Jacob, je regarde ce qu’on a osé te faire. Je peux t’assurer que celui qui t’a fait ça vit ses derniers instants.
_ Oh, Jake, Charlie… »
Je me redressai et me blottis contre lui. Il m’entoura de ses bras solides et tendres.
« Je sais, Bella, je sais. »
Je voulais lui demander comment j’allais faire, comment on faisait pour vivre sans l’un de ses deux parents. Je me sentais… trop jeune pour avoir à affronter une telle épreuve. C’était trop tôt, tellement trop tôt ! Jacob savait cela lui. Il avait eu à le vivre bien plus tôt que moi.
J’enfouis mon visage contre sa poitrine.
« Je suis là, Bella, ne t’en fais pas. Je vais t’aider. Ce crime ne restera pas impuni.
_ Que veux-tu faire, Jake ? Plus rien n’a d’importance maintenant.
_ Nous allons le chercher.
_ Le mal est fait… »
Jacob me serra contre lui. Il comprenait sans doute.

Rien ne me rendrait jamais mon père.


René arriva le lendemain, en fin de matinée. A partir de cet instant, tout se déroula sans que je n’aie plus aucun contrôle sur rien.
Je dus signer quelques documents, les Cullen s’occupèrent de beaucoup de détails et je leur en étais profondément reconnaissante.
Edward ne me quitta pas.
J’avais passé la nuit précédente chez eux, le docteur Cullen avait soigné ma blessure, et ce ne fut que lorsque René arriva que nous retournâmes chez Charlie.
« Ma petite fille…, avait-elle dit quand nous nous étions retrouvées, ma pauvre chérie ! » Elle était consternée par l’apparence de mon visage et profondément affligée, elle-même, par la disparition de celui qui avait été -même si c’était des années plus tôt- son seul et unique mari.
Alice et Jasper étaient rentrés. Edward m’avait expliqué qu’Alice était très mal-à-l’aise. Je supposais qu’elle s’en voulait terriblement de ne pas avoir pu prévoir les choses, ce qui aurait peut-être pu permettre de les éviter. Moi-même, je ne comprenais pas comment les rêves que j’avais faits, s’ils m’avaient montré la menace qui pesait sur moi (à laquelle je n’avais pas pris garde tant les autres menaces m’avaient paru plus réelles et dignes d’inquiétude), ne m’avaient en revanche rien laissé envisager concernant Charlie. A aucun moment, me semblait-il.
Jacob tenait à rester près de moi également, et il faisait constamment des allers-retours entre la maison et La Push : Sam et les autres membres de la meute s’étaient, eux, mis en quête de Max, mais ils ne trouvaient rien. Sa trace s’arrêtait au bord d’une route qui longeait la forêt.
« Si cet homme avait bien été envoyé par les Volturi, avait dit Edward à Jacob alors que nous nous trouvions seuls tous les trois, il doit déjà être mort à l’heure qu’il est. Non seulement il n’a pas rempli sa mission, mais en plus il a fait parler de lui. »
Jacob l’avait regardé en silence, la mâchoire serrée. De toute évidence, cette conclusion trop simple ne le satisfaisait pas.

Il fallut attendre deux jours que les examens et l’enquête se poursuivent. Deux policiers, des collègues de mon père que j’avais déjà entrevus, vinrent pour me parler. Ils étaient très attristés, ne voulaient pas s’imposer et proposèrent de revenir quelques jours plus tard. Ils m’apprirent, néanmoins, que les choses semblaient déjà évidentes : l’homme s’était introduit dans la maison, à la recherche d’argent sans doute, pensant la trouver vide. Charlie était rentré à l'improviste, l'avait surpris et mis en fuite, puis il s’était lancé à sa poursuite et une lutte s’en était suivie, dans les bois. Mon père avait dû hésiter à se servir de son arme et son assassin s’en était emparé, le tuant sur le coup. C’était, selon eux, affreusement banal.
Moi, le caractère absolument extraordinaire de la situation m’apparaissait dans toute son horreur. Si l’on n’avait pas cherché à me faire disparaître, Charlie ne serait pas mort. Je ne pourrais jamais me le pardonner. Tout était de ma faute.
J’étais tellement abattue, que je ne réagissais plus à rien. Edward s’en rendit compte, il avait parfaitement appréhendé mes réflexions.
« Tu n’es pas responsable de ce qui s’est produit, Bella », m’assura-t-il.
Comme je dus lever à cet instant vers lui un regard empli de détresse, il poursuivit :
« Non, tu n’y es pour rien. Les responsables sont les assassins : celui qui a appuyé sur la détente, et ceux qui ont commandité son action en prenant les décisions. Tu ne dois pas penser autre chose, tu m’entends bien, Bella ? »
J’acquiesçai, mais la culpabilité me rongeait. Elle me rongerait longtemps. Aussi longtemps que je vivrais, sans doute.

