mardi 21 décembre 2010

Solstice d'Hiver



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EN-FIN ! *cri de liesse*

Enfin nous voici parvenus au coeur de l'hiver.
Au moment de la nuit la plus longue,
Un de ces jours où le soleil s'arrête...



So the shortest day came, and the year died,
And everywhere down the centuries of the snow-white world
Came people singing, dancing,
To drive the dark away.
They lighted candles in the winter trees;
They hung their homes with evergreen;
They burned beseeching fires all night long
To keep the year alive,
And when the new year's sunshine blazed awake
They shouted, reveling.

Susan Cooper, in The Shortest Day


Célébrons donc avec un bonheur ineffable le retour de la lumière, de la chaleur et de la vie ! (un rapport avec ma fiction ?... qui sait ? ^^) Bientôt le printemps ! *s'emballe un peu peut-être*... on peut presque le sentir, déjà, en tendant le nez (si, si, je vous assure, il est là, tout petit, entre les flocons !)


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Comme le veulent les traditions, cette période est un moment de joie et de libération, une victoire sur la mort et les ténèbres.
Je fais référence notamment, aux fêtes de Yule, Mithra, ou aux Saturnales -cliquez sur les liens, si vous voulez en apprendre davantage.


source

A ce propos, voilà quelques précisions en ce qui concerne le mythe nordique/celtique et païen de la période de Yule, célèbrant la victoire du Roi de chêne sur le Roi de houx (lutte sans fin qui symbolise le cycle de l'année, elle-même divisée en "période sombre" et "période claire").
NB : Elles ont été trouvées sur des sites consacrés au néopaganisme et à la Wicca. Du coup, j'ai supprimé les références trop explicites dans le texte, ne voulant pas donner l'impression que je cherche à faire quelque apologie que ce soit.

"La fête de Yule persiste depuis des millénaires, c'est la plus longue nuit de l'année, mais c'est aussi à partir de cette date que les jours rallongent. Apres le passage à Samhain du dernier rayon de la Roue des saisons, le Soleil renaît ! Il s’agit là du Noël Solaire.
Noël vient du latin "Natalis (dies)" qui signifie le jour natal et représentait l’anniversaire de la naissance du Sol Invictus, le Soleil Invaincu.
Noël est donc à l’origine une fête du Soleil, événement "païen", que les Romains, les Germains, les Slaves ainsi que de très nombreuses et importantes civilisations dont les indiens, ont pour habitudes de fêter depuis l'antiquité.
Yule est une célébration importante, puisqu'il indique le passage des ténèbres à la lumière. La bûche de bois conservée toute l'année et que l'on brûle en ce soir : la bûche est alors la représentation de la réincarnation du Dieu au sein du feu sacré de la Déesse. On grave alors un symbole solaire sur le bois avant de le brûler au crépuscule de Yule.
La coutume du réveillon de Noël persiste, la civilisation judéo-chrétienne s'est adaptée au culte païen en intégrant ses plus fortes célébrations fixées d'après le calendrier Solaire. Ainsi, ce n'est pas du tout un hasard si la naissance du Christ est fêtée au solstice d'hiver.
C ’est le pape Libère qui, en 354, aurait fixé la naissance de Jésus au 25 décembre et codifié les premières célébrations afin de promouvoir l’essor du christianisme tout en assimilant les fêtes populaires et païennes célébrées autour du solstice d’hiver. Avant la décision de ce pape, les chrétiens fêtaient la naissance du Christ le même jour que l’Épiphanie (fête des Rois Mages), le 6 janvier. Plus tard, avec le christianisme, les fêtes de Noël dureront une douzaine de jours.
Dans quelques traditions Européennes, les deux Solstices avec les deux équinoxes de l'année correspondent aux quatre sabbats mineurs : Yule ou solstice d'hiver, Ostara ou équinoxe de printemps, Litha ou solstice d’été, Mabonou equinoxe d'automne.

Au Solstice d'hiver, la terre s'éveille et attend le printemps. Cette fête de la lumière célèbre le renouveau, la croissance, le temps de la création.
"
D'après source


source 1, 2


source

"La Déesse récupère après avoir enfanté et plonge dans le sommeil pendant l'hiver. Cette fête permet de se rappeller que la mort amène toujours une renaissance.
Yule est associé au gui ce qui à amené la tradition de s’embrasser sous le gui, quand à celle de décorer un conifère, elle provient des anciennes prêtresses qui accrochaient des offrandes aux dieux sur les branches d’un arbre. Une bonne façon de fêter Yule et d’incorporer la décoration d’un arbre dans la célébration en y faisant participer toute la famille, car c’est une époque de réjouissances et de partage. Dans les temps anciens, la coutume voulait que l'on s’échange des présents au cours de cette période.
"
source


source

"C’était pour ainsi dire la fête de la naissance du soleil, dont le symbole est la roue, (Vieux Norois : hiol, jol) et commençait la nuit du 25 décembre, la sainte Nuit des Mères ou « Weih » (consacrée, sainte), ceci pour 12 jours jusqu’au saint Jour de Lumière, ou Jour Principal. On se souvient encore du nom « Les Douze » ou les Douze Nuits, qui désignait les jours du 25 décembre au 6 janvier, une période sacrée. Pendant ce temps, toute querelle et toute arme étaient laissées de côté, aucun travail ne devait être entrepris et les Dieux tenaient leur cortège festif.
Pendant 12 jours, une ambiance de fête régnait dans les maisons et les rues, et chaque invité était le bienvenu. Dans le foyer brûlait le bûche de Noël que chacun pouvait aller chercher dans les bois sans être puni comme un voleur de bois, et dans la salle décorée en vert résonnaient pendant les fêtes des chants glorifiant le soleil enfant. On s’amusait à toute sorte de jeux et de devinettes...
Les gens croyaient que les Dieux quittaient leur demeure dans la nuit pour descendre sur terre, et alors l’influence divine se manifestait dans toute la nature.
"
source, avec.. des recettes à la fin !


Io Saturnalia ! et Heureux Yule !, donc.


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dimanche 12 décembre 2010

A propos des chapitres 23-24 : inspiration



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When she gets to La Push, Bella discovers Seth watching over her children. She understands something has changed, but she can't admit it, first : Sarah and Karel seem to be simple humans now ! Edward arrives and tries to calm her down, but she gets mad after Seth because he won't let her come near her children and she understands he also imprinted on Sarah. She's about to fight with him, when she suddenly stunned by an overwhelming emotion. She thinks she's sensing Jacob's presence, as she already did in the past, even if it's now impossible. For a moment, she believes she's gone crazy but Edward looks pretty fascinated himself by something... so Bella turns back and faces a young man. It takes a moment for her to realize. She believes she's having the vision of a ghost, but Edward says he can see him too. The man explains he's sorry for he doesn't remember anything, but he's surprised he feels like he knows her. Billy is amazed to hear that, and Bella understands there are so many things she needs to be told about. For Jacob's back ! She feels very strange about him : he's not attractive to her as a human would be, and he doesn't smell like a Shapeshifter neither... Carlisle and Alice arrive. Carlisle proposes they all go back to the Cullen's, and Bella agrees because she's urging to know what all this means. She's also very moved to get with her children again. Before they leave, Jacob asks her to come back soon, because himself needs to understand why she seems so familiar to him.



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L'arrivée de Bella -la "nouvelle" Bella vampire- à La Push est un moment plein de tensions. Les Quileutes réagissent instinctivement, alors qu'elle ne désire qu'une chose : retrouver ses enfants.
Mais si les Indiens se montrent surpris et sur leurs gardes, Bella elle-même n'est pas en mesure de savoir ce qui l'attend... Seth est là, qui veille sur Sarah et Karel. Il a beaucoup changé, le temps passant, il se montre méfiant, voire agressif. Et pour cause ! Bella comprend finalement que ses enfants ne sont plus des Transformateurs, mais qu'ils sont bel et bien devenus humains, et que Seth s'est imprégné de Sarah. Bella réagit donc en conséquence...
Dans la saga de S. Meyer, le choix d'avoir conduit Jacob à s'imprégner de Renesmée m'est toujours apparu comme une aberration (pour de multiples raisons physiques, morales et rationnelles que chacun peut comprendre). J'ai donc poursuivi mes "transpositions" en déplaçant ce phénomène -dont Bella avait fait "l'expérience" dans son premier rêve- sur les personnages de Seth et de Sarah, ce qui me semble une situation plutôt intéressante en soi, même si l'idée de la différence d'âge reste toujours très problématique à mon avis. Mais c'est pour cette raison aussi que l'on peut bien comprendre la réaction de Bella, et qu'elle apparaît comme naturelle et normale.
L'imprégnation est un phénomène très spécial, que j'ai plutôt envisagé comme une fatalité (d'un point de vue humain) et un instinct (une sorte de 6e sens inhérent à la nature des Transformateurs). Bella le sait, tout comme Billy lorsqu'il parle de Paul et de Rachel, et elle a conscience qu'elle ne peut pas lutter contre. Cependant, pour tout être qui n'est pas un Transformateur, l'idée qu'un jeune homme soit si puissamment attaché à une petite enfant demeure dérangeante, même si l'auteur a fait en sorte d'expliquer que "l'amour" ressenti évolue en fonction de l'autre, qu'il est un attachement "paternel", puis amical, et enfin amoureux "seulement si" l'autre le désire et éprouve des sentiments réciproques. Cependant, si l'on considère la force de cette "attraction", telle qu'elle est décrite et telle qu'elle se manifeste (de manière tellement absolue !), on a du mal à ne pas y voir de la passion ou du désir...
En tant que mère, Bella a donc toutes les raisons de vouloir éloigner un peu Seth de sa fille. De plus, elle a l'impression que Seth s'est substitué à elle et cela, malgré sa longue absence, lui est inacceptable. Elle est à présent de retour : les choses doivent rentrer dans l'ordre.
Mais, comme le jeune Quileute le lui fait remarquer, elle est à présent un vampire... Lui sera-t-il possible de poursuivre, comme si de rien n'était, sa vie d'avant ?



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Dans ce chapitre, rien n'explique encore la raison des changements qui ont eu lieu. On y assiste seulement, en suivant pas à pas le ressenti des personnages. Il m'a semblé que les jeux de regards devaient y avoir de l'importance et, notamment, le regard d'Edward. C'est lui qui donne de la réalité à ce qu'éprouve Bella. A travers son regard, on comprend aussi certaines choses qui ne sont pas dites. Lorsqu'il arrive à La Push, il est, lui, très probablement au courant de ce qu'il va y trouver. Il l'a lu dans l'esprit d'Alice alors que Bella avait déjà disparu.



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De plus, on constate, dans son attitude envers Jacob, des changements notables. Edward se montre spontanément très sympathique avec lui. La poignée de main entre lui et Jacob est, bien entendu, symbolique, elle est un clin d'oeil à celle qui terminait le chapitre 11 du premier tome de ma fiction, comme le rappelle Bella.
Face à l'attitude de cette dernière, Jacob explique qu'il n'a plus aucun souvenir. Et, effectivement, il semble n'avoir connaissance que de ce qu'on a bien voulu lui dire depuis son "retour". Mais il est également surpris -tout comme Billy- de l'impression qu'il a de connaître Bella, malgré tout. Il apparaît comme très désireux d'en découvrir la raison et d'en apprendre davantage sur leur relation et, par la même occasion, sur lui-même.


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Bella est stupéfaite de ce qu'elle découvre. On le serait à moins ! Elle ne sait pas comment réagir. D'autant plus que Jacob a pour elle des particularités incompréhensibles. Son odeur, tout spécialement, n'a rien de commun avec tout ce dont elle a déjà pu faire l'expérience. De plus, elle éprouve une attraction étrange, et presque inquiétante, pour ce qu'il est, lorsqu'elle cherche à mieux comprendre sa nature profonde...
En effet, comment comprendre l'inexplicable ? Accepter est déjà très difficile...



Bella a besoin d'un certain temps pour reconnaître Jacob. Elle a du mal à l'identifier car, s'il est bien "le même", elle ressent aussi certains changements. Afin d'écrire cette scène, je me suis inspirée de ce racontait la légende quileute concernant l'histoire de Taha Aki, dans le tome 3. L'idée que l'esprit de l'ancêtre -qui avait perdu son corps terrestre mais s'était retrouvé l'hôte d'un loup- parvienne néanmoins à retrouver forme humaine à un moment très particulier m'avait vraiment interpellée. Il y avait là quelque chose d'essentiel, selon moi, qui permettait de réfléchir et d'imaginer ce que pourrait être la nature si spéciale des Transformateurs. Je continue donc à tisser des liens, dans ma fiction, avec les premiers tomes de la saga, dans l'intention de toujours garder une certaine cohérence.
De la même manière, j'ai aussi repris le fait que Paul se soit imprégné de Rachel Black, une des deux soeurs jumelles de Jacob. Merci à ceux/celles qui ont participé au sondage permettant de lui attribuer un nom de famille !

