samedi 26 septembre 2009

A propos des chapitres 12-13-14-15 : inspiration


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This chapter is the last one of the first part entitled "Destiny". Edward tells Bella he's convinced he did good and he accepts her human love for Jacob who will never be immortal. She understands she's bound to them both and that her relationship with Edward will really begin and last forever when she'll die as a human. She makes another dream that helps her finding Leah who's been mysteriously and severely injured. Bella meets Jonnhy, the man Leah imprinted with. Carlisle helps her understand some elements of her dreams and why she sometimes hears voices. He believes she could have a clairvoyant gift. Bella's also upset because she dreamt about many dreadful things like Jacob's death or breaking up with Edward. Alice declares she has no more visions and Edward wonders why. He's worried about his future with Bella and it causes tension. One morning, at the end of august, Bella realizes she's pregnant.




Le personnage de Leah m'a beaucoup touchée à travers les différents tomes. Sa souffrance d'avoir été abandonnée à cause de la fatale imprégnation de Sam, sa beauté, son caractère farouche et entier en font une personnalité intéressante. Je n'ai pas compris pourquoi elle serait condamnée, contrairement aux "mâles", à la stérilité en plus de la solitude. Certaines fanfictions que j'ai vues sur le net proposaient d'ailleurs une relation entre elle et Jacob. Je lui réserve... autre chose.

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Cette très belle photo me semble traduire tout à fait le sentiment que Bella a dans ce chapitre d'être totalement jumelée à la personnalité d'Edward qui la comprend de mieux en mieux et sait, finalement, tout d'elle, ce qu'elle apprécie et considère comme un soulagement. Ils se ressemblent presque comme deux gouttes d'eau. C'est assez troublant. Edward est toujours à la fois lumineux et sombre. Il se montre extraordinairement rassurant et compréhensif lorsqu'il n'a plus de doute concernant leur amour et leur avenir. Puis il apparaît à nouveau énigmatique ou torturé quand on découvre qu'il a pu voir les pensées de Bella ou de Jacob et s'inquiète d'un possible changement de leur avenir à cause du rêve de Bella et de "l'aveuglement" d'Alice.
En tant que vampire, Edward a un côté manipulateur : on ne sait jamais si ce qui se produit entre Bella et Jacob a été voulu par lui ou non, s'il utilise son don de manière volontaire, pour ne pas céder totalement Bella à Jacob, pour prendre le pouvoir sur lui, ou si c'est uniquement par réflexe ou encore parce qu'il s'inquiète pour Bella et lui. D'un autre côté, ses sentiments et sa manière d'envisager les choses sont très "supérieurs" à ceux d'un être humain normal. Cependant, encore une fois, on ne sait pas si c'est un réel sacrifice ou bien s'il sait qu'il "gagne" de toute façon puisque Bella sera à lui pour toujours dès qu'elle sera devenue vampire. Les deux, sans doute... La photo suivante est surprenante car elle permet de faire ressortir son côté "diabolique", l'ombre sur sa bouche est une sorte de sourire en coin alors que son regard paraît très tendre et préoccupé.

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J'ai encore choisi de développer la relation Bella-Jacob dans ce dernier chapitre car elle me paraît essentielle. Si Bella doit découvrir la vie, comprendre ce qu'est son humanité, c'est avec lui. Si elle doit avoir un enfant, il est logiquement le seul en mesure de le lui donner. Elle a accepté son amour et son désir pour lui, qui étaient latents mais évidents dans tous les tomes de la saga, sauf dans le premier, me semble-t-il : Jacob et Edward sont tous les deux conscients que l'amour de Bella pour Jacob est né lorsqu'Edward l'a abandonnée. Son amour unique et total s'est brisé à ce moment-là et un autre amour a vu le jour. Je suis persuadée que ces deux éléments sont irrémédiables. Autre chose perdure au-delà, mais qui est forcément différent, sans pour autant être moins fort ou moins solide. Tout l'intérêt est justement de voir comment l'amour évolue en fonction des épreuves de la vie. Les blessures profondes laissent des cicatrices et il est impossible de prétendre que ce qu'elle s'est mise à éprouver pour Jacob peut être simplement effacé par le retour d'Edward. Psychologiquement, cela ne tient pas. Elle lui avoue d'ailleurs ses sentiments dans le troisième tome et envisage, avec regret, la vie qu'elle aurait pu mener avec lui. (A la lecture, ce passage m'avait immédiatement rappelé le moment où, dans Le Seigneur des Anneaux, Arwen voit son avenir avec Aragorn alors qu'elle s'apprête à quitter la Terre du Milieu pour les Havres Gris avec les autres elfes. Elle choisit alors de faire demi-tour, au prix de son immortalité).
Il m'a semblé également très intéressant de poursuivre l'idée que les Quileutes sont des Transformateurs, comme l'explique Aro, et non des loup-garous. Ils n'ont évidemment rien de loups-garous. J'exploiterai davantage cet élément, complètement laissé de côté dans la saga, plus loin.

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Une dernière image, pour traduire le tourment et le caractère passionné d'Edward. A la fin de cette première partie, de nouveaux éléments ont perturbé ses convictions profondes et lui ont donné l'occasion de culpabiliser ou de regretter amèrement ses choix. Je souhaite faire comprendre que les motivations d'Edward sont toujours inaccessibles, à Bella comme au lecteur. Sa personnalité est extrêmement complexe à cause de sa nature vampirique d'une part et d'autre part à cause de son âge, de son expérience, de son vécu. Il sait des choses que Bella et Jacob ignorent car... entre autres, il a plus de cinq fois leur âge ! Il a fait des choix, toujours dans le respect de l'humanité de Bella, de sa vie et dans le souci de préserver son âme puisqu'il considère l'état vampirique comme une damnation (il ressemble en cela au Louis d'Anne Rice...). Cet élément, que l'on perd un peu facilement de vue, me semble très important pour tenter de comprendre le comportement d'Edward. Il le sera, également, pour la suite.

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VOL I _ chpt 12, chpt 13, chpt 14, chpt 15



Chapitre 12 : "Bonne nuit, douce dame..."/ "Goodnight, sweet lady..."



Je restai un moment sur le canapé, complètement paralysée, à fixer la porte par laquelle Jacob venait de disparaître. Pendant que Charlie rangeait ses affaires, Edward vint s’asseoir près de moi. Je n’osais pas le regarder, même si je savais que rien, absolument rien de tout ce qui avait pu passer par l’esprit de Jacob ne lui était peut-être inconnu. Il tendit la main, attrapa la mienne de ses doigts glacés. Je levai les yeux vers lui. Il souriait. Comment pouvait-il me sourire ? Il se pencha vers moi :
« Il faut absolument que nous parlions, murmura-t-il. »
Comme ma bouche s’ouvrait pour lui répondre, il ajouta :
« Tout à l’heure. Je viendrai te voir. Reste un peu avec Charlie. »
En se levant, il posa un baiser sur mon front et sortit immédiatement.
Qu’allions-nous bien pouvoir nous dire ? A quoi devais-je m’attendre ? Fallait-il que je me prépare à quelque chose ?
Charlie revint bientôt, me tirant de mes réflexions.
« Comment ça va, Bella ?, il regarda autour de lui, euh… Edward est parti ?
_ Oui, il devait être fatigué, j’imagine.
_ Fatigué ? J’en doute. Ces Cullen sont impressionnants. Nous avons fait de sacrées balades et ils n’avaient jamais l’air épuisés. Heureusement que le temps était un peu couvert aux heures les plus chaudes, ça m’a évité de perdre toute l’eau que mon corps contient. »
Machinalement, je me levai et ramassai quelques flocons de popcorn.
« Tu marches un peu ?
_ J’appuie le pied en tout cas, pas trop longtemps.
_ Bon, tant mieux. Ecoute… je crois que je vais encore avoir pas mal de travail cet été.
_ Ah bon, pourquoi ?
_ Dans la forêt… enfin… nous avons trouvé quelques carcasses d’animaux. Ils avaient l’air d’avoir été attaqués par des ours ou quelque chose du genre. Je ne voudrais pas que ça recommence comme la dernière fois… Tu n’iras pas te promener seule, n’est-ce pas ?
_ Juré. »
Et j’étais bien persuadée de respecter cette promesse. Je n’arrivai pas à me concentrer sur ce que Charlie racontait pendant tout le repas du soir mais, visiblement, il avait l’air très satisfait de ses petites vacances. Ainsi, il y avait sans doute bien eu d’autres vampires dans la forêt ces jours derniers. Des vampires qui s’étaient nourris d’animaux, cependant. C’était étrange. Il me tardait de pouvoir parler à Edward finalement, car j’avais besoin de lui raconter ce que j’avais vu moi-même et je ne doutais plus que là était le sujet qu’il voulait aborder avec moi.
La soirée fut écourtée car Charlie était épuisé et je l’entendis bientôt ronfler à travers les cloisons. J’étais dans ma chambre, la fenêtre ouverte, assise sur le rebord, une jambe à l’extérieur. Une seconde, j’envisageai d’écrire à René. Lui parler de tout et de rien de manière anodine me donnerait l’impression d’être un peu proche d’elle. Pourquoi me sentais-je soudain le besoin si fort de me rapprocher de mes parents ? De passer du temps avec eux, d’échanger, de leur dire que… je les aimais ? J’avais frôlé la mort de si près ces derniers mois… je la côtoyais tous les jours.
Soudain, l’air bougea près de moi, comme un souffle inattendu et je vis Edward à mes côtés. Je ne l’avais même pas aperçu traverser la pelouse ou grimper à l’arbre. Il s’assit près de moi, entièrement tourné vers l’extérieur. Il ne craignait rien, ayant une parfaite notion de l’équilibre et des réflexes absolument surnaturels. Son attitude avait toujours eu quelque chose d’elfique, comme Alice, mais de manière plus virile bien entendu. En cet instant, peut-être parce qu’il était ainsi suspendu et que la nuit nous baignait, il m’évoqua Puck, l’espiègle serviteur d’Oberon du Songe d’une Nuit d’Eté.
« Bonsoir, Robin Goodfellow, fis-je avec un demi-sourire un peu las.
_ Bonsoir Ophélie, répondit-il d’une voix douce. »
Je considérai la référence. Etait-ce parce qu’elle avait été abandonnée par celui qu’elle aimait, qu’elle avait perdu la raison, ou bien tout simplement pour dire que nous n’appartenions décidément pas à la même histoire ?
« Tu crois que je vais… mal finir ?, demandai-je quand même.
_ Oh non, c’est à cause des lys auxquels je t’associe toujours… et d’Arthur Rimbaud… Et toi, crois-tu que j’aie ramené la fleur d’amour-en-oisiveté ? »
Je pris –peut-être avais-je tort- cette dernière question pour une sorte de reproche, très délicat certes, mais qui m’enfonça une aiguille chauffée à blanc dans le cœur.
« Charlie m’a parlé des animaux que vous avez trouvés.
_ Oui, je m’en doute, il était très inquiet. Nous le sommes aussi. Cela ne ressemblait pas à l’œuvre de vampires, en tout cas pas de vampires… ayant toute leur raison.
_ Pourquoi ?
_ Ils étaient vraiment déchiquetés et en partie mangés.
_ De vrais ours alors ?
_ Pourquoi pas. Mais c’est assez inhabituel.
_ J’ai vu… »
Je m’interrompis. Aborder le sujet, c’était rappeler ce qu’il s’était passé ces jours derniers et je ne savais pas si je le voulais, s’il le fallait et comment m’y prendre.
« Tu as fait un autre rêve ?, demanda Edward intrigué.
_ Non. De cette fenêtre, j’ai vu un vampire à l’horizon, là, indiquai-je bras tendu. J’ai pensé que c’était Démétri ou Félix, un Volturi en tout cas. J’ai vraiment paniqué et… j’ai appelé Jacob. »
Edward ne réagit pas, il regarda dans la nuit.
« C’était… toi ?, repris-je d’une voix hésitante.
_ Moi ? Non, pas du tout. Pourquoi penses-tu … ? »
Il comprit. De mon côté, je rougis de ma bêtise. Ainsi, Edward ne s’était pas senti obligé de m’effrayer pour me jeter dans les bras de Jacob. Il n’avait sans doute pas fait exprès de me blesser non plus. Les choses… étaient arrivées, voilà tout.
« Vous n’avez rien remarqué ?, demandai-je à nouveau. Et Alice ?
_ Non, rien et nous n’avons plus aucune nouvelle d’Alice depuis des jours, répondit-il en soupirant. Elle m’en veut.
_ Pourquoi ? Etes-vous sûrs qu’il ne lui soit rien arrivé ?
_ Oh oui, Jasper appelle de temps en temps. Elle pense que j’aurais dû faire en sorte que tout cela n’arrive pas, que j’aurais dû te transformer la semaine dernière.
_ Tu aurais peut-être dû, effectivement.
_ Je suis convaincu d’avoir bien agi. Nous devons assumer nos choix, Bella, tous les deux. »
Il avait raison. Je devais assumer mes choix, comme j’avais finalement accepté mes désirs. Mais comme cela était difficile !
« Alice savait, n’est-ce pas ?
_ Oui, en quelque sorte…, tu sais qu’elle ne voit pas les loups.
_ Bon sang ! Tout le monde était au courant sauf moi, tout le monde savait avant moi ! Quelle honte !
_ Il n’y a pas de honte, Bella. Et si c’est ce qui t’inquiète, personne, à part Alice et moi, n’est au courant de rien. Il y a davantage de Quileutes…
_ Oh, gémis-je, il y a les loups télépathes en plus… Mais je sais qu’ils ne jugent pas, eux, ajoutai-je pour me consoler un peu.
_ Personne ne te juge mal. »
Alice me jugeait sûrement. Je me jugeais. Je devrais apprendre à me pardonner. Une part de moi était comme morte aujourd’hui, envolée. Celle qui avait toujours voulu croire en l’amour absolu, parfait, unique, immortel. Celle qui avait toujours cru que mes sentiments resteraient à jamais purs, qu’il y avait un destin clair, évident et hors du commun pour Edward et moi. La réalité de la vie était autre. Il y avait peut-être bien un destin, mais que je ne savais pas déchiffrer. Pourtant, l’envie d’être à jamais avec Edward était toujours là, bien vivante. Alors je demandai :
« Tu as décidé de ne plus faire de moi un vampire ?
_ Oh que non ! Je te transformerai, moi-même, j’y tiens. Alice a vu cela aussi, pas très clairement, mais elle m’a vu… boire ton sang et te mordre. Et tu sais… que j’en meurs d’envie.
_ Alors quand ? »
Il me semblait que le temps m’était compté. Si les Volturi avaient décidé de revenir, peut-être valait-il mieux que j’aie la force d’un nouveau-né pour les affronter.
Edward me regarda. Sa main se tendit et il caressa ma joue.
« Tu es… pressée ?
_ Je pense aux Volturi…
_ Tu penses à Jacob. En tout cas, tu devrais y penser.
_ Que… ? »
Edward ne pouvait lire mes pensées mais il lisait en moi comme dans un livre ouvert. Comment me connaissait-il aussi bien ? Comment me comprenait-il mieux que je n’y arrivais moi-même ? Loin de me déranger, cette intimité me faisait du bien. Edward et moi vibrions à l’unisson. Je ne me sentais pas seule au fond de mon cœur et au fond de mon âme. Quelqu’un partageait tout avec moi. Quelqu’un qui comprenait et qui pardonnait.
« Ecoute, Bella, reprit-il. Tu dois arrêter de fuir, de te fuir. Jacob t’aime… comme un enfant qu’il est, mais autant que moi, j’en suis convaincu, même si c’est tellement différent que cela n’est pas comparable. Je sais aujourd’hui -j’ai décidé- que je t’aurai avec moi et à moi pour l’éternité. J’ai accepté l’idée que j’allais prendre ta vie et faire de toi un vrai monstre… un merveilleux monstre. Alors, prends toi aussi ! Prends ce qui s’offre à toi lorsque le moment est là et quand ta vie d’humaine t’y conduit. Cette vie est si fragile. Tout est tellement éphémère, si… précieux…, il baissa la voix et ajouta plus sourdement comme pour ne pas me blesser, Jacob… ne sera jamais immortel, sa nature le lui interdit. »
Cette parole fut un choc. Je n’avais jamais envisagé que Jacob me quitterait, à plus ou moins long terme. Ma crainte avait toujours été que nous soyons séparés si je devenais vampire et que nous ne puissions plus supporter d’être l’un avec l’autre, ou bien qu’il soit mortellement blessé dans un combat, mais jamais je n’avais pensé qu’en étant vampire j’aurais un jour à supporter sa disparition naturelle. Génétiquement, comme c’était le cas pour sa capacité à se métamorphoser en loup, Jacob était immunisé contre le venin des vampires. Il ne le transformait pas. Un désespoir affreux s’abattit sur moi. C’était comme de savoir que le soleil finirait un jour par s’éteindre. On espère juste que cela se produira le plus tard possible, on se console en se disant qu’on ne sera plus là (en revanche, on a une pensée peinée pour ceux qui y seront) et qu’on n’aura pas à voir… la fin de tout. Moi vampire, je devrai endurer cela.
Edward me regardait et je compris qu’il compatissait. Comme avait tenté de me le faire comprendre le docteur Cullen, la nature vampirique et ses conséquences, le fait d’être immortel par exemple, conduisaient à une vision des choses et de la vie très différentes, en effet.
« Je peux t’embrasser, Bella ? Je vais rentrer. »
Je compris qu’il fallait effectivement qu’il me laisse seule pour la nuit. J’avais envie d’être seule. Je n’avais… plus goût à rien en cet instant. Je hochai le menton. Pourquoi demandait-il s’il pouvait m’embrasser ? Craignait-il que mes sentiments aient changé ? Devraient-ils avoir changé ? Croyait-il que je lui en voulais ? Il passa un doigt entre mes sourcils froncés pour en effacer le pli, puis il posa sur mes lèvres un baiser très doux, un baiser d’amant chaste. A ce moment-là, je sus avec certitude, au fond de moi, qu’en vérité nous n’avions besoin de rien d’autre, tant nos natures profondes étaient à jamais liées et notre amour fusionnel. Plus tard, bientôt sans doute, je serais à lui. Lorsqu’il me mordrait, il prendrait tout à la fois ma vie, mon cœur, mon corps et mon âme. Ce que je lui donnerais alors, personne d’autre ne l’aurait, jamais. Jamais aucune étreinte ne pourrait rivaliser avec cela. Et il me prendrait avec lui, pour toujours. Ce que je deviendrais alors n’avait aucune importance pour moi en comparaison du bonheur de rester auprès de lui. Il savait qu’il pouvait attendre, il me l’avait toujours dit. Il me semblait que je le pouvais aussi, maintenant du moins. Que je le devais, presque.
« Bonne nuit, douce dame », dit-il en glissant sa bouche près de mon oreille.
Alors il disparut dans la nuit.





Chapitre 13 : Leah

Je ne sais si ce furent les mots d’Edward où ce que j’avais ressenti ces derniers jours mais, cette nuit-là, je rêvai à nouveau et ce que je vis me fit sauter sur mes pieds dès que j'eus ouvert un oeil. Oh, ces rêves ! Ils étaient si reconnaissables, si différents des rêves ou même des cauchemars habituels. Ils étaient confondants de réalisme, de précision, vibrants de vérité malgré leur message brouillé et qui était susceptible d’être rendu obsolète par chacune des actions que je choisirais de faire au réveil.
Charlie, le nez dans son café, me regarda depuis la cuisine traverser le vestibule à grands pas, comme une furie boiteuse.
« Quelle mouche te pique, Bella ?
_ Je dois aller à La Push.
_ Tu peux conduire ?
_ Je ne sais pas, je vais essayer.
_ Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe ? »
Je ne savais pas si je pouvais lui dire. Non, il valait mieux que je ne dise rien, au cas où je n’aurais pas bien compris ce que mon rêve m’avait montré.
« Rien de spécial. »
Je n’étais pas douée pour mentir. J’essayai d’avoir l’air plus calme.
« Jake vient de m’appeler. Il veut… absolument que je voie quelque chose.
_ A 7h et demie du matin ? »
Il était donc si tôt ?
« Euh, oui, c’est… il y a une baleine grise qui a l’air de vouloir s’approcher de la plage.
_ Ah ? Bon. J’espère qu’elle ne va pas s’échouer.
_ Oh, non. Enfin… je veux dire, moi non plus. A plus tard. »
J’entendis Charlie bougonner quelque chose à propos des adolescents qui, de son temps, préféraient les grasses matinées et sortis aussi vite que je pus.
Je m’en étais bien tirée et je n’avais pas menti. Cette grande baleine grise, je l’avais vue avec tant de précision dans mon rêve que je ne pouvais douter de sa réalité. Seulement, je l’avais vue plus loin, vers Clallam Bay, en milieu de matinée, me semblait-il. Elle ne serait à La Push que le soir. Charlie ne se préoccuperait sans doute pas de ce détail. Je réussirais à conduire, mais ce serait un peu douloureux. Avant de mettre le contact, j’essayai tout de même de joindre Jacob sur son portable mais, comme je m’en doutais, il ne décrocha pas. J’allais tout de même passer par La Push pour prévenir Billy.
Tout en conduisant, j’étais assaillie par les images et les émotions de la nuit. Il fallait absolument que je parvienne à faire ce que je m’étais vue accomplir sans savoir si j’en serais vraiment capable. Je me garai rapidement devant chez Billy, frappai et entrouvris la porte. Comme la dernière fois, je savais très exactement à quoi m’attendre : il était dans le salon. Il ouvrit la bouche et commença :
« Bella ? Jake n’est pas là. Leah…
_ Je sais, Billy. Je suis venue pour ça. Il faut juste dire à Jacob quand il sera de retour qu’ils se trompent, elle n’est pas vers Strawberry Bay, elle est au nord, quelque part sur la route 112 après Clallam Bay et Sekiu. J’y vais. Dites-lui qu’il m’appelle sur mon portable, dès qu’il rentre, s’il-vous-plaît. »
Billy me regardait, interloqué. Je voulais lui dire que je n’avais pas le temps de lui expliquer et surtout que je n’y étais pour rien, ni les Cullen, mais il hocha simplement la tête. Billy n’était pas du genre à poser des questions quand cela ne semblait pas le moment.
« Appelez le docteur Cullen, aussi, ajoutai-je en sortant, je ne crois pas que les Quileutes… doivent aller à l’hôpital, non ? »
Pour toute réponse, il plissa les yeux et leva la main en signe d’assentiment.

Je remontai dans ma camionnette. Le trajet allait me prendre environ une heure, le temps de trouver ma route. Heureusement, il faisait trè beau. Je craignais tant de me perdre et de ne pas arriver à temps ! Pourtant, ce que ma vision nocturne m’avait montré à ce sujet aurait dû me rassurer, je n’avais qu’à la suivre pas à pas. Quant au reste… je m’en préoccuperais plus tard. J’avais pris une petite couverture, cela me semblait plus approprié. Déjà, je changeais des éléments à mon rêve. Je repensai à Leah, telle que je l’avais vue. Il faudrait que je sois capable de surmonter ma répugnance naturelle, il y avait beaucoup de sang. Du sang séché et noir. Mais Leah était encore en vie. Il fallait que je la trouve, les autres viendraient m’aider ensuite.
Je n’avais aucune idée de ce qui avait bien pu lui arriver. A la différence d’Alice, je ne voyais que ce que j’étais susceptible de vivre moi-même (quoique j’avais aussi été dans la tête de Jacob et je considérai, un instant, cette certitude que j’avais eue que Jake était comme un autre moi-même sans pourtant parvenir à en saisir le sens), et encore pas toujours de manière très concrète. Mais cette matinée, que j’avais déjà vécue, ne me semblait contenir aucun élément relevant plus du symbole que de la réalité. Bon sang, où était cette plage à l’embouchure d’une rivière près de laquelle je trouvais le corps ensanglanté de Leah ? Je ne la connaissais pas, comment allais-je bien pouvoir la trouver ?
Une image me revint. Non, pas celle-là. Pas maintenant. Plus tard, quand j’aurais le temps de réfléchir à tête reposée. Mais elle semblait incrustée devant mes yeux ouverts. Ce mariage. Mon mariage. Je m’étais mariée avec Edward, dans une magnifique robe dont le bas se répandait en un tulle transparent tout brodé de roses de soie offerte par Alice. Je m’étais mariée le ventre rond comme celui d’Emily et heureuse, malgré mes réticences face à une telle célébration. Je portais Renesmée, notre fille, et déjà, je percevais sa voix dans ma tête, ses pensées, qui me parlaient et se montraient tendrement protectrices. Tous ceux que j’aimais avaient assisté à la bénédiction, il n’y avait pas eu d’autres invités cette fois. Elle avait été célébrée chez les Cullen. Et c’était arrivé, juste après. J’avais vu ma robe se teinter de rouge au niveau de mon ventre. Personne n’y prêtait attention. Mon enfant me dévorait de l’intérieur mais je ne ressentais pas de souffrance. (J’étais consciente que cette partie de mon rêve devait être une sorte d’allégorie que je ne comprenais pas.) Nous avions ensuite quitté la villa pour l’Eglise, afin d’assister à un enterrement. Dans ma robe rougie je m’avançais vers le cercueil pour présenter mes respects au défunt. J’étais bouleversée car je ne voulais pas savoir qui s’y trouvait. Pourtant, quand j’arrivais à son niveau, je découvrais le corps inanimé de Benjamin, le vampire de mon précédent rêve dont Carlisle m’avait appris qu’il n’existait a priori pas. Je regardais Edward, lui murmurais :
« Je ne savais pas qu’on inhumait les vampires.
_ On ne le fait pas, me répondait-il, ce n’était pas un vampire. »
Alors je regardais mieux et je découvrais que le corps allongé devant nous était en réalité le mien.
« Pardonne-moi, disait Edward le regard perdu, pardonne-moi pour ce que je t’ai fait ».
Un deuxième cercueil était posé à côté du premier et je ne comprenais pas pourquoi je ne l’avais pas vu tout d’abord. Je m’approchais et y découvrais, avec horreur, la dépouille de Jacob. Me penchant sur lui, je lui murmurais, répétant étrangement les mots exacts d’Edward : « Pardonne-moi, pardonne-moi pour ce que je t’ai fait. » J’étais effondrée. Tout était fini, tout le bonheur, la joie insouciante de ma courte vie, tout s’était définitivement envolé. Tout n’était plus que ténèbres.
Mon rêve m’avait montré d’autres choses encore, aussi stupéfiantes, magnifiques ou angoissantes que la première fois. Mais cette image de Jacob, les yeux clos, ce sentiment que ma vie était arrivée à son terme, s’imposaient à mon esprit avec une force telle que j’avais du mal à rester concentrée sur la route. Au fond de moi, une oppression, une urgence, une conviction que j’avançais vers une fin abominable et inéluctable commençait à poindre, à vriller lentement mes entrailles. Il fallait absolument que je la réprime pour l’heure. Plus tard, j’irais voir Carlisle, il m’aiderait, s’il le pouvait, à démêler encore toutes ces horreurs dont ma tête était décidément pleine.
J’approchais de Clallam Bay quand mon téléphone se mit à sonner, me faisant sursauter. Je m’arrêtai rapidement sur le côté. C’était Jacob. Il était très inquiet, mais entendre sa voix me fit tellement plaisir sur le moment que j’en souris.
« Où es-tu ?
_ A 10 km de Clallam Bay, je crois.
_ Qu’est-ce que… ? Tu es sûre de toi.
_ Oh oui. »
Une seconde je fus prise d’un vertige, et si je délirais totalement cette fois-ci ?
_ Où vas-tu ?
_ Je ne sais pas trop encore. Il faut que je passe Sekiu, que je reste sur la 112, il y a une route de l’Aigle, une rivière, elle est là.
_ La rivière Hoko ? »
Elle avait donc un nom.
« Elle est près de la plage. Il y a des rochers. Elle est très mal.
_ On arrive dans une demi-heure. Je te rappelle s’il y a un problème. »
Ils étaient sacrément rapides. Je savais qu’ils arriveraient à nous trouver.
Au bout d’un moment, je reconnus parfaitement le paysage, les maisons, la route qui tournait à droite. Eagle Point Road. Je la suivis jusqu’au bout. La mer était toute proche. Il faisait une journée magnifique, exceptionnelle en fait. Un grand soleil brillait intensément dans un très beau ciel pur. Je passai quelques habitations, débouchai sur la plage, quittai ma camionnette. Le lit de la rivière se dessinait à ma gauche, à droite, des rochers. Où était-elle ? « Là, chuchota une toute petite voix à l’intérieur de ma tête, si faible que je n’y pris presque pas attention, tu n’es pas loin ». J’avançai encore. Des arbres venaient presque toucher l’eau, je passai derrière l’un d’entre eux. Elle était là, enroulée contre son pied dans un creux du sol. Son visage était si pâle, son bras gauche affreusement écrasé. Son corps était noir de sang et de terre. Comme elle était nue, je la couvris de ma couverture. Je ne pourrais pas la porter, il faudrait que j’attende. Je caressai son très beau visage.
« Leah, tu m’entends ? Nous allons te ramener. »
Elle ne répondit pas, mais je sentis sa respiration.
Je levai la tête et regardai la mer qui s’étendait à l’horizon devant nous. Alors, je la vis surgir de l’eau. Elle était là, la baleine grise. Assez loin, cependant, mais je la vis sauter très nettement. Puis elle glissa, la tête hors de l’eau, avant de propulser un jet de bulle et de disparaître. Etait-ce un « au revoir » ? Nos routes se recroiseraient plus tard, dans la journée. J’eus à nouveau ce sentiment de puissance que j’avais ressenti la première fois que j’avais constaté que je savais, que je pouvais être sûre de moi et de ce que je faisais.
Très progressivement, mais très nettement, un bruit de branches écrasées et un piétinement sourd se firent entendre. Les loups arrivaient. Ils nous entourèrent. Jacob et Seth avaient repris forme humaine au préalable et s’approchèrent de nous après les autres. Seth se jeta à genoux, visiblement désespéré.
« Elle va s’en sortir, dis-je –et je devais avoir été plus convaincante que jamais parce que le jeune garçon qui levait vers moi des yeux humides esquissa un sourire plein d’espoir- mais son bras est salement amoché. »
Les autres loups reniflaient l’air, reniflaient tour à tour Leah. Je reconnus Sam, qui se tenait immobile.
« Dépêchons-nous, dit Jacob, Seth et moi rentrons avec vous. »
Il glissa ses bras sous le corps de Leah, la souleva comme une plume et l’emporta en direction de ma camionnette. Jacob conduisit et Seth tint Leah dans ses bras durant tout le trajet du retour. Personne ne parla. Je m’abîmai dans mes pensées.



Carlisle était chez les Clearwater lorsque nous arrivâmes et il réceptionna la blessée avec tous les soins qu’il était en mesure de fournir hors d’un hôpital. Il avait cependant amené avec lui quelques appareils et beaucoup de matériel. Il déclara que Leah était dans une sorte de coma et qu’il faudrait un peu de temps pour pouvoir juger de son évolution. Il installa des perfusions et nous le laissâmes inspecter les blessures de la jeune femme. Seule Sue tint à rester avec lui, les traits tirés et tout son corps de mère tendu d’angoisse. Seth resta près de la porte, assis dans le petit couloir sombre.
« Comment as-tu su ?, me demanda Jacob lorsque nous fûmes sortis.
_ J’ai refait un rêve cette nuit.
_ Oh. Il semblerait que ce soit un bien, finalement. Ces rêves te permettent de faire… de très bonnes choses ! Nous ne l’aurions pas retrouvée sans toi. Nous n’aurions jamais pensé qu’elle serait autant montée au nord. Elle avait disparu depuis deux jours. Sue n’a rien dit, d’abord, parce que Leah était tellement insupportable depuis son impré… Qu’est-ce qu’il y a ? »
De très bonnes choses… Oh, mon Dieu, Jacob ! Il ne savait pas ce qu’il disait.
« Rien. Enfin, si, je suis tracassée. Mon rêve était très compliqué, il n’y avait pas que du bon.
_ Eh bien, prends le bon et laisse le mauvais ! Réjouis-toi, Bella Swan, tu as sauvé une vie aujourd’hui ! Ne t’en fais pas, tu l’as dit toi-même, Leah se remettra, nous sommes solides. »
Il avait toujours une telle capacité à s’enthousiasmer et à voir les choses du bon côté ! Pourquoi avais-je si peur pour lui au fond de moi ? Il était là, vivant, il allait bien. Je le regardai. Soudain, mon cœur se contracta, je fus inondée d’un intense sentiment de tendresse. Je tendis une main, la posai sur sa joue. Il me considéra avec une sorte d’incompréhension.
« Ecoute, Jake, dis-je doucement en me rapprochant de lui, je reviendrai en fin d’après-midi. Il y aura une surprise pour toi, une belle surprise. Je… j’ai besoin de me poser un peu, là, de mettre de l’ordre dans toutes mes pensées. »
Il hocha la tête, un air toujours un peu surpris et inquiet. Je posai un petit baiser, très doucement, sur ses lèvres en me levant. Mon estomac me tirait.
Je rentrai. Charlie n’était pas là, il ne reviendrait qu’en fin de journée vraisemblablement. Je me fis rapidement à manger puis je montai m’allonger un peu. J’étais moulue. Pauvre Leah ! Que lui était-il arrivé ? Etait-elle tombée sur le vampire que j’avais aperçu ? J’avais entendu un loup hurler affreusement cette nuit-là… J’avais cru qu’il s’agissait de mon imagination, elle me jouait tant de tours en ce moment ! J’entendais des voix, de plus en plus fréquemment. C’était sans doute à prendre au sérieux. En fait cela avait commencé avec celle d’Edward, quand il était parti et que je me comportais… un peu dangereusement pour moi-même. J’avais tenté –et réussi- à provoquer ces hallucinations auditives en me mettant volontairement dans des situations périlleuses. Réagissais-je au danger de quelque manière que ce soit ? Il fallait vraiment que je voie Carlisle.
Je me levai et appelai chez les Cullen. Esmé répondit et m’apprit qu’il venait de rentrer. Il avait d’ailleurs mentionné le souhait de me voir bientôt. Je griffonnai un mot pour que Charlie ne s’inquiète pas et le laissai en évidence sur la table de la cuisine. Je ne rentrerais pas ce soir, je le savais.
Edward m’accueillit à mon arrivée.
« Carlisle m’a dit… je suis fier de toi.
_ Je n’ai rien fait de particulier, répondis-je avec une moue incrédule.
_ Oh si, tu es toi, et c’est déjà tellement. Personne n’aurait pu en faire autant.
_ J’ai rêvé, la nuit dernière. Mon rêve m’a tout dit.
_ Puis-je te demander, s’enquit Edward très sérieux tout à coup, ce qu’il y avait exactement dans ton rêve ?
_ Je voulais en parler avec Carlisle, justement. Je voudrais que tu sois avec moi, si tu veux bien. Je… j’ai besoin que tu saches tout de moi, cela me rassure tellement ! »
Comme la fois précédente, Carlisle était dans son bureau et nous nous assîmes dans le grand fauteuil où nous tenions tous les deux. Il nous apprit que Leah était toujours inconsciente mais que son corps se remettait peu à peu. Il ne pouvait déterminer l’origine de ses blessures puisqu’elles avaient dû lui être infligées alors qu’elle était sous sa forme de loup. Son corps d’humaine les rendait indéchiffrables. Cependant, elle avait sûrement été écrasée par quelque chose de très puissant, peut-être l’œuvre d’un vampire bien que personne n’en ait repéré la trace. Son bras était vraiment mal en point et le docteur Cullen se demandait si, malgré son exceptionnelle capacité à guérir, la jeune femme n’en garderait pas des séquelles. Il retournerait la voir dans la soirée. Pour le moment, il ne pouvait rien faire de plus.
« Tu as donc fait un nouveau rêve, Bella, commença le médecin en s’adressant plus particulièrement à moi.
_ Oui, répondis-je. Il était beaucoup plus court que la dernière fois mais il procédait toujours de la même manière : d’exactes vérités mêlées à des inventions plus… délirantes.
_ Il ne faut pas les envisager comme cela. Disons que ce sont des vérités plus difficiles à cerner. Il faudrait pouvoir y réfléchir plus longuement.
_ Justement, affirmai-je avec détermination, j’aurais besoin que vous m’aidiez.
_ Je t’écoute. Par quoi veux-tu commencer ?
_ Eh bien, je… j’entends des voix.
_ Dans tes rêves ?
_ Non, bien éveillée. Cela a commencé l’an dernier.
_ Quels genres de voix.
_ Au début, c’était la voix d’Edward, pour me détourner de situations… problématiques. Ce matin, celle de Leah, je crois, alors que je la cherchais… mais je ne les reconnais pas toujours bien.
_ Et dans quelles circonstances ces manifestations se produisent-elles ?
_ Quand il y a un danger, le plus souvent ou… (je repensai à celle que j’avais entendue lorsque j’étais avec Jacob et rougis un peu) que j’ai besoin d’être rassurée, je dirais.
_ Etais-tu perturbée émotionnellement à chaque fois ?
_ On peut dire que oui, répondis-je en finissant de rougir tout à fait.
_ Je ne peux pas répondre clairement là-dessus, reprit Carlisle après une courte pause, mais il me semble que ces voix que tu entends, alors que tu es consciente, sont en rapport direct avec tes rêves et doivent également l’être avec ta nature profonde, celle que tu as découverte il y a quelque temps et que tu as appelée « bouclier ». C’est une manifestation psychique particulière sur laquelle j’ai pu trouver quelques renseignements. Peu, je l’avoue. C’est une aptitude à contrôler la communication entre ton esprit et tout ce qui lui est extérieur, ce qui englobe beaucoup de choses, connues ou inconnues. Il s’agirait de pouvoir en permettre ou en refuser l’accès. Edward ne lit pas tes pensées, ce qui signifierait que la plupart du temps, je dirais « naturellement », tu es en mode « fermé », en quelque sorte. Mais parfois, sous l’effet de l’émotion, il me semble -encore faudrait-il pouvoir déterminer quel type d’émotion particulier déclenche cela- tu « t’ouvres ». Alors, tout s’engouffre.
C’est un don qui s’exprime de manière très différente selon les personnalités et … tu es humaine. Je me demande si le tien ne tendrait pas vers… la clairvoyance, ou quelque chose de semblable. Ce serait formidable. A ma connaissance, ce serait unique. »
Carlisle avait l’air très intrigué et presque enthousiaste.
« La claivoyance ?, repris-je, comme Alice ? La capacité de voir l’avenir ?
_ Non, pas du tout. Alice voit les intentions et donc ce qui, logiquement, devrait en découler à l’avenir. Elle a des visions incontrôlées. Etre clairvoyant ce serait connaître le présent, entièrement, savoir, sans le moindre doute et à chaque instant, la vérité des choses. Connaître leur essence, les tenants et les aboutissants. Ce serait un état particulièrement… un état de sagesse, de tranquillité d’âme. Plus de doute, plus de questions… »
Carlisle se fit rêveur. Moi-même, j’essayai de ne pas souhaiter avoir les capacités qu’il décrivait de crainte d’être cruellement déçue car je n’aspirais qu’à trouver cette paix de l’âme depuis trop longtemps maintenant.
« Bien entendu, reprit-il en appuyant son menton sur ses mains croisées, l’état vampirique modifie ou amplifie les aptitudes naturelles de chacun et je ne peux avec certitude dire à l’avance ce que cela donnerait te concernant. Par contre, il est connu que les vampires peuvent "travailler" leur don, le développer peu à peu et apprendre à le maîtriser.
_ Ainsi je serais comme une porte… tantôt fermée tantôt ouverte ?
_ Oui, dit-il en souriant, ou un bouclier, levé ou baissé. As-tu jamais… entendu une de ces voix en présence d’Edward ?
_ Non, répondis-je, il n’était jamais là, et ça a toujours été extrêmement bref. »
Je n’avais pas terminé ma phrase que je réalisai… Edward était là ! Il était sur le toit ! Il était… dans l’esprit de Jacob. Je tournai le visage vers lui. Il me regardait.
« Je me demandais juste…, poursuivit Carlisle, si dans ce cas-là il ne pourrait pas parvenir à capter tes pensées… »
C’était donc cela ! Cette voix que je n’avais pas reconnue… il y avait deux voix ! Deux voix ensemble, parfaitement synchronisées et superposées ! Deux pensées mêlées et identiques, celle de Jacob et celle d’Edward. Qu’avait-il pu lire dans la mienne au même instant ?
« Y a-t-il d’autres éléments qui t’intriguent, Bella ?, demanda Carlisle.
_ Oh, oui, beaucoup… malheureusement, répondis-je en m’efforçant de poursuivre notre conversation. Il y a toujours cette petite fille, ma fille, Renesmée, cet hybride que je ne peux porter qu’au péril de ma vie. La nuit dernière, encore, elle me dévorait de l’intérieur…
_ Cette idée d’un hybride Bella… il me semble qu’elle représente assez clairement ta volonté de concilier deux éléments inconciliables. Si je te dis qu’il y a trois mères dans cette histoire, est-ce que tu perçois mieux ce que tu as cherché à te faire comprendre à toi-même ?
_ Trois mères ?
_ Oui, Esmé, Renée et toi. L’enfant que tu portes dans ton rêve est la fusion de deux de ces mères, l’humaine et la vampire. Chercher à les unir et à leur donner la vie te tue car c’est impossible.
_ Oh ! »
Effectivement, il me semblait que je commençais à percevoir du sens dans tout cela. De la même manière, j’exposai rapidement les autres éléments de mon rêve : on voulait à m’assassiner (mais était-ce bien nouveau ?). L’homme que j’avais déjà vu dans mon premier rêve, Max, qui travaillait pour J. Jenks, s’introduisait chez Charlie pour m’éliminer à la demande, selon lui, « d’une très belle dame ». J’étais sauvée par l’arrivée d’un monstre indescriptible. Une sorte de loup, mais très différent de ceux que nous connaissions.
Je ne racontai par contre pas la fin de mon rêve que je refusais totalement d’envisager. Je ne mentionnai ni la mort de Jacob, la cérémonie funéraire puis le rituel quileute qui avait suivi, le loup –un vrai loup cette fois !- que je poursuivais désespérément dans la forêt sans parvenir à le rattraper, ni ce qui m’avait faite me réveiller en sursaut au matin ( étincelle de volonté au sein de mon inconscience) afin d’y échapper sans doute : avant de revenir à moi, je m’étais entendue dire à Edward que je ne pourrais pas le suivre, qu’il ne ferait pas de moi un vampire et que nos chemins se séparaient là. La nuit dernière, dans mon rêve, sans vraiment savoir pourquoi, j’avais quitté Edward. La seule chose que je savais à ce sujet était le sentiment, avec lequel je m’étais éveillée. Celui de lui en vouloir profondément, de m’être sentie trahie, et celui d’avoir également à accomplir un devoir important ou une sorte de mission. Ces éléments-là, je ne voulais en parler qu’à Edward, en privé, quand je le pourrais et ce ne serait pas ce soir.
Carlisle avait écouté très attentivement mon récit. Mais lorsqu’il intervint, ce fut pour me dire que la signification de ces derniers éléments ne lui apparaissait pas avec évidence. Il se proposa cependant d’y réfléchir et me demanda de bien vouloir revenir le trouver si moi-même j’entrevoyais un élément de réponse ou si je faisais un nouveau rêve. L’après-midi touchait à sa fin et je voulais retourner prendre des nouvelles de Leah. Le docteur Cullen me demanda d’ailleurs de lui signaler tout changement concernant son état qui nécessiterait qu’il se déplace rapidement.
Après avoir expliqué à Edward que je souhaitais pouvoir lui parler dès le lendemain, requête qu’il avait reçue sans surprise –il savait parfaitement ce que je voulais lui demander- je me rendis à La Push.





Chapitre 14 : Equilibre précaire/ Precarious balance


Tout était calme chez les Clearwater. Sue était assise près de Leah et lui tenait la main. Elle était toujours inconsciente et son état semblait stationnaire, malgré la chaleur intense qui émanait à présent de sa personne. Comme j’allais sortir, un homme arriva. Sue le salua d’un signe de la tête. Elle avait sûrement vu défiler un certain nombre de personnes durant l’après-midi. Je tendis la main pour me présenter.
« Je m’appelle Johnny, répondit-il. Je viens d’arriver dans la réserve. »
Ainsi, il était celui dont Leah s’était imprégnée. Il me semblait avoir une trentaine d’années, peut-être un peu plus. Il était très beau, indien assurément lui aussi, nerveux, les traits fins et l’air très intelligent. Cependant, toute son expression trahissait une grande angoisse. Il semblait également très mal-à-l’aise, ce qui pouvait aisément se comprendre. Je les laissai ensemble afin de ne pas ajouter une gêne supplémentaire et me rendis chez Jacob. Il était assis sur les marches, devant la porte.
« Eh bien, fit-il à mon approche, tu boîtes bien, encore plus que ce matin.
_ Les simples mortels se remettent lentement, ironisai-je, surtout moi.
_ Nous ne savons rien au sujet de Leah, précisa-t-il l’air préoccupé, aucune odeur spéciale, aucune trace particulière... c’est un vrai problème, il va falloir attendre qu’elle explique elle-même.
_ Le docteur Cullen reviendra demain. Je suis passée la voir. Johnny arrivait, il paraissait franchement inquiet.
_ Ben, oui… il est amoureux, forcément ! C’est un gentil gars, il me semble… Où est ma surprise ?, demanda-t-il soudain en faisant le tour de ma personne.
_ Tu pensais me voir arriver avec un énorme paquet cadeau sur lequel serait écrit « Surprise pour Jacob » ?
_ Quelque chose comme ça… »
Il éclata de rire.
« Viens, dis-je, allons sur la plage. »
Le soleil descendait sur la mer. Nous nous approchâmes lentement de l’eau. Il me regardait, inquisiteur, j’essayais de prendre un air détaché.
« Tu t’attends à une sorte de tour de magie, n’est-ce pas ?
_ Tu sais faire ça aussi, maintenant ?, répondit-il en soulevant un sourcil.
_ Oui. »
Je prenais un ton mystérieux.
« Tiens, mets-toi là. »
Je le retournai devant moi, pour qu’il se place face à l’horizon.
« Mais qu’est-ce…
_ Chut, regarde. »
C’était le moment. Le soleil était presqu’en train de toucher la surface de l’eau. Elle apparut. Vraiment près. Enorme. Elle resta en surface un moment, tourna sur elle-même et ses nageoires remuèrent l’eau calme, créant de grandes vagues qui couraient jusqu’à nous. Nous admirions cette merveille, fascinés. Quel monstre magnifique ! Puis elle émit un jet puissant, glissa en silence, et plongea. Son immense queue sortit de l’eau comme une aile déployée.
« Whaaaah…, souffla Jacob, impressionnant ! Je crois que tu n’es pas qu’une simple mortelle, Bella Swan.
_ Pour info, si Charlie le mentionne un jour, on ne sait jamais, c’est toi qui m’a appelée, ce matin, pour que je vienne la voir…
_ Ah bon ?
_ J’ai trouvé ce que j’ai pu. Je ne pouvais pas lui dire : bon, je viens de rêver que je dois aller chercher Leah, gravement blessée, à 60 km d’ici, et comme tous les Quileutes sont actuellement transformés en loups et la cherchent dans la mauvaise direction il faut que je parte immédiatement. Il aurait eu du mal à digérer son petit déjeuner. Il a mieux accepté la version « gentils amoureux de la nature ».
_ Pfff… mais nous sommes de gentils amoureux de la nature, Bella. »
Nous rîmes tous les deux de bon cœur, en faisant quelques pas le long de la plage, jusqu’à ce qu’une inquiétude revienne planter ses serres acérées au bas de mon estomac. A nouveau, je regardai Jacob. Mon rêve était absurde. Il l’était forcément.
« Tu… envisages quoi… pour ton avenir, Jake ?
_ Hein ?
_ Tu veux aller à l’Université ?
_ Oh ! Euh… je ne pense pas. Je me débrouille pas mal, malgré tous les… évènements, mais je… je crois que j’aimerais bien faire de la mécanique ou… -ne te moque pas- rentrer dans la police.
_ Ah bon ?
_ Ouais. J’y pense de plus en plus depuis quelques temps.
_ Pfff, les bandits n’auront aucune chance !
_ Te moque pas !
_ Mais c’est vrai ! Je trouve que c’est une très bonne idée.
_ Bon. Pourquoi tu me demandes ça ?
_ Juste… parce que je ne l’ai jamais fait.
_ Et toi ? Tu… vas partir fin septembre ?
_ Je… suppose que oui. »
Que cette conversation était étrange ! Nous étions tout sauf des êtres humains normaux, comment parler de pareils sujets ? Mon estomac se serrait, malgré tous les efforts que je faisais pour me détendre. Je pris la main de Jacob.
« Jake, promets-moi… promets-moi que tu vas faire attention à toi.
_ Mais, Bella, qu’est-ce que tu as ?
_ J’ai peur pour toi, Jake, je sens… il y a tellement de dangers… »
Je ne voulais pas le perdre. C’était insupportable, impossible. Mais depuis qu’Edward l’avait exprimée la veille, cette idée ne m’avait pas quittée, renforcée par les images trop réalistes de la nuit. Comme un peu plus tôt dans la journée, je sentis une faille s’ouvrir au fond de moi. Mon cœur eut une accélération soudaine, répandant dans tout mon corps un sentiment de tendresse infini. Mes yeux me piquèrent, je sentis le bas de mon visage et ma gorge fondre.
« Non mais… tu vas vraiment pleurer, Bella ? »
Jacob me regardait, les yeux écarquillés, incrédule.
« Tu sais, la vie…, reprit-il comme pour me rassurer, on ne peut jamais envisager ce qu’elle réserve vraiment… tu vois, ma mère…, il s’arrêta quelques secondes,… mais aujourd’hui je suis heureux, je sais que tu m’aimes et que tu l’acceptes, ça me suffit. Aujourd’hui me suffit. »
Il posa sa main sur mon cou. Le soleil entrait dans l’eau, diffusant une lumière rouge qui caressait les vagues, le sable, nos visages. Je m’accrochai à son tee shirt, enroulant mes doigts dans le tissu, comme si je voulais inconsciemment le retenir alors que rien n’allait me l’arracher à cet instant, et enfouis mon visage dans sa poitrine. Je tremblais un peu. Sur mes lèvres, je sentais les battements de son cœur, très forts et rapides. J’y déposai un long baiser, essayant à chaque pulsation de goûter la vie, la réalité de Jacob, et de lui faire ressentir mon amour.
« Viens, viens par là, dit-il doucement après m’avoir serrée contre lui un moment. »
Et il m’entraîna plus loin, entre les rochers qui formaient un abri à la brise marine et aux embruns.



Le ciel blanchissait quand je passai la porte. Si Charlie ne dormait pas, il avait dû entendre le moteur. J’espérai qu’il ne se manifesterait pas. Effectivement, rien ne bougea dans la maison. Peut-être trouvait-il même normal que je découche, il avait lui-même appelé de ses voeux une attitude plus « jeune », après tout. Je pris une douche, chassai le sable qui s’était glissé dans mes cheveux et mes vêtements puis m’allongeai sur mon lit encore défait de la veille. Mes pensées vagabondèrent un moment, mon angoisse s’était tue.
Je fus éveillée en fin de matinée par Edward qui s’était glissé par la fenêtre ouverte de ma chambre, suffisamment rapidement pour n’être aperçu de personne.
Il ne me posa aucune question en me découvrant encore endormie et je me demandai à nouveau si ce silence était la preuve qu’il savait, qu’il savait tout et estimait qu’il n’y avait rien à dire, ou bien s’il avait juste choisi de ne s’occuper que des moments que nous passions ensemble lui et moi, persuadé que l’avenir nous était réservé. Il s’assit près de moi, me sourit.
« Je suis là, souffla-t-il simplement.
_ Je vois, répondis-je, je me demande toujours si tu vas revenir. L’angoisse est toujours là… depuis le jour où tu es parti brusquement. Elle n’a jamais disparu.
_ Je sais ce que j’ai fait, Bella, dit-il avec regret en passant sa main dans mes cheveux pour en démêler les mèches. Ce que j’ai créé ne s’effacera pas, pas avant longtemps en tout cas, et il n’y a pas de retour en arrière possible. Il faut vivre… avec. »
Ses paroles impliquaient beaucoup plus de choses qu’elles n’en avaient l’air.
« Tu sais ce que je veux te demander, n’est-ce pas ?, finis-je par déclarer.
_ Tu veux savoir si j’ai eu accès à tes pensées ?
_ Oui.
_ Eh bien… je ne l’ai pas réalisé clairement, sur le moment, mais… oui, j’ai vu tes pensées, de manière très fugace, cependant.
_ Et tu ne me l’as pas dit !, m’écriai-je aussitôt. »
Edward me considéra avec un air étrange, mais sourit à nouveau, comme pour lui-même cette fois.
« Toi non plus, il y a des choses que tu ne m’as pas dites, Bella. »
Je restai interdite. De quoi parlait-il ? Qu’avait-il pu lire dans mon esprit que j’ignorais moi-même ?
« Que veux-tu dire ?, me décidai-je à demander.
_ Tu ne m’as pas parlé de la demande de Jacob… que tu as acceptée, d’ailleurs. »
C’était donc cela.
« Je n’en ai pas eu l’occasion, me défendis-je, ce n’était jamais le bon moment. Mais j’en avais l’intention. Et puis, il n’est pas dit que… Tu… tu as vu ça dans mon esprit ?
_ Non, dans le sien. »
Il sourit à nouveau. Je ne comprenais pas son attitude.
« Et dans le mien, qu’as-tu vu ?
_ Oh, pas grand chose. Tu es très… hermétique. Tu ne m’as été perméable que quelques secondes… mais les pensées sont… elles ne sont pas soumises au temps comme le reste…
_ Vas-tu me dire enfin…, m’énervai-je car je sentais qu’il s’amusait presque.
_ J’ai vu Jacob et… moi. C’était très étrange. Je n’ai pas vraiment tout saisi. Il y avait beaucoup de choses mêlées. Mais c’était… réconfortant. Il y avait beaucoup d’amour. J’ai entrevu une part de ton rêve, je crois. Nous étions dans un lieu que je ne connais pas… tu as pensé à moi quand tu étais dans les bras de Jacob. »
Ces paroles me confondirent. Je n’avais jamais envisagé à quel point le don d’Edward pouvait lui permettre de pénétrer au plus profond de l’intimité de ceux dont il captait les pensées. C’était vrai. Cette nuit-là, au cœur de mon marasme de sentiments et de sensations, mon esprit débridé avait bondi de souvenirs en projections sans que j’en ai eu pleinement conscience. Il m’avait plutôt semblé divaguer. Ne me restaient que quelques images chimériques.
« C’était sur l’île d’Esmé, je suppose, notre nuit de noces… celle de mon rêve. C’est tout ce que tu as vu ?
_ Oui. Mais cela m’a beaucoup plu, répondit-il en embrassant mon front. J’ai parfaitement compris l’amour que tu éprouves pour moi. Je n’ai plus aucun doute à ce sujet depuis, c’est merveilleux. J’ai aussi vraiment découvert ce que tu ressens pour Jacob. Je ne dirai jamais plus rien le concernant, parce que, comme je te l’ai dit, je respecte cela, même si une part de moi ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine jalousie. Etre dans ton esprit a été une véritable… révélation. Cela m’a aussi permis de comprendre que je devais accepter certaines choses. Et j’en suis capable, parce que je t’aime.
_ Oh, Edward… et moi j’ai entendu ta voix à cet instant… j’ai entendu ta pensée qui employait les mêmes mots que celle de Jacob… »
Comment pouvions-nous être liés, tous les trois, à ce point ?
Je me serrai contre lui. Comme cette sensation d’être parfaitement transparente et comprise, aimée et pardonnée, était réconfortante ! J’aurais tant souhaité qu’Edward puisse lire mes pensées en permanence, qu’il ait accès à ma vérité à chaque seconde, alors nous n’aurions réellement fait qu’un… Tout aurait été si simple !
« Il faut que j’arrive à contrôler cela, dis-je au bout d’un moment, il faut que je te devienne perméable, que je baisse ma garde.
_ Carlisle te l’a dit : cela se travaille, tu y arriveras.
_ Quand je serai un vampire.
_ Cela te sera sans doute plus facile de comprendre ton don, alors. Il t’apparaîtra plus clairement. »
Je ne voulais pas douter que je serais vampire un jour… Pourquoi mon rêve m’avait-il laissé entendre que je pourrais refuser de le devenir ?
« Edward, il y avait autre chose, dans mon dernier rêve, dont je n’ai pas parlé à Carlisle… »
Alors je lui racontai tout ce que j’avais vu et ressenti. A présent, je voulais qu’il sache tout, même ce qui me faisait honte ou qui me faisait peur, ce que je craignais le concernant ou me concernant. Je conclus en lui disant que je doutais de la véracité de ces éléments mais que je n’en percevais pas le sens pour autant.
Il m’avait écouté, l’air grave. J’espérai ne pas avoir à regretter mon absolue franchise.
« Si tu choisis de rester humaine un jour, Bella, je comprendrai, conclut-il simplement.
_ C’est tout à fait impossible. Je le sais. Nous sommes faits pour être l’un avec l’autre ! Mes rêves n’indiquent ce qui va se produire que si je choisis de les suivre, je changerai cela.
_ Ton rêve te dit peut-être juste que tu devrais bien réfléchir.
_ Je ne fais que ça, réfléchir… c’est tout réfléchi. »





Chapitre 15 : Et ils vécurent heureux.../ And they lived happily ever after...

Durant les semaines qui suivirent, Edward et moi ne mentionnâmes plus le sujet. Il me tourmentait suffisamment sans que j’aie en plus à constater en permanence l’inquiétude qu’il pouvait lui procurer. Pourtant, je remarquais qu’il paraissait particulièrement anxieux parfois, alors qu’il s’absorbait dans ses pensées. Je passais beaucoup de temps avec Jacob aussi. Mes angoisses à son sujet refermaient régulièrement leurs longs doigts puissants et étouffants comme des lianes sombres autour de mon cœur. Dans ces moments-là, je suffoquais presque et ne parvenais à trouver de répit que lorsque j’arrivais à voir Jacob heureux. A mes yeux, son bonheur avait pris plus d’importance que moi-même.
Leah avait repris conscience au bout de trois jours. Ses blessures avaient presque totalement guéri peu après. Cependant, son bras gardait des traces des coups qu’il avait subis : elle ne parvenait plus à le tendre ou à le plier tout à fait et les cicatrices qui le couvraient tardaient à s’effacer. Par contre, elle semblait profondément choquée et avait déclaré ne se rappeler absolument rien de ce qui lui était arrivé. Nous avions dépassé la mi-août et ses souvenirs ne lui revenaient toujours pas. Elle refusait aussi catégoriquement de se changer en loup. Son ami Johnny –dont plus personne ne pouvait douter qu’il deviendrait bientôt son compagnon- venait régulièrement la voir et ils passaient de plus en plus de temps ensemble. Ils étaient même partis trois jours sur l’île San Juan, la semaine précédente, afin que Leah puisse à son tour admirer le ballet estival des orques et des baleines. Johnny était vraiment adorable avec elle. La magie opérait.
« Elle est quand même traumatisée, avait déclaré Jacob un jour que nous nous promenions à l’ombre de grands arbres qui bordaient une étendue de hautes herbes jaunies, ça peut se comprendre. N’empêche, il faudra bien qu’elle transmute à nouveau un jour ou l’autre.
_ Rien ne l’y oblige, avais-je répondu, est-ce qu’elle pourrait… cesser d’être un loup si elle ne souhaitait plus se transformer ?
_ Aucune idée. C’est déjà assez rare qu’une fille le fasse, alors… On ne sait pas très bien comment les choses peuvent évoluer. N’empêche… il faudrait que la mémoire lui revienne aussi. »
Jacob semblait assez soucieux. Il paraissait hésiter à me dire quelque chose. Soudain, il se décida :
« J’ai essayé, tu sais… ce que tu m’avais dit à propos des transformateurs… J’en ai parlé à Sam mais ça ne l’intéresse pas vraiment. Il est assez… traditionaliste.
_ Ah ? Et alors ?
_ Ben… je suis arrivé à quelque chose, mais ça n’a pas grand intérêt, regarde. »
Il se déshabilla rapidement et se métamorphosa. L’animal que Jacob devint n’était pas le grand loup rouge sombre que je connaissais. Sa gueule était beaucoup plus fine et son poil réellement roux. Ses yeux s’étiraient davantage… Un renard… Un renard géant ! L’animal bondit dans les hautes herbes. Je courus après.
« Jake, Jake ! C’est formidable !... Où es-tu ? »
Soudain, je fus plaquée au sol et m’écrasai dans l’herbe sèche. Jacob reprit sa forme humaine. Il me chatouilla.
« J’aime bien être renard, gloussa-t-il, ça me rend… facétieux. Mais c’est parfaitement inutile.
_ As-tu essayé autre chose ? Un oiseau ?
_ Ouais, bien sûr, mais je n’y arrive pas.
_ Pas encore… je suppose qu’avec un peu d’entraînement… »
Allongé dans l’herbe, il me regardait avec une sorte de curiosité. Puis il se pencha vers moi et posa sa tête contre mon épaule.
« Est-ce que… est-ce qu’Edward t’a dit s’il… avait recommencé à lire dans mes pensées ?
_ Non, il n’en parle pas.
_ Bon, tant mieux. »
Je me doutais que cette idée devait le préoccuper davantage qu’il ne le montrait. Moi aussi, il m’était arrivé de me demander si Edward avait pu en ressentir encore le besoin ou l’envie. Il m’avait parlé de sa jalousie, de ses sensations fascinantes aussi… Ces derniers temps, je ne n’avais jamais eu l’impression qu’il se préoccupait de savoir ce que je faisais quand je n’étais pas avec lui et je l’imaginais mal nous espionnant. Du reste, il savait parfaitement et comprenait, sans avoir besoin de précisions, ce que je ressentais pour Jacob. Il me l’avait dit lui-même.
Ce soir-là, pourtant, comme j’arrivais chez les Cullen, la question de Jacob tournait dans ma tête.
Je découvris un Edward passablement sombre et irrité. Le temps avait encore été magnifiquement ensoleillé et il n’était pas sorti de la journée.
« Alice a appelé, déclara-t-il à mon entrée.
_ Oh !, m’exclamai-je le cœur serré, elle a eu une vision ? »
Je m’attendais toujours à ce qu’on m’annonce un jour que la décision de me mettre à mort avait finalement été prise. Ou pire : qu’une vision d’Alice confirme ce que mes propres rêves m’avaient montré.
« Non, justement. C’est ça qui la tracasse. Elle ne voit plus rien du tout depuis un bon moment. Elle se sent… aveuglée.
_ Comment est-ce possible ?
_ Personne n’en sait rien. Ils sont en Nouvelle-Zélande pour le moment mais ils ont l’intention de revenir bientôt, d’ici la fin du mois en tout cas. »
Comment Alice pouvait-elle ne plus rien voir ? Je n’osais pas demander à Edward ce qu’il en pensait réellement, son énervement m’en disait assez. Croyait-il que notre avenir était en train de changer pour de bon ?
« Au moins, elle n’a plus l’air de t’en vouloir… », dis-je en tentant de trouver un point positif à leur dernière communication téléphonique. Mal m’en avait pris. Edward me dévisagea, le regard noir, et je reconnus sur son visage l’expression tourmentée qui avait été la sienne, un mois et demi plus tôt, alors qu’il luttait en permanence contre sa nature pour me garder en vie.
« Non, effectivement, répondit-il les dents serrées, maintenant, c’est moi qui m’en veux. J’aurais peut-être dû suivre ses conseils…
_ Oh, Edward, ne dis pas ça ! Ce n’est pas parce qu’Alice n’a plus de vision que notre avenir change pour autant. Je suis toujours aussi déterminée.
_ En es-tu absolument convaincue ? Tu… tu passes beaucoup de temps avec Jacob. Tu es tellement différente depuis… tu as vraiment l’air heureuse d’être avec lui. »
Nous y étions.
« Que veux-tu dire ? Est-ce que tu… Jacob se demande si tu continues à lire ses pensées, expliquai-je mais il n’y avait aucune intonation de reproche dans ma voix.
_ Et toi, Bella, cela t’inquiète-t-il ?, me demanda Edward d’une voix sourde, les sourcils froncés, as-tu une préférence ? Veux-tu que je m’explique réellement à ce sujet ou désires-tu juste m’entendre te jurer que non, je ne m’immisce jamais entre vous pour tenter de savoir à quoi m’attendre à l’avenir, alors que j’en ai le pouvoir ? »
Je n’aurais pas dû. Je n’aurais pas dû demander. Je ne voulais pas savoir. Je ne voulais pas non plus qu’il doute, cela me poussait à douter de moi.
« Excuse-moi, Edward, dis-je simplement. Tu n’as aucune raison de t’alarmer mais je ne sais pas ce que je pourrais faire pour t’en convaincre.
_ En es-tu bien sûre ? », fut la seule réponse que me fit Edward. Il me regardait avec insistance, comme s’il essayait de me faire comprendre quelque chose que je ne parvenais pas à saisir.
Je ne voulais pas me disputer avec lui, cela me rendait malade, alors je rentrai chez Charlie.

Je ne dormis pas, cette nuit-là, des pensées et des images tournaient et retournaient dans ma tête jusqu’à m’en donner le vertige. Oh, comment ne pas souhaiter parvenir à cette paix de l’esprit dont m’avait parlé Carlisle ! Au matin, je me sentis tout à fait abattue. Mon malaise se concrétisa après le petit déjeuner : une nausée me vint et je terminai rapidement à genoux devant la cuvette des toilettes, dans la salle de bains. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été malade. Peut-être devrais-je me reposer davantage, au moins quelques jours. Je m’allongeai sur le carrelage. Sa fraîcheur me ranima et je me sentis rapidement mieux. Ce n’était sans doute rien, après tout.
J’allais tout de même prendre le temps de me relaxer un peu, si j’y parvenais. Je profitai de l’occasion pour écrire un petit mail à René : dire que j’étais un peu malade, mais que ce n’étais pas grave, que j’avais vu une baleine et que tout le monde allait très bien me paraissait constituer un ensemble de nouvelles parfaitement équilibré. Je m’installai ensuite sur mon lit avec la ferme intention d’entamer la lecture d’un livre que j’avais acheté quelques mois plus tôt et encore jamais commencé. C’était un gros volume sur la couverture duquel on voyait une jeune femme de dos. Elle était couchée sur un drap rouge, nue, un très joli dragon noir tatoué sur son épaule gauche. Mais, avant même d’avoir fini la première page, je m’étais endormie. Je fus réveillée quelques heures plus tard par le signal annonçant que j’avais reçu un nouveau mail. Je me traînai jusqu’au bureau. Décidément, je devais couver quelque chose. C’était la réponse de Renée. Je la lus plusieurs fois, tant ce qu’elle écrivait me semblait étrange.

Bella, ma chérie,

Je suis heureuse d’apprendre que tout le monde va bien et que ta cheville s’est bien remise. J’espère que tu profites de tes vacances. Je me doute que tu dois passer beaucoup de temps avec Edward. Si je ne savais pas que tu es une jeune fille extrêmement responsable et sensée, je m’inquiéterais presque un peu… mais tu es tellement plus mûre que tous ceux de ton âge, tu l’as toujours été ! Je ne doute pas des sentiments et du sérieux d’Edward non plus. Je suis convaincue que vous agissez au mieux. Soigne-toi bien si tu es malade, car il faudra que tu sois bien en forme pour la rentrée. Avoir été acceptée dans un établissement de l’Ivy League est une formidable chance !
Donne-moi de tes nouvelles bientôt,

Ta mère qui t’aime.


Il me fallut un moment pour accepter de comprendre ce que Renée me disait.
Par contre, je fus au magasin en moins de dix minutes. Où était ce fichu rayon ? Je finis par trouver plusieurs boîtes de marques différentes entre les serviettes hygiéniques et les préservatifs. J’avançais la main pour en saisir une quand une voix me fit sursauter.
« Eh, Bella, ça faisait longtemps ! Comment se passent les vacances ? »
C’était Jessica. Ma main s’abattit sur un emballage de tampons périodiques. Cela aurait pu être pire, cela aurait pu être Mike.
« Bien, bien, je ne fais pas grand chose… Et toi ? »
Jessica se mit à raconter. Je n’entendis rien, mais cela me parut affreusement long. Finalement, elle se décida à me quitter en me proposant de passer la voir si je le souhaitais, ce qui était très gentil de sa part, et si Edward me laissait un peu de liberté.
« Jamais un bon moment, hein ?, ajouta-t-elle d’un air entendu.
_ Quoi ? »
Elle me désigna la boîte de tampons du menton. Elle ne parut pas remarquer que ma main tremblait.
« Ah ! Non, évidemment. »
Dès que je fus assurée qu’elle avait quitté les lieux, je me ruai en caisse et remontai dans ma camionnette.
Arrivée dans la salle de bains, je déchiquetai l’emballage en tous petits morceaux et le fourrai dans le sac poubelle. Inutile que Charlie tombe là-dessus et fasse une attaque parce que j’avais paniqué bêtement. J’irais le porter directement dans le container à l’extérieur. Ce ne fut qu’après que je me rendis compte que j’avais besoin de l’emballage pour vérifier le résultat. J’avais l’impression d’agir en somnambule. Je finis par dénicher le bout de carton en question. Trois minutes.
Quand je revins dans ma chambre, le sac ficelé à la main, j’avais l’impression que je marchais dans du sable. Je m’assis au bord de mon lit. Comment avais-je pu, moi, faire ce que j’avais toujours considéré avec mépris et condamné ? Comment avais-je été aussi inconséquente ? Ce n’était tellement pas moi ! J’avais été la pire des écervelées, j’avais été profondément stupide. La vérité était que je n’avais pas réfléchi à cela, pas une seule seconde. Je n’avais pensé à rien, en pensant à tellement d’autres choses… Qu’allais-je faire ? Que devais-je faire ?

J’étais enceinte. Le monde s’écroulait autour de moi.

Petit message

J'ai remarqué que, malheureusement, Deezer perdait parfois certains morceaux, mais je ne peux pas savoir lesquels... Alors n'hésitez pas à me laisser un petit message lorsque, au cours de votre lecture, vous rencontrez un lien mort dans mes players. Je ferai en sorte de le remplacer. Merci !