Durant ces quelques jours, il me sembla –mais sans doute était-ce une illusion provoquée par la douleur- que Charlie était toujours là, dans cette maison qui était la sienne, pleine des odeurs familières : le café, le bois de l’escalier et des lambris, l’eau de toilette… l’odeur de la vie et des êtres. Je m’attendais presque à le voir, à tout instant, passer la porte ou surgir de la cuisine. Je le voyais sur le canapé, une bière à la main, regardant un match. Je repensais au baiser qu’il avait posé sur mon front, l’autre nuit, en montant se coucher, à son sourire, alors que j’imaginais le voir pour la dernière fois car je pensais, moi, à la mort. A la mienne.
Que fallait-il que je fasse, à présent ? De nouvelles réflexions me venaient, des pulsions plutôt, instinctives, me semblait-il. De Charlie, il ne restait plus que moi dans le monde. La couleur de ses cheveux, de sa peau, certains traits de son caractère, vivaient à travers moi, en moi. Durant quelques brefs instants, je commençais à considérer les choses d’un autre point de vue. Un point de vue très différent de celui que j’avais pu avoir jusqu’à présent, comme s’il n’était plus tout à fait le mien, comme s’il m’était suggéré par les circonstances. Il m’apparut qu’ayant à subir la disparition de mon père, je redécouvrais la valeur de la vie, de la mienne, de tout être, son aspect précieux –c’était le mot qu’avait employé Edward, une nuit- alors qu’ils m’avaient progressivement échappé, quittée, durant les dernières semaines. J’envisageai la vie que je portais comme une espérance... un témoignage, également, de ceux qui avaient vécu et qui n'étaient plus. Mon enfant tiendrait un peu de Charlie, peut-être. Je lui parlerais de lui, il porterait son souvenir vers l’avenir.
Mais quel avenir avais-je ? Quel avenir avions-nous tous ?





Chapitre 24 : Résolution



Je ne dormis quasiment pas. Par moments, la souffrance était telle qu’il me semblait que la réalité du monde chavirait. Pour me raccrocher à ce qu’il me restait de solide et de réconfortant, je me levais et trouvais René, ma mère adorée, endormie sur le canapé, Edward, mon amour qui ne dormait jamais, lisant dans un fauteuil. Jacob passait la nuit à La Push, avec Billy, qui avait été très affecté par la tragique disparition de son meilleur ami.
Edward se levait, silencieusement, et nous sortions devant la maison, dans la nuit. Il n’y avait quasiment pas de lune, elle allait bientôt disparaître tout à fait. Ne restait qu’un mince fil d’argent arrondi qui luisait faiblement au firmament. Par contre, comme la nuit était claire, les étoiles brillaient, suspendues dans le ciel, myriades de petits diamants étincelant dans les ténèbres. L’air était doux encore, même si, déjà, la chaleur intense de l’été avait décliné.
Edward me serrait dans ses bras, en silence. Il savait que les mots étaient inutiles. Lui-même avait perdu toute sa famille, sa vraie famille humaine, celle qui lui avait donné le jour, bien trop tôt. C’était il y avait longtemps, certes, mais je comprenais bien que toutes les douleurs ne sauraient être effacées par le passage du temps. Il s’était perdu lui-même, ensuite, et il considérait cela comme une mort véritable, et même était-ce pour lui pire que la mort. En devenant vampire, Edward pensait avoir perdu tout ce qu’il y avait de bon en lui, toutes ses valeurs, le sens de son existence, et sa foi. Il y avait perdu son espoir, et cette nouvelle vie que son père adoptif lui avait donnée pour le sauver de la mort, n’avait longtemps été pour lui qu’une demi-vie ou plutôt une demi-mort, amère et décevante, qui devait, de plus, durer éternellement. Jusqu’à-ce que nous nous rencontrions. Soudain, sa vie avait repris un nouveau sens, tout comme la mienne en avait trouvé un. Et aujourd’hui, ma vie n’avait-elle réellement plus de sens ? Ne venait-elle pas plutôt d’en trouver plusieurs ?
Il y avait tant de choses à accepter, tant de douleurs à traverser, et je n’étais pas prête. Mais, sans doute, ne l’est-on jamais tout à fait. Si l’on ne décide pas, la vie décide, elle. Elle vous jette dans ses flots déchaînés et… nage qui peut !