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L'arrivée de Carlisle et d'Alice vient interrompre ce moment de "retrouvailles" incroyable. Il fait comprendre à Bella qu'il a beaucoup à lui dire... Elle a, elle-même, saisi que certaines choses sont encore (ou doivent demeurer ?) secrètes. Le docteur Cullen accueille aussi Bella comme sa nouvelle "fille", car c'est ce qu'elle est désormais.
En parallèle, Bella est également très préoccupée par les réactions de ses enfants. Elle s'inquiète de savoir s'ils vont l'accepter, la reconnaître... elle, qui a été absente si longtemps. Elle craint d'être rejetée, comme une inconnue, ou comme un monstre. D'ailleurs, le regard des Quileutes lui laisse assez comprendre que tous se méfient d'elle et la considèrent comme un être potentiellement dangereux. Les moments où elle se retrouve enfin en contact direct avec Karel ou Sarah devaient être, selon moi, à la fois simples et pleins d'émotion.


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Avant de quitter La Push, Jacob fait promettre à Bella de revenir vite. On sent qu'il attend d'en savoir davantage lui-même, qu'il voit en Bella un nouvel espoir face au vide de sa mémoire, de son passé, de ce qu'il est...

Ce qui soulève, bien entendu, de nouvelles et nombreuses questions. ^^




A propos de la dédicace : depuis bien longtemps maintenant, j'endurais stoïquement le fait d'être considérée (et on ne manquait pas de me le rappeler à l'occasion, lol) comme "celle qui a tué Jacob"... une rude réputation à assumer ! Voilà qui met fin, je l'espère, à ma torture... Ouf !
Les grand(e)s fans de Jacob retrouveront donc désormais le sourire et ne me tiendront pas rigueur (merci Nana ; )) d'avoir gardé si longtemps le silence au sujet de mes intentions, afin de ne pas gâcher la surprise.
D'autre part, je tiens à dire que la découverte du morceau Gravity de Sara Bareilles, que je dois à Jacobinette, est pour beaucoup dans l'émotion particulière que j'ai cherché à transmettre à travers ces chapitres. Cette chanson m'a hantée... longtemps... longtemps.
Je suis à présent délivrée.

VOL III _ chpt 23, chpt 24


A Frédérique (elle se reconnaîtra ^^)...
A tous les lecteurs passionnés, fidèles et stimulants,
ainsi qu'à l'adorable meute du blog de Jacobinette...
Affectueusement, Sombrelune.


Chapitre 23 : Echos/ Aftershocks

Il ne me fallut pas plus de quelques minutes pour l’atteindre.
Là, l’odeur des Transformateurs était partout. Elle était intense, multiple, presque agressive pour mon odorat hyper sensible de jeune vampire. Etrangement, il me sembla que je la connaissais pourtant, cette odeur plus qu’animale… ultra-animale. Cela sentait… la terre humide, acide, le sang poivré et âpre, le soufre, le sel. Un mélange lourd et étouffant.
Le village était calme, comme endormi. Pourtant, je sentais la vie, tout autour de moi. Dans chaque habitation que je dépassais, à toute allure, jusqu’à trouver celle que je cherchais, un peu à l’écart… là. Elle était là. La petite maison rouge. Blottie contre les arbres.
Sans hésiter, sans frapper, je poussai la porte.
Dans le petit salon, Billy discutait à voix basse avec le vieux Quil Ateara, enfoncé dans le vieux canapé de velours bleu. Je remarquai que ses cheveux avaient légèrement blanchi. A peine. Mais il avait l'air en bonne santé. Peut-être même davantage que dans mon souvenir. Il paraissait moins accablé que lorsque je l’avais vu pour la dernière fois. Plus… apaisé, me sembla-t-il. A mon entrée, et lorsque je me matérialisai devant eux, ils sursautèrent. Immédiatement, les traits de leurs visages sombres se plissèrent. Leurs yeux noirs se posèrent sur moi, cherchèrent un instant, me reconnurent. La bouche large de Billy Black s’ouvrit, mais il demeura silencieux quelques secondes encore. Incrédule.
« Bella ? », finit-il par demander, très doucement, comme s’il avait garde de ne pas m’effrayer.
J’eus soudain le sentiment d’être un animal sauvage, avec lequel ces deux êtres humains s’efforçaient de prendre les précautions d’usage. Me croyaient-ils… dangereuse ?
« C’est moi, Billy. C’est bien moi, répondis-je le plus calmement que je pus. Je suis revenue. Tout va bien. »
Tout en parlant, je sondais l’espace qui m’entourait. Je détectais d’autres présences, tout près, dans une des chambres. Je posai alors une question bien inutile, car j’avais déjà la réponse :
« Où sont mes enfants ? »
Mais les deux Indiens ne répondirent pas. Ils me contemplaient en silence, leurs pupilles de jais rivées à mon visage, l’air fermé, peut-être déjà sur la défensive. Puis ils échangèrent un regard. Je compris qu’il était inutile d’insister.
« Ne vous donnez pas la peine, repris-je, je connais le chemin. »
Je m’éclipsai instantanément en direction de la petite chambre du fond, qui avait été celle de Jacob.
Une énergie phénoménale tournoyait dans mon être. Dans mon dos, ma poitrine, je la sentais qui palpitait, remontait dans ma gorge, mon cou, mes oreilles. Jusqu’au sommet de mon crâne. Si j’avais été humaine, mes jambes se seraient dérobées, mon cœur aurait battu à mes tempes, mon souffle aurait brûlé mes poumons. J’aurais certainement fondu en larmes. Ces sensations habituelles, j’en avais le souvenir, très clair, mais ce n’était pas cela que je ressentais… J’étais… profondément transportée. Avec beaucoup de précautions, j’ouvris la porte, le plus silencieusement que je pus.



A l’intérieur, dans les petits lits jumeaux qu’Esmé leur avait offerts, mes enfants dormaient paisiblement. Je découvris leurs deux têtes brunes, l’une plus claire, l’autre très noire. Peau blanche et peau dorée. Ils étaient magnifiques... Que leurs cheveux avaient poussé ! Leur parfum, mêlé à celui des hommes-loups qui imprégnait le lieu depuis toujours, emplissait la pièce. Il se jeta à mon cou, coula dans mon cœur et mon esprit, au plus profond de mon âme. Je connus alors le parfum de mes enfants. Je le reconnaissais… Quelle étrange sensation ! Ils sentaient fabuleusement bon. Ils sentaient…
Près d’eux, un jeune homme se tenait immobile. Il s’était instantanément levé lorsque j’avais passé la porte, mais n’avait pas bougé depuis. Je n’avais pas pris garde à lui d’abord, tant mes regards dévoraient mes deux petits, endormis, que j'avais enfin retrouvés, et que je redécouvrais avec autant d’émerveillement qu’au premier jour. Mais je venais de lever les yeux vers lui, et je fus surprise de revoir dans ses traits un visage qui m’était familier, autrefois… il n’y avait pas si longtemps…
« Seth ! »
Je m’étais exclamée dans un souffle. Le jeune homme me dévisageait avec autant -si ce n’était davantage !- d’incrédulité que les deux Quileutes que j’avais laissés dans le salon. Tout son corps, immense et large, était tendu. Il semblait prêt à bondir. Sur sa peau, je vis courir un frisson. Une étrange vibration, que je reconnus pour être celle qui parcourt le corps des Transformateurs lorsque celui-ci se prépare à la métamorphose. Il était totalement électrisé. Alors seulement, je remarquai qu’il s’était légèrement penché vers Sarah et Karel, comme pour les protéger. Les protéger de quoi ?
« Seth, tu n’y penses pas !, chuchotai-je. Que crains-tu ? Ce sont mes enfants ! Enfin quoi, qu’y a-t-il ? »
Mais il ne se détendit pas pour autant. Ses yeux en amandes détaillaient chaque parcelle de mon visage, étudiaient mes attitudes, mes gestes. Je compris qu’il essayait de déterminer avec précision si j’étais, comme je l’affirmais, digne de confiance, ou non. Son pouls s’accéléra. Je perçus les battements de son cœur, le flux et le reflux du sang dans ses artères, bruyant, bouillonnant, tempêtant. Seth avait une vivacité remarquable. La chaleur que dégageait son corps s’intensifia, et avec elle, son odeur d’homme-loup… celle qui envahissait l’espace. Et que je distinguai alors parfaitement de celles de Karel et Sarah.
« Mais… Seth… »
Je venais de réaliser quelque chose. Quelque chose d’impensable.
« Mes enfants… ils… ils ne sentent pas comme… »
J’avais eu l’expérience, quand je m’étais retrouvée parmi les hommes-léopards d’Afrique, de l’odeur tout à fait caractéristique des enfants destinés à changer plus tard, des Transformateurs en devenir, comme le petit Libwa. C’était une évidence. Sans avoir le fumet lourd et dense de ceux qui avaient accompli leur métamorphose, leur sang n’avait pas non plus les caractéristiques de celui des êtres humains. Il ne nous attirait pas, nous, les vampires. Il était déjà autre chose. Alors que… là…
Je ressentais bien une attraction, pour ces deux petits corps endormis ! Leur sang… je le humais, il m’appelait, me parlait… Il m’avait charmée mais, éperdue d’amour comme je l’étais, je n’avais pas saisi sur le moment !
Pendant un moment, je demeurai ébahie.
« Ce n’est pas possible ! »
Je fis un pas dans leur direction. Aussitôt, Seth me barra le passage, plus solide qu’un mur de béton. J’éprouvais toute sa puissance et sa force, toute sa détermination. Mais j’étais forte aussi. Et certainement plus que lui. Quoi qu’il en soit, nous n’allions pas nous battre, cela n’avait jamais été mon intention. Je voulais simplement m’approcher pour vérifier… et comprendre ! Il fallait que je comprenne !
« Seth, pousse-toi, voyons ! »

Edward apparut à son tour dans la chambre, derrière moi. Il posa sa main sur mon épaule.
« Bella, calme-toi. »
Etre calme ? Comment pouvais-je rester calme face à une pareille incohérence ?
« Je suis parfaitement calme, Edward, articulai-je entre mes dents, mais… je veux comprendre ! »
Seth ne bronchait pas. J’allais l’envoyer par la fenêtre. Les dégâts m’importaient peu à présent.
« Ils sont humains, n’est-ce pas ? »
Mon mari avait posé la question à laquelle je n’osais pas répondre depuis plusieurs minutes. Pas tant que je n’aurais pas perdu cette affreuse impression d’être en plein délire. Et cette question n’en était pas vraiment une. Elle sonnait davantage comme une demande de confirmation, ou… un aveu.
Je dévisageai Seth. La présence d’Edward paraissait l’avoir un peu radouci. Il hocha la tête à son adresse.
« Quoi !... Mais comment… ? »
Cette fois-ci, j’avais crié.

Sarah bougea. Elle ouvrit les yeux, se redressa, et se mit à pleurer. De petits gémissements. Elle n’était pas vraiment effrayée, mais plutôt contrariée d’avoir été brusquement arrachée à la douceur du sommeil. Karel aussi était éveillé, mais il ne disait rien. Il nous regardait, tous, très attentivement et presque sérieusement, de ses immenses yeux verts et limpides. Encore un peu confus aussi, il tenait sa tête légèrement penchée et se balançait, comme s’il était encore en plein rêve, et prêt à replonger immédiatement dans l’inconscience.
Alors, à ma grande surprise, Seth recula et, se penchant vers elle avec une douceur et une délicatesse de mère, souleva Sarah et la prit dans ses bras. Elle cessa immédiatement ses pleurs, et enfouit son visage contre le cou du Quileute. Qu'elle était petite dans les bras du géant solide et fier qu’était devenu Seth ! Comme elle semblait… rassurée, d’être serrée si tendrement sur son cœur !
Apparemment, elle était habituée à lui. Et il se montrait réellement soucieux de…
Dans mon esprit, des images et des sensations -de vieux sentiments, de vieilles impressions- explosèrent, comme autant de fusées lors d’un feu d’artifice. Elles s’épanouirent, à la fois spectaculaires et choquantes. Impressionnantes. Le spectacle qui se déroulait là, devant mes yeux stupéfiés, ne m’était pas tout à fait inconnu. J’avais déjà vu cela… je l’avais même ressenti, à travers des yeux qui n’étaient pas les miens.
D’abord abasourdie, je m’emportai ensuite rapidement.
« Ne me dis pas… Seth ! Comment as-tu osé ? Tu t’es… imprégné ? Imprégné de MA fille ? Alors que ce n’est qu’un bébé ! Je vais… »
Edward me retint, de toute sa force. Je ne voulais pas réduire le jeune Clearwater en poussière, pourtant, non… J’aurais risqué de blesser l’enfant qu’il portait. Je voulais juste… juste… Qu’il retire ses sales pattes de sac à puce de ma fille ! Et si je devais les lui arracher pour cela, l’une après l’autre, eh bien, ce n’était pas un problème.
Contrairement à toute attente, rien, dans la posture de Seth, n’indiquait qu’il s’apprêtait à répliquer. Au contraire, il fit quelques pas en arrière, couvrant de sa large main la tête de Sarah, comme s’il refusait que je la lui reprenne de force. Comme s’il avait compris, et savait bien, au fond, que j’en avais le droit. Et le pouvoir.
« Je… je ne l’ai pas fait exprès, Bella, bredouilla-t-il, presque penaud à présent. Je ne l’ai pas voulu. C’est arrivé… d’un coup ! »
Je comprenais parfaitement ce qu’il essayait de me dire. Mais comment faire avaler cela à une mère ? Cela faisait beaucoup. Beaucoup d’un coup.
« Tu vas la remettre dans son lit, Seth, maintenant. Ou, mieux, tu vas me la donner… Et tu ne la verras que lorsque je t’y autoriserai et… uniquement en ma présence. »
Mes paroles eurent l’effet d’une sentence injustement prononcée. Seth grogna.
« Mais tu es un vampire, Bella, maintenant ! »
Oh ! Il avait donc remarqué ?
« Et toi, tu es un Transformateur… imprégné d’une fillette de deux ans, Seth ! Oh, c’est… Je n’en reviens pas ! C’est… ! »
Mes sentiments refusaient que je les réprime, et pourtant, je savais bien que nous avions tort… tort et raison, tous les deux. Nos deux natures avaient leurs écueils. Seth ne ferait aucun mal à Sarah, jamais. Cela, j’en étais certaine. Tout comme moi. J’étais sa mère. Néanmoins, j’étais aussi un vampire. Et Seth… Seth était lié à ma fille, plus solidement et plus irrémédiablement que je ne l’avais jamais été. Elle était tout pour lui, à présent. Son eau, son air, son soleil. Son unique raison de vivre. Il lui avait donné son existence entière. A elle seule. Et elle le sentait, déjà, malgré son jeune âge. Que je le veuille ou non, il me l’avait prise.
C’était intolérable.
Je dégageai mes épaules de l’emprise d’Edward. Il ne chercha pas à me retenir davantage, sans doute avait-il senti que, bien que bouleversée, je parvenais à rester raisonnable.
« Donne-la moi, maintenant, Seth. Je suis parfaitement capable de me contrôler, si c’est ce qui t’inquiète. Edward peut te l’assurer… Je VEUX tenir ma fille dans mes bras. »
Mes paroles sonnaient certainement comme un ordre. Pourtant, j’avais essayé d’être douce. J’attendis une réaction. Une seconde… deux… Seth s’était pétrifié. Il regardait par-dessus mon épaule. Attendait-il qu’Edward lui fît signe ? Pourquoi refusait-il de me croire ? Fallait-il toujours qu’il y ait quelqu’un pour me protéger ou protéger les autres de moi ? Quelqu’un qui parle à ma place ou agisse pour moi ? Oh, ces Transformateurs pouvaient être tellement… tellement paternalistes ! Presque misogynes, peut-être même !
L’attitude du Quileute m’irritait profondément. Je m’impatientais. Sa résistance était comme une agression pour mon affection de mère. Je me sentais dépossédée, volée, meurtrie. Il faudrait lutter alors ? Qu’à cela ne tienne… Encore un instant.
Aucune réaction ? D’accord, c’en était trop. Il l’aurait voulu.



Comme j’esquissais un premier pas dans sa direction, une émotion étrange me saisit. Quelque part, comme au-dessus de moi, j’éprouvai… une présence.
Elle me cloua sur place, me retenant, mieux et plus fermement que quiconque -Transformateur ou vampire- aurait pu le faire.
Une chaleur vive glissa sur moi. Sur mon visage. Dans ma nuque, dans mes reins.
C’était comme si un bras, un bras amical s’était tendrement glissé autour de ma taille, me réduisant à l’impuissance, sous l’effet de l’intense émotion que ce geste me procurait.

Oh… mon… Dieu… !

J’étais figée. Atterrée.
Car cette sensation… cette sensation ne m’était pas inconnue. Elle revenait… elle revenait de loin !
De si loin !
Je la reconnaissais. J’avais tellement cru ne jamais plus l’éprouver ! J’en avais entièrement abandonné l’idée. Mais pourquoi là ? Et pourquoi maintenant ? Parce que j’étais moi-même revenue, enfin, chez moi ?
A cet instant, la chaleur m’enveloppa. Entièrement. Abolissant tout à fait les dernières bribes de volonté et de force, par lesquelles je tentais encore de résister, de refouler ou de fuir ce que j’éprouvais.
Je fermai les yeux.
Que devais-je faire ? Qu’allait-il se produire ? Ma bouche s’ouvrit, et j’aspirai l’air, alors que je n’en avais nul besoin, car j’avais l’impression de me noyer pour de bon. Je me noyais en moi-même, dans mes souvenirs, mon passé, ma vie. Ma vie d’avant. Ma vie d’humaine.
Tout tourbillonnait. Tout revenait. Tout recommençait. Et tout s’éteindrait certainement encore, ensuite.
Un accablement effroyable s'était abattu sur moi.
Mais la sensation ne faiblissait pas. Au contraire. Je ressentais… une sorte d’attraction… magnétique… une lourdeur. Un poids. Un poids incroyable qui me maintenait, moi, à ma place. Dans mon axe. Encore. Alors que tout tombait dans le vide, autour de moi.
A ma grande stupeur, je m’aperçus que je tremblais légèrement. J’avais peur, j’étais terrorisée. Mais également… il y avait une sorte de soulagement, de confiance absolue, au fond de tout cela. Une envie…. violente.
Et comme je m’y attendais, comme je le redoutais et comme je l’espérais tout à la fois, je retrouvai le parfum… Le parfum singulièrement familier et intime… Le parfum de la grande forêt, puissante et sombre, du bois de cèdre, de la terre poudreuse et chaude, de l’herbe craquante… l’odeur des fruits mûrs et sucrés, et cette petite pointe d’acidité presque métallique qui fait venir instantanément l’eau à la bouche… L’odeur partie, mais jamais oubliée. L’odeur, insoutenable… la sienne.

Oh… non… c’est impossible ! Tu es là… Jake…

Je savais qu’il n’y avait aucune chance que cela soit effectivement le cas. Je savais qu’il m’avait quittée, à l’instant-même où j’étais devenue vampire. Je savais que mon esprit… que mon âme… ne pouvait plus s’ouvrir à lui, ne pouvait plus l’atteindre. Je savais. Je savais…
Et pourtant. Elle était bien là, cette émotion. Et ce parfum. Ils étaient si… réels !
Je compris que je devais avoir perdu l’esprit, comme peuvent sans doute le perdre les êtres surnaturels. Quand ils sont vaincus. Quand tout autour d’eux leur échappe, et que les choses cessent d’être rationnelles. Lorsque leur monde bascule dans le chaos.
Mes enfants ne pouvaient être humains… Je devais avoir glissé, sans m’en rendre compte, à un moment précis… J’étais dans un autre monde, qui n’était pas le monde réel. Je devais avoir inventé tout cela. Quand avais-je quitté la route au juste ?
En arrivant à Forks, avais-je découvert… une tragédie, et avais-je tout réécrit, reconstruit, recréé dans l’instant, afin que cela soit plus supportable ? Etais-je encore, là-bas, à Wellington, dans cet aéroport, à attendre avec Edward qu’arrive l’avion qui devait nous ramener chez nous ? Etais-je encore perdue… là-haut, par-delà les nuages… dans la nuit pleine et silencieuse ? Vide.
Vide de moi-même. Vide de tout.
Oh, oui, j’étais bien perdue. Totalement, cette fois.
Comme quelqu’un qui cherche, attend, et espère trouver dans le regard de ceux qu’il aime un dernier salut, j’ouvris alors les yeux, à grand-peine.
Mais rien n’avait changé. Tout était là, comme auparavant. Seth, mes enfants… Ma vision ne se brouillait pas, le décor ne faisait pas mine de vouloir s’effacer, ni la terre de s’ouvrir sous mes pieds. Cependant… il était toujours là, le parfum aliénant…. l’odeur envahissante et persistante de ma folie.
Je cherchai Edward, le trouvai. Il s’était approché. Il était tout près de moi. A côté. Son visage tourné dans ma direction.
Je levai les yeux sur lui. Comment allais-je pouvoir lui dire ? Me sauverait-il, comme il l’avait déjà fait ? Le pouvait-il ?
Mais il ne me regardait pas.
Ses traits étaient absolument impassibles. Aucune émotion ne se peignait sur son visage. Il s’était totalement fermé, et je reconnus là, justement, le signe d’un grand trouble. Et ses yeux… ! Ses yeux étincelaient. Ce n’était pas de la colère, pas de la peur ni de la peine. Ils ne cillaient pas, ne se voilaient pas, mais fixaient, intensément, ardemment, un point derrière moi.
Derrière moi.
Près de la porte restée ouverte.
Il regardait quelque chose... Comme je ne l’avais jamais vu regarder quoi que ce fût auparavant !
Quelque chose. Ou quelqu’un.

Mais quel effet sidérant cela avait sur lui !

Alors, malgré la confusion totale qui me hantait, menaçant toujours de faire chavirer mes sens et ma pensée, je me retournai.





Chapitre 24 : « La puissance de la cause est en raison de la grandeur de l’effet »/ « The power of the cause is in proportion to the size of the effect »

Dans la rotation que j’effectuai sur moi-même, geste que j’eus l’impression d’accomplir au ralenti tant je me sentais lourde et écrasée, je distinguai, dans l’obscurité du couloir, les silhouettes de Quil Ateara et de Billy. Ils s’étaient approchés, eux aussi, mais étaient demeurés en retrait et silencieux. Peut-être avaient-ils craint mon attitude, mes réactions… et qu’une lutte s’engageât. Cela aurait pu être le cas. Mais…
Appuyé contre le mur, juste derrière moi, non loin de l’encadrement de la porte, se tenait un troisième homme.
Comment ne l’avais-je pas entendu entrer ? Pourquoi ne m’en étais-je pas préoccupée ? C’était comme si… il avait toujours été là. Comme s’il était à sa place. Et, qu’inconsciemment, je l’avais su.



Il était grand. Très. Au moins autant que Seth. Il était brun. Brun de peau, noir de cheveux. Il était Quileute. Il était… il était…
Mon corps surnaturel ne pouvait plus réagir, comme celui d’une humaine, aux chocs de mes émotions, même les plus violentes. Ni lui, ni mon esprit n’avaient plus la faculté de plonger dans le néant de l’inconscience, parfois salutaire. Je ne pouvais plus m’évanouir, ce n’était pas dans ma nature, mais, à cet instant, je vis réellement des étoiles. Tout mon être se contracta, assez douloureusement. Tout ce qui m’habitait, sang -si mon corps en contenait encore- fluides de toutes natures, jusqu’à mon esprit lui-même, me vint au visage, aux lèvres et aux yeux. Là, la chaleur se fit brûlante. Elle me desséchait, à l’intérieur, et je reconnus cette sensation étrange de sable dans le nez et la gorge. De désert incandescent derrière les yeux.
L’homme était beau. Trop sans doute, pour un être humain. Dans ses yeux sombres, un reflet vert dansait. Et quelque chose… quelque chose d’incompréhensible… illuminait le fond de sa pupille. Ses longs cheveux lisses étaient attachés. Il portait un t-shirt gris-vert à la couleur passée, et un pantalon de toile beige, usé. Ces vêtements… je les avais déjà vus… c’étaient ceux…
Il plissait les yeux. Il me regardait. Il cherchait quelque chose. Et, tout à coup, ses sourcils se soulevèrent et son visage se fendit en un incroyable sourire, à la fois amusé et décontenancé.
« Salut ! », lança-t-il sur un ton presque désolé.
C’est alors que je le reconnus. Ou que je crus le reconnaître…
Mais pourquoi était-il là ? Que voulait-il de moi ? Quel était ce nouveau prodige dont j’étais capable ? Et il… il était si différent, également…
Ma main se souleva d’elle-même, chercha le bras d’Edward. Mes yeux la suivirent. Ils restèrent posés là, un instant, puis, enfin, osèrent se relever vers mon mari. Il n’avait pas bougé. Il regardait toujours dans la même direction. Toujours aussi intensément.
Je ne pouvais l’atteindre en pensée. J’étais trop bouleversée. Je dus me résoudre à articuler :
« Tu… tu le vois aussi, le fantôme, Edward, n’est-ce pas ? »
Pour toute réponse, il hocha légèrement la tête.
Je ne pus m’empêcher de soupirer.
« Je ne suis donc pas folle ! Ou alors, je ne suis plus seule à l’être… »
Avec une extrême douceur, et très lentement, Edward détacha ses regards de celui qu’il avait si longtemps étudié et dévisagé, ses yeux se fermèrent, puis ses prunelles d’ambre liquide vinrent se planter dans les miennes. Leur éclat avait une vivacité inaccoutumée. Je pouvais percevoir son émotion.
« Je le vois aussi, Bella, parce qu’il… est là. Il est vraiment là, mon amour. Il est… bien réel. »
Alors qu’il insistait sur le dernier mot, afin que je comprenne bien ce qu’il signifiait, afin que j’accepte son sens, Edward saisit tendrement ma main.
Ma bouche s’ouvrit. Je voulais protester. Ma raison s’agitait, se tordait, elle allait ruer. Elle hurlait, déjà, à l’intérieur de moi, que tout ceci était… un rêve éveillé, une illusion, un délire… une démence !
« Mais… », soufflai-je.
Et ce fut tout ce dont je fus capable.
L’homme me regardait toujours. Et, toujours souriant, semblait chercher le moment opportun pour dire quelque chose. De toute évidence, il venait de décider qu’il était arrivé.
« Je crois… qu’on se connaît, nous deux, non ? »
Il s’était adressé à moi, avec une innocence, une hésitation timide, qui ajouta encore à mon ahurissement.
« Tu as l’air… très perturbée, poursuivit-il comme s’il désirait sincèrement me ménager. J’en suis désolé, vraiment. Mais… tu dois savoir que je ne me souviens réellement de rien, ni de personne, depuis… depuis que j’ai été retrouvé. Excuse-moi. Pourtant, tu vois, j’ai l’impression de te connaître, toi. Et c’est certainement la première fois que ça me fait ça… C’est… c’est bien ! »
Et il éclata de rire.

Je demeurai pétrifiée. Et muette. Dans son fauteuil, Billy se fraya un passage jusqu’à nous.
« Tu dis… tu dis que tu te souviens de Bella, Jake ? », demanda-t-il aussitôt.
L’autre hocha la tête avec une joie réelle.
« Oui, c’est vraiment très… très net. Mais… je ne suis pas sûr… j’ai l’impression qu’elle a changé. Parce que ça fait longtemps que je ne l’avais pas revue, je suppose. »
Billy lança un regard dans notre direction. Un regard particulièrement éloquent. On y lisait clairement la gêne, la suprise, l’inquiétude et l’espoir. Il y avait des choses à cacher, si je comprenais bien. Et d’autres à découvrir. Il devait craindre que notre présence, et les changements qui étaient survenus me concernant, ne bouleversent tout. S’il était possible que les choses fussent plus bouleversées encore ! Mais pour ma part, j’étais dans l’incapacité de réagir, de quelque manière que ce fût. Je ne pouvais pas accepter, je n’étais pas sûre…
Très vite, Billy reprit :
« Oui, cela fait plusieurs années, maintenant. Bella était… ta… ton amie. Vous étiez très proches. Elle est la fille de Charlie. Tu sais, je t’en ai parlé. Tu avais disparu si longtemps qu’elle t’a cru… mort, comme nous tous. Voilà pourquoi elle est si choquée. »
Billy tourna à nouveau son visage vers moi, pour s’assurer que mon manque total d’expression traduisait suffisamment mon saisissement, avant de poursuivre ses explications.
« A notre grand soulagement, la voilà elle-même de retour, et… je pense que personne n’a vraiment eu le temps de lui expliquer… n’est-ce pas, Bella ? »
Mais j’étais absorbée dans la contemplation de celui qui se tenait face à moi. Je détaillais chaque parcelle de sa personne. La forme de son visage, celle de ses mains, sa façon de se tenir, la tête un peu penchée, la ligne de ses sourcils… Etait-ce bien… était-il possible… ? Je reconnaissais chaque chose, elles étaient bien les mêmes, et pourtant, je sentais qu’il y avait aussi quelques différences. C’était comme si cet homme était un autre… un autre… Jacob (puisqu’il semblait que c’était ainsi qu’il fallait l’appeler), un nouveau Jacob, plus… lumineux encore -et j'étais bien persuadée que jamais je n’aurais pu envisager une chose pareille !-, plus intense… je ne savais pas exactement comment définir ce que je ressentais, et peut-être n’était-ce dû qu’au nouveau regard de vampire que je portais moi-même sur lui. C’était comme si je me trouvais devant l’image idéale de Jacob, celui qu’il était, au fond de lui, quand je l’avais connu, que je pressentais, ou celui qu’il aurait dû devenir s’il… s’il avait vécu.
Comme je ne répondais rien à la question de Billy, Edward hocha la tête.
« Et voici Edward, son mari, acheva l’Indien. Il est le fils du docteur Cullen. »
Aussitôt, la bouche du jeune homme s’élargit en un nouveau sourire. Et je vis distinctement une lueur vive s’allumer dans ses yeux.
« Oh, tu es le fils de Carlisle, s’exclama-t-il, mais bien sûr, c’est évident ! »
Et il tendit, en un geste très spontané et cordial, sa main à Edward.
Mes yeux observaient ces doigts tendus, ces ongles très courts, ces phalanges solides, et cette peau hâlée qui ne laissait transparaître aucune veine. Alors, je réalisai que l’odeur, particulièrement intense et agréable qui émanait de sa personne, n’avait pas du tout le même effet sur moi que celle des autres humains qui se trouvaient dans la pièce. Elle ne m’attirait pas. Pas comme peut l’être un vampire. Cependant, elle me déstabilisait, profondément, me bouleversait, m’inquiétait presque. Et elle n’était absolument pas celle d’un Transformateur non plus… Quel était ce surprenant phénomène ? D’instinct, je me concentrai davantage, afin de sonder la nature profonde de l’être qui me faisait face. Immédiatement, je sentis le sang palpiter dans son corps, j’en perçus la circulation, je captai la pulsation sourde d’un cœur -un cœur humain- qui battait, calmement. Si calmement ! Mais il n’y avait pas de… chant envoûtant. Pas de désir de m’approprier sa substance, de boire à sa source. Un grand calme plutôt, une paix délectable, s'exhalait de lui. Et puis, il y avait aussi cette chaleur étrange…
Comme je continuais de me concentrer sur cette intériorité énigmatique, je me sentis soudain happée, plus profondément, et il me sembla que j'allais glisser vers un gouffre vertigineux, à la fois fascinant et terrible. Effrayée, je réagis aussitôt, interrompant brutalement mon exploration.

La main d’Edward venait de saisir celle qui s’était tendue.
Ce geste… ce geste-là, je ne l’avais jamais vu ! Ou… une fois, peut-être. Et, dans mon souvenir, il n’avait rien d’amical. Mon mari sourit. Une expression sympathique se peignit sur son visage. Comment Edward parvenait-il à se contrôler à ce point ? A moins que… Ne ressentait-il pas réellement cette émotion ?
« Voilà ce qui s’appelle des retrouvailles !, assura le jeune Indien avec un intérêt sincère. Votre famille était particulièrement inquiète à votre sujet. Vous… avez disparu tant de temps, vous-mêmes, sans vraiment donner de nouvelles… un moment, ils ont même envisagé le pire ! Qu’est-ce que… ? »
Mais Billy posa affectueusement sa main sur le bras du jeune homme. Son geste semblait signifier que ce genre de questions serait pour plus tard, ou même qu’il n’y avait pas lieu de les poser. Il fut aussitôt compris.
« Alors, enchaîna-t-il simplement, c’est donc vous les parents de ces deux petits monstres ? »
D’un doigt, il désignait mes deux enfants. Il plaisantait. Mais j’étais totalement hermétique à cette attitude très humaine. Du moins, à ce moment-là. Et je ne parvenais pas à faire semblant.
Edward, quant à lui, affichait le sourire le plus naturel qui soit. Ses yeux se plissèrent, et il rit doucement.
« Oui. Je suppose qu’ils doivent pas mal vous casser les oreilles ?
_ Non, répliqua l’autre, pas du tout en fait. Ils sont très sages. Et puis, ils sont bien habitués ici, maintenant. Rachel a le truc avec eux… et, je dois dire que Seth n’est pas mal non plus quand il se met à faire la nounou. Il est très doué. »
Piqué dans son orgueil, le jeune Quileute émit un petit grognement de protestation. Son honneur se révoltait, mais son cœur le fit rapidement taire.
« Ah ? Votre fille est là ? »
Edward, qui s’était retourné vers Billy, avait posé la question de manière très civile, et même avec une certaine curiosité, mais je me doutais qu’il devait déjà avoir toutes les réponses : il ne faisait cela que pour me permettre de comprendre les choses peu à peu, et ménager les craintes de tout le monde.
« Oui oui, elle est revenue s'installer ici depuis… presque un an déjà. Elle… et Paul Wusoh sont… Ils vivent ensemble. »
Ainsi, Rachel était revenue à la Push. Et elle y était demeurée. Avec Paul… Mais n’était-ce pas comme cela que les choses devaient être ? N’était-ce pas ce qui avait toujours été prévu pour eux ? Ce qui les attendait. Ou ce qu’ils avaient eux-mêmes attendu sans le savoir ? Je ne pouvais m’étonner de cette nouvelle. Ce n’en était pas vraiment une pour moi. Et pourtant, apprendre que cela s’était bel et bien réalisé, me donnait une impression… presque dérangeante, comme un vague malaise. Le ton sur lequel Billy avait exposé la situation laissait comprendre qu’il avait dû se résigner à cette union, plus qu’il ne l’avait souhaitée, sans doute.
« La maison n’est pas assez grande pour héberger toute la famille, surtout quand elle s’agrandit, renchérit à son tour le jeune homme. C’est vrai que nous sommes… un peu à l’étroit. Même ici… »
Il jeta, autour de la petite chambre, un regard circulaire qui en disait long, soupira, mais sourit encore :
« Vous… venez donc dans le salon ! Ou bien même… sortons. Je serais ravi que vous me racontiez un peu… enfin, j’ai besoin qu’on me rappelle… les souvenirs que je n’ai plus. »
Il paraissait un peu perdu. Mais si vrai, si sincère ! Cet air… je le connaissais bien. Et derrière lui, juste après… cette expression solide… comme la conviction profonde que rien n’était jamais grave au fond.
« Enfin, quand vous voudrez… », conclut-il.
Et il fit mine de vouloir quitter la pièce, nous invitant à le suivre d’un geste.



Depuis l’extérieur, un ronronnement de moteur me parvint. Puis un claquement de portière se fit entendre. Suivi d’un deuxième. Le vieux Quil Ateara se pressa vers l’entrée, et accueillit les nouveaux arrivants en deux mots qui trahissaient assez son soulagement.
« Ah, docteur !
_ Bonjour Quil, répondit la voix douce de Carlisle. Billy… Jacob… »
La chambre ne pouvant plus accueillir personne, tous se déplacèrent progressivement vers le salon de manière à permettre au docteur Cullen de s’avancer vers nous. Alice le suivait.
Il posa d’abord son regard sur son fils, puis sa main sur son épaule. Je savais qu’il lui parlait en pensée, et que ce qu’il disait à Edward devait être particulièrement tendre, car celui-ci sourit affectueusement et fit un pas en avant, serrant son père dans ses bras. Puis il s’écarta, et se tourna vers moi pour me présenter à Carlisle. Le docteur Cullen s’approcha, leva les mains, et les posa délicatement sur mes joues. Il me sembla que je le voyais pour la première fois. Que je le découvrais. Il avait l’air si doux ! Emu, également, à n’en pas douter. Ses prunelles de miel vibraient d’intelligence et de sensibilité.
« Bella… je suis bien heureux de te revoir… ma fille », souffla-t-il simplement.
Les paroles, et la voix surtout, de Carlisle, furent pour moi un réconfort immédiat. Je me détendis, retrouvai confiance, et la force de réagir enfin.
« Carlisle… mais comment… ?, commençai-je avant de m’interrompre de moi-même.
_ Nous avons tant de choses à nous dire !, sourit le docteur Cullen. Je crois que nous ferions mieux de rentrer à la maison. »
Je répondis à sa proposition par un hochement de tête. Je savais que j’avais beaucoup à apprendre, qu’il fallait qu’on m’explique. Tout. Et vite.
« Nous sommes venus… chercher les petits, intervint Edward.
_ Oui, bien sûr, acquiesça son père. Je ramène donc tout le monde. N’est-ce pas, Billy ? »
La question appelait une confirmation.
« D’accord, docteur, répondit depuis le salon la voix grave du Quileute, faites donc. »
Carlisle s’avança alors vers Seth, qui tenait toujours Sarah dans ses bras. Comme si l’ordre lui avait été donné de capituler, le garçon lui remit ma fille. La petite fit mine de protester un peu, puis se laissa emporter en silence, ses petites mains accrochées au col de la chemise bleue du médecin.
« A bientôt, Seth », articula le docteur Cullen d’une voix qui se voulait volontairement rassurante.
En effet, le jeune Quileute semblait particulièrement désemparé.
Je dus cependant lui jeter un regard plus noir que je n’en avais l’impression, en quittant la pièce à la suite de Carlisle, car ses sourcils s’étirèrent vers ses tempes et il eut une sorte de grimace angoissée qui faisait peine à voir. Elle était la traduction muette de sa totale impuissance à contrôler ce qu’il ressentait à l’égard de Sarabeth, en dépit de ce que tous pouvaient en penser.
Edward portait Karel contre lui, et j’eus soudain le sentiment qu’on m’empêchait de toucher mes enfants. Comme s’il fallait montrer aux Quileutes qu’ils étaient en sécurité, car d’autres que moi s’en occupaient…
Une grande détresse m’envahissait quand, tout à coup, Edward se pencha sur moi.
« Tu veux le prendre ? »
Et il glissa le petit garçon dans mes bras. Ses grands yeux verts, dans son petit visage à la peau diaphane, se posèrent sur mon visage. Il m’étudiait. Que pouvait-il bien penser ? Spontanément, je posai mes lèvres sur son front, lui donnant un baiser. Oh, j’aurais voulu le couvrir de baisers ! Les yeux fermés, je jouissais de ce contact qui m’avait tant manqué, que j’avais tant rêvé, espéré, craint ne jamais retrouver. Sa peau était douce et chaude. Parfumée. Une odeur tendre et sucrée, comme celle d’un abricot. Quand je me détachai enfin de lui, j’eus le sentiment que ce baiser avait duré des heures, et peut-être était-ce bien le cas car tous les regards étaient posés sur nous. Vampires comme Quileutes, tous me fixaient… Craignaient-ils que je ne sache pas résister ? Ils ne pouvaient pas savoir… ils ne pouvaient pas comprendre à quel point tout mon être était transporté…
Karel avait emprisonné une mèche de mes cheveux dans ses petits doigts. De son autre main, il toucha mon menton et ma bouche. Je lui donnai un nouveau baiser, et il eut un petit rire. Un rire joyeux et mutin.
Près de la porte, Jacob souriait en silence, son regard sombre et luisant nous englobant tous deux, avec une sorte de joie à la fois grave et enfantine.
Oui, c’était bien lui, il n’y avait pas de doute. Jacob était là. Il était revenu. A moins qu’il ne soit jamais parti ? Ce regard… il me parlait presque. J’aurai pu tenter de l’écouter, je devais sans doute le faire, je le voulais. Il me semblait que je pourrais comprendre, alors… mais pas tout de suite. Pas maintenant.

Je m’installai à l’arrière de la voiture, avec Karel, Edward et Sarah.
Comme le docteur Cullen s’apprêtait à mettre le contact, Jacob se pencha vers la portière, et me fit un petit signe. Je baissai la vitre.
« Promets-moi que tu vas vite revenir », lança-t-il aussitôt sans ambages.
Il n’était pas suppliant, ce n’était pas de l’anxiété, ni encore moins du désir, qui se lisaient sur son visage. Il ne me semblait même pas y voir de réelle affection. Mais plutôt une curiosité… une soif de découvrir… un manque.
« Tu es le seul visage… familier. Vraiment familier, vois-tu. Je voudrais que tu m’expliques… »
Il souriait. Je posai ma main sur la portière. Aussitôt, la sienne saisit mon poignet. Le contact de ses doigts sur ma peau était brûlant. Et il y avait autre chose aussi, de petites piqûres, comme de minuscules décharges électriques, qui me parurent s’élancer jusque dans mon bras et ma main. Contre toute attente, ce contact insolite me ramena tout à fait à la vie. Il me sembla que je me posais enfin. Que je m’éveillais. Alors que je n’avais jamais dormi, pourtant. Je pris conscience, pleinement, que j’étais bien , de retour chez moi, et que tout ce qui m’entourait était réel et vrai. Oh, oui, tout était vrai !
Il me sembla alors qu’il devait, lui, s’étonner peut-être, de me trouver, au contraire, si froide… Trop froide, sans doute. Mais il ne réagit pas.
« Tu me promets ? »
Le revoir ? Comment pourrais-je ne pas souhaiter le revoir ? Il m’avait tant manqué ! Tellement… que je n’avais jamais accepté, au fond de moi, l’idée que je puisse réellement ne jamais plus le revoir…
« Bien sûr, Jake, assurai-je, je reviendrai. Très vite. »
Alors ses doigts se détachèrent de mon poignet. Il eut un mouvement du menton pour signifier que c’était entendu, qu’il m’attendrait…
Un feu vert palpitait au fond de ses iris d’ébène. Je le voyais plus nettement que jamais, à la lumière de ce jour pourtant gris. J’aurais pu m’y plonger et m’y perdre. J’avais tant à y chercher, à y trouver ! J’avais tant à comprendre !
« A bientôt, Jacob. »
Je m’efforçai de sourire. J’y parvins, sans doute, car les pupilles brunes me sourirent en retour.

Alors, je remontai la vitre, et la voiture démarra.

mercredi 8 décembre 2010

A propos des chapitres 21-22 : inspiration


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Bella decides to go back to Forks. Before they try to leave Antarctic, she feels attracted to a special place in the sea : there, something strange happens, and she visualises her shield. She understands and experiences how it works, that her gift's power really increased as she became a vampire, and she feels surprisingly very strong and confident. When the phenomenon stops, she goes back to Edward and they sail to New Zealand. On their way, they witness a "sundog" (parhelion) which moves them a lot. Bella senses it means something and she's sure everything must be fine now. But when they get to Wellington, she talks to Alice on the phone and understands something happened to her children. All her hopes shatter, and Edward and her fly back to Seattle, sick at heart. Strangely, Bella feels disconnected from reality, and still quiet, maybe just because she's in shock. She tells Edward all that she's started to understand about her past dreams and feelings. He believes her special gift is not yet completed and trusts her. When they reach Forks, at last, they find Alice at the Cullen's, and Bella reads in her mind through Edward's that her children are at La Push. So she rushes there despite Alice and Edward calling after her.


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Dans ces chapitres, on en apprend davantage à propos du fonctionnement du don particulier et du bouclier de Bella. A la lecture du 4e tome, je m'étais demandé comment il pourrait bien être représenté. C'est un élément très particulier, à la fois solide et souple, immatériel et symbolique. Je l'ai envisagé assez différemment, sans doute...


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Quand Jane le mentionne, dans ma fiction, elle dit à Bella qu'Aro parle de son bouclier en faisant référence à l'Egide. Cette idée m'a beaucoup inspirée. Dans la mythologie, on ne sait pas exactement ce que cette "arme", portée par Athéna, est réellement. Bouclier, cuirasse, cape merveilleuse... Je l'ai envisagée comme une peau aux extensions tentaculaires... et un miroir. De plus, il permet à Bella de capter des éléments, et de localiser certaines personnes, à la manière d'une carte ou d'un radar. Ce dernier mot est un palindrome, il peut se lire dans les deux sens : c'est aussi cette idée qui m'a inspirée le "double miroir" que pourrait être ce bouclier fantastique. Il est à la fois projection de Bella et reflet du monde extérieur qui l'entoure. Ainsi, j'ai voulu expliquer la raison pour laquelle elle avait déjà, étant humaine, la capacité de capter certaines choses inaccessibles aux autres. A présent qu'elle est vampire, son pouvoir s'est encore renforcé et développé.
(NB: et je viens de découvrir cette phrase à la fin de l'article "Egide" de Wikipedia : "Dans l'US Navy, les croiseurs de la classe Ticonderoga et les destroyers de la classe Arleigh Burke sont équipés d'un radar appelé Aegis (« Égide » en anglais)." N'est-ce pas amusant ?)


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Bella comprend que tout ce qu'elle avait "vu" ou pressenti était vrai, avait un sens, ou aurait pu en avoir, si elle avait été en mesure de le comprendre. Son don n'est pas encore tout à fait "mûr"... mais elle se retrouve ici dans un lieu propice, qui ouvre les portes de sa perception, extérieure et intérieure. Ce n'est pas par hasard. Le lieu est bien réel, il s'agit d'un point géographique très particulier, et j'aurai l'occasion d'en reparler, et d'expliquer, bientôt, les raisons de ce choix.


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Il est temps de rentrer à Forks. Bella ressent qu'elle est arrivée au terme de son "odyssée", et qu'autre chose l'appelle encore... là d'où elle est venue.


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Le parhélie est un phénomène naturel certainement très impressionnant, lorsqu'il est complet. J'ai eu l'occasion d'en voir un, pourtant très léger, sans savoir ce dont il s'agissait alors, et j'avais été vraiment intriguée. Les manifestations de ce genre ont toujours été perçues comme des "signes" à interpréter. C'était bien l'occasion, là, d'exploiter cette tradition humaine.


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Et effectivement, il apparaît que de grands bouleversements se soient produits en l'absence de Bella et d'Edward. De quoi les perturber profondément durant leur trajet de retour. J'ai voulu faire partager le ressenti de Bella, ses questionnements, ses interrogations... ce qu'elle a vécu l'a fait évoluer, a déclenché quelque chose en elle. Pourtant, elle doit gérer ses émotions, fortes et contradictoires, ce qui n'est pas facile. Elle a le sentiment que la réalité lui échappe : elle est en conflit avec elle-même. Les évènements ne correspondent pas à ce qu'elle ressent à leur sujet. Le monde semble glisser dans l'absurdité totale...

Le Puget Sound :

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Le pont flottant du canal Hood:

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Finalement, les voilà revenus à Forks. Chez eux. Bella est transportée par l'angoisse et le désir de retrouver ses enfants, ce qui est bien normal.
Ses craintes sont apaisées : il semblerait qu'ils soient en vie, heureusement... Reste à retourner là où tout s'est toujours joué. Au point de départ... au lieu d'origine...
A La Push.

dimanche 5 décembre 2010

VOL III _ chpt 21, chpt 22


Chapitre 21 : Retour/ Back



Nous reprîmes notre route, dans la direction qui semblait être celle que nous devions suivre, puisqu’elle m’attirait toujours, à la manière d’un aimant géant, depuis le fond de mes entrailles.
Nous marchâmes un long moment, puis nous nous élançâmes à vive allure.
Nous parvînmes finalement face à l’océan. Quelques léopards des mers se reposaient sur des rochers moussus. Nous en profitâmes pour chasser, car cela faisait assez longtemps que nous n’avions pas eu l’occasion d’étancher notre soif.
Quand nous nous fûmes nourris, je remarquai qu’à l’horizon, le ciel était plus clair. Se pouvait-il que la nuit polaire fût achevée ? Quelque chose était achevé, quoi qu’il en soit, et je pensai qu’il était temps, pour nous, de rejoindre le monde des hommes. Autour de nous, tout semblait désert. Comment allions-nous faire ?
« Si nous longeons la côte, proposa Edward, nous finirons bien par trouver une base scientifique, ou même des habitations. Je n’ai aucune idée de l’endroit où nous nous trouvons, mais nous réussirons bien à nous embarquer d’une manière ou d’une autre. »
Pourquoi pas ? Pourtant, l’appel qui retentissait en moi à la manière d’un tambour, battant sourdement au fond de mon être, me donnait l’envie de tenter autre chose.
« Va vers l’Est, Edward. Moi, je vais nager un peu dans cette direction. Peut-être y a-t-il un bateau qui approche… ? Ou bien une terre moins éloignée que ce que nous pouvons croire. Je te rejoins bientôt, ne t’inquiète pas. Tu sais que je te retrouverai quoi qu’il advienne. Je ne m’éloignerai pas trop. »
Je jetai un regard à mon mari. Il inclina légèrement la tête et me fit signe. Alors, je plongeai dans l’eau glacée.

Le froid, la chaleur, sont des impressions très relatives lorsqu’on est un vampire. On en a conscience, avec une très grande précision même, mais l’on n’en souffre pas.
Un bon moment, je nageai sous l’eau, éprouvant immédiatement la délicieuse sensation que me procurait le fait de me trouver immergée dans ce liquide originel et quasiment maternel pour nous. Puis je décidai de plonger plus profondément, vers les abîmes marins, par plaisir de me sentir à nouveau libre, et en sécurité, dans mon élément familier.

Je descendis très profondément.

Avec la luminosité, déjà faible en surface, il ne fallut pas longtemps pour que l’obscurité totale m’entoure. Mais j’avais toujours la notion des directions, je savais par où descendre et vers où remonter.

Je m’enfonçai encore.

Bientôt, la lueur apparut. Celle que j’attendais. Elle provenait bien de moi. Mon propre corps s’était mis à irradier doucement. Peu à peu, le halo se changea en lumière plus vive et je me rendis compte que j’y voyais, désormais, parfaitement. C’était une sensation merveilleuse. Un moment, je jouai dans les courants, puis me décidai à remonter en surface, tandis que le scintillement de ma peau déclinait. A mon grand bonheur, je découvris, devant mes yeux émerveillés, la silhouette énorme et douce d’une baleine. Je m’approchai, le plus discrètement et le plus tranquillement que je pus. Je pouvais presque la toucher… Je tendis la main. Le cétacé ondula. Imposant et magique comme une montagne flottante. Je m’accrochai à sa queue.
Ainsi attachées, nous glissâmes quelques instants. Instants de joie indicible, que le hasard venait de placer sur ma route. Et éphémères… La baleine rejoignait ses congénères, groupe muet de colosses aux formes douces.
Je la laissai s’en aller.
Je devais moi-même atteindre mon but.

Lorsque je me retrouvai presque à l’air libre, le martèlement de mes entrailles reprit de plus belle, et si fortement, qu’il me secouait presque. Que m’arrivait-il ? J’émergeai. Sous un ciel d’un bleu profond, la mer agitait ses vagues d’un gris sombre. Elles me ballottaient. Mais je ne craignais pas les flots, même les plus déchaînés.
Soudain, mon corps entier se mit à vibrer. Je pouvais sentir, sous ma peau, le remous d’une énergie dont je ne comprenais pas l’origine. Je vibrais des pieds aux cheveux. Loin d’être désagréable, la sensation avait plutôt quelque chose d’étourdissant. Je me sentais entièrement électrisée. Et sans doute l’étais-je réellement !
A la base de ma colonne vertébrale, un poids plus oppressant apparut. Je me sentais lourde tout à coup, j’aurais pu disparaître entre les vagues, couler à pic pour de bon. Jamais, depuis que j’étais devenue vampire, je n’avais eu cette impression que mon corps pouvait être véritablement fait de pierre ou de plomb. Le poids augmentait, j’étais toujours à la surface des vagues cependant, mais il me semblait qu’elles ne me déplaçaient plus. La mer avait beau s’agiter autour de moi, je restais à la même place, comme si une ancre solide, jetée profondément à travers les flots, m’avait retenue. Puis la tension bougea. Elle grimpa le long de mes vertèbres, lentement, à la manière d’un reptile tranquille. Alors je sentis l’axe. L’axe qui me reliait à la terre, et au ciel. L’axe qui passait par moi, au travers de moi-même. Mon axe. Et celui que j’étais. En un éclair fulgurant, mon esprit se libéra.

Je vis mon bouclier.

Je le vis réellement ! Et non plus seulement, comme cela avait été le cas jusqu’alors, dans ma pensée ou à travers mon ressenti. Il s’ouvrait, s’étendait au-dessus de moi-même en un flot continu. Il était une sorte de dôme iridescent dont la surface ondulait dans le ciel d’encre. Une extension, qui projetait loin, au-delà de ma vue, une nouvelle bulle translucide, ramenait sur sa surface un unique point lumineux qui brillait, une petite flamme, semblable à un astre rouge. En transparence, les constellations m’apparaissaient, comme autant de symboles dont le sens ne m’aurait pas été tout à fait inconnu. Elles racontaient beaucoup d’histoires… des histoires passées et à venir. Des histoires à jamais recommencées.
Mon bouclier laissait apparaître le firmament à mes yeux, car il était, pour moi, comme un cristal limpide, mais il était invisible, à tous, puisqu’il reflétait ce qui l’entourait : l’océan au-dessous, la voûte étoilée et bleue au-dessus, exactement à la manière d’un miroir. C’était très exactement cela : un miroir à double face. Mon bouclier était un miroir fait d’un étrange matériau, le miroir de moi-même, de mon être, de mon esprit !, que j’avais la capacité de projeter à l’extérieur de moi, comme une membrane immatérielle. Il était mon essence, mon être profond, qui se reflétait à l’extérieur de moi à la manière des images d’un mirage sur la chaleur de l’air. Voilà pourtant les pouvoirs psychiques des autres vampires ne pouvaient m’atteindre. Ils étaient réverbérés sur lui comme sur une surface réfléchissante. Ce bouclier fantastique était fait de ma propre énergie, mon énergie vitale, physique et spirituelle, que ma transformation avait démultipliée. A présent que j’étais devenu un être dont l’esprit devait avoir définitivement fusionné avec le corps surnaturel, comme nous l’avait expliqué Kaly, il était maintenant plus puissant, plus solide et sensible que jamais. Il devenait aussi poreux, en certaines occasions seulement, lorsque j’éprouvais le sentiment particulier qui ouvrait en lui une porte… comme si mon intelligence avait la capacité de circuler sur l’étendue de mon bouclier, et d’y opérer des choix, d’y ouvrir des passages, le rendant perméable, au pouvoir d’Edward seulement, parce qu’il était en accord, en harmonie, avec mon être profond.
Nous devions réellement être des âmes-sœurs... !

Et s’il était le miroir de moi-même, mon bouclier était également celui du monde, visible ou invisible, et c’était pour cela que j’avais eu, et que j’avais toujours, cette étrange capacité à sentir la vie, à prévoir, ou plutôt à savoir, de manière quasi spontanée, les chemins que devaient prendre les êtres et les choses. Cette membrane impalpable captait les signaux, les messages secrets du monde qui m’entourait. Et le monde, la vie, parlaient -chantaient, comme le sang- continuellement, pour ceux qui pouvaient les entendre ou qui voulaient bien les écouter. Ce qu’ils me racontaient, je l’avais d’abord su à travers mes rêves, car ils permettaient à mon esprit d’humaine de ressentir plus librement leur influence mais, à présent, cette aptitude s’exprimait d’une autre manière. Elle était là, en permanence. En changeant de nature profonde, j’avais changé celle de mon pouvoir. Il n’aurait jamais pu s’exprimer aussi totalement si j’étais restée humaine… et c’était comme s’il lui avait toujours fallu cela, comme s’il l’avait toujours souhaité et attendu. Comme s’il n’y avait jamais eu d’autre issue.
Tout devenait si clair… Plus que jamais ! Mon propre fonctionnement venait de m’apparaître car j’avais atteint un point d’émergence… Et c’était un lieu physique, géographique, car j’étais liée -pour une raison qui échapperait sans doute toujours à mes facultés de compréhension-, profondément, intrinsèquement et par essence, à la terre qui me portait, qui m’avait donné vie et animée.
J’avais été appelée, ici, précisément, et j’y étais venue.
Je savais maintenant, avec une inébranlable assurance, que tout avait un sens. Et que le monde tournait rond. Oui. Je le savais par nature, comme Kaly, elle, l’avait appris d’expérience. Je savais que nos existences à tous avaient une raison d’être. Je sentais…
Une vague, plus violente que les autres, me déporta. Et tout s'assombrit à nouveau. Tout disparut.
Au tréfonds de mes entrailles, de mon être entier, de mon esprit et de mon âme, une conviction demeurait, pourtant... Profonde. Inébranlable.
Je devais retourner auprès d’Edward. Nous devions rentrer chez nous. Il était temps !

Je nageai vers l’Est.

Au bout d’un moment, j’aperçus des îles. Alors, je retournai vers la côte, et vers le point de lumière qui m’y attendait.



Mon mari avait découvert là quelques habitations, et la présence d’êtres humains. Il ne nous restait plus qu’à attendre qu’une embarcation se présente.
Je lui racontai ce qui s’était produit, et la manière toute nouvelle dont je percevais les choses. Je lui fis part des nouvelles questions qui bouillonnaient dans mon esprit… que je brûlais de partager également avec Carlisle -avec Kaly, si seulement je pouvais jamais la revoir !- et auxquelles je devais absolument trouver une réponse.
J’étais étrangement enthousiaste. Presque euphorique.
Edward fut tout à la fois extrêmement surpris et heureux de ce changement.

Quelques jours passèrent.

La blancheur de l’horizon ne faisait que croître, dévorant la nuit, à chaque instant davantage et, soudain, les premiers rayons du soleil apparurent. Et avec lui le matin. Le premier.
Un navire aborda, avec à son bord un équipage de scientifiques qui venaient relever ceux qui étaient demeurés là durant l’hiver polaire. Un hiver qui n’avait pas été, en réalité, autre chose que l’été. Un été à l’envers.
Il nous ramena à son bord, invisibles.

Le bateau fit une courte escale près des îles que j’avais eu l’occasion de repérer : c’étaient les îles Balleny.
Plus tard, nous dépassâmes l’île Macquarie, avant de nous arrêter, plus longuement, non loin des îles Auckland. Nous remontions vers la Nouvelle-Zélande.

Avant de l’atteindre, un phénomène lumineux captiva l’attention de tout l’équipage. Le soleil, très bas sur l’horizon, avait pris une apparence particulièrement insolite. Il s’était démultiplié. Il n’y avait plus un, mais trois soleils à l’horizon ! Il s’agissait, pour le coup, d’une illusion d’optique. J’entendis que ce phénomène singulier s’appelait un parhélie, et qu’il était aussi surnommé « chien du soleil ».
Ce spectacle nous frappa, Edward et moi, par l’impression invraisemblable qu’il procurait : nous avions soudain le sentiment de nous trouver sur une autre planète, à des années-lumière de notre système solaire, comme on peut l’imaginer dans les films ou les romans de science-fiction.
L'idée m’amusa et me réjouit encore davantage. Au fond de moi, je voulus y voir une sorte de signe, à la manière des anciens… J’allais retrouver les miens, et il y avait de l’espoir pour nous. Nous vivrions ensemble, et heureux, autant que nous le pourrions. Pour le temps que nous aurions à passer ensemble.
Une petite voix contradictoire tentait de me raisonner en me répétant qu’il ne s’agissait que d’une illusion, mais je choisis de l’ignorer et elle se tut.
Mon être était plein, gonflé. De désirs, de certitudes et de mystères… qu’il me restait encore à découvrir, je le sentais, qui palpitaient en moi et me poussaient, me rendaient forte et vivante. Plus vivante que je ne l’avais jamais été. Pourquoi ma volonté ne pourrait-elle pas, désormais, l’emporter sur tout ?

A Wellington, je voulus téléphoner aux Cullen, tandis qu’Edward prenait les billets qui nous ramèneraient directement chez nous. Chez nous ! Enfin !
Je trépignais.
Nous aurions tant à leur raconter lorsque nous les retrouverions. J’aurais tant à dire et à demander à Carlisle, à tous… ! Je voulais annoncer notre retour, rassurer notre famille, leur apprendre le choix que nous avions fait.
Si Alice ne savait pas tout déjà…
Et justement, ce fut elle qui décrocha.
« Oh, Alice !... »
L’émotion me submergea. Sa voix. Rigoureusement la même -en plus enfantine, plus espiègle et vive encore !- que dans mon souvenir. Mais j’avais l’impression de ne l’avoir quittée que quelques jours auparavant. Quelques jours… et des siècles.
« Bella ! Je suis si… oh, Bella ! »
Elle était émue. Quelques secondes de silence passèrent.
« Nous nous sommes tellement inquiétés ! Mais je savais que vous reviendriez. Je vous ai vus revenir ! Je ne savais simplement pas quand…
_ Tu es incorrigible ! »
Je plaisantais. Mais Alice, à l’autre bout du fil, ne s’en amusa pas.
Moi qui m’attendais à son rire… qui espérais tant l’entendre ! Venant d’elle, qui était d’ordinaire si spontanée, il y avait de quoi être surpris.
Cette attitude m’alarma immédiatement.
« Alice… tout va bien ? »
Elle ne répondait pas. Je compris qu’elle réfléchissait. Elle cherchait ses mots. Elle se demandait comment il valait mieux s’y prendre…
Tout cela, je le compris, instantanément.
Il y avait quelque chose… quelque chose de difficile à annoncer, peut-être, et Alice ne savait pas quelle était la meilleure manière de le faire.
Elle avait sans doute prévu mon attitude, dans sa vision, et elle voulait trouver le meilleur moyen d’éviter une réaction trop violente de ma part. Pensait-elle que j’aurais des difficultés à me contrôler ? J’en aurais, très certainement. Selon ce qu’elle avait à m’apprendre…
« Alice ? »
Déjà, j’avais presque crié.
« Ecoute, Bella… est-ce que vous comptez rentrer bientôt ? »
Elle avait pris un ton plus anodin, qui me stupéfia et m’accabla d’angoisse.
Il y avait quelque chose de tellement artificiel dans sa question ! Ce n’était pas l’Alice que je connaissais. Trouvait-elle préférable de me cacher la vérité jusqu’à notre retour ? Comment avait-elle pu faire un choix pareil ?
Je sentais bien, au plus profond de moi-même, qu’il s’était produit en notre absence un événement grave… Et je l’ignorais ! Je n’avais pas été là ! Quelle horreur, encore ? Quelle peine nous attendrait à notre retour ? Les Volturi étaient-ils revenus ? Que devions-nous craindre ?
Cela ne cesserait donc jamais…
« Alice, articulai-je le plus clairement et le plus fermement que je pus alors que j’entendais le combiné craquer sous mes doigts, est-ce que tu peux parler ? Il faut que tu me dises ce qui se passe ! Nous nous apprêtions à revenir. Est-ce qu’il y a un danger ? Alice… dis quelque chose, je t’en prie ! Sinon… je ne vais jamais revenir à Forks, tu m’entends bien ? Ou… je n’y reviendrai pas avec toute ma raison en tout cas ! »
Encore un silence. Je n’y tenais plus. J’allais raccrocher.
Si je ne pouvais pas la contraindre à parler, alors autant ne pas insister davantage.
« Il faut que tu reviennes, au contraire, Bella, gémit presque Alice que mes paroles avaient troublée profondément, il faut absolument que vous reveniez tous les deux ! Ça fait si longtemps que nous vous attendons… ! Mais je ne veux pas que tu t’affoles avant d’être là…
_ Alice ! »
Ce coup-ci, j’avais hurlé.
Alice comprit qu’il lui fallait continuer. Elle ne pouvait plus rien éviter.
« Bella… tes enfants… »
Je fermai les yeux. Oh, non ! Que pouvait-il y avoir de pire !
Mon corps et mon esprit se vidèrent de leur substance, tandis qu’Alice continuait pourtant, de plus en plus paniquée.
« Il est arrivé… quelque chose… à tes enfants… et… »
C’en était trop.
Laissant glisser le combiné de mon oreille, comme hypnotisée, je m’apprêtai à raccrocher.
Je n’aurais pas dû insister. Je ne voulais pas apprendre une pareille nouvelle par téléphone. Je préférais ne plus rien entendre du tout.
La voix d’Alice, métallique et irréelle, s’éloignait.
« S’il te plaît, Bella, non !... Ne… »
Mais mon esprit, violemment heurté, presque mutilé, s’était complètement fermé.
Je n’entendais plus, ne voyais plus. Je ne pensais plus à rien.

Quand Edward me rejoignit, je n’avais pas bougé de la cabine. Quelques personnes attendaient peut-être, mais mon air devait les dissuader de se manifester.
« Que se passe-t-il ? »
Je levai les yeux sur lui. Il était bien réel. Est-ce que le monde continuerait d’être réel pour moi, après ça ? J’espérais que non.
« Nous y allons, tout de suite », lâchai-je.
Ce n’était pas une question. C’était une obligation. Je m’éloignai.
« L’avion ne part que dans une heure, Bella. Mais vas-tu me dire… ?
_ Alors j’irai par mes propres moyens. »
Edward me suivait. Il savait que je ne plaisantais pas.
« Il y a un océan à traverser tout de même… »
Je perçus une pointe d’anxiété dans sa voix.
« Et alors ? Tu crois que je n’en serai pas capable ? »
Je me retournai vers lui. Son regard de miel m’enveloppa. Je le soutins un moment.
J’aurais préféré m’évanouir. Si seulement je le pouvais encore ! Mais cela -cette fuite, cet oubli salvateur- ne serait jamais plus pour moi. Je resterais en pleine conscience, toujours. Toujours…
Je me sentais trahie. Trahie par moi-même. Comment avais-je pu me tromper à ce point ? J’avais été tellement sûre… tellement exaltée. C’était impossible !
« Oh, mon Dieu, Edward… !, m’écriai-je en me jetant dans ses bras, au comble du désespoir. Il est arrivé quelque chose à nos enfants ! »





Chapitre 22 : Au-dessus des nuages/ Over the clouds

Les nuages étalaient en dessous de nous leur mer immense et immobile. Une mer de coton, douce et pâle, aux reflets nacrés de perle.
La clarté argentée de la lune, pleine, énorme, presque bleue, faisait de temps à autre scintiller la surface de cette étendue vaporeuse, aux formes moelleuses et fantastiques. Tout était gris et bleu, dans la lumière, violet dans l’ombre. Nous filions dans la nuit silencieuse. Je ne pouvais détacher mes yeux de cette mer de nuages. Mon esprit était comme sourd. J’étais hors de moi-même, hors de l’appareil qui nous transportait, perdue quelque part. J’étais un souffle d’air glissant sur les formes impalpables de la nuit.
Je n’étais plus rien.
J’avais éteint toute pensée.
C’était la manière qu’avait trouvée mon esprit pour tolérer cette attente insupportable qui m’était imposée. Il avait coupé court à la douleur, à l’angoisse, au délire qui auraient pu me prendre. Il avait résolu de se taire, et de s’oublier, afin que passe le temps, simplement.



Avant que notre avion ne décolle enfin, Edward et moi étions restés aussi muets l’un que l’autre. Nous tenant par la main, fermement, nos regards rivés dans la même direction. Il était inutile de parler, inutile de réfléchir. Comme je l’avais moi-même décidé, mon mari n’avait pas jugé décent de chercher à rappeler Alice, ou qui que ce fût à Forks. Nous rentrions. Nous saurions. Questionner, découvrir, et avoir connaissance à l’avance de ce qui nous attendait réellement là-bas n’avait pas de sens. Et peut-être ne serions-nous jamais rentrés, d’ailleurs…
Sans doute avait-il rapidement analysé les choses et, avec la sensibilité et l’intelligence qui le caractérisent, les avait-il immédiatement comprises. Si un malheur était arrivé à notre famille, il ne m’aurait jamais ramenée chez nous. Il le savait. Comme je savais qu’il n’aurait jamais, lui-même, revu les siens. Il nous restait ce dernier chemin à faire, cette dernière route, totalement inconnue alors qu’elle aurait dû être la plus familière. Et nous la ferions ensemble, cette route du retour…
Nous étions ensuite montés dans l’appareil, comme des automates, comme des fantômes. Si pâles, si étranges que personne n’avait vraiment osé nous dévisager. Sans autres bagages que nos petits sacs, habillés de nos vêtements usés, et pourtant si particuliers et fascinants… nous avions dû donner un bien insolite spectacle ! Mais nous nous étions peu souciés qu’on puisse soupçonner en nous une inquiétante différence de nature, alors. Nous étions coupés du monde des humains autant qu’on peut l’être lorsqu’on n’en fait déjà plus partie depuis bien longtemps, et personne ne parut nous remarquer ni s’intéresser spécialement à nous. Seule, une petite fille avait longuement gardé ses yeux de jade fixés sur moi.
Quand j’avais levé les miens, elle m’avait souri, avec toute l’innocence et la sympathie innées que peut témoigner un très jeune enfant. J’avais essayé, malgré moi, de lui rendre son sourire, mais celui qui avait dû se peindre sur mon visage devait être bien triste, car la petite fille avait soudain pris une mine apitoyée et avait penché son front vers le bras de sa mère comme pour y chercher le réconfort et la tendresse dont je lui paraissais manquer.
La nuit était venue, les passagers s’étaient endormis, et mon être s’était transporté hors de moi, à travers le petit hublot arrondi. Edward tenait toujours ma main.
Des heures durant, des siècles, une éternité… dans ma poitrine vide, dans mon âme absente, l’obscurité s’était répandue. Et le silence.
Il y avait quelque chose de si doux dans ce silence, dans cette absence. Quelque chose de presque réconfortant. Une irréalité. Comme celle d’un rêve. Comment était-ce possible ? Avais-je perdu toute raison ? Est-ce que je rêvais ? Moi qui ne rêvais plus…
Et, comme cela s’était déjà produit quelques fois, le temps se mit à glisser soudain.
Les couleurs se modifièrent, la lune s’effaça.
De l’argent léger, la lumière vira à l’or vif. Elle se déversa comme une poudre incandescente sur le moutonnement des nuages, et tout s’incendia. Les rayons de feu d’un énorme soleil pourpre, vibrant et ondulant dans l’air calme, se déversèrent depuis l’horizon. Ils frappèrent mes pupilles, qui se rétractèrent, sans douleur, mais le souvenir, encore ancré en moi, de ce que j’aurais dû ressentir, me ramena à moi-même. Il faisait jour. Déjà. La lumière caressait mon visage, elle était tendre et tiède, bonne, presque parfumée. Comme une poudre aux légères notes d’iris ou de lait. Je fermai les yeux une seconde. Quand je les rouvris, je constatai que la peau de ma main, posée sur ma cuisse, scintillait faiblement.
Alors je me renfonçai dans mon siège et, baissant le volet du hublot, me retournai vers Edward.

Il me regardait.
Où es-tu, Bella ?
Sa pensée m’appelait.
Je suis là. J’étais loin… J’étais… bien.
Edward fronça presque imperceptiblement les sourcils. Mon aveu l’avait surpris.
C’est incroyable, n’est-ce pas ? Je suis peut-être en train de devenir folle. Pour de bon.
Il passa un bras autour de mes épaules, m’attira contre lui.
Je sais que tu as peur. J’ai peur moi aussi.
Il avait raison. Mais… il y avait autre chose aussi. Quelque chose qui ne me quittait plus depuis que je m’étais retrouvée, en pleine mer, là-bas, flottant à la crête des vagues glacées… Une certitude. Aberrante. Elle ne s’était pas éteinte, depuis. Malgré ce que je redoutais, en dépit de ce que nous venions d’apprendre… et même si nous avions encore trop de choses affreuses à découvrir… Elle était là. Elle… et tant d’autres encore !
Que veux-tu dire ?
Comment expliquer cela ? Il ne devait sans doute s’agir que d’une réaction inconsciente, une manière de me protéger et d’éloigner l’angoisse en la niant. En la remplaçant par tout autre chose… je ne connaissais pas encore tout ce dont la nature vampirique était capable ! Mais cela ne pouvait être que cela… que si peu
J’ai le sentiment, Edward, aussi bizarre qu’il puisse paraître, que cela ne peut pas être aussi mauvais que je le crains. Et pourtant, ma raison me crie, me hurle le contraire. Elle me conjure de ne pas me bercer d’illusions ! Mais… j’ai compris… j’ai senti tant de choses… là-bas… quand j’ai vu mon bouclier… Il m’est apparu que tout était lié, que les choses n’étaient pas vaines… qu’il y avait…. une structure, une raison, une volonté… je ne sais pas comment dire. Et que je pouvais presque la percevoir. Tout me semblait si clair ! Exactement comme lorsque Kaly m’avait permis d’aller parler à l’esprit de… de Jake. La vérité était là, toute proche…
Les prunelles d’or de mon époux sondaient les miennes.
Si tu le sens, Bella, ce n’est peut-être pas un hasard…
Je savais qu’il voulait avoir foi en moi, et qu’il me soutenait. Comme il l’avait toujours fait. Mais il ne voulait pas non plus que je puisse le lui reprocher ensuite… s’il s’avérait que je me trompais.
Il s’est produit quelque chose… que je ne saurais expliquer. Mais j’ai l’impression que tout se démêle… que tout a toujours été évident, sans que je sois jamais capable de le voir. Par exemple…
Je voulus prendre quelques secondes pour réfléchir. Rassembler les idées qui avaient jailli en moi, nombreuses, tellement que je les avais simplement senti fuser sans pouvoir les appréhender entièrement, lorsque je m’étais enfin retrouvée face à ce que j’étais… face à ce moi-même projeté en miroir sur le firmament polaire. Edward inclina légèrement la tête, il m’écoutait.
Par exemple… tout s’est imbriqué… comme si on avait soudain levé un voile. J’ai repensé à mes rêves. Ceux que j’avais pu faire, il y a longtemps, dont j’avais parlé avec Carlisle. Ils étaient tellement exacts, en fait ! Ils me disaient tout, me montraient tout ! Comme si la vie, l’existence-même, le monde… savaient.
Edward acquiesça.
Tu es capable de capter cela, Bella. C’est ce que mon père avait supposé.
Effectivement, Carlisle avait immédiatement émis cette hypothèse.
Mais nous nous sommes trompés, Edward. Nous nous sommes trompés tous les deux concernant le sens de ce que j’avais pu voir et éprouver. J’avais eu la vision claire de l’endroit où se trouvait Leah… de ma robe de mariée… je savais même que je serais enceinte ! Et jusqu’à ces images que l’enfant a projetées dans mon esprit avant de s’éteindre !... J’avais aussi vu Jane et Giacomo, Edward. Et j’avais vu la mort de Jacob ! Tu te rends compte ? Mais cela, c’était tellement plus confus… pour la seule raison que je ne voulais pas me l’avouer ! Et tout s’est pourtant passé exactement comme je l’avais pressenti.
Edward resserra ses doigts autour des miens.
Tu ne pouvais pas savoir, Bella. Tu le dis toi-même : ce n’était pas à ta portée.
Il avait raison. Mais je ne cesserais sans doute jamais de me reprocher de ne pas avoir su comprendre… j’étais tellement… inconsciente, tellement limitée, alors.
Mes rêves devenaient pourtant de moins en moins confus, avec le temps. J’y ai aussi croisé le regard de Kaly, l’île, et… bien avant, ils m’avaient annoncé ce que j’allais devenir. J’en suis sûre aujourd’hui. Cette grossesse étrange et monstrueuse que j’avais vécue dans mon premier rêve, cet enfant qui grandissait si rapidement… c’était tout simplement de moi-même qu’il s’agissait. J’ai évolué si vite, grâce au sang de Kaly ! J’ai été une sorte d’hybride pendant un moment… Et, sachant ce que j’allais devenir, je m’inquiétais aussi pour mon enfant, pour nos enfants… Je les voulais immortels, peut-être, différents, forts… Ils le sont. Ils le sont. Et cette petite fille qui était liée à Jake… c’était bien moi. C’était la part de moi qui était pour lui. Celle que je lui ai donnée et qui ne m’appartient plus. Qui a disparu avec lui.
Mon mari me sourit. Oh, comme je l’aimais ! Qui d’autre aurait jamais pu aussi bien me comprendre, avec autant de tendresse et de bienveillance ? Avec qui d’autre aurais-je pu partager ainsi mon être, dans sa plus entière vérité ?
Pendant un moment, j’avais vécu dans la peau de Jake, tu sais… Je l’avais vu errer, perdu. Je voyais à travers les yeux de l’animal qu’il était, je pensais comme lui, jusqu’à ressentir ce qu’un Transformateur peut éprouver lorsqu’il s’imprègne… Eh bien, tout cela aussi, je l’ai ressenti. L’animalité brute, quand je suis devenue vampire. Et puis, plus tard, le désir impérieux de protéger cet enfant qui m’a appelée, alors que nous étions prisonniers d’Anyota… La nécessité de tout lui donner, jusqu’à me perdre, jusqu’à la mort… jusqu’à me détacher de moi-même et de tout ce qui avait jusqu’alors fait mon monde. Et c’est ce qu’il s’est passé, Edward. J’ai changé d’univers…
Mon compagnon avait fermé les yeux. Il suivait ma pensée avec beaucoup d’attention, et il comprenait que ce que j’expliquais sonnait juste. Un sentiment de confiance profonde émanait de son être, sous-tendu par une certaine exaltation, telles que je pouvais moi-même les ressentir, face à ce que mon don me permettait de comprendre, et à l’idée de ce qu’il me permettrait peut-être de découvrir ou d’accomplir à l’avenir. Mes idées se bousculaient à présent, il y avait tant d’événements qu’il me semblait pouvoir élucider, tant de sensations, revenues du passé, qui avaient eu une signification, qui m’avaient raconté des choses alors incomprises de moi !
Et ce n’est pas tout, Edward… ce sentiment que j’ai pu éprouver, si violemment, à plusieurs reprises, cette conviction qu’il y avait un enfant, un être, ou plusieurs… à protéger… il me semble vraiment que ce n’est pas fini et que…
Je fus soudain interrompue par l’annonce, faite depuis la cabine de pilotage, de notre prochain atterrissage à Seattle. Cette nouvelle me fit l’effet d’un coup de fouet. Le monde redevenait concret. Réel, si réel ! Mes pensées repartirent se perdre, quelque part au fond de moi. Il me fallait me préparer à faire face. Face… à tout ce qui nous attendait, là, tout près. A Forks. Chez nous.

Dès que nous eûmes quitté l’appareil, je fus frappée de la familiarité, doublée d’une radicale étrangeté -car tout n’était plus vraiment pareil- qui m’entourait. Familiarité de l’air, de la lumière pâle et humide, des odeurs. Les parfums de la ville et, derrière eux, les effluves marines et celles des forêts, des grandes forêts que je connaissais si bien !
L’été n’était pas tout à fait fini encore, mais l’on pressentait déjà l’approche de l’automne. Nous étions en septembre. Le 18 septembre, très exactement, comme j’avais pu m’en rendre compte lorsque nous avions rejoint la civilisation, la veille, à l’aéroport de Wellington. Cela faisait donc un peu plus de trois ans… Trois ans déjà ? Trois ans qu’Edward et moi nous étions mariés. Et pourtant, que cela était dérisoire, trois années ! Ce moment de notre existence m’apparaissait comme d’un autre âge, d’un autre siècle. C’était une autre vie. Oh, oui ! Une autre vie, très certainement.
Bouleversés comme nous l’étions, nous n’avions même pas songé à l’évoquer, cet anniversaire. Ni même le mien. A quoi cela rimait-il à présent, de toute manière ? Et puis il est des moments où l’idée-même de la célébration perd son sens. Nous avions perdu la notion du temps, nous n’étions plus assez humains, nous avions vécu en dehors de toute société pendant trop longtemps pour songer à nous souvenir de cela… et nos préoccupations nous avaient de surcroît ravi toute mémoire.



Il faisait une petite pluie fine, une bruine, qui brouillait l’horizon blanc et gris. L’atmosphère était lourde. Au contact de cette eau légère, fraîche et métallique, tout mon corps -et mon esprit avec lui- se tendait, se contractait, vibrait. A la fois dense et fébrile. Comme prêt à entrer en ébullition. Il fallait… il fallait…
Nous n’avions plus un instant à perdre.
Les moyens de transports ordinaires ne nous étaient plus d’aucune utilité pour le moment. Nous sortîmes rapidement de la ville, puis nous nous mîmes à courir, invisibles à tous malgré l’affluence, en direction du nord. Le plus rapide, pour nous, était de nous rendre d’abord à Edmonds, où nous pourrions prendre le ferry qui nous conduirait (même s’il nous faudrait alors patienter une bonne trentaine de minutes à son bord), jusqu’à Kingston. De là, nous emprunterions le pont flottant du canal Hood, puis nous rejoindrions Forks, en coupant directement à travers la forêt d’Olympic, enfin libres d’aller à notre rythme.
La course nous permettait également de nous focaliser au maximum sur notre but unique : atteindre notre destination le plus rapidement possible. Elle nous obligerait à garder une certaine vigilance, nous évitant, dans une certaine mesure, de céder totalement à l’angoisse qui nous vrillait le corps et l’âme.
En effet, la traversée du Puget Sound fut particulièrement pénible. Plusieurs fois, je me demandai s’il ne nous aurait pas mieux valu la faire par nos propres moyens et, quand nous débarquâmes enfin, je me rendis compte que je n’y tenais réellement plus. Ma vitesse était encore bien supérieure à celle qu’Edward pouvait atteindre, et je m’efforçais, malgré tout, de ne pas le distancer. Une fois dans les bois, nous n’eûmes plus à nous soucier d’éviter la circulation et les êtres humains qui s’étaient jusqu’alors trouvés partout sur notre route. Notre sens de l’orientation, inhérent à notre nature vampirique, nous guidait plus sûrement que la plus précise des boussoles. Je savais très exactement dans quelle direction me rendre. Plein Ouest. Puis, très légèrement, au Nord.
Au fur et à mesure que nous nous rapprochions de la façade occidentale, je percevais d’ailleurs, dans cette forêt, de plus en plus nettement, et peut-être parce que je l’avais recherchée et m’y montrais attentive, la présence lointaine des Transformateurs quileutes. L’odeur, très particulière -assez semblable, par certains aspects, à celle des ailuranthropes africains que nous avions côtoyés, mais également plus boisée, musquée, et certainement moins suave- s’intensifiait progressivement. Une odeur… de loup… surnaturelle. Elle semblait vouloir me maintenir à distance. Elle m’avertissait, de très loin déjà. Puis ce ne fut plus une mais des odeurs. Je les captais, puis elles disparaissaient, et parfois même je détectais leurs particularités, selon qu’elles appartenaient à des individus différents, qui s’étaient aventurés, çà et là, il n’y avait pas bien longtemps.
Finalement, la forêt s’éclaircit autour de nous.
Alors, je sus que nous étions parvenus au terme de notre voyage.

Une route apparut devant nous, que je reconnus instantanément. Dès lors, je filai sans plus attendre en direction de la villa des Cullen.
Quand sa silhouette blanche se découpa soudain entre les arbres, j’eus un ultime sursaut d’appréhension et de détresse. Mais rien ne pouvait plus m’arrêter désormais. Je ne marquai qu’une courte pose sur le perron et ma main se posa sur la poignée alors qu’Edward apparaissait, à ma droite, encore tout au bout du chemin.
Je pénétrai à l’intérieur. Comme tout était resté si… semblable ! Malgré quelques petits changements que je remarquai immédiatement. Tout était demeuré… là. Si rassurant, calme et presque trop réel.
Je remarquai qu’une présence se rapprochait de moi, descendant l’escalier. Cette présence avait aussi dû sentir que j’étais là. Elle hésitait. Alors, je demandai :
« Il y a quelqu’un ? C’est… moi. Bella. »
En un éclair, Alice fut près de moi. Elle me serrait déjà contre elle. Si soudainement, que j’aurais pu réagir avec surprise et plus vivement. Mais elle ne s’en était pas souciée -ou bien me faisait-elle entièrement confiance ?-, et puis c’était Alice… je l’avais reconnue. Alice…
Jamais je n’avais autant eu l’impression qu’elle n’était qu’une enfant. Si petite, si fragile. Et elle sentait incroyablement bon. Un parfum sucré de réglisse, d’ambre… légèrement citronné.
« Oh, Bella… Bella… que je suis heureuse ! »
Edward était là, lui aussi. D’abord immobile dans l’encadrement de la porte ouverte, il fit ensuite quelques pas vers sa sœur. Elle se détacha alors de moi et ouvrit les bras pour l’accueillir.
Ces marques d’affection, cette attitude fraternelle, amicale, familiale, dont j’avais si longtemps été privée, me bouleversèrent plus que ce à quoi j’aurais pu m’attendre. L’émotion me submergea, et je fus emportée, sans plus pouvoir rien y faire.
« Alice !, explosai-je d’un coup. Mes enfants ! Dis-moi ce qu’il est arrivé à mes enfants ! »
Se retournant instantanément vers moi, mon amie s’empressa de répondre sur un ton subitement très différent. Il me sembla qu’il traduisait un certain affolement.
« Oh ! Bella… calme-toi. Il n’y a pas… tout va… J’avais vu que cela se passerait comme ça ! Je ne savais pas comment… »
Le regard d’Edward était posé sur sa sœur. Il la dévisageait, presque… Etait-il inquiet ? Il lisait ses pensées ! Je devais parvenir à comprendre. Je devais rappeler le sentiment qui me connectait à mon mari… Je savais le faire… Je…
A travers l’esprit d’Edward, par bribes (car je n’arrivais plus à dominer tout à fait mes sentiments), les visages de Sarah et Karel m’apparurent. Ils avaient tellement changé ! Je compris qu’ils n’étaient pas dans la maison. D’ailleurs, aucune odeur reconnaissable ne témoignait de leur présence. Où étaient-ils ?... Je vis aussi… une petite chambre, un petit salon… Billy.
« Ils sont à la Push ! », m’écriai-je.
Et déjà, je me ruai à l’extérieur.
« Quoi ? Mais comment ?..., entendis-je Alice s’exclamer. Non, Bella, attends ! Il faut que…
_ Bella ! », appela Edward à son tour.
Mais j’étais déjà partie.
« Préviens Carlisle ! », cria-t-il à l’adresse d’Alice, et ses paroles moururent dans le lointain.
Il dit encore autre chose, mais je n’étais plus en mesure de percevoir le sens de ses propos.

Mes enfants, j’allais revoir mes enfants ! Ils étaient en vie… Mon sentiment ne m’avait donc pas trompée ! L’espoir renaissait dans tout mon être. Et la joie. Ma joie de mère. Cela faisait si longtemps… trop longtemps. Je devais les serrer contre moi, constater à quel point ils avaient grandi, m’assurer que tout allait bien… Ils n’allaient sans doute pas me reconnaître. Il faudrait leur réapprendre. Peut-être se souviendraient-ils ?... Quelque chose de tellement intime les liait à moi ! J’étais leur mère. Ils étaient nés de mon corps, de mon amour… Oui, mon amour me rappellerait à eux. Mon amour me les rendrait. Et je ferais tout…
A la surface de mon bouclier, je sentis alors qu’Edward venait de s’élancer, à ma suite, en direction de la réserve quileute.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !