Et nous voilà glissant doucement vers l'automne...
Afin de rendre cette rentrée plus belle et agréable peut-être, j'ai proposé à Mypianocanta un petit jeu de "correspondance", avec toute la connotation baudelairienne qu'on peut prêter à ce terme,
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
sur le thème qu'elle a récemment choisi d'exploiter et qui me tient particulièrement à coeur (titre de ce blog oblige !) :
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
le Crépuscule.
Lorsque je l'avais vu, ce passage d'Entretien avec un Vampire d'Anne Rice m'avait interpellée. En effet, dans son univers "traditionnel" (entendez : où les vampires sont des créatures auxquelles la vie diurne est désormais INTERDITE -ce dont nous n'avons plus vraiment l'habitude... et c'est dommage, parce qu'on perd en poésie, il me semble) les êtres de la nuit sont privés de lumière, c'est à dire, comme l'explique Louis, de couleurs. Dès lors, quelle vision a-t-on du monde ? Toujours noire, obscure, ténébreuse ? Une existence sans couleur et sans lumière (et sans art ?), n'en est pas une. Le vampirisme est appelé, dans cette saga, le "don ténébreux". Il offre ou condamne à une existence de ténèbres, une vie sans vie. Mais pour autant, la beauté en est-elle absente ?
Bien au contraire. L'adaptation qui a été faite du roman, la magnifique esthétique du réalisateur et son travail sur la lumière -sur les lumières de nuit, plutôt-, permettent de comprendre justement quelle peut-être la beauté de la nuit éternelle. Une beauté tragique et fascinante. D'autant plus que les vampires ne voient pas comme les simples humains. Ils voient mieux. Ils voient plus profondément. Pourtant, certains, comme Louis (et c'est ce qui fait de lui un personnage "différent", un romantique parmi les vampires -ou un "dépressif", selon Lestat ! lol), gardent la nostalgie de la lumière... au point de vouloir mettre fin à leur existence monstrueuse parfois. Parce que toute cette beauté est faite de manque, de nostalgie, de souvenir et d'attente vaine d'un jour qui ne viendra jamais plus.
Claudia, elle, dessine... Elle ne grandira jamais, c'est son drame. Mais elle ne vieillira non plus jamais. Elle représente des paysages noirs. Très noirs. On peut les trouver morbides. Ils sont beaux, pourtant.
Cette beauté certaine de l'instant nocturne, ou du passage vers lui, des peintres ont également voulu la donner à voir, des compositeurs à ressentir, des poètes l'ont chantée. La série d'articles, que je me propose d'écrire, peu à peu, me donnera l'occasion de présenter quelques-unes de leurs oeuvres.
Pendant ma lecture du premier article de My, que vous trouverez ici (et qui rend hommage à Baudelaire, Debussy, Whistler et Monet), des images et des musiques me sont revenues à l'esprit, des souvenirs, des rêveries, des mots... quel bonheur !
En voilà donc, en retour, quelques autres, qui évoquent plus particulièrement pour moi la mélancolie de l'été qui finit.
En noir et or.
Pour nous bercer tendrement, commençons par la mélodie d'un compositeur brésilien :
"Aria Cantilena", extrait de la 5e des Bachianas Brasileiras de Heitor Villa-Lobos, interprété par Amal Brahim Djelloul (soprano) Gautier Capuçon (violoncelle). Orchestre Du Violon Sur Le Sable (Les films Jack Febus).
Cette interprétation a l'avantage de montrer une chanteuse en représentation, ce qui est toujours plus authentique, mais on pourra également apprécier cette autre très belle version, par Anna Moffo, à la voix plus ronde et chaude.
Dans nos yeux, imprimons les images de quelques feux d'artifices :
Nocturne in Black and Gold : The Falling Rocket/ Nocturne en Noir et Or : La Fusée qui retombe de Whistler, 1874.
source
L'oeuvre ci-dessus fait partie des "scandales célèbres" de la peinture : En 1878 Whistler poursuit en justice pour diffamation le critique John Ruskin après que celui-ci a condamné sa peinture le Nocturne in Black and Gold : The Falling Rocket (1874). Au procès, l'avocat de John Ruskin, croise Whistler, et lui dit : « Combien de temps vous a-t-il fallu pour peindre Nocturne in Black and Gold ? », « Une demi-journée », répondit Whistler, « Ainsi », continue l'avocat, « vous facturez deux cents guinées le travail d'une demi-journée ? », « Non, pour l'expérience d'une vie ! » répondit Whistler. Whistler eut une indemnisation symbolique, mais le procès lui avait coûté mille livres, plus les dépenses.
Nocturne, Black and Gold, The Fire Wheel/ Nocturne, Noir et Or, La Roue de Feu, 1875.
source
Pour finir, un texte à lire et à dire, qui évoque la nature, l'amour, la douleur... et la paix de l'esprit. Il s'agit simplement d'une interprétation -plus que d'une traduction- du poème (originellement en portugais) chanté au centre du morceau d'Heitor Villa-Lobos.
A l'horizon lointain
Un nuage dans la lumière
Nonchalamment étire sa transparence !
Le soir descend
Paisible parmi les roses
Et la lune bientôt va briller dans l'espace.
Au firmament déjà scintillent les étoiles,
Et la nuit devient douce, mystérieuse.
De ses nocturnes parfums
La terre exhale l'enchantement !
En mon âme troublée une plainte s'élève,
Plainte désemparée de l'amour qui s'achève...
Mais la nuit pitoyable à ma lourde peine,
Apporte l'oubli en son ombre sereine !
A l'horizon lointain
Hélas il n'est plus de lumière,
L'ombre se répand sur la nature entière.
Un nuage dans la lumière
Nonchalamment étire sa transparence !
Le soir descend
Paisible parmi les roses
Et la lune bientôt va briller dans l'espace.
Au firmament déjà scintillent les étoiles,
Et la nuit devient douce, mystérieuse.
De ses nocturnes parfums
La terre exhale l'enchantement !
En mon âme troublée une plainte s'élève,
Plainte désemparée de l'amour qui s'achève...
Mais la nuit pitoyable à ma lourde peine,
Apporte l'oubli en son ombre sereine !
A l'horizon lointain
Hélas il n'est plus de lumière,
L'ombre se répand sur la nature entière.
My a aussi -et déjà- publié trois autres articles (1, 2 et 3) consacrés cette fois au Soleil Couchant. On y retrouve, entre autres, des oeuvres de Monet, Turner, Rachmaninov, John Williams, Baudelaire, J. M. de Hérédia et St Exupéry.
Pour ma part, j'ai l'intention de parcourir l'étendue de ces "Correspondances" jusqu'au coeur de la Nuit, puisque le Crépuscule en ouvre la porte. Alors...
Alohomora ! ^^
Superbe article !!!
RépondreSupprimerCe que tu dis sur le crépuscule est très vrai. Et à une échelle plus humaine (moins vampirique), je retrouve moi aussi un paradoxe dans mon ressenti sur ce moment de la journée. C'est à la fois le moment que je préfère, tout en étant celui où je suis le plus "à fleur de peau". Comme si il s'agissait là des quelques heures de la journée où on se libère, on enlève son armure, et du coup on devient plus sensible.
C'est d'ailleurs surement pour ça que je suis plus créative le soir...
Sinon, dans un autre registre, ça coute cher un Whistler? Je crois que je suis tombée amoureuse de sa peinture...
Je suis tout à fait d'accord avec ton ressenti au sujet du crépuscule, Jacobinette. Je n'ai pas jugé nécessaire de parler de la symbolique du crépuscule dans mon article, parce qu'elle est assez évidente, et qu'il me semble que My l'avait en plus rappelée dans son premier article, mais il est effectivement très clair qu'il s'agit d'un instant de "passage", qui donne un peu l'impression d'être -bizarrement- hors du temps lui-même. Moi aussi, je me sens soudain plus "réceptive", plus éveillée, mais ce n'est peut-être qu'une réaction animale (la nuit, il faut être sur ses gardes), comme cette petite angoisse qu'on éprouve, malgré nous, de voir la lumière disparaître à l'horizon... et si jamais elle ne revenait pas ?
RépondreSupprimerC'est un phénomène étrange. Quand j'étais lycéenne, je regardais souvent les crépuscules, de la fenêtre de ma chambre, qui était au-dessus des toits. On éprouve comme une inquiétude et, en même temps, c'est un spectacle si beau et paisible ! Tout se calme et se tait. Je prenais des photos, je contemplais les jeux de lumière, sa lente décroissance, les dégradés de couleurs -les bleus surtout-, l'apparition des étoiles...
Les deux toiles de Whistler que j'ai utilisées là sont splendides. Et je n'en ai pas fini avec ce peintre ! Dire que la critique l'a lynché quand il les a montrées, en disant que c'était un scandale d'appeler ça de la peinture ! J'ai eu la chance de les voir à l'occasion d'une exposition, mais... je ne crois pas qu'il y en ait encore à la vente de nos jours ! Et si c'est le cas, les musées doivent se les arracher. Si jamais tu en voles une... je viendrai l'admirer chez toi avec plaisir. ^^
D'abord mes plus plates excuses pour le retard mais la semaine de rentrée m'a un peu coupée des blogs : me voici revenue :)
RépondreSupprimerEnsuite un très grand MERCI pour cette idée qui je pense va nous permettre de bien nous amuser... et j'espère de régaler nos lecteurs.
Enfin, quel article ! ces Whistler avec cette musique ce n'est que du bonheur, du frisson très proche justement de cette étrange appréhension et magnifique beauté qu'on trouve au crépuscule.
J'aime beaucoup l'extrait de film que tu a mis et cette expression : "la lumière des ténèbres". Elle me fait penser au "clair-obscur" du Cid et je crois que je vais orienter mes prochaines recherches dans ce sens. Mais avant j'ai l'intention de partir au bout de la nuit... à l'aube (qui va être d'actualité prochainement :D ). J'aurai ainsi ensuite toute liberté pour revenir sur les ténèbres claires ou obscures ;)
En tout cas encore une fois merci pour ce moment de grâce :)
PS : moi aussi je veux un Whistler ^^
Pas de souci, My ! Je m'en doutais un peu... Je suis aussi convaincue que ces "variations dialoguées autour d'un même thème" vont nous permettre de passer de bons moments. Tu as bien raison : la nuit mérite d'être explorée jusqu'à l'aube, j'ai moi aussi quelques idées à ce sujet...
RépondreSupprimerPour l'extrait de film que j'ai choisi, c'était une évidence ! Je n'ai pas cessé d'y penser en écrivant mon article. Par contre, le trouver a été difficile... j'ai dû me débrouiller par mes propres moyens.
Je crois que nous sommes toutes unanimes à propos de Whistler. Il y en aura encore dans mes prochains "posts du Crépuscule". Forcément !
Oh, as-tu remarqué ma subtile transition avec l'article suivant ? Je t'avais un peu parlé de mon intention, alors... lol.
Oui j'avais remarqué le Alohomora, mais je ne savais pas vers où tu allais nous emmener Maintenant je sais ;)
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