Mon front était appuyé contre le cou frais d’Edward, mes bras autour de son corps immuable. Chaque jour qui passait me montrait combien il était un être merveilleux. Sa sensibilité, sa compréhension des hommes et du monde, sa générosité et son abnégation exceptionnelle, son amour pour moi, éternel… Je devais faire en sorte de le rendre heureux, lui aussi, au lieu de l’accabler définitivement et de ruiner tous ses espoirs par ma disparition.
Sans y penser, sans le savoir, Charlie avait perdu la vie alors qu’il sauvait la mienne… Je devais avoir davantage de courage, pour ce qui avait vraiment de la valeur à mes yeux,
pour tous ceux que j'aimais et qui demeuraient, pour moi aussi. Il fallait que je fasse en sorte de goûter le bonheur des instants qu'il nous restait à passer ensemble, de savourer chaque minute de cette vie, avant qu'on ne nous l'arrache, malgré nous. Je devais assumer mes choix et leurs conséquences, jusqu'au bout. Nos existences s'étaient révélées hors du commun, elles devaient faire naître en moi une volonté, une détermination et une ténacité à leur mesure.
Je devais me battre au lieu de me résigner…

Dans les bras d’Edward, sous la voûte étoilée, ma douleur s’apaisait un peu. Ce fut, à cet instant, que je choisis la vie.
Ma résolution était prise.


Aux obsèques de Charlie, l’Eglise était comble. Malgré la fatigue et la peine, je trouvai assez de force en moi pour rester digne, pour faire honneur à celui qui était parti. J’eus l’impression qu’il me donnait du courage, qu’il se tenait quelque part, près de moi, et cette pensée était réconfortante.
Je croisai de nombreux visages inconnus, quelques visages connus, également, qui me saluèrent d’un regard ou d’un signe amical. Je vis Ben, Angela et sa famille, celles de Jessica et de Mike, beaucoup de mes camarades du lycée étaient présents. Les Cullen, Jacob et Billy, les familles de La Push, Sam, Johnny et Leah, les collègues de mon père… tous étaient venus lui rendre un dernier hommage.
Pendant tout le temps que dura la cérémonie, j’eus l’impression de flotter, quelque part à côté de mon propre corps, comme si je n’étais plus tout à fait présente, comme si je m’étais totalement détachée de moi-même pour pouvoir endurer tout ce qu’il y avait à faire.
La dépouille de Charlie fut ensuite conduite au cimetière de Forks, un long cortège l’accompagna jusqu’à sa dernière demeure. Je tenais la main de ma mère.
Peu avant la fin de l’inhumation, René lut un texte, simple et sensible, qu’elle avait préparé. Son courage et les mots qu’elle employa m’émurent profondément. Charlie et elle n’avaient pas passé la moitié de leur vie ensemble, et pourtant… Elle le connaissait si bien ! Il y avait eu de l’amour entre eux, un l’amour sincère, qui vivait encore aujourd’hui.
A cet instant, je réalisai que l’amour subsiste, malgré les aléas de l’existence, une fois donné, il ne repart plus. Pas totalement, en tout cas.
Nous nous rendîmes ensuite chez Charlie où de nombreuses personnes nous accompagnèrent et nous tinrent compagnie jusqu’au soir. Esmé était près de René, avec Billy et le docteur Cullen. Je restai avec Edward et Jacob, sur la terrasse. Je regardais la forêt. La forêt où mon père était entré, pour ne plus jamais en sortir. Je la regardai jusqu’à-ce qu’une brume monte d’entre les arbres et que le soir l’obscurcisse doucement.
Comme les derniers visiteurs se retiraient, Ben et Angela vinrent me saluer.
« On y va, dit cette dernière dans un sourire sympathique. Tu dois être épuisée.
_ Oui, soufflai-je, effectivement. »
Elle saisit mon bras.
« Bella, je voulais te dire… si tu as besoin de quoi que ce soit…
_ C’est gentil, Angie, merci. Je pense que ça va aller, mais je te dirai si jamais…
_ Tu vas… tu vas faire quoi, maintenant ? Ta mère va rester un peu ?
_ Oh… »
Je n’y avais pas réfléchi. Je n’avais pas encore eu l’occasion d’envisager une suite à cette journée.
« Je suppose, oui.
_ Et la fac ?
_ Je ne sais pas… il y a pas mal de choses… »
Y aurait-il vraiment un après ?
« Je comprends, conclut-elle, écoute… Viens, là. »
Elle me serra dans ses bras. Ben en fit autant. Ils étaient adorables. Je n’avais pas eu l’occasion de beaucoup partager avec eux, je n’en aurais peut-être jamais l’opportunité, mais je savais qu’ils étaient profondément sincères et gentils.

René et Esmé préparèrent un repas léger et, quand ceux qui avaient faim eurent mangé un morceau, je demeurai avec ma mère et Edward, comme les deux soirées précédentes.
René me regardait. Elle semblait anxieuse.
« Bella, finit-elle par demander, comment te sens-tu, ma chérie ?
_ Bien, maman ? Pourquoi…
_ Je… ne t’ai pas vue pleurer une fois, Bella. Ce n’est pas… normal. Tu m’inquiètes beaucoup. »
Comment pouvais-je lui expliquer qu’il y avait un stade dans les émotions, comme la douleur, au-delà duquel elles ne trouvaient plus d’expression ? J’avais franchi ce stade plusieurs jours auparavant. Les larmes ne venaient plus, pour le moment. Peut-être reviendraient-elles, un jour. Plus tard.
René ajouta :
« Je me demandais… Souhaites-tu que je reste avec toi, ici, un moment ?
_ Tu peux rester, oui…
_ Est-ce que tu ne préfères pas… repartir avec moi ? »
J’aurais dû envisager cette possibilité, mais elle ne m’était même pas venue à l’esprit.
« Je crois… que je vais plutôt rester ici. Cette maison… est la mienne maintenant. Ma vie est ici. »
Edward s’était rapproché, il s’assit près de moi et prit ma main.
« Tu sais, poursuivit-elle, pour l’Université… je me disais… tu pourrais peut-être prendre une année avant d’y aller. Voyager un peu… te reposer… prendre le temps de…
_ Tu as raison. Un an… me semble bien.
_ Ah ! »
Elle avait l’air soulagée. Son regard glissa sur Edward. Il me sembla que c’était le moment.
« Maman, commençai-je, j’aimerais effectivement que tu restes un peu… une dizaine de jours.
_ Tant que tu voudras, Phil comprend…
_ Maman… Edward et moi allons nous marier. Nous souhaitons que cela se fasse bientôt. »
Je me tournai vers Edward, son regard doux et calme était posé sur moi, il hochait la tête.
« Ce sera très simple. Il y a aura peu de monde. Nous ferons la bénédiction ici. »
René me regardait, les yeux brillants. Elle avait couvert sa bouche d’une main, mais elle ne paraissait pas vraiment surprise. Elle semblait hésiter entre le rire et les larmes.

Au bout d’un moment, elle tendit les bras.
« Viens, ma belle, dit-elle et sa voix tremblait, viens que je t’embrasse. J’espère que tu seras très heureuse, ma chérie… que vous serez très heureux. »




Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !